Entrée en vigueur, abrogation et force obligatoire de la loi

Force obligatoire de la loi : de son entrée en vigueur à son abrogation

La loi a force obligatoire pendant son existence, c’est-à-dire entre le moment sa naissance et celui de sa mort (A). Cette force de la loi n’est pas uniforme, elle est variable car susceptible de degrés (B).

  • La naissance de la loi : c’est l’entrée en vigueur c’est à dire la date à laquelle un texte normatif acquiert sa validité.
  • La vie de la loi : loi en principe, s’impose à tous les cas particuliers qui entrent dans son champs d’application avec une force obligatoire. c’est le principe dde la force obligatoire de la loi qui s’applique.
  • La mort de la loi: c’est l’abrogation, c’est à dire la suppression d’une règle juridique par une autorité politique.

A – Naissance et mort de la loi

-La loi n’est pas applicable du seul fait qu’elle a été votée par le Parlement. Elle ne le devient qu’à partir du moment où elle entre en vigueur, ce qui marque sa naissance (1) et jusqu’à son abrogation, qui constitue son acte de mort (2).

  • 1 – L’entrée en vigueur de la loi

-Après avoir vu les conditions de l’entrée en vigueur (a), nous verrons sa date (b).

a) Conditions de l’entrée en vigueur

-L’entrée en vigueur de la loi suppose que soient remplies deux conditions : la promulgation et la publication. Ce n’est qu’à partir du moment où elles sont remplies que la loi acquiert force obligatoire.

-La promulgation : Pour les lois votées par le Parlement (et pas pour les règlements qui sont exécutoires par nature), il faut, pour qu’elles soient exécutoires, une décision du pouvoir exécutif. Cette décision appartient au Président de la République qui a seul pouvoir, en vertu de l’article 10 de la Constitution, de promulguer les lois. La promulgation des lois est un acte ordonnant l’exécution de la loi. Il donne cet ordre par décret, dit décret de promulgation. En plus de son rôle d’authentification de la loi, le décret de promulgation a pour fonction complémentaire de localisation de la loi dans le temps. C’est en effet la date de ce décret qui devient celle de la loi. Il doit promulguer la loi dans les 15 jours qui suivent la transmission au gouvernement de la loi définitivement adoptée. (S’il refuse la promulgation : soit le Parlement s’incline, soit il maintient sa décision et le

Parlement peut être dissous). Pour les décrets, il n’est pas nécessaire de procéder à cette promulgation. Ils sont exécutoires par nature puisqu’ils émanent du pouvoir exécutif.

-La publication : (lire l’article premier du Code civil) Les lois et les règlements doivent être publiés. La nécessité de cette publication est évidente. Vouée à régir le comportement des citoyens, la règle de droit doit être connue par ceux-ci. A partir de cette publication, « Nul n’est censé ignorer la loi ». C’est cette fin que poursuit directement l’exigence d’une publication des lois et règlements. Cette publication est faite au Journal Officiel de la république française. L’exigence est absolue pour les lois et décrets et pour les traités dûment ratifiés. Elle est tempérée pour les arrêtés par l’admission d’autres voies de publicité jugées équivalentes.

b) Date de l’entrée en vigueur

-A Paris, la loi n’entrera en vigueur, en principe, qu’après un délai d’un jour franc (entier) à compter de sa parution au J.O. En province, l’entrée en vigueur aura lieu un jour franc après la réception du JO à la préfecture.

Un jour franc est un jour entier de 0h à minuit. (Le jour de publication et de réception ne comptent donc pas)

Exemple : Loi votée le 4 octobre et promulguée le 5 octobre. Elle est publiée au J.O. le 6 et le J.O. est reçu dans les Préfectures le 7 au matin.

La loi entre en vigueur à Paris le 8 octobre à 0h (le 7, jour entier et franc) et en Province le 9 octobre à 0h (le 8 est un jour entier franc).

-Mais, dans beaucoup de cas, l’entrée en vigueur est retardée :

-soit par la volonté même du législateur, car il s’agit, par exemple d’un texte complexe qui exige une étude approfondie de la part des principaux intéressés et, en particulier, des praticiens qui auront la charge de l’appliquer (ex. loi en matière bancaire). Le texte de loi précise alors lui-même la date de son entrée en vigueur ;

-soit que l’entrée en vigueur de la loi est subordonnée à la publication d’un décret d’application. Brute la loi n’est pas susceptible d’applications pratiques.

Il est aussi prévu une procédure d’urgence pour accélérer l’entrée en vigueur de la loi. C’est une ordonnance du

18 janvier 1817 qui organise une procédure d’urgence pour la publication des lois et ordonnances dont il est « convenable de hâter l’exécution ». On procède ainsi pour les décrets de mobilisation, en temps de guerre, pour éviter que l’on profite du délai de publication de la loi pour se soustraire aux dispositions impératives ou bien en matière fiscale pour éviter que certains ne profitent du délai de publication pour échapper aux nouvelles dispositions.

  • 2) L’abrogation de la loi

-Sans prétendre à l’éternité, la loi, comme le règlement est normalement faite pour durer. On rencontre cependant parfois des dispositions à caractère temporaire. Relativement fréquentes dans le cadre des lois de finance, -lois annuelles- qui peuvent comporter des dispositions applicables à la seule année considérée. Cette pratique est infiniment plus rare en dehors de ce cas particulier.

-Dans tous les autres cas, où aucun terme n’a été assigné à la loi, celle-ci ne cessera de s’appliquer que lorsqu’elle aura été abrogée, c’est-à-dire lorsque ses dispositions auront été supprimées. Logiquement, cette abrogation ne peut être décidée que par l’autorité qui a été compétente pour la créer. On distingue trois types d’abrogation :

-l’abrogation expresse : lorsque le texte nouveau précise formellement l’abrogation du texte antérieure et, le cas échéant, l’étendue de cette abrogation ;

-l’abrogation tacite ou implicite : lorsque le texte nouveau ne comportant aucune formule d’abrogation apparaît néanmoins inconciliable avec un texte ancien. Il est nécessaire qu’il y ait soit contradiction entre les deux textes soit impossibilité de les appliquer simultanément. (Attention, il peut s’agir d’une disposition spéciale, d’un domaine restreint, dérogeant à une règle générale)

-L’abrogation par désuétude : Le problème de l’abrogation de la loi par désuétude est celui de savoir si une coutume peut jouer un rôle contre la loi, si un usage a plus de force que la loi ? La réponse à cette question est difficile car on peut faire valoir que la loi n’a pas de prééminence sur la coutume, que celle-ci émane directement de la volonté populaire ; mais ont peut aussi faire valoir les dangers de la coutume, son incertitude et l’impossibilité qu’il en résulterait de faire, à tout instant, le bilan des textes de droit positif. La doctrine propose de donner une réponse différente selon que l’usage se heurte à une loi impérative ou une loi simplement supplétive :

-si la loi est impérative, une jurisprudence décide, à juste titre, que l’usage ne peut écarter cette loi. Il n’y a donc pas d’abrogation par désuétude d’une loi impérative : « l’usage ne saurait prévaloir sur une disposition légale présentant un caractère d’ordre public » (Civ. 1re, 19 nov. 1957, GP 1958-1-117)

-si la loi est simplement supplétive, cela signifie que celle-ci est seulement interprétative de volonté.

Aussi, quand un usage constant s’est instauré contre cette loi, quand les clauses expressément adoptées par les parties sont depuis longtemps et constamment contraires à la règle légale, certains auteurs supposent que la loi est alors abrogée par désuétude. Mais la doctrine est divisée sur cette question qui ne connaît pas de réponse jurisprudentielle précise.

B – Force variable de la loi

-La loi acquiert après sa publication force obligatoire : elle s’impose à tous et nul n’est censé ignorer la loi. Cependant l’autorité de la loi n’est pas uniforme : elle est susceptible de degré. Certaines lois sont plus « obligatoires » que d’autres ou du moins, elles ne sont pas obligatoires de la même manière. Il faut, en effet distinguer les lois impératives des lois supplétives de volonté.

-Les lois impératives sont celles qui ordonnent, défendent : l’individu est tenu de s’y soumettre. Il ne peut y échapper, il ne peut les écarter. Ex. il est interdit pour un médecin de recevoir des dons de la part de son patient, toute personne qui perçoit des revenus salariés doit déclarer ses revenus au Trésor public, toute personne qui se marie doit remplir les conditions posées par la loi, etc… Toute loi qui ordonne ou défend est une loi impérative.

Aucune disposition conventionnelle ne peut en écarter l’application. Toute clause contraire serait réputée non écrite : lire l’article 6 du Code civil. Le domaine des lois impératives a tendance à se multiplier : il dépend de la portée de la notion d’ordre public.

-Les lois supplétives, au contraire, ne s’imposent aux individus que s’ils n’en pas écarté l’application, que s’ils ne sont pas placés dans une situation telle que la loi ne les atteignent pas. Les lois supplétives sont sans doute les plus nombreuses en matière contractuelle dans le Code civil mais on en trouve aussi en droit de famille, matière relevant pourtant plus fortement de l’ordre public. Ainsi par ex. : les époux qui se sont mariés sans faire de contrat de mariage se voit appliquer le régime matrimonial de communauté réduite aux acquêts. Il s’agit d’une loi supplétive car ils auraient pu l’écarter en choisissant un autre régime : séparation de biens, communauté universelle, etc… ;

Pour celui qui n’a pas fait de testament, sa succession sera dévolue selon des lois supplétives de volonté. Il peut en écarter l’application et faire un testament par lequel il lègue ses biens aux personnes de son choix. La loi supplétive de volonté est une règle obligatoire, en ce sens seulement qu’elle s’impose aux parties qui ne l’ont préalablement écartée. Elle correspond, le plus souvent, à des usages, à une norme sociale, à l’équité, à ce qu’aurait vraisemblablement fait la personne si on le lui avait demandé. Ces lois sont le plus souvent destinées à suppléer une volonté non exprimée mais supposée des individus. (Succession, contrat de mariage).