L’erreur, vice du consentement (1132 du code civil)

L’erreur en droit du contrat

Elle est désormais envisagée aux articles 1132 et suivants du Code Civil. Même si le Code Civil ne lui donne pas de définition, l’erreur peut être définie comme une fausse représentation de la réalité.

Le cocontractant s’est trompé, c’est fait une idée fausse de tel ou tel élément du contrat et son consentement n’est donc pas éclairé.

Toutes les erreurs ne peuvent cependant pas conduire à l’annulation du contrat car ce serait compromettre la sécurité juridique et la stabilité des contrats.

Le Code Civil ne décide de sanctionner que celles qu’il considère comme les plus graves.
Il y a donc des erreurs opérantes et des erreurs inopérantes.

 

  • &1- Les différents types d’erreurs

A) Les erreurs opérantes

 1)- les erreurs déterminantes du consentement 

Pour conduire à l’annulation du contrat, l’erreur doit présenter deux caractères :

  • Elle doit être tout d’abord déterminante.C’est une condition commune à tous les vices du consentement posé à l’article 1130 du Code Civil. Cela signifie que sans cette erreur, le cocontractant n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions différentes.
  • L’erreur doit être également excusable.

Les erreurs déterminantes sont donc des erreurs sans lesquelles le consentement n’aurait pas était donné ou donné différemment. Le Code Civil  dans son article 1132 envisage 2 types d’erreurs qu’il considère comme déterminante :

  • L’erreur sur les qualités essentielles de la prestation
  • L’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant

Traditionnellement la jurisprudence ajoute une troisième sorte d’erreur que la réforme n’intègre pas dans le Code Civil mais dont on peut penser que la jurisprudence va continuer de la sanctionner. Il s’agit de ce qu’on appelle l’erreur obstacle.

 

                               a)- L’erreur obstacle 

Elle n’est pas prévue par le Code Civil et les commentateurs de la réforme soutiennent qu’un texte n’a pas été nécessaire tant il reste évidant qu’en présence d’une telle erreur il est inconcevable que le contrat soit valablement formé.

L’erreur obstacle et plus qu’un vice du consentement, c’est un obstacle au consentement. Elle peut être définie comme l’erreur d’une telle gravité qu’elle a empêché la rencontre des volontés. Les parties n’ont pas voulu la même chose de sorte qu’il n’y a pas eu réellement d’accord de volonté.

Une telle erreur peut d’abord porter sur la nature du contrat : l’une des parties a cru recevoir une donation alors que l’autre était partie sur une vente ; ou l’autre croyait acheter une maison et l’autre pensait la louer.

L’erreur obstacle peut porter sur l’objet du contrat : c’est une erreur sur la désignation de la chose.

Par exemple, une personne à deux terrains, elle pensait vendre le premier alors qu’elle désignait le second.

 –>  Elle peut être une erreur sur l’existence de la cause. Par exemple une personne fait une donation parce qu’elle croyait qu’elle n’avait plus d’enfant et découvre qu’en fait que son fils est toujours vivant. Elle s’est donc trompée sur la raison pour laquelle elle conclut cette donation.

Ces erreurs sont assez rares puisqu’elles sont extrême et la jurisprudence les a toujours sanctionné en prononçant l’annulation du contrat.

Elles sont tellement graves qu’à la différence des erreurs prévues par le Code Civil, elles n’ont pas besoin d’être excusable pour être une cause de nullité du contrat.

 

                b)- L’erreur sur les qualités essentielles de la prestation 

On parlait avant d’erreur sur la substance ou erreur les qualités substantielles.

 –>  La notion d’erreur sur les qualités essentielles a subi de nombreux changement. C’est une notion emprunté au droit romain et quand en 1804 les rédacteurs du Code Civil l’intègre dans ce dernier, ils retiennent la même définition qu’en droit romain c’est-à-dire « une erreur sur la matière de la chose objet du contrat ».

 

Très vite, cette définition a semblé très restrictive. La Cour de Cassation a donc retenu une interprétation plus extensive de l’erreur sur la substance notamment par un arrêt du 28 janvier 1913 où elle définit cette erreur comme l’erreur sur les qualités substantielles de la chose objet du contrat c’est-à-dire une erreur qui porte sur les qualités de la chose qui ont déterminé le consentement du cocontractant, les qualités essentielles pour lui. C’est pourquoi la réforme adopte une nouvelle appellation pour ce type d’erreur et l’appelle désormais erreur sur les qualités essentielles de la prestation.

 

Il faut que la prestation promise par le contrat ne dispose pas de la qualité que le cocontractant pensait qu’elle avait et qui été déterminante pour lui. Il peut s’agir de n’importe quelle qualité comme la matière de la chose ou l’authenticité de la chose objet de la prestation ( –>  en effet de nombreux contrat portant sur des œuvres d’arts ont été annulé parce que l’un des cocontractant s’est trompé sur l’œuvre d’art objet du contrat. Or, l’authenticité est bien une qualité essentielle.)

 –>  Célèbre affaire POUSSIN qui a donné lieux à 2 arrêts de la Cour de Cassation. La qualité essentielle peut être une erreur sur toute qualité essentielle pour le cocontractant.  –>  On achète un terrain en se trompant sur le caractère constructible de ce terrain par exemple.

 

Peu importe lequel des cocontractants s’est trompé, l’erreur est une cause de nullité relative (art 1133 alinéa 2) qu’elle porte sur la prestation de l’une ou l’autre des parties.

L’erreur peut être une pure erreur de fait (art 1132) ou également une erreur de droit. En effet, l’erreur sur les qualités essentielles peut avoir sa source dans une fausse représentation des faits (on parle alors d’erreur des faits) ; mais elle peut également avoir sa source dans une méconnaissance de la loi (on parle alors d’erreur de droit).

En dépit du principe selon lequel « nul n’est censé ignorer la loi », si la méconnaissance de la loi conduit à se tromper sur les qualités essentielles de la prestation, la nullité du contrat pourra être demandée.

 –>  Ex : Un homme vend son appartement à une personne parce qu’il était persuadé que cette personne disposait d’un droit de préemption. Il découvre par la suite qu’il s’est trompé sur le statut de son cocontractant à qui la loi n’accorde pas de droit de préemption.  –>  Il a obtenu la nullité du contrat de vente pour erreur de droit.

 

Il faut donc que l’erreur porte sur une qualité essentielle de la prestation. Le risque c’est qu’il suffit qu’une partie prétende que telle ou telle qualités qui fait justement défaut à la prestation était pour elle essentielle et obtienne ainsi facilement l’annulation du contrat.  –>  La jurisprudence ne pouvait pas tolérer un tel risque qui mettrait en péril la stabilité des conventions et donc la sécurité juridique. Pour cette raison, la jurisprudence a posé une limite à l’admission de l’erreur sur les qualités essentielles de la prestation.

 

En effet, pour invoquer une telle erreur, il faut que le cocontractant est eu connaissance du caractère essentiel pour l’auteur de l’erreur de la qualité qui fait défaut à la chose.

Il faut donc que les qualités essentielles de la chose aient été convenu entre les parties, ce que rappelle aujourd’hui l’article 1133 qui consacre cette jurisprudence qui dispose que les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération des quelles les parties ont contracté.

 

 –>  Comment prouver que mon cocontractant a bien été averti du caractère essentiel pour moi de telle ou telle qualité ?

 – Soit le contrat prévoit expressément qu’une telle qualité soit essentielle ou contient des éléments qui permettent de le déduire. Dans ces cas-là, l’annulation pourra être facilement obtenue.

 – A l’inverse, ce sera à la victime de l’erreur de montrer que son cocontractant connaissait l’importance qu’elle accordait à cette qualité précise.

Pour faciliter la tâche de la victime, la jurisprudence distingue 2 situations :

  • Si l’erreur porte sur une qualité objectivement essentielle = essentielle pour tout un chacun, pour tout le monde, alors elle est présumé avoir été convenu entre les parties.
  • SI en revanche il s’agit d’une qualité essentielle qu’aux yeux de l’auteur de l’erreur et donc subjectivement essentielle, ce dernier devra prouver qu’il avait informé son cocontractant du caractère pour lui essentiel de cette qualité.

 

Le Code Civil réformé ne fait pas allusion à cette jurisprudence mais il n’y a a priori aucune raison pour que ces règles relatives à la qualité essentielle ne soit plus appliqué par les juges.

 

L’article 1133 alinéa 3 prévoit une exception, un cas où l’erreur sur une qualité essentielle de la prestation ne peut pas entraîner la nullité du contrat :

 

« L’acceptation d’un aléa sur une qualité de la prestation exclu l’erreur relative à cette qualité » 

Il s’agit encore une fois de la consécration d’une solution jurisprudentielle qui a notamment été appliqué dans la célèbre affaire du VERROU DE FRAGONARD : dans cette affaire, le tableau a été vendu avec, dès le départ, connu des deux parties, un aléa sur l’auteur véritable du tableau. Or, par la suite, est apparue la possibilité d’identifier à 100% l’auteur du tableau et la preuve a rapporté que c’était vraiment un FRAGONARD.

 –>  Le vendeur a voulu obtenir l’annulation du contrat en invoquant une erreur sur la qualité essentielle de la chose. La Cour de Cassation a refusé de prononcer l’annulation au motif que les parties avaient accepté un aléa sur l’authenticité et qu’elle ne pouvait plus désormais invoquer une erreur.

 

Cette règle ancienne, exprimée par un adage « l’aléa chasse l’erreur ».  –>  Les parties ont accepté un risque en contractant : si le risque se réalise elles ne peuvent plus demander la nullité du contrat.

 

                               c)- L’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant 

On l’appelait avant la réforme l’erreur sur la personne. Comme l’erreur sur les qualités essentielles de la prestation, cette erreur ne peut être une cause de nullité qui si ces qualités étaient déterminantes.

Or, les qualités du cocontractant ne sont déterminantes que dans un type particulier de contrat : les contrats conclu intuitu personae.

C’est d’ailleurs ce qu’affirme l’article 1134 qui dispose que ce type d’erreur est une cause de nullité que pour les contrats conclus en considération de la personne.

 –>  Ce type d’erreur a donc une portée beaucoup moins importante d’où la nécessité de savoir si on est en présence d’un contrat conclu intuitu personae ce qui veut dire :

  • Tous les contrats à titre gratuit
  • Il existe des contrats à titre onéreux qui sont par nature des contrats conclus intuitu personae comme le contrat de bail ou le contrat de travail.

 

 –>  Mais tous contrats peut devenir un contrat intuitu personae si on démontre qu’il a été conclu en considération de la personnalité du cocontractant.

Ex : La vente n’est apparemment pas un contrat conclu intuitu personae mais un homme avait vendu une maison à son épouse pour être certains que cette maison resterait dans la famille. Par la suite, son mariage est annulé. Il a pu obtenir l’annulation de la vente en invoquant une erreur sur la personne de son cocontractant avec l’argument suivant : « je croyais vendre à ma femme alors qu’en réalité ce n’était pas ma femme ». 

                – En quoi peut consister une erreur sur les qualités essentielles du cocontractant ?

Ce doit être une erreur sur un élément de la personnalité du cocontractant, élément qui a été déterminant pour celui qui invoque l’erreur.

 –>  Il peut donc tout d’abord s’agir d’une erreur sur l’identité physique de la personne. On peut par exemple s’être trompé sur l’identité de la personne en cas d’homonymie.

 –>  Ce peut être également une erreur sur l’identité civile du cocontractant. Sa nationalité, son sexe, son âge, sa situation matrimoniale,…

 –>  Ce peut être une erreur sur certaines qualités essentielles, personnelles, du cocontractant. Son honorabilité, son expérience professionnelle,…

 

                               2- L’erreur doit être excusable 

Pour l’erreur obstacle, la jurisprudence ne semble pas poser cette exigence, elle semble donc toujours sanctionner sans qu’on se demande si elles sont ou non excusable.

En revanche, pour l’erreur sur les qualités essentielles de la prestation ou l’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant, l’article 1132 reprends une ancienne exigence jurisprudentielle en disposant que, pour être cause de nullité, ces erreurs ne doivent pas être inexcusables.

Il ne suffit pas que l’erreur soit déterminante pour qu’elle soit sanctionnée, il faut qu’elle soit excusable.

Une erreur inexcusable selon la jurisprudence est une erreur qui est dû à une faute de négligence de celui qui l’a commise. La jurisprudence a trouvé injuste d’annuler le contrat et de priver son cocontractant des avantages qu’il espérait retirer du contrat lorsque l’erreur n’est due qu’à cause de la négligence de son cocontractant.

On considère qu’il y a faute de négligence quand le cocontractant n’a pas pris avant de contracter toutes les précautions élémentaires.

L’erreur excusable s’apprécie in concreto c’est-à-dire en tenant compte des circonstances, de l’âge, de la profession de celui qui a commis l’erreur.

Les tribunaux seront plus sévères pour un professionnel qui contracte dans le domaine de son activité habituelle, ils l’excuseront moins facilement.

 

B) Les erreurs inopérantes

Erreur sur la valeur (1136) et les motifs (1135 code civil)

  • &2 : La sanction de l’erreur

L’article 1131 du Code Civil prévoit qu’en cas de vice du consentement quel qu’il soit, la sanction est la nullité relative du contrat. A la différence du dol, l’erreur ne peut pas demander en plus des dommages et intérêts car, puisque c’est une erreur spontanée, le cocontractant n’y est en général pour rien. Toutefois l’errans peut s’être trompée en raison d’une faute de négligence de son cocontractant (faute de négligence = on ne voulait pas le résultat = faute non intentionnelle). Si la nullité du contrat ne suffit pas à réparer le préjudice de l’errans, alors il  pourra exceptionnellement, en plus de la nullité, demander des dommages et intérêts au cocontractant sur le fondement de la responsabilité délictuelle (parce que la faute a eu lieu avant la formation du contrat)

Ex : J’achète un tracteur pour mes champs à une entreprise spécialisée et il s’avère que ce tracteur ne peut pas être utilisé sur un terrain sablonneux  –>  Erreur sur les qualités essentielles. Et si en utilisant ce tracteur j’ai détruit toutes mes plantations, l’annulation ne suffira pas à réparer tous mes préjudices. SI je prouve une faute de négligence du cocontractant (en tant que spécialiste, il aurait dû me dire que le matériel n’est pas adapté) je pourrais lui demander des dommages et intérêts pour la perte de mes cultures.

Le délai d’action en nullité (art 1144) ne coule qu’à compter du jour où l’erreur est découverte (délai de 5 ans)

 

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