L’escroquerie (art. 313-1 et s. du Code pénal)
L’escroquerie fait partie de la catégorie de l’appropriation frauduleuse par tromperie dans le code pénal. C’est la deuxième catégorie d’appropriation frauduleuses punit par le Code pénal organisée autour du délit d’escroquerie.
Leur caractéristique est d’être dépourvue de toutes violences et de donner lieu à la remise volontaire d’un bien par autrui sous l’effet d’une tromperie.
Ce qui rend la transmission du bien punissable, c’est parce qu’elle intervient sur le fondement d’un consentement gravement trompé.
- Droit pénal spécial
- La prise illégale d’intérêts
- La concussion (article 432-10 du code pénal)
- L’usage de faux (articles 441-1 à 441-4 Code pénal)
- La sanction du faux et de l’usage de faux
- Faux et usage de faux : définition, condition, sanction…
- Atteintes au système de traitement automatisé de données
L’escroquerie est un délit qui remonte au Code pénal de 1810 qui est le premier texte à l’avoir distingué du vol. La définition du code de 1810 a été presque identiquement conservée depuis et aujourd’hui, le délit d’escroquerie est défini à l’article 313 du Code pénal.
&1 : La constitution du délit d’escroquerie :
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A) La constitution matérielle du délit d’escroquerie
Selon l’article 313-1 du Code pénal, « l’escroquerie soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manœuvre frauduleuse, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi à son préjudice ou au préjudice d’un tiers de remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge ».
L’incrimination est exemplaire car on y a défini tous ce qui doit être les éléments constitutifs d’une infraction.
On a un acte identifié qui est incriminé, cet acte, c’est le moyen, il y en a quatre qui sont alternatifs.
On a le résultat précisément identifié c’est la remise ou le consentement à un acte.
On a un troisième élément, c’est le préjudice.
Il faudra constater les trois éléments matériels, le critère étant cumulatif :
a) Les moyens frauduleux :
Ce sont les agissements matériels que l’escroc doit avoir commis pour être considéré comme tels. Ils ont néanmoins des caractères communs :
- 1) Les caractères communs :
Malgré leur diversité, il faut une unité de nature, il s’agit de mensonges. Les quatre caractères sont des mensonges, c’est la caractéristique de l’escroquerie.
Un caractère de forme, ces quatre actes sont des actions, il n’y a pas de mensonges par abstention, on ne commet pas une escroquerie en ne faisant rien. C’est la distinction entre le dol civil et l’escroquerie ou dol pénal : il y a des liens étroits qui sont le mensonge, mais à la différence du dol civil, l’escroquerie ne peut jamais prendre une forme négative et notamment la réticence dolosive qui est rejetée du domaine de l’escroquerie. Le fait de ne pas détromper autrui n’est pas un moyen frauduleux de l’escroquerie.
Le deuxième élément de distinction, est que l’escroquerie ne se réduit pas à de simple mensonges, mais nécessairement avoir une caractéristique matériel supplémentaire, le mensonge est insuffisant à réaliser des manœuvres frauduleuses. Dans l’escroquerie, les caractéristiques sont plus élevées, si toute escroquerie est un dol civil, toute escroquerie ne constitue pas un dol civil. Dans le domaine pénal, les exigences sont plus élevées.
- 2) Les variétés de moyens frauduleux :
L’usage d’un faux nom :
Il doit porter sur un nom réel ou imaginaire, l’usage est caractérisé dès lors que l’individu s’attribue le nom qui n’est pas le sien. La jurisprudence a été plus loi dans une hypothèse d’homonymie, dès lors que l’auteur avait délibérément usé de cette homonymie.
Dans la pratique des escrocs, il est rare qu’il se contente d’user d’un faux nom, ils accompagnent d’autres faits comme l’usage d’une fausse qualité ou de manœuvres frauduleuses. Il augmente ses probabilités de réussite.
L’usage d’une fausse qualité :
C’est le deuxième acte susceptible de caractériser l’escroquerie. C’est s’attribuer une qualité qu’il n’a pas.
Elle pose une difficulté relative à la détermination des qualités dont l’usage est répréhensible et de celle dont l’usage ne l’est pas. Selon la Chambre criminelle, le fait de s’affirmer faussement propriétaire d’un bien ou créancier sur autrui ne caractérise pas un usage de fausses qualités au sens de l’escroquerie. Il s’ensuit que l’individu qui remet un bien ou paye une somme d’argent parce qu’il était prétendu créancier, il n’y a pas escroquerie.
Dans ces deux hypothèse, la Chambre criminelle estime que le mensonge ne porte pas sur une qualité, mais sur l’exercice d’un droit. Selon la chambre criminelle, il n’y a pas de qualité de propriétaire ou de créancier, cela se réduit à la prétention d’un droit.
La prétention n’est pas suffisante à emporter la condition de la victime. Le droit pénal n’est pas là pour protéger les imbéciles.
Dès lors que la prétention en se réduit pas à celle d’un droit,, mais porte sur un état qui ne se réduit pas à un droit, il y a usage de fausse qualité : chômeur, commerçant, mandataire…
On est dans deux hypothèses où le simple mensonge est puni, mais il est impératif qu’il y ait eu un usage.
La Chambre criminelle a considéré que l’individu qui avait droit à une prestation sociale au moment où il la recevait mais qui perdait ultérieurement ce droit du fait du changement de son état et qui n’informait pas l’organisme prestataire, ne commettait pas une escroquerie par usage d’une fausse qualité, non pas à défaut de fausse qualité, mais à défaut d’usage, le délit requiert une action.
Abus de qualité vraie :
Ajout du code pénal de 1992 : mais cette addition est la consécration de la jurisprudence. Le juge pénal condamnait les personnes qui avaient abusé de la confiance attachée à leur fonction ou profession pour obtenir une remise. Constatant que cet abus donnait lieu à une tromperie, qui était destinée à l’obtention d’une remise, le juge pénal avait intégré ces faits à l’escroquerie mais en les qualifiant de manœuvres frauduleuses. Intérêt : réprimer ces faits sur le fondement d’une qualification plus exacte que les manœuvres frauduleuses. Exemples tirés de la jurisprudence :
Un huissier qui profite de sa qualité pour réclamer des honoraires excessifs Un notaire qui fait accorder un prêt à un de ses débiteurs par un de ses clients
Un médecin qui présente à une compagnie d’assurance des notes correspondant à des soins qu’il n’a pas donné
Administrateur de société qui profite de sa situation pour faire conclure un contrat désavantageux à sa société au profit d’une entreprise dans laquelle il a des intérêts.
Moyens innommés :
Manœuvres frauduleuses :
C’est le juge qui les définit, en quelque sorte négativement. Les deux caractères généraux dégagés par la jurisprudence qui permettent de préciser les notions de manœuvres frauduleuses sont négatifs :
Exclusion des abstentions : exclusion du simple mensonge. L’individu qui prêtant subtiliser une objet pour en obtenir le remboursement ne commet pas de manœuvre frauduleuse. L’individu qui promet le mariage contre un don ne commet pas de manœuvres frauduleuses.
Le mensonge s’accompagne d’un acte qui le corrobore. La chambre criminelle de la cour de cassation est très peu exigeante au regard de cet acte. Un seul acte distinct du mensonge suffit en général à caractériser des manœuvres frauduleuses, et n’importe quel acte suffit dès lors qu’il ne se réduit pas à une répétition du mensonge. Actes incriminés : production d’un écrit, à la condition qu’il n’émane pas de l’auteur (fausse facture ne caractérise pas de manœuvres frauduleuses, mais la fausse facture devient punissable à ce titre si elle est censé émaner d’un tiers). Faux bilan, fausse reconnaissance de dette = manœuvre frauduleuses. Envoi à une compagnie d’assurance d’un récépissé de dépôt de plainte pour vol suffit pour caractériser les manœuvres frauduleuses.
Intervention d’un tiers, qu’il soit de bonne ou de mauvaise foi : exemple : le comptable qui atteste l’exactitude d’u faux bilan, l’huissier qui réclame le paiement d’une dette inexistante. Escroquerie aux faux héritages : le juge retient des tiers imaginaires. L’escroc invente un de cujus imaginaire dont la victime serait l’héritière mais qu’il convient de retrouver moyennant le paiement des recherches.
Mise en scène de l’escroc : location de bureau, de caméra pour faire croire à tourner un film… escroquerie à la superstition : l’escroc s’attribue des pouvoirs surnaturels et obtient la remise de somme d’argent pour la mise en œuvre de pouvoirs surnaturels. Escroquerie à l’assurance : consiste à simuler un sinistre pour obtenir le versement de la prime d’assurance. Escroquerie à la TVA : consiste à dégager des crédits de TVA imaginaires, principalement par la rédaction de fausses factures.
b) Le résultat
Résultat psychologique :
C’est une tromperie : il est impératif que la victime ait été trompée par le mensonge de l’auteur. Il n’y a d’escroquerie que si cette victime a été induite en erreur par l’escroc. La conséquence est que si la remise intervient alors que la victime n’a nullement été trompée par les manœuvres de l’autre, il n’y a pas d’escroquerie.
Exemple : le fait notamment que la remise antérieure aux manœuvres frauduleuses ne peut pas être prise en compte puisque par hypothèse cette remise n’est pas due à une tromperie.
La remise :
C’est le résultat matériel de l’escroquerie. N’existe que si cette remise n’a eu lieu.
la doctrine analyse généralement la remise comme un second élément matériel au sens d’actes incriminés. Les auteurs définissent généralement la remise comme un second acte de l’escroc, et c’est pour cette raison qu’ils présentent l’escroquerie comme une infraction complexe, au sens du droit pénal général.
L’infraction complexe requière l’accomplissement de 2 actes différents, deux moteurs. S’oppose à l’infraction simple (un seul élément moteur : exercice illégal de la médecine) et d’habitude (deux éléments matériels identiques).
La remise est l’acte de la victime, résultat de l’escroquerie, conséquence des moyens frauduleux. On doit constater un lien de cause à effet entre les deux.
Arrêt dans la fiche : escroquerie à l’assurance. Un individu avait menti sue l’ampleur du sinistre qu’il avait subi au moyen d’un faux (garagiste). Il avait envoyé à la compagnie une facture pour l’installation du parebrises neuf alors qu’il avait obtenu un parebrises d’occasion, et il avait fait changer les pneus avec la différence. Il n’a pas été condamné, mais relaxé. Mais la raison qui explique la relaxe tenait au contrat d’assurance qui prévoyait une indemnité forfaitaire. La somme due était de toute façon celle correspondant à un parebrises neuf.
L’escroquerie est généralement présentée comme le modèle de l’infraction complexe : à ce titre, la remise, indifféremment décrite comme un acte de réception ou d’acceptation de la chose par l’auteur. Cette analyse n’est pas celle de la jurisprudence, qui ne se préoccupe pas de savoir si l’auteur a reçu ou accepté la chose. Il lui suffit de constater que la remise a eu lieu. La remise est constituée même si elle intervient entre les mains d’une tiers. La seule exigence du juge pénal réside dans le lien de causalité qui doit exister entre les moyens frauduleux et la remise. Il n’y a pas d’escroquerie si la remise est antérieure au mensonge, il n’y a pas escroquerie si la remise avait eu lieu malgré le mensonge : dans ce cas, la remise n’est pas due à un acte de l’auteur. D’ailleurs, la chambre criminelle de la cour de cassation a jugé a plusieurs reprise que l’escroquerie est consommée dès lors que la remise résulte des moyens employés par l’escroc.
Objet de la remise :
L’incrimination identifie précisément l’objet de la remise. La liste qui est donnée est suffisamment large pour s’appliquer à n’importe quel bien sans qu’il soit nécessaire qu’il ait une valeur patrimoniale.
Elle peut porter sur les actes opérant obligation ou décharge.
Tous les écrits sont visés, y compris les décisions judiciaires, au profit de l’escroc et au détriment de la victime : escroquerie au jugement est reconnue, elle consiste à tromper le juge par la production de faux documents et de faux témoignages.
L’escroquerie s’applique aussi aux services, et aux biens incorporels.
Exemple : un adolescent prend la place d’un élève défaillant lors d’un stage de ski pour en profiter en son lieu et place. On peut envisager l’escroquerie au diplôme.
Seule la remise d’immeubles demeure en dehors de l’incrimination, mais néanmoins il y a 2 limites :
La remise peut porter sur le titre de propriété, mais aussi sur la part du prix de l’immeuble dans le cadre d’une vente, si ce prix a été frauduleusement surévalué par le vendeur ou frauduleusement sous évalué par l’acheteur.
c) Le préjudice :
L’exigence du préjudice
Selon l’article 313-1, l’escroquerie est le fait de déterminer une personne à une remise à son préjudice ou au préjudice d’un tiers.
La doctrine en a déduit que l’escroquerie comprend donc un 3ème élément matériel en plus des moyens frauduleux et de la remise. L’escroquerie serait une infraction complexe matérielle.
La chambre criminelle de la Cour de cassation partage cette analyse en jugeant régulièrement que le préjudice est nécessaire à l’existence de l’infraction.
Toutefois, il faut relativiser cette affirmation en raison de la consistance donnée par la chambre criminelle de la Cour de cassation à ce préjudice.
La consistance du préjudice :
La chambre criminelle affirme la nécessité du préjudice mais elle ne donne pas de consistance matérielle à ce préjudice. Elle considère que le préjudice est constitué par le fait que la remise n’a pas été librement consentie mais obtenue par des moyens frauduleux.
Ex: arrêt du 19 décembre 1979 de la Chambre criminelle de la Cour de cassation :
« le délit existe indépendamment de tout préjudice éprouvé par les victimes dès lors que la remise a été extorquée par des moyens frauduleux. »
Donc la chambre criminelle de la Cour de cassation réduit le préjudice à la tromperie. I n’a aucune existence autonome. Il n’a donc aucune utilité puisque par définition il est toujours présent dès lors que la tromperie est constatée. Il n’y a donc pas en réalité de troisième élément matériel. Ce troisième élément n’a qu’une existence formelle. Mais dès lors que l’on constate les deux premiers, on constate le troisième.
D’ailleurs, sur le plan répressif, cette solution s’est vérifiée dans ces hypothèses où la victime n’avait ressenti aucun préjudice matériel du fait de la remise.
Exemple 1 : remise d’un chèque dont l’escroc ne peut obtenir l’encaissement pour des raisons cambiaires : la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré que cette remise était bien préjudiciable à la victime car son consentement lui avait été extorqué.
L’individu qui obtient un jugement favorable par des moyens frauduleux : ce jugement n’est pas nécessairement préjudiciable si le jugement n’est pas définitif. On constate qu’au sens du juge pénal, le préjudice n’est pas un véritable élément constitutif du délit, car ce préjudice est toujours constitué tel que le juge pénal l’entend, car il est confondu avec la tromperie.
B) La constitution intellectuelle de l’escroquerie :
L’escroquerie est une infraction intentionnelle, cette nature tient au principe de l’intention, mais aussi à ses éléments matériels. Confer application de l’article 121-3 du Code pénal, et le fait que les actes qu’il punit apparaissent comme nécessairement intentionnels. Le mot manœuvre correspond nécessairement à un acte intentionnel. L’escroquerie est une véritable infraction intentionnelle puisqu’elle comprend un acte et un résultat. Son élément intentionnel est la volonté de réaliser ce résultat au moyen de l’acte commis consciemment, visé par l’incrimination.
Les mobiles importent peu, peu importe que l’acte n’ait pas été crapuleux.
Ex : l’individu qui destine les bien qui lui sont remis à des tiers nécessiteux commet également une escroquerie, de même pour l’individu qui prétendait n’avoir obtenu faussement une dispense de paiement du stationnement pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur leur prix. Agissement pour obtenir le remboursement d’une créance par la victime.
&2 : La répression de l’escroquerie :
La sanction pénale de l’escroquerie (art. 313-1 du Code pénal)
Quelques liens internet qui donnent une définition de l’escroquerie :
- Définition de l’escroquerie sur le site economie.gouv.fr : https://www.economie.gouv.fr/particuliers/escroquerie-definition
- Article sur l’escroquerie sur le site justice.gouv.fr : https://www.justice.gouv.fr/escroquerie-definition-et-prevention/
- Définition de l’escroquerie sur le site legifrance.gouv.fr : https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006418036&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20120209
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Article sur l’escroquerie sur le site 60millions-mag.com : https://www.60millions-mag.com/2016/02/15/escroquerie-definition-types-de-fraude-et-prevention-10282