Établissement public : définition, création, EPA et EPIC

LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS.

Un établissement public est « une personne morale de droit public gérant un service public spécialisé, distincte de l’État, et des collectivités territoriales, mais rattachée à eux » (définition du Professeur Pierre-Laurent Frier à la fin du XXe siècle).

Ce sont des personnes morales de Droit public, autre que l’État et les collectivités territoriales, spécialement chargées d’une ou plusieurs missions de service public. (= décentralisation fonctionnelle). Elles répondent à un besoin d’intérêt Général.
Ils sont spécialisés, et l’octroi de la personnalité morale le distingue des services en régie.
Ils se différencient aussi des établissements d’utilité publique, qui relèvent du Droit privé. Il y en a beaucoup moins que d’établissements publics (EP).
On les a créés à l’origine pour favoriser une meilleure gestion par l’autonomie de la structure et pour introduire les intéressés à leur gestion.

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La variété des établissements publics et leur rôle.

La variété des Établissement Publics.
Il faut envisager plusieurs de leurs aspects :
– Territorial : ils sont soit nationaux, soit locaux (lycée, collèges, hôpital). Ils sont rattachés à une collectivité territoriale.
– Leur importance : le nombre d’agents peut être très variable, l’étendue également (ex : le bureau d’aide social d’une commune et EDF).
– Leur durée : certaines sont temporaires (ex : les comités olympiques) et d’autres permanents.
– Leur secteur : ils sont très variés et concernent l’économie (RATP, SNCF, EDF…), le social (les caisses de Sécu, les hôpitaux), la culture (établissements d’enseignements, musées, l’académie française, le CNRS…), l’aménagement du territoire (Eurodisney, la Défense…).

Le rôle des Établissements Publics.
Dès la fin du 19ème, le Tribunal des Conflits (TC) a estimé que des Établissements Publics pouvaient être chargés de mission privées, et c’est d’autant plus important que les missions sont avant tout des intérêts collectifs privés plus que de l’intérêt Général.
Arrêt Canal de Gignac, Tribunal des Conflits, 9.12.1899 : le Tribunal des Conflits a considéré que les association syndicales obligatoires de propriétaires regroupés pour effectuer en commun des travaux d’intérêt collectif d’assèchements des marais, de lutte contre les incendies, d’irrigation des champs, en se fondant sur le caractère obligatoire de l’adhésion, de la faculté de percevoir des taxes apparentées à des contribution, sur la tutelle exercée par le préfet, le tout formant un ensemble de prérogatives de puissance publique pouvant identifier un Établissement Public.
En outre, toutes n’ont pas pour rôle la gestion d’un service public, et si c’est le cas, cette gestion peut être déléguée à des organismes privés ou publics.



Les critères d’identification des établissements publics et la jurisprudence.
Les critères d’identification.
Il faut regarder 3 choses pour identifier les Établissements Publics :
La personnalité morale et l’autonomie,
Le contrôle (qui l’exerce sur l’Établissement Public et comment).
La spécialité de l’Établissement Public.

La personne morale et l’autonomie de l’Établissement Public.
Ils disposent en principe d’une assemblée délibérante (le Conseil d’administration) qui prend les décisions de façon autonome, et dont le Président est l’organe exécutif. Ils possèdent des Biens propres et un budget indépendant et autonome. Leur organisation est régie dans les statuts, qui montrent une grande diversité entre les Établissements Publics.
Le Conseil d’Administration comporte souvent des représentants des collectivités territoriales, des usagers et du personnel. L’État n’y figure néanmoins pas.

Le contrôle sur les Établissements Publics.
Il s’exerce par la collectivité territoriale de rattachement, et à la fois sur les actes et sur les personnes. Ces contrôles ne se présument pas et est subordonné à une loi ou un règlement. Ce contrôle peut être de 2 ordres :
– Financier (il relèvera alors souvent du Ministère de l’Economie et des Finances),
– Administratif.
Pour les Établissements Publics locaux, le contrôle de l’État peut s’ajouter à celui des collectivités.

La spécialité des Établissements Publics.
Les compétences de l’Établissement Public sont des compétences d’attribution limitativement énumérées. Le juge peut donc en sanctionner les dépassements. La jurisprudence interprète souvent avec souplesse ce principe de spécialité.

Le problème de la qualification de l’Établissement Public par la jurisprudence.
Le juge se réfère en 1er toujours à la qualification textuelle pour définir de quel genre d’institution il s’agit. Dans le silence des textes, il se réfèrera aux travaux préparatoires des lois pour connaître l’intention du législateur.
Il utilise également la méthode du faisceau d’indice et se pose donc 4 questions :
– Quelle est l’autorité qui a créé l’Établissement Public,
– La mission de l’Établissement Public est-elle d’intérêt Général ? Si oui et si non, quelle est-elle ?
– Quels sont les rapports entre l’institution qualifiée et les services publics ?
– Existe-t-il des prérogatives exorbitantes du Droit commun ?

Arrêt Canal de Gignac (1899)
: se sert de ce faisceau d’indice pour qualifier un Établissement Public.

Le Tribunal des Conflits et le Tribunal Administratif se servent de ce faisceau d’indice, mais la qualification d’après ces indices d’un genre spécifique n’est pas obligatoire : la qualification peut être faite pour des raisons d’opportunité.
Arrêt Chevassier
: le problème était la qualification des fédérations Départementales de chasse. Alors qu’un faisceau d’indice montrait que c’était un Établissement Public, le Conseil d’État, par analogie avec les fédérations départementales de pêche, a décidé que c’était un établissement privé.

La création des établissements publics.
D’après l’article 34 de la Constitution, leur création est partagée entre le Pouvoir Exécutif et le Pouvoir Législatif.
– Le Pouvoir Législatif est compétent pour créer de nouvelles catégories d’Établissement Public et en fixer les règles constitutives.
Le Conseil Constitutionnel a précisé la notion de catégorie en disant dans une décision du 25.07.79 que « doivent être regardées dans la même catégorie les Établissements Publics dont l’activité s’exerce territorialement sous la même tutelle administrative et qui ont une spécialité analogue », mais sans retenir comme fondamental la condition qu’ils présentent « le même caractère », du fait que celui-ci peut être modifié par un acte réglementaire.
Le Pouvoir Exécutif peut aussi créer de nouvelles structures « de nature particulière » (ex : Banque de France).
– Le Pouvoir Exécutif est compétent pour créer un nouvel élément dans une catégorie préexistante.
Un Établissement Public peut constituer à lui tout seul une catégorie. (ex : le Centre G. Pompidou).

Les différentes catégories d’établissements publics et les problèmes posés..

La distinction entre les EPA et les EPIC.
Ils se distinguent par la mission de service public qui leur est confié.
– Si c’est une mission administrative : Établissement Public Administratif
– Si c’est une mission industrielle et commerciale : Établissement Public Administratif.

Les Établissements Publics Administratifs :
Ils sont gérés selon les règles de la gestion publique, et notamment par la comptabilité publique. Ils prennent des actes administratifs unilatéraux et signent des contrats administratifs.
Ils exercent des prérogatives de puissance publique :
– Ils ne peuvent faire l’objet de saisie
– Leur personnel est soumis au statut des fonctionnaires.

Les Établissements Publics à caractère industriel et commercial.
Ils sont gérés selon les règles de la comptabilité privée. Tous les actes et contrats qu’ils passent sont soumis au Droit privé. Leur personnel est soumis au Droit privé et dc au Code du Travail.
Arrêt Cass Soc : 22.02.95
: la SNC a été qualifiée d’EPIC (établissement public industriel) commercial) par la jurisprudence, en dépit du fait que le personnel était fonctionnaire (une loi avait assuré cela juste avant).
Néanmoins, ce sont des personnes de Droit public, même si leur gestion est soumise au Droit privé.

Le problème : la mixité des missions.
En fait, toutes les Établissements Publics ont des prérogatives mixtes, mais leur qualification dépend de la mission de l’Établissement Public + que des textes institutifs.
La jurisprudence peut faire face à 3 problèmes :
– Les Établissements Publics à visage inversé,
– Les Établissements Publics à double visage,
– Le cas des personnes publiques (qui ne sont pas des Établissements Publics).

Les Établissements Publics « à visage inversé ».
L’établissement est créé comme une EPA (établissement public administratif), mais n’exerce aucune compétence administrative. Le juge peut être amené alors à requalifier l’institution et dc à aller contre le texte. Cette requalification ne peut s’opérer que si la qualification de départ est assez vague pour faire l’objet d’une modification : sinon, il empiète sur le terrain du Pouvoir Législatif.
Ex : arrêt CE, 4.02.87, Maurice : un établissement a été considéré comme un EPIC et qualifié comme tel par le Pouvoir Législatif, mais le Conseil d’état l’a requalifié.

Les Établissements Publics « à double visage ».
Ce sont des Établissements Publics qui exercent 2 types de mission. Cette qualification d’Établissement Public « à double visage » vient du Conseil d’État. C’est le cas où la loi donne un statut mais où la fonction en confère un autre.
Arrêt CE, 17.04.59,
Abadie : il s’agissait de la qualification d’un Port autonome. Il pouvait être qualifié d’EPIC pour certaines de ses missions et d’Établissement Public Administratif pour d’autres.
La qualification est ici très lourde d’enjeu, notamment pour le personnel, qui sera soit fonctionnaire, soit civil et soumis au Code du Travail.

Le cas des personnes publiques.
Le Conseil d’État a contribué à la création de nouvelles institutions nommées « personnes publiques », qui ne sont pas des Établissements Publics. Cela tient à la spécificité de l’établissement en cause. Ils ressemblent néanmoins beaucoup aux Établissements Publics, mais n’ont à la base pas été qualifié comme tel par le législateur.

Arrêt Conseil d’État, 22.03.00
: la Banque de France n’était pas qualifiée par la loi. Elle était désignée comme une « institution dont le capital appartenait à l’État ». Le Tribunal des Conflits, en 97, a retrouvé les indices permettant de la qualifier d’Établissement Public mais l’a dénommé « personne publique ». Il a réitéré en mars 2000, à cause du rôle que joue la Banque de France.
Affaire des Groupements d’intérêt public Habit. N’avaient pas de qualification à la base par le législateur. Le Tribunal des Conflits a relevé que même si ça rentrait dans le cadre de l’Établissement Public ce n’en était pas une.

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