L’État : définition, conditions d’existence, attributs, mission

La notion ou le concept d’ État :

 Le pouvoir politique s’exerce dans le cadre de l’état, qui constitue le support de toutes les institutions existantes (nationales comme internationales). L’état est à la fois la source et l’incarnation du pouvoir. Si le concept et la notion d’état reposent sur des éléments communs ou universels, les formes au travers desquelles l’ État peut exister sont en revanche multiples et variées.

Le concept d’ État n’est pas nouveau car il a connu de nombreuses évolutions au fil des siècles. Au Moyen-âge, le terme d’ État avait une double signification : il désignait la condition juridique d’une personne qui déterminait notamment son rang social, mais aussi les assemblées qui réunissaient les représentants des différents groupes sociaux. A partir du XVIe siècle, le terme d’ État évolue vers d’autres significations pour être entendu comme l’organisation politique d’un pays, voire le pays lui-même qui est gouverné. Aujourd’hui, l’ État s’analyse d’une part en une communauté nationale caractérisée par une certaine unité issue de la volonté des hommes qui la composent, et d’autre part comme… ? Le concept d’ État doit être appréhendé avec les éléments constitutifs des attributs et des missions de l’ État.

 

  • 1 : les éléments constitutifs ou conditions d’existence d’un État :

 Quelque soit sa forme, un État ne peut juridiquement exister que si trois éléments majeurs sont réunis, de sorte que la disparition de l’un d’entre eux, entraîne la disparition de l’ État en question.

 

A] La population

On entend une communauté humaine ou un groupement social d’un État. La population d’un État désigne l’ensemble des personnes qui résident en toute régularité sur le territoire de cet État, indépendamment de toute condition de nationalité, et qui sont placés sous l’autorité de cet État. On inclut donc dans la population, les étrangers régularisés. La notion de population doit être distinguée de la notion de peuple, car elle est plus large que cette dernière. Le peuple d’un État regroupe l’ensemble des citoyens de cet État qui sont habilités (= autorisés) à exercer la souveraineté par la voie de la représentation (élection), ou par la voie de la démocratie semi-directe (référendum). La population désigne toutes les personnes vivant en toute légalité dans un État, alors que le peuple est composé uniquement de personnes disposants du statut de citoyen : qu’est-ce qu’un citoyen ? Pour être citoyen d’un État, il faut posséder la nationalité de cet État. Cette nationalité peut être obtenue de trois manières possibles : par la filiation (le droit du sang), soit par la naissance sur le territoire de l’ État en question (le droit du sol), soit enfin par la naturalisation. La possession du statut de citoyen se caractérise par la jouissance d’un certain nombre de droits, avec au premier plan, le droit de suffrage (voter et se porter candidat à une élection). Il faut différencier la population et le concept de nation. Le concept de nation peut faire l’objet de deux approches possibles : l’une objective et l’autre subjective. La conception objective de la nation repose sur des critères ou des éléments objectivement identifiables (les données géographiques, historiques, linguistiques, religieuses, culturelles, ou encore raciales). La conception subjective repose sur une idée ou une philosophie appelée « le vouloir vivre collectif ». La nation serait ici un principe spirituel composé de personnes qui forment une communauté, qui partagent les mêmes valeurs, qui ont un projet commun, et qui ont exprimé la volonté de vivre ensemble. Les deux conceptions ne sont pas exemptes de critiques ou de remarques. Ex : la conception objective a conduit dans l’histoire à des extrêmes, comme le nazisme avec l’idée de hiérarchie raciale. La conception subjective, on peut lui reprocher de postuler gratuitement l’existence d’une nation, ce qui est assez difficilement concevable sur le plan juridique. Au final, la conception de la nation qui peut apparaître la plus satisfaisante est une conception hybride. Il faut un certain équilibre entre les deux pour défendre le concept de nation.&

 

B] Le territoire :

Pour qu’un État puisse exister, la population doit résider sur un territoire commun, qui va permettre de réaliser l’unité de la nation. Les populations nomades ne constituent généralement pas un État. En revanche, il est admis que l’État puisse provisoirement survivre à la perte de son territoire. Ex : cas de la France occupée en 40. Dans tous les cas, la perte définitive du territoire entraîne la disparition de l’État en question. Le territoire est un espace qui va permettre l’apparition d’un sentiment d’identité commune pour  la population. Il est déterminé par des frontières qui peuvent être naturelles ou artificielles. Le territoire est à la fois terrestre, maritime et aérien.

 

C] Le pouvoir politique organisé ou le gouvernement :

Tout État doit disposer d’une organisation juridique et politique lui permettant d’assurer le maintient et la continuité de la nation sur son territoire. Le terme gouvernement est pris ici au sens large, càd, celui d’une autorité ou d’un représentant de l’État investi de prérogatives, lui permettant d’imposer des contraintes ou des obligations à la population. Ce qui caractérise tout État, est ce que l’on appelle le monopole de la contrainte organisée. Ce monopole indique que seul l’État peut détenir une force armée, ou encore rendre la justice. Seul l’État est habilité à édicter des règles de droit positif pour règlementer l’ordre social, ou encore définir le contenu. La traduction du monopole de la contrainte organisée, c’est l’idée de souveraineté ; la souveraineté constituant l’attribut fondamental de l’État.

 

  • &2 : les attributs de l’État :
A] La personnalité juridique :

L’État appartient à la catégorie des personnes morales de droit public. A ce titre, l’État dispose d’un nom, d’un patrimoine, ainsi que de la capacité à agir en justice. Cette personnalité juridique emporte deux conséquences majeures. D’une part, l’attribution de la personnalité morale à l’État entraîne le caractère permanent de cet État. Cela veut dire que les gouvernants qui se succèdent les uns aux autres agissent au nom de l’État et les actes qu’ils prennent engagent la responsabilité de ce dernier. D’autre part, l’État constitue l’incarnation et la personnification de la nation. Pendant longtemps la nation et l’État étaient présentés comme deux notions parfaitement identiques et assimilables. Cette identification de la nation à l’État était un héritage direct de la révolution française, à la suite de laquelle fut proclamé et consacré le principe de souveraineté nationale. Cette assimilation entre les deux concepts est assez critiquée car elle semble méconnaître la différence de nature entre les deux notions (juridique pour l’État, et sociologique pour la nation). L’état ne serait donc que l’institutionnalisation de la nation, c’ est à dire, une organisation politique et juridique de la volonté manifestée de la population, de vivre ensemble. L’histoire révèle qu’il n’y a pas nécessairement de coïncidence entre l’État et la nation ; l’État pouvant être parfois antérieur à la nation (Ex : les États-Unis), ou inversement, la nation pouvant précéder l’État (Ex : l’Allemagne).

 

B] La souveraineté :

a) Définition et caractéristiques :

 La souveraineté est un pouvoir de droit originaire et suprême. Le pouvoir de droit signifie que le pouvoir trouve son origine dans une idée de droit, càd, dans l’application de règles juridiques préétablies, auxquelles vont devoir adhérer les individus de l’ État, et destinées à encadrer les comportements sociaux. Le pouvoir originaire (ou inconditionné), signifie que l’ État ne tire son pouvoir d’aucune autre autorité que de lui-même, c’est la source même du pouvoir. L’ État n’a pas besoin du consentement d’une autorité supérieure pour exercer ses prérogatives. Le pouvoir suprême se manifeste par le fait qu’il n’existe aucune autre autorité qui ne soit supérieur ni même concurrente à l’ État. Cette affirmation ne vaut que pour ce qui concerne le droit interne, car dans le droit international, la souveraineté d’un État va se heurter à celle des autres États. L’ État, parce qu’il est souverain, va disposer de la compétence (= celle-ci va conférer à l’ État un pouvoir d’auto-organisation, qui va lui permettre de déterminer la nature et l’étendue de ses attributions, mais aussi, la façon de les exercer). La souveraineté peut être de deux ordres possibles. Tout d’abord, la souveraineté interne qui suppose que l’ État va disposer du monopole de la contrainte juridique à l’intérieur de son territoire même, c’est à dire que personne ne peut dicter à l’ État ce qu’il doit faire, en-dehors du droit international. Ensuite, la souveraineté internationale (ou externe), qui se définit comme la souveraineté d’un État par rapport aux autres États, sur la scène internationale. En principe, la souveraineté internationale d’un État est illimitée dans la mesure où la conclusion d’un traité relève d’une liberté conventionnelle, c’est à dire que chaque État est censé avoir consenti librement au traité. Si elle se fait librement, la conclusion d’un traité a pour effet d’entraîner la subordination des États-partis (= qui ont signés et ratifiés le traité) au droit international. Cette réalité conduit à s’interroger sur la conception de la souveraineté en tant que pouvoir suprême, et ainsi, sur les limites éventuelles de la souveraineté. Sur ce point, deux thèses s’affrontent : la première thèse tendrait à soutenir qu’il existe un droit naturel par lequel l’ État s’auto-limiterait en vue de garantir les droits et les libertés des individus. La seconde conception, qui relève plutôt d’une vision positiviste du droit, n’admet aucune limitation de principe du pouvoir de l’ État, c’est à dire que l’ État pourra tout faire et il ne sera soumis au droit que dans la mesure où il y aura lui-même consenti.

 

b) Les titulaires de la souveraineté :

       1) La souveraineté nationale :

 Elle est d’origine française car elle a été consacrée à la suite de la révolution de 1789. L’Art.3 de la DDH du 26 août 1789, dispose : « le principe de toute souveraineté réside dans la nation, et nul corps, nul individu, ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément ». Dans cette conception, la souveraineté est confiée à la nation, entendue comme un être collectif et indivisible, distinct des individus qui la composent. La nation a donc une existence juridique propre. La conséquence juridique de la souveraineté nationale est matérialisée par l’existence d’un régime représentatif (= repose sur l’idée que le peuple ne peut exercer directement la souveraineté, et que par conséquent, il doit en confier l’exercice de manière temporaire, à des représentants élus au suffrage universel, qui vont représenter la nation, et agir au nom de celle-ci). Les électeurs exercent la souveraineté au travers de leurs représentants, par le jeu de l’élection, et dans cette perspective, l’électorat s’analyse plutôt comme une fonction que comme un droit. Il existe deux formes possibles de régime représentatif, de démocratie représentative : il y a le régime représentatif pur (ou ultrareprésentatif), dans lequel les électeurs élisent les parlementaires, qui à leur tour vont élire le cher de l’ État, et plus largement, les membres du pouvoir exécutif. Dans la seconde forme, le peuple élit directement les parlementaires, mais aussi le chef de l’ État, et c’est le régime actuel. Pendant très longtemps, le régime représentatif a été considéré comme favorable aux intérêts du plus grand nombre, mais par la suite, on s’est aperçu que ce régime pouvait aussi conduire à l’émergence d’une élite politique quelque peu coupée du peuple. Généralement, le régime représentatif peut être exposé à deux sortes de dérives possibles : d’une part, le régime représentatif est susceptible de conduire au passage d’une logique de souveraineté parlementaire. Le mandat donné par les électeurs à leurs représentants, est un mandat représentatif, par opposition au mandat impératif. Cela signifie que les électeurs ne sont pas en mesure de tracer une ligne de conduite que devrait suivre leurs représentants, ni même de les sanctionner en les révoquant, si ces derniers s’écartent de cette ligne de conduite. Cela veut dire que la conséquence du mandat représentatif est que les élus peuvent très bien ne pas tenir compte des revendications des électeurs, ou ne pas mettre en application les programmes ou les propositions sur la base desquels ils avaient été élus par le peuple. D’autre part, on peut craindre avec le régime représentatif, que les parlementaires ne soient dessaisis de leur pouvoir, par les leaders (= États-majors) des différents partis politiques, dans la mesure où bien souvent, les parlementaires se conforment aux directives, et aux consignes données par les partis auxquels ils appartiennent.

 

       2) La souveraineté populaire :

 On la doit à J.J. Rousseau : la souveraineté appartient au peuple, entendu comme l’ensemble des citoyens d’un État, chaque citoyen disposant alors d’une fraction ou d’une parcelle de la souveraineté. La souveraineté populaire implique que la souveraineté soit exercée directement par les citoyens et non plus par des représentants élus. Le régime de démocratie directe qui désigne le système dans lequel le peuple exerce directement le pouvoir. Il s’agit de réaliser ce que l’on peut appeler l’idéal démocratique, qui consiste à obtenir une adéquation (ou une superposition) parfaite entre la volonté des gouvernants et celle du peuple. Les citoyens se réunissent en assemblée pour débattre des questions intéressant leur collectivité, et pour prendre des décisions en participant au vote de ces dernières. C’est le peuple qui voterait les lois par exemple : le vote devient un droit et non plus une fonction. Cette forme de démocratie a existé dans l’antiquité avec par exemple, la démocratie athénienne. Mais elle ne peut véritablement se concevoir et se pratiquer que dans les États ou les collectivités réduites (démographiquement comme géographiquement). Aujourd’hui, elle apparaît quasiment impraticable car elle se heurte à des difficultés difficilement surmontables. Aujourd’hui, la démocratie directe n’existe plus que dans quelques États (Allemagne, Suisse), au niveau communal et régional. La conception française de la souveraineté : en dépit de leurs différences, la souveraineté nationale et la souveraineté populaire ne sont pas pour autant inconciliables, ainsi que le montre la conception française actuelle que l’on pourrait qualifier d’hybride (ou intermédiaire). L’Art.3 de la constitution française du 4 octobre 1958 dispose : « la souveraineté nationale appartient au peuple, qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ».

 

  • &3 : les missions de l’ État :

 L’ État a pour mission première d’assurer la recherche du bien commun, c’est à dire la poursuite et la satisfaction de l’intérêt général. On oppose deux formes d’ État en fonction de l’objet et des domaines respectifs de leur intervention :

  • L’ État gendarme : c’est l’ État qui se borne à remplir les missions directement liées à l’exercice de la souveraineté (Ex : la défense de la nation contre les menaces extérieures, la réglementation et le maintient de l’ordre public interne, ou encore la justice : ce sont ici les missions régaliennes de l’ État). Cette forme d’ État était très répandue jusqu’à la fin de la première guerre mondiale, mais elle tend aujourd’hui à se raréfier, en raison de la multiplication et de la diversification progressive des interventions de l’ État.
  • L’ État providence : peut se concevoir comme l’ État duquel les citoyens exigent qu’il améliore leurs conditions de vie quotidienne, dont notamment leur situation matérielle. Ici, son intervention dépasse largement le cadre sécuritaire, pour s’étendre à tous les niveaux ; l’ État cherchant à favoriser le développement d’un pays. Ses missions consistent également en l’établissement d’une législation concernant le travail, l’emploi, la protection et l’aide sociale, la santé publique, l’enseignement, la culture, et enfin, le développement économique et l’aménagement du territoire.

 

Isa Germain

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