La notion d’État et son rapport avec le pouvoir et la société civile

  Approche politique de la notion d’État

 

Il existe deux définitions que l’on peut donner au terme de société, une définition générale que l’on retrouve dans les dictionnaires, et une définition plus spécifique, la notion de société civile, elle fait référence à l’ensemble des acteurs dans une société qui ont une importance mais qui ne relèvent pas de l’Etat ni de l’ensemble étatique. Il s’agit d’un ensemble autonome de la sphère de l’Etat ou commerciale stricto sensu. Cette notion de société civile est une notion ambiguë. Mais ces deux notions, avec l’Etat, entretiennent une forme de dialogue et sur ces deux notions s’est construite une réflexion politique.

 

  1. État, pouvoir et société

 

L’une des premières remarques que l’on peut faire c’est de constate que l’Homme ne vit que dans le cadre de sociétés humaines. Il existe un passage très célèbre de La Politique d’Aristote dans lequel Aristote définit l’Homme, et il rappelle que l’Homme est avant tout un animal politique. C’est-à-dire que celui qui vivrait en dehors de la société humaine, en dehors de la cité, serait soit un dieu, soit alors une bête. Là Aristote envisage les régressions possibles de l’Homme. L’Homme est au carrefour de ces deux dimensions. La société est effectivement un facteur de civilisation. Certains sociologues affirment que la société humanise l’Homme. La faculté de créer le langage, etc ne sont possible que dans le cadre d’une société.

Ex ; enfants sauvages, Victor de l’Aveyron, ne savait pas parler, s’exprimait par grognement, n’avait aucune connaissance linguistique, mais savait vivre dans la nature.

Ex ; Caspard Hauser, adolescent orphelin apparu en 1828 sur la place de Nuremberg, personne ne connaissait son origine. Il a également fasciné, Verlaine, etc. Il est mort assassiné.

  • 1. L’inéluctable sociabilité

Le philosophe Kant évoque ce problème de la nécessaire sociabilisation de l’Homme dans la société, il va parler de l’ »inéluctable sociabilité de l’Homme » ou « l’insociable sociabilité ». A travers cette idée, Kant veut montrer qu’en chaque Homme il existe une inclinaison à entrer dans la société humaine, mais aussi une forte tendance à se singulariser. Chaque individu revendique le droit d’exister mais aucun individu ne peut exister seul hors de la société. Pour vivre ensemble il existe dans toute société des formes d’organisations sociales pas nécessairement juridicisées, mais il existe dans toute société des jugements, on fait des choix dans les croyances, les mœurs, et ces choix induisent une normativité. La norme juridique n’est en quelque sorte qu’une catégorie de norme parmi les autres. C’est l’ensemble des règles juridiques socialement édictées et sanctionnées qui s’imposent aux membres de la société. Ce constat a des conséquences en droit. Ce problème est le problème de la normativité occupe une place centrale dans les réflexions sur ce qu’est le droit en Europe mais surtout aux Etats-Unis, et en Asie.

L’Homme est nécessairement sociabilisé, et toute civilisation a conduit à des formes de civilisations qui peuvent être juridicisées ou non. Le droit n’est qu’une forme de catégorie parmi d’autres formes qui existent également.

  • 2. Diversité des modèles d’organisation sociale

Depuis le XXe siècle, la sociologie politique a dressé une liste d’organisations sociales qui est très riche. Tant par la diversité des relations qu’elles instituent, que par les rites que l’on retrouve dans ces sociétés. Parmi ces différentes sociétés l’une d’entre elles est devenue dominante, c’est l’Etat. Existant depuis le XVe siècle. Mais l’Etat ne constitue pas l’horizon inéluctable de toute société humaine. Si l’Homme est inéluctablement sociable, il n’est pas inéluctablement étatique. Le Haut-Moyen-Age occidental a vu une organisation sociale féodale. Assez tripartite et assez clientéliste.

Si on prend d’autres domaines du droit, comme la science-politique, l’anthropologue Pierre Clastre a fait un ouvrage mettant en évidence cette non-inéluctabilité en étudiant les tribus du Paraguay. Dans ces tribus, le roi est certes un chef, mais il n’est pas un chef d’Etat. C’est-à-dire qu’il dispose de moyens pour diriger et assurer l’ordre, mais la parole du chef dans ce cadre de sociétés n’a pas force de loi. Il ne faut pas confondre politique et Etat. Il existe des relations politiques dans toute société humaine, même en dehors de l’Etat. Même au sein de nos Etats contemporains il existe des groupes que l’on va distinguer de l’Etat que l’on regroupe sous le nom de « sociétés civiles », elles n’ont pas de caractère uniforme mais elles existent.

 

  1. État et société civile

 

  • 1. L’origine de l’expression « société civile »

 

Cette expression est un néologisme qui apparait dans la langue française au 18e siècle. Il apparait en même temps que la notion d’état de nature. Bossuet. Cette apparition au 18e siècle de la société civile s’inscrit dans un double débat celui du rapport société civile et société Etat.

 

Le premier temps de ce débat, fin 17e début 18; l’expression société civile s’est opposée à l‘expression état de nature dans le cadre des débats des Lumières au 17e siècle. A la fin du 17e siècle, Hobbes et autres vont opposer l’état de nature à la société civile. Il oppose ainsi dans le Léviathan les Hommes qui sont hors de la société civile et ceux qui sont dans la société civile « une personne dont la volonté par l’accord de nombreux hommes doit être tenue par la volonté de tous. » Ici il y a une forme d’assimilation entre société civile et Etat. C’est l’Etat société civile contre l’état de nature. L’auteur qui va être la charnière c’est Locke dans son essai sur le pouvoir civil. Dans cet essai il emploi plusieurs mots important comme « corps politique » et « Etat ». Chez Locke la société civile a pour la première fois une fin différente de chez Hobbes, il ne s’agit plus d’assurer la paix et la sécurité, mais bien la prospérité et la propriété. Locke donne une nouvelle dimension à la société civile. Elle va renvoyer à une dimension plus économique. Cet auteur va nous permettre de comprendre l’évolution du débat au 18e siècle.

 

Une deuxième opposition voit le jour et est actuellement toujours en vigueur, c’est l’opposition Etat/société civile. Il y a une signification économique qui est venue se surajouter à la société politique. La société économique va désigner la société marchande. On va se servir de ce terme pour symboliser l’Etat en tant que symbole d’ordre et de justice. Peu à peu une nouvelle idée se forme, l’idée de société politique serait distincte de l’Etat et serait régie par ses propres lois.

 

  • 2. Rapports entre Etat et société civile

 

La notion de société civile s’est autonomisée avec le temps. Pour Habermas, la société civile e compose « des associations, organisations et mouvements qui à la fois accueillent, condensent et répercutent la résonnance que les problèmes sociaux trouvent dans les sphères de la vie privée. » Habermas vise tout le tissu associatif, tous les espaces civiles organisés mais qui ne relèvent pas de l’Etat. Dans cet extrait la société civile va représenter deux caractéristiques :

–         Elle échappe à l’Etat, cela ne veut pas dire qu’elle est apolitique. Elle occupe une place que l’autorité Etatique n’occupe pas.

–         Elle est une forme d’abstraction, c’est en fait une catégorie un peu vague, elle n’a pas de siège, de constitution, et s’organisent dans des organisations qui entretiennent des rapports avec l’espace public sans pour autant relever de l’Etat (médias, groupes d’intérêts, lobbies..)

De nombreuses querelles philosophiques on éclatées à propos de la société civile. Au 17è siècle, les théories était plutôt assimilationniste. Le débat dont nous sommes héritiers est né au début du 19è siècle à l’époque d’Hegel, il visait à distinguer l’Etat de la société civile sur des critères un peu stricte. Hegel a rappelé dans les principes de la philosophie du droit, qu’il ne faut pas confondre Etat et société civile. I va d’ailleurs dénoncer les travaux de Rousseau par exemple, cette querelle aura des conséquences juridiques notamment dans la définition de l’Etat de droit. La critique allemande avec Hegel va introduire une nouvelle vision, celle de l’Etat de droit.

            Il y aura retour de cette thématique à la chute du mur de Berlin, et durant la période de décadence de l’empire soviétique. Ce retour du concept de société civile est favorisé par des régimes totalitaires, etc. Vaclav Havel, pour lui dans ces sociétés qui s’écroulent il faudra que surgissent de nouvelles structures à côté de l’Etat pour permettre la transition démocratique. Vaclav Havel va aller plus loin considérera que ce qu’il s’est passé à l’Est devra se produire à l’Ouest, pour lui il faudra que des structures apparaissent pour favoriser les débats.

Troisième moment, les années 1995-200, généralisation d’internet, l’idée s’est popularisée qu’il pourrait exister des sociétés civiles de niveau global. Des sociétés civiles à côté des Etats. C’est l’apparition de mouvements hétérogènes sous la bannière des mouvements « alter » (altermondialistes, etc.) Bataille de Seattle, c’est la première fois qu’une manifestation avec des militants venus du Monde entier a réussi à bloquer un sommet international, mais pas la dernière. Notamment à Gennes en 2001. A partir des années 2000 on a connu un forme de diffusion de ces idées.

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