L’étendue de la propriété
La notion d’étendue de la propriété s’applique principalement à la propriété immobilière, avec un accent tout particulier mis sur la propriété foncière. Dans l’ordonnancement juridique français, il est classiquement admis qu’un propriétaire possède à la fois la surface, le sous-sol (appelé aussi tréfonds) et l’espace aérien situé au-dessus du fonds, sous réserve de nombreuses limites légales ou réglementaires. Cette approche, parfois décrite comme une “géométrie en trois dimensions”, représente l’héritage d’une conception ancienne du Code civil, aujourd’hui adaptée à certaines évolutions législatives, notamment concernant les ressources minières et les ouvrages souterrains.
1) La propriété du sous-sol : le rôle du tréfonds
- Le propriétaire d’un bien-fonds ne se limite pas à la simple assise au sol. En vertu de l’article 552 du Code civil, il détient, en principe, des droits étendus sur ce qui se trouve en dessous de la surface, à savoir le tréfonds. Ce principe confère une maîtrise théorique depuis la couche superficielle jusqu’au centre de la terre, même s’il est parfois tempéré par des normes spécifiques.
- Les minéraux et ressources minières souterraines (tels que certains hydrocarbures, métaux précieux ou minerais stratégiques) font en revanche l’objet d’un régime particulier, régi par le Code minier. Celui-ci prévoit que ces matières ne relèvent pas automatiquement du propriétaire de la surface, mais peuvent appartenir à l’État ou nécessiter une autorisation d’exploitation distincte. En France, la distinction classique oppose :
- Les carrières, généralement exploitées à ciel ouvert ou près de la surface. Les matériaux extraits (pierres, graviers, sables) restent en principe la propriété du titulaire du fonds, si la zone d’extraction correspond bien à la surface.
- Les mines, qui concernent des ressources souterraines et qui relèvent souvent de la propriété de l’État, indépendamment de la personne privée détentrice du sol.
- L’accord du propriétaire reste indispensable pour toute exploitation de carrière. En revanche, lorsque le gisement est classé dans la catégorie des mines, l’État peut accorder un permis d’extraction au profit d’un opérateur minier, dans des conditions légales très strictes (recherches, enquêtes publiques, etc.).
- Les expropriations partielles pour l’installation d’ouvrages souterrains (notamment conduites, parkings souterrains, lignes de métro ou de transport) se rencontrent régulièrement dans les zones urbaines denses. Si un nouvel aménagement est envisagé à un autre niveau du même sous-sol (par exemple pour étendre le réseau de canalisations), une nouvelle procédure peut être requise, car chaque emprise supplémentaire doit être autorisée.
2) La superficie : un domaine qui peut être dissocié
- La propriété de la surface recouvre tout ce qui s’élève au-dessus du sol : terrains bâtis ou non bâtis, constructions, plantations, etc. Juridiquement, l’article 552 évoqué plus haut n’est toutefois qu’une présomption qui unifie surface et sous-sol dans la même sphère de propriété. Cette présomption peut être renversée par un accord contractuel ou par l’effet d’une loi spéciale.
- Il est donc possible de dissocier la propriété du sol (et du sous-sol) de la propriété de ce qui a été construit ou planté à la surface. Cela donne naissance à des mécanismes comme :
- Le droit de superficie, parfois nommé “droit superficiaire”, qui permet à une personne de détenir la propriété des constructions ou aménagements érigés sur un terrain appartenant à autrui. Cette institution, largement pratiquée en milieu urbain, s’appuie sur une convention établie entre le propriétaire foncier et le bénéficiaire du droit de superficie.
- Les baux à construction ou baux emphytéotiques, dans lesquels le propriétaire du terrain concède à un preneur la possibilité de bâtir, moyennant un bail de longue durée. À l’échéance, la propriété des constructions peut revenir au propriétaire du sol, sauf clauses contraires.
- Cette logique de dissociation permet un usage plus flexible du foncier, surtout là où la place se fait rare. L’essor d’immeubles collectifs et l’urbanisation galopante (notamment à partir des années 1960) ont amené à multiplier les accords contractuels séparant le sol de la construction. De la même façon, pour certains projets de surélévation d’immeubles, le propriétaire du toit peut constituer un droit de superficie au profit d’un tiers désireux d’édifier de nouveaux locaux au-dessus des étages existants.
Éclairage complémentaire sur le régime de la construction et de la plantation
- Lorsque deux personnes distinctes sont respectivement propriétaires du terrain et de la construction, il ne faut pas confondre cette situation avec l’empiètement. Dans le cas du droit de superficie, on est en présence d’un accord légal et conventionnel. Ainsi, la personne qui réalise l’ouvrage sur le sol d’autrui le fait en vertu d’un droit réel particulier consenti à l’avance, ce qui exclut le contentieux relatif à l’atteinte au droit de propriété.
- Au contraire, dans une hypothèse d’empiètement, un propriétaire bâtit sur la parcelle voisine sans autorisation. La Cour de cassation considère que cette intrusion doit entraîner la suppression de la partie empiétante (ou une indemnisation dans de très rares cas), car la propriété demeure un droit protégé de manière extrêmement stricte.
La capacité de dissocier la surface et le tréfonds illustre bien les multiples facettes de la propriété foncière, longtemps décrite comme un bloc monolithique. Aujourd’hui, le législateur et la pratique notariale recourent souvent à ces techniques pour optimiser l’aménagement du territoire et répondre à la densification urbaine, tout en maintenant le principe fondamental du Code civil qui confère au propriétaire du sol un droit très étendu, dès lors qu’aucune convention ou disposition spéciale ne vient le restreindre.
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