Les 4 génération des Droits de l’Homme

  Diversification (et indivisibilité) des Droits de l’homme

 La quatrième génération des droits de l’homme est un concept qui se réfère aux droits émergents ou nouveaux qui dépassent les trois générations traditionnelles de droits de l’homme, qui comprennent les droits civils et politiques, les droits économiques et sociaux, et les droits de l’homme solidaires et collectifs. La quatrième génération comprend des droits tels que le droit à l’environnement, le droit à l’information, le droit à la participation démocratique, le droit à la développement, et le droit à la paix.

I)   De la 1ère à la 4ème génération des droits de l’Homme

A) Présentation des 4 générations des droits de l’Homme

Les droits de l’homme ont évolué au fil des siècles, témoignant d’un enrichissement progressif en réponse aux transformations sociales, politiques et économiques. La classification en générations de droits, bien que doctrinale, traduit cette progression historique et leur diversification. Ces générations se superposent sans se substituer, chaque nouvelle couche ajoutant des droits tout en conservant ceux consacrés antérieurement.

1. La première génération : les droits de la liberté

Les droits de la première génération sont les droits civils et politiques, souvent qualifiés de droits-libertés. Ils trouvent leur origine dans les grands mouvements révolutionnaires du XVIIIe siècle, comme la Révolution française de 1789.

Caractéristiques principales :

  • Nature individuelle et opposable : ces droits visent à protéger l’individu contre les ingérences arbitraires de l’État.
  • Exigence d’abstention étatique : l’État est sommé de s’abstenir de toute atteinte à la sphère privée de l’individu.
  • Exemples notables :
    • Le droit à la vie et à la sûreté (article 2 de la DDHC).
    • La liberté d’expression, d’opinion et de religion : Le mouvement #JeSuisCharlie (2015) a illustré la défense de la liberté d’expression après l’attentat contre Charlie Hebdo en France. Cet événement a également soulevé des questions sur les limites de cette liberté face à l’incitation à la haine.
    • La protection contre les arrestations arbitraires (habeas corpus).

Ces droits, consacrés par des textes fondateurs comme la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et le Bill of Rights britannique de 1689, ont façonné les démocraties modernes.

2. La deuxième génération : les droits économiques, sociaux et culturels

Au tournant du XXe siècle, les transformations économiques et sociales liées à l’industrialisation ont révélé les insuffisances des droits de la première génération pour garantir une égalité réelle. Les droits de la deuxième génération, qualifiés de droits-créances, apparaissent alors.

Caractéristiques principales :

  • Exigence d’une action positive de l’État : contrairement aux droits-libertés, ces droits nécessitent une intervention proactive de la puissance publique pour leur mise en œuvre.
  • Dimension collective et égalitaire : ces droits visent à réduire les inégalités socio-économiques.
  • Exemples notables :
    • Le droit au travail et à une rémunération équitable.
    • Le droit à l’éducation (préambule de la Constitution française de 1946). Les efforts pour promouvoir l’éducation des filles dans des régions comme l’Afghanistan, notamment avec la figure de Malala Yousafzai, qui a reçu le Prix Nobel de la paix en 2014.
    • Le droit à la santé et à la protection sociale. La pandémie de COVID-19 (2020-2022) a mis en lumière l’importance du droit à la santé, notamment à travers les débats sur l’accès équitable aux vaccins et le rôle de l’OMS.

Reconnaissances majeures :

  • La Constitution mexicaine de 1917, première à inclure des droits sociaux.
  • La Constitution de Weimar (1919), qui consacre des droits sociaux dans un cadre démocratique.
  • La Constitution française de 1946, qui proclame dans son préambule des droits nécessaires à notre époque, comme le droit à l’instruction, au travail et à la sécurité sociale.

3. La troisième génération : les droits de solidarité

À partir des années 1970, des droits collectifs et transnationaux émergent pour répondre aux défis globaux et aux préoccupations intergénérationnelles. Ces droits de solidarité marquent l’entrée dans une nouvelle étape de reconnaissance des droits humains.

Caractéristiques principales :

  • Nature collective : ces droits ne s’adressent pas uniquement aux individus, mais également à des communautés ou à l’humanité entière.
  • Dimension transnationale : ils transcendent les frontières étatiques et nécessitent une coopération internationale pour être réalisés.
  • Exemples notables :
    • Le droit à la paix.
    • Le droit au développement, proclamé par la Déclaration des Nations unies sur le droit au développement (1986).
    • Le droit à un environnement sain, inscrit dans de nombreuses constitutions contemporaines (par exemple, la Constitution équatorienne de 2008).

4. La quatrième génération : les droits liés aux avancées technologiques et à l’avenir

La quatrième génération de droits est en cours d’élaboration et se concentre sur les défis posés par les avancées technologiques, les enjeux éthiques et la protection des générations futures.

Caractéristiques principales :

  • Adaptation à la révolution numérique et biologique : cette génération aborde des questions liées à l’intelligence artificielle, aux biotechnologies et aux données personnelles.
  • Dimension intergénérationnelle : elle inclut les droits des générations futures, en particulier face aux menaces environnementales et climatiques.
    • Affaire Urgenda (2019) : La Cour suprême des Pays-Bas a obligé le gouvernement à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 25 % d’ici 2020, une première décision fondée sur le droit humain à un environnement sain.
    • Affaire « l’Affaire du siècle » (France, 2021) : Le tribunal administratif de Paris a reconnu l’État coupable de manquement à ses engagements climatiques.
  • Exemples émergents :
    • Le droit à la protection des données personnelles et à la vie privée numérique. Exemple : Mise en œuvre du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) en Europe (2018), qui impose des normes strictes pour la collecte et l’utilisation des données personnelles.
    • Le droit à une intelligence artificielle éthique et responsable. Exemple : Adoption par l’UNESCO (2021) d’une Recommandation sur l’éthique de l’intelligence artificielle, un premier cadre international pour réguler l’impact de l’IA.
    • Le droit des générations futures à un climat stable et à des ressources durables. Exemple : Le Plan d’action pour le développement durable 2030 des Nations Unies (adopté en 2015) inclut 17 Objectifs de développement durable (ODD), un cadre global pour réduire les inégalités et promouvoir la justice sociale.

Textes récents :

  • Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) de l’Union européenne (2018) est un exemple d’adaptation juridique aux nouvelles technologies.
  • Des initiatives internationales, comme la Déclaration universelle des droits des générations futures proposée par l’UNESCO, mettent l’accent sur la responsabilité envers les générations à venir.

En résumé : La classification des droits de l’homme en générations illustre leur enrichissement progressif. Si les premières générations consacraient la liberté et l’égalité, les suivantes mettent en avant la solidarité et l’interdépendance mondiale. Face aux défis technologiques et environnementaux contemporains, la quatrième génération pourrait bien redéfinir notre compréhension des droits fondamentaux et leur rôle dans un monde en mutation.

Ces générations de droits ne se substituent pas les unes aux autres. Au contraire, elles se juxtaposent et se complètent, formant un système juridique en constante expansion. Les droits de la liberté (première génération) continuent de coexister avec les droits de l’égalité (deuxième génération) et les droits de solidarité (troisième génération), tandis que la quatrième génération commence à s’intégrer dans les ordres juridiques nationaux et internationaux.

 

B) Les critiques sur les différentes classification

a) Les critiques de la classification en générations des droits de l’homme

La classification en générations des droits de l’homme, bien qu’utile pour organiser et comprendre leur évolution historique, fait l’objet de critiques, tant sur son exactitude que sur ses implications. Ces critiques peuvent être nuancées par des aspects positifs qui soulignent son apport pédagogique et conceptuel.

1. Critiques négatives

Une simplification inexacte

La division en générations est perçue comme une caricature historique qui ne rend pas justice à la complexité de l’émergence des droits de l’homme.

  • Coexistence des droits : cette classification suggère une évolution linéaire où chaque génération succéderait à la précédente. Or, dès la Révolution française, les droits sociaux étaient revendiqués en même temps que les droits civils et politiques. Par exemple, les cahiers de doléance de 1789 reflétaient des aspirations combinant la liberté individuelle avec des préoccupations sociales, comme l’accès à des moyens de subsistance.
  • Exemples historiques contraires : la Constitution française de 1848 inclut à la fois des droits civils, politiques et sociaux, comme le droit au travail et la garantie de l’instruction pour tous. Ces droits ne s’inscrivent pas dans une logique de générations successives.

Des droits mal catégorisés

Certains droits ne correspondent pas strictement aux critères assignés à leur génération ou nature :

  • Le droit au procès équitable (article 6 de la CEDH) : bien qu’il soit classé parmi les droits civils et politiques (première génération), il suppose une intervention active de l’État pour garantir un système judiciaire efficace et accessible.
  • Les droits électoraux : censés relever de la première génération, ils nécessitent également une organisation étatique coûteuse, notamment pour assurer des élections libres et transparentes.

Une hiérarchie implicite problématique

Cette classification pourrait laisser entendre que les droits des premières générations (libertés individuelles) seraient plus fondamentaux que les droits sociaux ou environnementaux des générations suivantes. Cela pourrait dévaloriser les droits plus récents, en particulier les droits sociaux, souvent jugés programmatoires et conditionnels.

2. Critiques positives

Un outil pédagogique clair

Malgré sa simplification, cette classification a le mérite de donner une vision d’ensemble de l’évolution des droits de l’homme :

  • Elle met en lumière les vagues successives de reconnaissance des droits, traduisant un enrichissement progressif.
  • Elle permet de comprendre que les droits de l’homme sont dynamiques, s’adaptant aux évolutions sociales et aux nouveaux défis (par exemple, les droits environnementaux).

Un cadre conceptuel structurant

La classification en générations fournit une base pour articuler les droits en fonction des priorités historiques et des évolutions sociétales.

  • Elle reflète l’idée que les droits sociaux et de solidarité sont apparus en réponse à l’industrialisation et aux inégalités économiques du XIXe et XXe siècle.
  • Elle illustre la progression vers des droits globaux et intergénérationnels, comme le droit à un environnement sain, répondant aux enjeux contemporains.

b) Les critiques de la classification par nature des droits

L’autre classification, qui distingue les droits selon leur nature (liberté, égalité, solidarité), suscite également des critiques.

1. Critiques négatives

Une simplification discutable

Cette catégorisation, bien que logique, ne correspond pas toujours à la réalité juridique :

  • Les droits-libertés (liberté d’expression, droit à la sûreté) ne se contentent pas toujours d’exiger une abstention de l’État. Par exemple, garantir la liberté de la presse suppose des mesures actives, comme la protection des journalistes ou le soutien au pluralisme médiatique.
  • Les droits sociaux, censés nécessiter une intervention de l’État, ne sont pas tous opposables en pratique. Ils dépendent souvent de moyens financiers ou de politiques publiques spécifiques.

Des droits à la mise en œuvre incertaine

Les droits sociaux ou économiques, souvent contenus dans des textes comme le PIDESC ou le préambule de la Constitution française de 1946, sont fréquemment critiqués pour leur manque de précision et de caractère contraignant :

  • Ils sont qualifiés de principes programmatoires, c’est-à-dire des objectifs que les États s’efforcent de réaliser sans qu’ils soient directement opposables.
  • Exemple : le droit au travail, inscrit dans le préambule de 1946, reste une aspiration politique plus qu’un droit juridiquement effectif.
2. Critiques positives

Une meilleure compréhension des tendances générales : Cette classification met en évidence des tendances fortes, comme le passage d’un modèle de non-ingérence de l’État à un rôle plus actif dans la réalisation des droits.

Une base pour structurer les politiques publiques : En identifiant des droits qui nécessitent une action étatique, comme les droits sociaux, cette classification aide à définir les responsabilités de l’État dans des domaines essentiels tels que l’éducation, la santé ou la sécurité sociale.

En résumé : Les classifications en générations ou par nature des droits de l’homme sont des outils conceptuels utiles pour appréhender leur complexité. Cependant, elles présentent des limites en simplifiant la réalité historique et juridique. Si ces critiques révèlent des imprécisions et des incohérences, elles n’enlèvent rien à l’intérêt pédagogique de ces typologies, qui éclairent les dynamiques de développement des droits humains et les tensions entre liberté, égalité et solidarité.

 

II)  La diversité des titulaires des droits de l’Homme

Les droits de l’homme, traditionnellement rattachés à la personne physique, ont vu leur champ d’application évoluer avec le temps. Ils sont désormais reconnus à une pluralité de titulaires, qu’il s’agisse d’individus, de groupes, de personnes morales ou encore de concepts collectifs ou environnementaux. Cette diversité reflète une vision élargie de la protection des droits fondamentaux, bien que des limites et des nuances subsistent selon les ordres juridiques.

1. Les personnes physiques : un sujet classique mais évolutif

a) L’individu comme titulaire naturel des droits

Les droits de l’homme trouvent leur origine dans la reconnaissance de la dignité inhérente à chaque être humain. Ainsi, l’article 16 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) affirme que « chacun a droit à la reconnaissance en tout lieu de sa personnalité juridique ».

Cependant, cette reconnaissance n’a pas toujours été universelle.

  • Historiquement, certains individus étaient exclus de la personnalité juridique :
    • Les esclaves, considérés comme des biens jusqu’à leur émancipation progressive.
    • Les criminels condamnés, qui, en France, perdaient leur existence juridique jusqu’en 1854, leur succession étant même ouverte à leur mort civile.

b) L’élargissement de la protection après la mort

Certaines droits perdurent après la mort, étendant la dignité humaine au-delà de la vie.

  • Article 16-1-1 du Code civil français : « Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. »
  • Jurisprudence : La Cour de cassation (arrêt du 20 décembre 2000) a jugé que la publication de la photographie du corps du préfet Érignac, assassiné, portait atteinte à la dignité humaine.

c) L’évolution vers une approche concrète de l’homme

Les droits de l’homme ont progressivement évolué pour prendre en compte des situations sociales spécifiques.

  • À l’origine, ils s’adressaient à un homme abstrait, universel (ex. : la DDHC de 1789).
  • Avec l’émergence des droits sociaux au XXe siècle, ils s’adaptent à l’homme concret :
    • L’homme travailleur (droit au travail).
    • L’homme vulnérable (droit à l’assistance).

2. Les personnes morales : une reconnaissance élargie

a) Les droits des collectivités publiques

Les personnes morales de droit public peuvent être titulaires de droits fondamentaux.

  • Liberté d’administration des collectivités territoriales :
    • Considérée comme une liberté fondamentale par le Conseil d’État (arrêt Commune de Venelles, 2001).
    • Elle protège les communes contre des atteintes graves portées par l’État à leur autonomie.

b) Les droits des entreprises

Les personnes morales de droit privé bénéficient également de certains droits fondamentaux.

  • Le Conseil constitutionnel (décision du 12 janvier 2002) a étendu le principe d’égalité, consacré par l’article 1er de la DDHC, aux entreprises privées.
  • Les droits liés à la liberté d’entreprendre ou au respect de la propriété trouvent ici une application.

3. Les droits collectifs : l’émergence des droits des peuples

Certains droits ne sont pas attribués à des individus ou à des personnes morales, mais à des entités collectives.

  • Droits des peuples à disposer d’eux-mêmes : consacrés par l’article 1er de la Charte des Nations Unies, ces droits permettent à un peuple de décider de son statut politique et de poursuivre son développement économique, social et culturel. Exemple : Le référendum d’autodétermination en Nouvelle-Calédonie (2018–2021) a mis en lumière les droits des peuples dans un cadre démocratique.
  • Droits des populations vulnérables : certains groupes, comme les minorités ethniques ou les populations autochtones, bénéficient d’une protection spécifique. Exemple : Adoption de l’Accord d’Escazú (2021) en Amérique latine, qui reconnaît les droits des communautés autochtones et locales à participer à la protection de l’environnement.

4. Vers de nouveaux titulaires : nature et générations futures

a) Les droits de l’environnement

L’émergence des préoccupations environnementales a conduit à une extension symbolique des droits.

  • La Constitution équatorienne (2008) reconnaît explicitement à la nature le droit à « l’intégrité de ses cycles de vie ».
  • La Constitution bolivienne (2009) consacre le droit à un environnement sain comme un droit collectif des générations présentes et futures.
  •  Reconnaissance du fleuve Whanganui (Nouvelle-Zélande, 2017) comme entité juridique, garantissant la protection de son écosystème.

b) Les droits des générations futures

Les droits environnementaux et climatiques se tournent de plus en plus vers une protection intergénérationnelle.

  • Le droit à un environnement sain est envisagé comme une obligation des générations actuelles envers les générations futures.
  • Des initiatives internationales, comme la Déclaration des droits des générations futures proposée par l’UNESCO, visent à codifier cette approche.
  • Autre exemple : Création de l’Ombudsman pour les générations futures au Pays de Galles (2015), chargé de garantir que les politiques publiques respectent les droits des générations futures.
  • L’affaire Juliana v. United States (2015–en cours) illustre les revendications des jeunes générations pour un avenir climatique stable.

c) La protection des animaux

Bien que les animaux ne soient pas considérés comme des sujets de droit, ils bénéficient d’une protection juridique objective.

  • En France, les mauvais traitements envers les animaux sont interdits depuis le XIXe siècle, avec une reconnaissance renforcée par la loi de 2015 qui qualifie les animaux d’ »êtres vivants doués de sensibilité » dans le Code civil. Autre exemple : l’interdiction des animaux sauvages dans les cirques itinérants (2021) illustre la reconnaissance croissante des droits des animaux.

En résumé : La diversité des titulaires des droits de l’homme reflète une évolution juridique et philosophique constante. Si les droits fondamentaux restent traditionnellement attachés à l’individu, ils s’étendent désormais à des personnes morales, des entités collectives, et même à des concepts comme la nature ou les générations futures. Cette extension traduit une adaptation des droits de l’homme aux défis contemporains, bien qu’elle soulève des questions complexes quant à leur mise en œuvre et à leur universalité.

 

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