L’exécution forcée en droit marocain

Les voies d’exécution en droit Marocain : l’execution forcée

Lorsqu’une personne saisi un tribunal, elle vise la condamnation du défendeur à lui fournir une prestation ou a honorer une obligation valablement contractée, mais surtout à faire exécuter les causes du jugement ou les termes de l’engagement.

Généralement le débiteur qui a perdu son procès, exécute volontairement la décision rendue mais il arrive souvent qu’il s’obstine à ne pas l’exécuter. Aussi la loi prévoit elle des procédures permettant d’aboutir à l’exécution forcée au moyen des voies d’exécution qui ont pour but l’exécution d’un jugement ou d’un engagement. Qu’il s’agisse d’un jugement ou d’un engagement, son efficacité dépend largement de son exécution, sinon on voit mal la finalité des recours aux tribunaux. Malheureusement, ces procédures d’exécution et de distribution sont souvent longues et onéreuses.

Les voies d’exécution sont régies par des textes de loi (articles 411 à 510 du code de procédure civile : droit marocain).

droit marocain des voies d'exécution

Section I : Généralités sur l’exécution forcée en droit marocain.

Les saisies ne sont pas les seuls moyens légaux d’exécution : il existe d’autres modes d’exécution.

A Différents modes d’exécution

1-l’ exécution directe ou par équivalent

Le créancier est en droit de demander l’exécution directe ou en nature dans tous les cas ou cela serait possible : Démolition d’un mur ou expulsion du locataire. Dans ce cas c’est la prestation qui constitue l’objet de l’obligation qui doit être fournie au créancier, grâce souvent à l’emploi de la force publique. L’exécution forcée porte sur une somme d’argent et en cas de refus du débiteur de payer sa dette, il encourt une exécution sur sa personne elle même

2-L’éxécution sur la personne : la contrainte par corps

Le Bulletin officiel n° 5 480 (version française) du 7 décembre 2006 a publié la loi n°30-6 modifiant le dahir du 20 février 1961 relatif à l’exercice de la contrainte par corps en matière civile. Via cette loi, les dispositions des articles 1er et 2 du dahir du 20 février 1961 relatif à l’exercice de la contrainte par corps en matière civile sont modifiées et complétées comme il suit : Article 1 «L’exécution de tous jugements ou arrêts portant condamnation au paiement d’une somme d’argent peut être poursuivie par la voie de la contrainte par corps» Cependant, lit-on dans le même texte de loi, «Toutefois, une personne ne peut être mise en prison pour le simple fait de son incapacité à remplir un engagement contractuel». Le reste du Dahir ayant trait à la contrainte par corps reste inchangé.

Cette légère modification, intervient pour, entre autres, plus de conformité des législations nationales avec les engagements du Maroc au niveau international et surtout les dispositions du Pacte relatif aux droits civils et politiques ratifié par le Royaume.

Il convient de préciser que cette contrainte par corps demeure en vigueur, pour le pénal, selon les dispositions du même Dahir (articles 633 à 647) malgré les modifications introduites par le Dahir du 3 octobre 2002. En effet et en vertu de l’article 2 : «La contrainte par corps s’exerce selon les règles et modalités fixées par les articles 633 à 647 du dahir du 3 octobre 2002 relatif au Code de procédure pénale».

Elle est prévue pour l’exécution des condamnations à l’amende, aux restitutions, aux dommages-intérêts et aux frais. La durée de la contrainte par corps est proportionnelle au montant des sommes à payer, en vertu des dispositions de l’article 638 du Code de procédure pénale Ainsi, le juge peut ordonner la contrainte par corps dont la durée est fixée selon les montants que doit verser la personne condamnée. Cette durée d’emprisonnement peut aller de 6 jours (pour des sommes inférieures à 8.000 DH) à 15 mois si ce montant est équivalent ou supérieur à un million DH.

Néanmoins, la contrainte par corps est entourée de mesures restrictives destinées à protéger le débiteur défaillant. Elle ne peut s’appliquer lorsque le condamné justifie de son insolvabilité par : – La présentation d’une attestation d’indigence et d’une attestation de non-imposition (biens immobiliers & impôt sur le revenu -IR), conformément au Code de procédure pénale, article 635 ; – Elle ne peut s’appliquer aux personnes âgées de moins de 18 ans ou de plus de 60 ans ; – Elle ne peut être exécutée contre un débiteur au profit de son conjoint, ses ascendants, descendants, frères et soeurs, oncles et tantes, neveux et nièces et alliés au même degré ; – Elle ne peut être exécutée simultanément contre le mari et l’épouse, même

pour des dettes différentes, ni contre une femme enceinte ou une femme allaitante pendant les deux années suivant son accouchement ; – Elle n’est exécutée qu’à la suite d’une procédure prévue par le Code de procédure pénale : injonction de payer infructueuse pendant un mois, requête du créancier, vérification du dossier qui est alors transmis au procureur pour exécution.

3-l’exécution sur les biens du débiteur

Le patrimoine du débiteur constitue le gage général de ses créanciers et une variété de modalités sont prévues pour mettre sous-main de justice les biens du débiteur. Il s’agit des saisies dont la finalité est la vente des biens saisis et la récupération par les créanciers de leurs droits respectifs au moyen de la procédure de distribution par contribution.

4-Procédures spéciales d’exécution sur les biens

Il s’agit du redressement judiciaire et de la liquidation judiciaire, recouvrement des pensions alimentaires (la personne qui s’estime créancière d’une pension alimentaire peut saisir le juge des référés dont les décisions sont exécutoires sur minute et nonobstant toutes voies de recours), des amendes et certaines condamnations pénales à caractère pécuniaire (le montant des frais de justice et des amendes est recouvré par les soins de l’administration des finances) ect……

5-l’astreinte

Un créancier peut solliciter du tribunal la condamnation du débiteur à une somme d’argent dont le montant augmentera chaque jour, jusqu’à

l’exécution de la décision principale. Cette condamnation accessoire est appelée astreinte et elle est un moyen de pression exercé à l’égard du débiteur récalcitrant pour l’inciter à l’exécution prompte de la condamnation. (Exemple : le bailleur qui demande au tribunal en sus de l’expulsion du locataire, la condamnation de ce dernier à une somme d’argent déterminée par jour de retard apporté à l’exécution du jugement d’expulsion)

B: Conditions de l’exécution forcée

1-titre exécutoire

Aucune saisie mobilière ou immobilière ne peut être diligentée sans que le créancier ne soit muni d’un titre exécutoire. En outre, les jugements ou arrêts ne doivent pas être frappés d’opposition ou d’appel et enfin toute décision judicaire n’est exécutoire que si elle comporte la formule exécutoire et si notifiée à la partie condamnée sur réquisition de la partie bénéficiaire.

2-role de l’agent d’exécution

**greffe : L’exécution forcée est assurée par le greffe du tribunal qui a rendu la décision (bureau des notifications et des exécutions judicaires) : l’agent instrumentaire met le débiteur en demeure de se libérer sur le champ ou de faire connaître son intention (mise en demeure). Toutefois entre la mise en demeure et l’exécution proprement dite, il s’écoule fatalement un délai qui permet parfois au débiteur de mauvaise foi, de faire disparaître le gage du créancier et de se déclarer insolvable.

**huissiers de justice : aident les juridictions à vaincre les problèmes de notification et d’exécution des jugements : ils ont un rôle d’appoint. Ainsi ils sont chargés de procéder au recouvrement des créances en vertu d’une décision passée en force de chose jugée donc exécutoire ainsi qu’aux ventes

publiques de meubles et effets mobiliers corporels. Dressent tous les actes requis pour l’exécution des ordonnances, jugements et arrêts.

3-recours éventuel au juge

Un créancier sollicite la permission du juge pour faire pratiquer une saisie et celle ci lui est accordée par le président du tribunal de première instance ou par le juge le plus ancien. Il arrive aussi qu’un agent chargé de l’exécution comme d’ailleurs le poursuivi saisissent le juge des référés pour statuer sur des difficultés relatives à l’exécution d’un jugement ou titre exécutoire. Le juge peut autoriser la continuation des poursuites, accorder au débiteur des délais de grâce qui ont pour effet de suspendre les poursuites.

De même, lorsque surgit un obstacle de droit ou de fait (par exemple par la voie du référé peut être demandé l’expulsion d’un locataire sans droit ni titre ou prévention d’un dommage imminent tel interdiction faite à un à un fabricant d’écouler sur le marché un produit portant une marque imitant frauduleusement une marque régulièrement déposée) visant à empêcher l’exécution d’une condamnation à une somme d’argent ou d’une obligation de faire ou de ne pas faire, la compétence est attribuée au président du tribunal qui a rendu la décision ou celui chargé par la cour d’appel de l’exécution. Il est saisi soit par la partie poursuivante ou par l’agent d’exécution lui même : une fois saisi il apprécie si la difficulté est sérieuse et si tel est le cas, il ordonne le sursis à exécution : il ne statue que provisoirement en attendant le règlement du litige au fond. L’agent peut aussi se faire autoriser par le président à faire ouvrir portes et chambres des maisons pour toutes les perquisitions lorsque les personnes présentes, ne permettent pas à l’agent d’accomplir sa mission, à savoir la saisie des effets et meubles appartenant au débiteur.

4-recours éventuel à la force publique

En cas de refus d’exécution par la partie poursuivie, l’agent peut demander l’intervention de la force publique. Il en avise les autorités locales compétentes (caid, commissaire de police) qui sont tenus de lui apporter leurs concours (article 433 al3 du code de procédure civile).

Section II : Limites à l’exercice des voies d’exécution (droit marocain)

A- l’abus des voies d’exécution

Les tribunaux condamnent à des dommages et intérêts le créancier qui pour une créance minime, saisit des immeubles très importants de son débiteur. La jurisprudence sanctionne ces saisies abusives ou injustifiées en faisant appel à la théorie de l’abus de droit, le saisissant ayant commis une faute impliquant le droit à réparation. La saisie ne saurait être étendue au delà de ce qui est nécessaire pour désintéresser le créancier et couvrir les frais de l’exécution forcée.

B- caractère d’ordre public des règles d’exécution forcée.

Les parties ne peuvent déroger aux règles légales de l’exécution forcée : les dispositions du dahir du 07 juin 1941 et du 14 juin 1941 relatifs à la saisie arrêt des traitements et de salaires sont d’ordre public lorsqu’elles déterminent impérativement les portions saisissables. De même en matière de saisie mobilière, est nulle et non avenue, toute stipulation même postérieure au contrat, qui autoriserait le créancier, faute de paiement, à s’approprier le gage ou à en disposer, sans les formalités prescrites par la loi.

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