L’exécution de l’obligation en droit suisse

 

Droit suisse : L’EXÉCUTION DES OBLIGATIONS

LE LIEU DE L’EXÉCUTION

  • Le lieu d’exécution c’est l’endroit où une prestation doit être accomplie, où le débiteur doit exécuter sa prestation ou le dernier acte nécessaire à l’exécution de la prestation. Seule une exécution réalisée au lieu d’exécution constitue une exécution valable, libératoire pour le débiteur. Certaines modalités d’exécution sont très liées à l’endroit de l’exécution : c’est le droit qui est applicable au lieu de l’exécution qui va déterminer par exemple les jours fériés à prendre en compte. La monnaie du paiement est déterminée également par le lieu. Cela peut être également applicable pour déterminer le prix de la transaction lorsque celui-ci dépend d’un certain marché. En revanche, il ne détermine pas le juge compétent, en cas de litige, ni le droit applicable au contrat. En principe, pour les contrats, on applique le droit du domicile de celui qui accomplit la prestation caractéristique au contrat. Pour le lieu d’exécution, il y a une certaine importance pour tous les autres éléments mais pas pour le juge compétent ni pour le droit.
  • Pour déterminer le lieu d’exécution :
  • Laloiva prévoir des règles supplétives. A défaut d’avoir stipulé un lieu d’exécution, les

 dettes d’argent sont des dettes portables. Cela signifie qu’elles doivent être exécutées au domicile du créancier. Le débiteur doit prendre toutes les précautions utiles pour que l’argent parvienne au créancier à temps. C’est le moment où l’argent arrive sur le compte du créancier qui fait foi.

  • Pour les dettes de choses déterminées, c’est celui du lieu où se trouve la chose lors de la conclusion du contrat. Il existe une exception selon laquelle la chose qui est déposée doit être restituée dans le même lieu où elle a été
  • Pour les autres dettes, obligations de faire par exemple, elles ne sont pas portables ce qui signifie qu’elles doivent être exécutées au domicile du débiteur. Ce sont des dettes dites terrables.
  • Pour les dettes qui comportent expédition : c’est une dette qui se trouve à mi-chemin entre les dettes portables et terrables. Ici, le débiteur doit s’exécuter à son domicile mais

à la différence des autres dettes terrables, il s’est engagé par ailleurs d’envoyer la prestation au créancier. Le débiteur va donc s’exécuter par l’envoi de la prestation aux frais et aux risques du créancier. Exemple, on a commandé quelque à un artisan qu’il va nous expédier, ce qu’il a réalisé pour nous, et on est en droit de recevoir la chose.

CAS PRATIQUE 

« Farm SA est une entreprise dont le siège se trouve à Lucerne. Elle est propriétaire d’un champ de maïs dans les environs de Moudon. Elle conclut au mois de juillet, soit deux mois avant les   récoltes,

un contrat de vente avec Shop SA, dont le siège est à Lausanne, portant sur la totalité du maïs cultivé à Moudon. Les parties négligent de mentionner dans le contrat le lieu de livraison du maïs. Farm SA informe Shop SA par courrier que le maïs se trouve à sa disposition à Lucerne. »

Pas de prestation d’argent. Pas de prestation de faire. Prestation qui comporte expédition : non. Par élimination : chose déterminée. Dette qui doit être exécutée dans le lieu où se trouve la  chose au moment de la conclusion du contrat : Moudon. Par conséquent, Shop SA n’est pas obligée d’envoyer des camions à Farm SA. Il aurait fallu que les parties conviennent d’une livraison dans le contrat.

 

LE MOMENT DE L’EXÉCUTION

 Savoir distinguer de l’exigibilité de l’exécutabilité. 

Eligibilité : moment à partir duquel le créancier peut exiger la prestation. Elle permet de mettre en demeure le débiteur et elle constitue par ailleurs le point de départ de la prescription. C’est une condition nécessaire à la compensation. De cette exigibilité, on doit savoir distinguer l’exécutabilité.

Exécutabilité : elle désigne le moment à partir duquel le débiteur peut exécuter sa prestation avec un effet libératoire. Dès ce moment, le créancier qui refuse de recevoir la prestation ou de prêter son concours nécessaire à l’exécution se retrouvera en demeure.

 Pour qu’un débiteur soit en demeure, il faut que sa prestation soit exigible. Pour qu’un créancier soit en demeure, il faut que la prestation soit exécutable. 

En pratique, elles ne coïncident pas forcément. En effet, une dette peut être exécutable avant d’être exigible.

L’exécution immédiate, c’est le principe en droit suisse. L’obligation peut être exécutée et l’exécution peut être exigée immédiatement par le créancier. Le principe c’est que l’exécution différée est l’exception.

Le terme, c’est quelque chose de certain, la survenance du terme est certaine, mais la date de cette survenance peut être incertaine. Le 16 juin prochain, c’est un terme dont la survenance est fixe, mais si le terme c’est la mort de ma cousine, sa survenance est alors incertaine. De ce terme, on distingue la condition (suspensive ou résolutoire) qui n’est pas certaine.

Dans la vente, il est prévu que le prix devient exigible dès que la chose est en possession de l’acheteur.

La question du délai est également réglée par la loi. Lorsque l’on fixe un délai de 10 jours pour

 s’exécuter et que ce dixième jour tombe sur un jour férié, le délai est reporté de plein droit de  par la loi au premier jour ouvrable suivant. Par ailleurs, la loi précise également, qu’une exécution conforme au contrat doit avoir lieu durant les heures ouvrables. Un débiteur qui exécute sa prestation au milieu de la nuit ne fait pas une exécution conforme au contrat.

 Le terme, quand il est fixé (très fréquent), ne diffère que l’exigibilité mais pas l’exécutabilité. Le débiteur peut exécuter avant le délai convenu. 

Interdépendance des prestations dans les contrats bilatéraux : exécution  simultanée.  C’est sur cette idée que la loi organise son mécanisme. En principe, la réciprocité de ces obligations va conférer au débiteur une exception qu’il peut soulever contre son créancier en  vue de paralyser l’action du créancier. Si le créancier réclame à son débiteur quelque chose,   par

exemple le vendeur réclame à l’acheteur le paiement du prix, l’acheteur peut soulever comme exception le fait que le vendeur n’a pas encore transféré l’objet de la vente à l’acheteur et tant qu’il ne l’a pas fait, la créance n’est pas exigible. La créance existe mais n’est pas exigible. Il y a un autre mécanisme : celui où on n’est pas en présence de simultanéité des prestations mais que les prestations doivent s’exécuter à des moments différents. Une des parties est mise au bénéfice d’un terme plus lointain pour l’exécution de sa prestation. Le vendeur a jusqu’{ la fin du mois pour livrer mais l’acheteur doit payer tout de suite. La loi va protéger celui qui doit s’exécuter avant l’autre en lui offrant la possibilité de renoncer à sa prestation lorsque l’autre partie présente un risque d’insolvabilité.

Contrats composés : qui sont composés de plusieurs contrats distincts et indépendants mais liés entre eux par une intelligence économique. Exemple : location d’un local par un  restaurateur, qui finance son local avec des fonds de distributeurs de boissons.

LES DETTES D’ARGENT

 Le paiement d’une dette doit se faire selon la règle de monnaie du pays. Le créancier a donc l’obligation d’accepter un paiement en CHF à cours légal. A l’inverse, il peut refuser que la dette qui lui est due lui soit payée en monnaie étrangère.

 Même pour un paiement en CHF, il n’y a pas une liberté totale : selon une loi fédérale de 1970 

 sur la monnaie, le créancier n’est pas tenu d’accepter un paiement de plus de 100 pièces de monnaie. 

On doit payer les dettes en CHF, le créancier est tenu d’accepter les CHF, mais il n’est pas tenu d’accepter en monnaie étrangère et en CHF on ne peut pas payer n’importe comment le montant qui est dû.

Si la dette a été libellée en monnaie étrangère, le débiteur peut se libérer de sa dette en CHF au cours du jour de l’échéance, sauf dispositions contraires. Dans tous les cas, lorsqu’un créancier doit poursuivre un débiteur en Suisse, il devra obligatoirement le faire en CHF.

Un débiteur doit un certain montant qu’il n’a pas remboursé, des intérêts ont couru, il  rembourse un petit montant, et il décide de payer le capital pour réduire les intérêts qui courent. Ce n’est pas au débiteur de choisir. Le montant qui est payé par le débiteur va s’appliquer les intérêts courus d’abord sauf si le contraire a été convenu. Si le créancier a reçu des garanties pour sa créance, de la même manière, le débiteur qui paye une partie de sa dette ne peut pas décider sur quelle partie porte son remboursement.

S’il y a plusieurs dettes, le débiteur peut en principe choisir quelle dette il veut acquitter, sauf s’il y a opposition immédiate par le créancier.

Modes de paiement : en principe, la loi prévoit que le paiement d’une dette qui a pour objet une somme d’argent doit se faire en espèces.

Le respect d’exécution d’une somme d’argent nécessite que cet argent soit sur le compte du créancier le dernier jour du terme pour être accomplie de manière régulière.

 

LA DETTE D’INTERETS

L’intérêt c’est la compensation pécuniaire qui est due au créancier pour le capital dont il s’est privé en faveur du débiteur. Le taux d’intérêt est fixé par la convention, par les parties mais il y a deux   limitations   importantes dont   la   prohibition   des   intérêts   sur   intérêts.   Il   existe une

exception : le débiteur en demeure pour le paiement en intérêts doit un intérêt moratoire dès la poursuite sur le montant qui est dû.

Au-delà du taux de 15%, il y a risque d’usure. Taux d’intérêt moratoire pour un débiteur qui ne s’exécute pas : 5%. La dette d’intérêt est un accessoire de la dette principale.

Le débiteur qui s’est exécuté conformément au contrat a intérêt d’avoir une preuve de son exécution. La quittance est une déclaration écrite du créancier par laquelle celui-ci va admettre qu’il a reçu prestation du débiteur. Le débiteur peut exiger de par la loi, même lors d’une exécution partielle, la remise d’une quittance car c’est un droit. La quittance doit être signée par le créancier. Parfois, la preuve du paiement prend la forme de la restitution du titre de la créance (par exemple : reconnaissance de dette).

 

LA DEMEURE DU CRÉANCIER

Cette notion signifie que le créancier est tenu de prêter son concours à l’exécution de sa prestation par le débiteur. Cette incombance naît dès l’exécutabilité de la dette.

  • C’est-à-dire que le débiteur ne peut pas exiger du créancier qu’il prête son concours mais en revanche, si le créancier ne prête pas son concours, il va alors subir un désavantage juridique qui s’appelle la demeure du créancier. Elle se définit comme le non-respect par ce dernier de son incombance consistant à prêter son concours à l’exécution de la prestation du débiteur.

Conditions :

  • Le débiteur a effectivement offert sa prestation;
  • Le créancier a refusé la prestation;
  • Le refus n’est justifié par aucun motif légitime.

Effets :

  • Lorsque le créancier est en demeure, le débiteur ne peut pas l’être. Le débiteur est en droit de refuser d’exécuter sa prestation tant que son créancier est en demeure d’exécuter la sienne. Il a le droit de consigner la chose qu’il doit livrer. Il se libère de sa prestation vis-à-vis du créancier. Le débiteur a le droit de vendre la chose. Lorsque la consignation de la chose paraît inopportune car elle va détériorer l’objet (ex : denrée périssables). Dans certains cas, elle permet au débiteur de résoudre le
  • Le débiteur doit fixer un délai de grâce au créancier. Passé ce délai, il pourra mettre un terme au contrat et pourra poursuivre le créancier pour les intérêts négatifs du dommage

 

LA DEMEURE DU DÉBITEUR

  • C’est le cas le plus fréquent, qui a les conséquences les plus lourdes. A la différence de l’inexécution, la demeure c’est forcément une situation qui est provisoire parce qu’elle peut toujours déboucher sur l’exécution. Le système de la demeure comporte deux étapes : la demeure simple et la demeure qualifiée. Dans la demeure qualifiée, cela s’applique à des contrats où il y a prestation et contre
  • Demeure simple : subordonnée à la réunion de quatre conditions :
  • Prestation doit être
  • Débiteur doit être en retard dansl’exécution.
  • Il faut que le débiteur soit en retard sans motif
  • Il faut que le créancier ne soit pas en demeure lui-même pour lacréance.
  • Le créancier doit l’avoir interpellé. Sommation faite par le créancier au débiteur de s’exécuter. Elle n’est pas soumise à formeparticulière.
  • Dans certains cas, l’interpellation n’est pas nécessaire. Lorsqu’il ressort d’emblée que le débiteur ne s’exécutera pas au terme par exemple. Ou si le débiteur est seul à savoir quand il doit exécuter son obligation (contrat médical par exemple). Lorsque le débiteur empêche l’interpellation de l’atteindre, il est mis en demeure automatiquement.
  • La demeure a trois effets :
  • Paiement d’intérêts moratoires. Même si la demeure n’est pas fautive, le débiteur d’une somme d’argent doit des intérêts moratoires qui sont fixés par la loi au taux de 5% (sauf dispositionscontraires).
  • Si la demeure du débiteur est fautive (par sa faute), il devra réparer le dommage supplémentaire subi par le créancier du fait du retard dans l’exécution (frais de rappel, frais depoursuite).
  • Effet déterminant, le débiteur fautivement en demeure répond du cas fortuit : il n’est pas libéré si sa prestation devient impossible postérieurement à sa demeure. S’il était en retard par sa faute, il supporte le risque du cas fortuit. Dans ce cas, il devra faire la preuve que s’il n’avait pas été en retard, il n’aurait pas pu exécuter sa

Demeure qualifiée : débiteur qui n’a pas encore exécuté sa prestation, qui se trouve donc en situation de demeure :

  • Le débiteur doit être en demeure pour être en demeure qualifiée
  • Le créancier doit lui fixer un délai supplémentaire pour qu’il puisse s’exécuter. Doit être d’une durée convenable qui doit permettre au débiteur de s’exécuter. Lorsqu’il est objectivement trop bref, il faut que le débiteur le
  • Il y a des cas où le créancier ne doit pas fixer le délai supplémentaire:
    • Il ressort de l’attitude du débiteur que le délai ne servirait à
    • Lorsque l’exécution de l’obligation est devenue pour le créancier totalement inutile (commande de gâteau d’anniversaire pour une certaine date, pas de mise en demeure du pâtissier).
    • Au terme du contrat, l’exécution doit avoir exactement à un terme fixe. On parle de délai fatal car au-delà de ce délai, le débiteur est automatiquement mis en demeure qualifiée.
  • A l’issu de ce délai supplémentaire, le créancier peut faire une déclaration immédiate qui lui donne trois possibilités en cas de non-exécution du débiteur:
    • Le créancier peut choisir comme il le souhaite après avoir donné le délai supplémentaire de poursuivre l’exécution du contrat en nature (solution présumée par la loi mais pas la plus utilisée en pratique). L’exécution en nature peut aussi être assortie de dommages-intérêts pour cause de
    • Il peut demander l’exécution sous forme de dommages-intérêts positifs. Suppose une faute du débiteur. Droit formateur qui va modifier le contrat : le créancier, tout en maintenant le contrat, peut exiger du débiteur, à la place du débiteur, une compensation financière qui correspond à des dommages-intérêts positifs. Impossibilité de revenir en arrière.
    • Il peut demander la résolution du contrat : cela signifie qu’on va annuler le contrat et en réalité on va faire comme s’il n’avait jamais existé. Les parties devront se restituer les prestations opérées.

En pratique, l’exécution en dommages-intérêts positifs est celle qui est la plus intéressante pour le créancier car cela lui permet de faire sa prestation et d’obtenir une compensation financière plus importante sans risque pour celui-ci. Évidemment, il n’y a aucun intérêt à faire cette déclaration si le débiteur n’a pas les moyens de payer à la base. Dans ce cas le seul vrai avantage est de résoudre le contrat.

CAS PRATIQUE 

 

« Pharma Sàrl exploite une pharmacie à Morges. Elle a conclu le 3 avril un contrat de vente avec son fournisseur Medicine SA portant sur des médicaments. Medicine SA a fourni les médicaments à Pharma Sàrl mais en attend toujours le paiement.

Elle lui a signifié son retard par courrier et lui a imparti un délai au 31 mai pour s’exécuter. A ladite date, Pharma S{rl n’a toujours rien versé àMedicine SA. Que peut faire Medicine SA?

La situation serait-elle différente si Pharma Sàrl avait réclamé à plusieurs reprises les coordonnées du compte postal de Medicine SA mais que cette dernière n’avait pas donné suite àsa demande ? »

Que peut faire Medicine SA ? Nous sommes en attente de paiement. Mise en demeure simple :  elle fait courir les intérêts moratoires.

Medicine fait conformément à la loi : accorde un délai de grâce à Pharma Sarl, qui ne s’exécute toujours pas. Situation de demeure qualifiée, donc 3 possibilités. Dans l’hypothèse où Medicine SA et Pharma SA ont des moyens conséquents, Medicine SA a plutôt intérêt à demander les dommages-intérêts positifs. Dans l’hypothèse où Pharma SARL n’a plus de sous, il faudrait mieux résoudre le contrat et récupérer les médicaments + des dommages-intérêts négatifs.

Admettons que dans ce cas Pharma Sarl a essayé de payer Medicine qui ne lui a jamais dit où le montant devait être payé, pas de compte bancaire indiqué ! On est dans un cas de mise en demeure du créancier : elle empêche la demeure du débiteur, donc ni intérêts moratoires, ni délai supplémentaire. Faute du créancier.

Isa Germain

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