L’exécution du paiement :
En droit des obligations, l’exécution du paiement est le moment où le débiteur remplit sa obligation de payer une somme d’argent à son créancier. L’exécution du paiement peut se faire de différentes manières, selon les termes de l’accord conclu entre les parties.
A. Date et lieu du paiement :
S’agissant de la date, en principe, le paiement est exigible immédiatement. Mais il peut arriver que l’obligation comporte un terme suspensif. Dans ces conditions, le paiement ne sera exigible qu’à terme, à une date fixée par les parties mais aussi par les parties (article 1305-1).
Mais il peut arriver qu’il y ait une déchéance du terme : le débiteur est en faute car il n’a pas honoré une échéance, il n’a pas fourni une garantie prévue. Mais cela peut résulter aussi d’une liquidation judiciaire.
La question se pose de savoir si le débiteur peut exécuter volontairement son obligation de manière anticipée. Il renonce donc au bénéfice du terme. La renonciation est possible mais à condition que le terme ait été stipulé au seul bénéfice du débiteur (article 1305-3 alinéa 2).
Le Code de la consommation a créé une dérogation quand le consommateur recourt à un crédit immobilier ou de la consommation. Le consommateur n’est pas obligé d’attendre le terme pour se libérer de son obligation de paiement. Or normalement en matière de crédit, on ne peut pas considérer que le terme est stipulé dans l’intérêt exclusif du débiteur. Le préteur tire profit des fonds prêtés en facturant des intérêts sur une certaine durée donc il perdrait des bénéfices (articles L312-34 et L312-47).
S’agissant du lieu du paiement, depuis une réforme de 2016, le lieu dépend de la prestation accordée.
Si la prestation porte sur une somme d’argent, le paiement doit être fait en principe au domicile du créancier (article 1343-4). Le créancier n’a plus à aller quérir le paiement. C’est une règle supplétive, les parties peuvent faire le paiement ailleurs.
Si la prestation est autre que monétaire, le paiement doit se faire au domicile du débiteur (article 1342-6). Le paiement est alors quérable pour le créancier. Ex : on se déplace chez le garagiste pur faire réparer notre voiture, le paiement aura lieu là-bas.
Si le paiement a été effectué et que le débiteur se rend compte qu’il manque quelque chose (ex : la roue de secours), la justice estime que c’est au débiteur de faire le déplacement car c’est lui qui a manqué à son obligation. Le déplacement ne peut se faire qu’une seule fois.
Derrière ces questions se pose la question de la juridiction territorialement compétente. L’article 46 CPC prévoit que le tribunal compétent est celui du domicile du défendeur. Mais le même texte prévoit une autre règle : le demandeur peut choisir d’assigner au lieu de l’exécution de l’obligation ou de la prestation de service. Certains établissements bancaires ont soulevé cette possibilité pour assigner des cautions devant la juridiction où ces juridictions avaient leur siège social.
La Cour de cassation a estimé que l’obligation de la caution réside dans le paiement d’une somme d’argent et non pas dans la livraison d’une chose ou dans une prestation de service quelconque. Le créancier doit assigner la caution au lieu de son domicile.
B. Preuve du paiement :
1. Charge de la preuve :
Le paiement doit être prouvé par celui qui se prétend libéré (article 1353 alinéa 2). Cette règle s’applique
à tous les paiements non seulement quand le paiement concerne une chose matérielle mais aussi quand il concerne des sommes d’argent. Si le paiement a été fait par voie bancaire, il appartient au débiteur de prouver le débit de son compte.
2. Modes de preuve :
Avant la réforme, aucune disposition sur la preuve du paiement dans le code donc la JP avait tendance à statuer en fonction de l’objet de l’obligation.
Si obligation en nature, la preuve pouvait se faire par tous moyens. Le paiement d’une telle obligation doit être considéré comme un fait juridique.
Si obligation de somme d’argent, la preuve devait se faire conformément aux règles concernant les actes juridiques (sauf en matière commerciale). Preuve écrite si plus de 1500 euros. Le mode habituel de preuve était donc la quittance.
Puis 1ère civ. 6 juill. 2004, la Haute Cour a décidé que la preuve du paiement se fait par tous moyens.
Aujourd’hui, l’article 1342-8 a consacré la solution qui avait été posée en 2004. Le paiement se prouve par tous moyens.
Sur le terrain de la preuve, le paiement est un fait juridique. La preuve peut être faite soit par écrit (quittance, relevés bancaires), soit par témoignage, soit par présomption du fait de l’homme.
Ex : un concessionnaire vend et remet un véhicule à l’acquéreur. Ce dernier affirmait avoir remis au vendeur un chèque et lui avait versé par la suite le solde en espèces. Mais le garagiste contestait le paiement en espèces. La Cour de cassation a estimé que la remise du véhicule est un indice du paiement. S’il y avait eu une difficulté sur le paiement du prix, le vendeur n’aurait pas manqué soit de faire une reconnaissance de dettes, soit de retenir la carte grise jusqu’au paiement du prix.
Autre exemple : vente au comptant d’une marchandise sur un marché public. Normalement, quand le vendeur a délivré la marchandise, la délivrance présume le paiement du prix. La Cour de cassation a estimé que le document produit par le débiteur n’était pas une facture et le témoignage imprécis → pas de présomption suffisamment forte du paiement du prix.
Dans le droit social, on estimait qu’à partir du moment où l’employeur délivrait un bulletin de paie, l’employeur s’était acquitté du paiement. La chambre sociale est revenue sur cette solution (Soc. 2 février 1999). La Cour de cassation considère que la délivrance d’un bulletin de paie au salarié ne vaut plus présomption de paiement.
La preuve du paiement peut résulter d’une présomption légale. Ex : le créancier a volontairement remis au débiteur son titre de créance. L’art. 1349 permet la reconnaissance de l’extinction de la créance. Mais cette solution suppose que le titre remis est la copie exécutoire de l’acte authentique ou l’original de l’acte sous seing privé.
Cette présomption légale est une présomption simple donc le créancier peut apporter la preuve contraire. Ex : postérieurement à la remise du titre, le créancier est en possession d’une autre reconnaissance de dette postérieure à la remise. En produisant cette reconnaissance de dette, il reconnait l’extinction de sa créance.
Doit-on considérer que tout écrit est superflu ? Non car la volonté du créancier de considérer que le paiement est libératoire est un acte juridique qui doit être prouvé par écrit, d’où l’importance d’une quittance signée et adressée au débineur. Par cet écrit, le créancier reconnait qu’il a reçu le paiement et que ce paiement est libératoire et extinctif. La plupart du temps, ces deux expressions se confondent.
Mais ce n’est pas le cas en cas de paiement par chèque : le débiteur est libéré dès la remise du chèque., sous condition suspensive de provision. L’effet extinctif du paiement ne se produit que lors de l’encaissement du chèque.
Le virement. La jurisprudence a d’abord jugé que le virement ne valait paiement qu’à la date de l’inscription du montant viré au compte du créancier (1ère civ. 23 juin 1993). Cela peut desservir le débiteur donc la chambre commerciale a décidé en 2009 que le virement valait paiement dès réception des fonds quand le banquier est créancier.
La délivrance d’une quittance ou d’un reçu par le créancier est d’autant plus important que certains éléments de preuve qui sont fournis par le débiteur ont une force probante relative car « nul ne peut se constituer de titre à soi-même » : Art 1363 Code civil → lorsque l’on cherche à apporter la preuve d’un fait et que l’on utiliser des documents provenant de sa propre entreprise, le juge peut tout à fait décider que ces docs sont irrecevables car établis par celui qui cherche à apporter la preuve.
Exemple : un débiteur envoie son paiement par la poste. Le paiement qui a été fait au créancier ne parvient pas au créancier car entre temps une personne l’a intercepté et s’est fait payer le chèque. Le débiteur va apporter la preuve de son relevé bancaire mais le débit aura profité à un tiers, on n’est donc pas en présence d’une preuve parfaite. Le débit du compte ne prouve pas que le paiement est parvenu au créancier.
Au moment du paiement, deux types d’incident peuvent se produire :
– Un tiers peut s’opposer au paiement en pratiquant une saisie attribution entre les mains du débiteur. Introduite en droit français par la loi du 9 juillet 1991. Il s’agit de bloquer la créance entre les mains du débiteur. Le créancier saisissant va interdire au débiteur de son débiteur de payer la dette.
– Lorsque le créancier refuse de recevoir le paiement qui est proposé par le débiteur.
C. Refus de recevoir paiement :
C’est le cas lorsque le créancier refuse de prendre livraison de la chose au motif qu’il ne s’agit pas exactement de ce qui était prévu. Il refuse de délivrer une quittance au débiteur alors que le débiteur se propose de lui faire un paiement d’une somma d’argent. L’inconvénient pour le débiter est que sans cette quittance, sa dette continue à s’alourdir en raison des intérêts. Si le débiteur a fourni une caution bancaire, il faudrait qu’il continue à rémunérer la caution. Si le refus du créancier n’est pas fondé, il est dépourvu de motifs légitimes.
Avant la réforme de 2016, il pouvait déclencher la procédure des offres réelles. Le débiteur pouvait aussi offrir le paiement au créancier par l’intermédiaire d’un officier ministériel. Si le créancier acceptait sans condition, le paiement était considéré comme fait. Dans le cas contraire, le débiteur pouvait consigner la somme ou encore la chose auprès de la caisse des dépôts et des consignations.
Une fois que la somme ou la chose était consignée, le débiteur devait obtenir un jugement constatant la validité de l’offre faite au créancier et de la consignation pour être libératoire.
Depuis la réforme, la procédure est simplifiée aux articles 1345s. Le débiteur peut mettre en demeure le créancier d’accepter le paiement ou la livraison. À partir de la mise en demeure, le débiteur n’a plus à supporter les intérêts postérieurs de la dette.
Si dans les deux mois suivants la mise en demeure, le créancier persiste dans son refus, le débiteur a le choix, il peut consigner la somme auprès de la caisse de dépôt et consignations ou alors remettre la chose
à un séquestre. Cette consignation a pour effet de libérer le débiteur envers le créancier dès l’instant où celui-ci a reçu notification de la consignation. Il peut arriver que la consignation ne soit pas possible, c’est le cas lorsque l’obligation porte sur une prestation de service, la solution qui a été trouvée est prévue par l’art 1345-2 : le débiteur se trouve libéré dans les deux mois de la mise en demeure.
D. Imputation du paiement :