Le brevet : cession, concession de licence, nantissement

L’EXPLOITATION DU BREVET

  L’exploitation du brevet désigne les actes juridiques qui vont permettre l’utilisation du brevet, en effet celui-ci est un bien, qui à l’image d’autres biens,  peut faire l’objet d’opérations juridiques, qui peuvent être volontaires ou non (c’est à dire des actes imposés).

 I   –   LES ACTES VOLONTAIRES

A. les actes comportant un transfert de propriété

 

  1. la cession de brevet

Le brevet peut être cédé seul ou avec un fond de commerce (la vente du fond de commerce emporte transmission des droits de Pi sauf clause contraire). La cession est un contrat de vente, de caractère commercial si  le cédant et le cessionnaire sont commerçants ou un caractère civil si le cédant est civil.  La cession peut être totale ou partielle, limitée ou non dans le temps.

·         Conditions de fond :

Ø  Le cédant doit être le propriétaire légitime du brevet ou le copropriétaire de sa quote-part (mais doit respecter le droit de préemption des autres copropriétaires).

Ø  La cession doit avoir un objet : donc elle ne peut pas porter sur un brevet déchu, expiré, annulé après la conclusion du contrat, ni ne porter sur une invention non-brevetée.

Ø  Le prix : il peut être forfaitaire (clause d’échelle mobile -cad celle en vertu de laquelle la valeur de la prestation est liée à la valeur du bien/service ou cout de la vie – ou clause d’indexation devant respecter le droit de la concurrence) ou proportionnel au CA réalisé par le cessionnaire (alors tenu d’exploiter l’invention)

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·         Conditions de forme et de publicité :

Ø   Exigence d’un écrit à peine de nullité (relative) –L615-8 al5 CPI

Ø  L’inscription au RNB – L613-19 CPI –effectuée à tout moment par l’une des parties, le défaut d’inscription rend l’acte inopposable aux tiers. Avant l’inscription le cessionnaire n’est pas considéré comme titulaire du brevet et ne peut agir en contrefaçon, et en cas de cessions successives du même brevet le cessionnaire qui l’emportera sera celui qui aura inscrit son contrat en 1e.

·         Effets de la cession :

Ø  Elle emporte plusieurs transferts :

—  Transfert du droit de propriété

—  Transfert du droit aux perfectionnements(Au sens technique c’est toute invention nouvelle se rattachant étroitement à l’invention de base par un lien technique, au sens commercial c’est toute invention nouvelle capable de concurrencer l’invention de base sur le marché) antérieurs à la cessions mais pas postérieurs réalisés par le cédant, mais la doctrine reste divisée.

—  Transfert de l’action en contrefaçonpour tous les actes commis après la cession (ou antérieurs si la cession le prévoit) et après inscription au RNB

—  Transfert de l’obligation de paiement des annuités

Ø  Par contre le cédant conserve son droit moral et son droit de priorité unioniste.

 

·         Les obligations issues du contrat  à la charge du cédant :

Ø  Obligation de délivrance

Ø  La communication du savoir-faire(en l’absence de clause le prévoyant on peut se fonder sur la théorie de l’accessoire pour le justifier le savoir-faire serait l’accessoire de la technique transférée mais en pratique tout est question d’espèce).

Ø  La fourniture de l’assistance technique : notamment lorsqu’elle est indispensable  à la mise en exploitation de la technique transférée, ou en vertu de l’obligation de délivrance (lorsqu’elle apparait comme un accessoire en l’absence duquel la technique transféré ne fournirait plus les utilités sur lesquelles le cessionnaire a dû compter) ou en vertu d’une obligation de renseignement → jpce en matière de contrat de fourniture de matériel informatique

Ø  Garantie contre les vices cachés et garantie d’éviction

·         Les obligations à la charge du cessionnaire :

Ø  Le paiement du prix

Ø  L’obligation d’exploiter

·         Nullité et résolution du contrat de cession :

Ø  Nullité : à défaut d’objet, la nullité impose au cédant de restituer le prix. Le cédant n’est pas admis à agir en nullité, le cessionnaire peut demander la nullité du brevet pour obtenir ensuite la nullité du contrat (action paralysée si le contrat comporte une clause de non-contestation).

Ø  La résolution : lorsque l’une des parties n’aura pas exécutée l’une quelconque de ses obligations → application de l’art.1184CCIV.

2. l’apport du brevet en société

·         Il peur s’agir de l’apport en propriété (qui transfère au profit de la société tous les droits attachés au brevet pour les pays visés à l’acte d’apport, qui peut être total ou partiel) ou d’un apport en jouissance pour une durée déterminée (la société bénéficiaire est dans la situation d’un licencié, et n’a qu’un droit d’usage sur le brevet).

·         Application du droit commun des sociétés

·         Les garanties attachées à l’apport : la société bénéficiaire de l’apport ne doit aucune garantie mais l’apporteur lui, doit les mêmes garanties qu’un vendeur.

·         A la liquidation de la société l’apporteur n’a en pcp aucun droit de reprise sur le brevet apporté sauf si une clause des statuts le permet.

B. Les actes ne comportant pas transfert du droit de brevet

 

 1. la concession de licence de brevet

·         Qualification : le contrat de licence est un contrat de louage (art.1708 s CCIV), il peut se définir comme le contrat par lequel me titulaire du brevet concède à un tiers en tout ou partie, la jouissance de son droit d’exploitation moyennant le paiement d’une redevance ou « royalties ». Mais ce n’est pas un contrat de non-opposition  qui est celui par lequel le titulaire du brevet se borne à s’interdire d’agir en contrefaçon à l’encontre de son cocontractant, les parties au contrat ne prennent aucun autre engagement.

·         Les conditions de fond :

Ø  Le concédant doit être le titulaire du brevet à peine de nullité (mais la bonne foi du licencié peut jouer en raison de l’apparence créer par le breveté), l’usufruitier peut aussi consentir une licence, comme le copropriétaire avec l’accord unanime des autres copropriétaires ou sur autorisation de justice. Il peut aussi s’agir du licencié  devenant concédant à l’égard su sous-licencié (suppose l’accord du breveté à la sous-licence).

Le concédant doit être capable et avoir le pouvoir de passer des actes d’administration.

Ø  Le contrat de licence doit avoir un objet à peine de nullité faute de quoi se serait une communication de savoir-faire. Le brevet ou bien une simple demande de brevet doit être l’objet du contrat. La licence peut être totale ou partielle.

Ø  Le prix : le prix de la licence, la redevance, peut être forfaitaire versé en une ou plusieurs fois, ou bien proportionnelle au CA. Il doit être déterminé ou déterminable. La liberté contractuelle est le principe.

Ø  La durée : le contrat prend effet à la signature  par les parties du document exigé pour sa validité. Sa durée est déterminée ou non (dans ce cas la jpce considère que s’il résulte des énonciations que le contrat le comporte et selon l’intention des parties, le contrat peut avoir un terme lorsque le brevet du concédé arrive à expiration car sinon se serait une atteinte au droit de la concurrence).

Ø  Le territoire : c’est celui du brevet sauf clause contraire

Ø  Les caractères : La licence est présumée être consentie pour l’ensemble du territoire pour lequel le brevet a été délivré, la licence peut être limitée à l’application de l’invention brevetée ou à la fabrication ou à la vente, elle peut être simple (lorsque le breveté peut accorder d’autres licences) ou exclusive (lorsque le breveté s’interdit de consentir d’autres licences mais dans le silence du contrat il peut se livrer à une activité concurrente).

·         Les conditions de formes et de publicités : 

Ø  Exigence d’un écrit à peine de nullité –L613-8 al5 CPI –

Ø  Inscription au RNB pour que le contrat soit opposable aux tiers, pour que le licencié exclusif puisse agir en contrefaçon

Ø  L613-9 permet aux cocontractants dont le contrat n’a pas été publié  de l’opposer aux tiers qui ont acquis des droits après la date de cet acte si au moment de l’acquisition les tiers avaient eu connaissance de la licence.

·         Les obligations à la charge du concédant :

Ø  Obligation de délivrancecad mettre le licencié en jouissance du brevet concédé et le mettre en mesure d’en jouir de la manière la plus absolue.

Ø  La communication des perfectionnementssi elle est prévue au contrat, à défaut le concédant doit communiquer les perfectionnements antérieurs au contrat, pour ceux postérieurs certains auteurs l’admettent en vertu de l’obligation de bonne foi, d’autres non et la Jcpe ne s’est guère prononcée sur ce point

Ø  L’assistance si elle est prévue au contra, à défaut elle est obligatoire si est prouvé que cette assistance est utile dans l’exploitation de l’invention.

Ø  L’exclusivité ; le concédant peut s’engager à ne pas accorder d’autres licences sur le même brevet, la licence est alors exclusive, dans le silence du contrat la licence est non-exclusive.

Ø  Garantie des vices cachés (portant sur l’invention elle-même) elle peut être étendue ou limitée → art.1721 CCIV. Les vices cachés sont les défauts non apparents au moment du contrat et qui rendent le brevet impropre à l’usage auquel il est destiné, il peut s’agir de vices juridiques (nullité du brevet) ou matériels (vice de conception empêchant une exploitation industrielle). Le concédant, qu’il soit de bonne ou mauvaise foi doit garantir le licencié pour le préjudice subi. Mais les clauses excluant cette garantie sont valables.

Ø  Garantie d’éviction en ce qui concerne les troubles de fait, le licencié n’est en effet pas titulaire de l’action en contrefaçon, même après publication du contrat. Si le breveté n’engage pas l’action en contrefaçon, son abstention est de nature à causer un préjudice au licencié  dont ce dernier pourra demander réparation. Mais le licencié exclusif dispose de cette action s’il met en demeure vainement le breveté. En ce qui concerne les troubles de droit, le breveté doit garantir le licencié contre une action en contrefaçon/revendication d’un droit de possession personnelle antérieure  pouvant porter un préjudice à l’exploitation paisible du brevet, seulement si le licencié est de bonne foi. Mais l’obligation de garantie d’éviction du fait des tiers n’est pas d’ordre public elle peut être aménagée par contrat.

S’agissant  du fait personnel, le concédant doit s’abstenir de perturber la jouissance paisible du brevet concédé par des troubles matériels (ex : non paiement des annuités entrainant la déchéance) ou juridiques (blocage de l’exploitation par un brevet dominant). C’est une obligation d’ordre public.

·         Les obligations à la charge du cessionnaire :

Ø  L’obligation d’exploiter : que la licence soit exclusive ou non, en l’absence ou non de clause le prévoyant, à peine de résolution du contrat.

–  L’exploitation doit être quantitativement et qualitativement effective et sérieuse cad la plus complète possible  du point de vue commercial et technique.

–  L’exploitation a un caractère personnel cad que le licencié ne peut pas accorder des sous-licences sous peine d’engager sa responsabilité contractuelle et de nullité de la sous-licence

–  L’exploitation doit être loyale  comme avertir le concédant des perfectionnements qu’il a découvert

Ø  Le paiement des redevances : fixes –proportionnelles au CA ou mixtes –

 

·         La fin du contrat :

Ø  La cessation normale du contrat : lorsque le contrat est affecté d’un terme, mais peut être reconduit en cas de clause de tacite reconduction, s’il est à durée indéterminée chaque partie peut y mettre fin en respectant un délai de préavis, en l’absence d’indication de durée il est limitée à la validité du brevet concédé selon la jpce.  Le licencié doit alors cesser d’exploiter le brevet, ni d’épuiser les stocks restant.

Ø  La résiliation : lorsque l’une des parties n’a pas respecté ses engagements, le contrat ne disparait que pour l’avenir

Ø  La résolution de plein droit : en vertu d’une clause du contrat

Ø  La nullité : absence d’objet/vices du consentement. Le licencié peut agir en nullité (sauf clause de non-contestation). L’annulation est totale ou partielle, elle a un effet rétroactif, donc le breveté doit rendre les redevances perçues normalement mais en fait la Cass a jugé que la nullité des contrats à exécution successive n’emportait pas cet effet rétroactif .Cette restitution peut être limitée en  tenant compte de l’avantage que l’exploitation du brevet a procuré.

 

2. le contrat de  nantissement de brevet

Il a pour objet la mobilisation de la valeur du brevet en garantie d’un crédit accordé par un tiers au titulaire du brevet. Le brevet peut être donné en nantissement soit isolément soit en tant qu’élément du fond de commerce.

L613-21 : le créancier nanti doit lorsqu’il veut exécuter sa sûreté, faire procéder à la saisie du brevet par acte extrajudiciaire signifié au titulaire du brevet ainsi qu’à l’INPI, la saisie rend inopposable au créancier saisissant toute modification ultérieure des droits attachés au brevet. A peine de nullité, le créancier doit se pourvoir devant le Tribunal en validité de la saisie et aux fins de mise en vente du brevet.

 

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 II  – LES ACTES IMPOSÉS

→ Soucis de permettre à la société d’accéder au libre usage des inventions /sauvegarde de l’Intérêt Général

 

A. les actes emportant transfert du droit de brevet : l’expropriation

L613-20 : l’Etat a la faculté d’exproprier les inventions pour les besoins de la défense nationale. L’expropriation porte sur l’invention brevetée, la mesure est prise sous forme de décret  sur rapport du ministre chargé de la PI et du ministre chargé de la défense nationale. L’indemnité est fixée par le TGI à défaut d’accord amiable.

 

B. les actes ne comportant pas un transfert du droit de brevet : les licences autoritaires

 

1. les licences à caractère administratif

Elles procèdent d’une décision du ministre chargé de la PI, elles se trouvent justifiées par # formes d’intérêts publics : santé publique, agriculture etc.… mais surtout correspondent à des circonstances exceptionnelles.

·         La licence d’office dans l’intérêt de la santé publique  – L613-16 –pour les médicaments, produits, procédés de fabrication ou d’obtention. Il fait que l’intérêt de la santé publique l’exige et à défaut d’accord amiable. Il faut que soit les médicaments en question ne sont pas mis à la disposition du public en quantité/qualité suffisante ou à un prix trop élevé  soit que le brevet est exploité dans des conditions contraires  à l’intérêt de la santé publique ou consécutives de pratiques anticoncurrentielles. La licence est alors prise par arrêté

·         La licence d’office dans l’intérêt du développement économique  – L613-18 -:même procédure que précédemment.  Dès lors que l’exploitation insuffisante nuit au développement économique, le ministre chargé de la PI peut mettre en demeure le propriétaire du brevet d’entreprendre l’exploitation afin de satisfaire aux besoins de l’économie nationale. Une licence d’office est prise par décret en CE si la mise en demeure n’est pas suivie d’effet dans un délai d’un an.

·         La licence d’office dans l’intérêt de la défense nationale – L613-19 : l’Etat peut obtenir ces licences à tout moment cad dès qu’il est constaté un défaut d’exploitation. La redevance est fixée à l’amiable ou par le TGI à défaut d’accord. C’est une licence non exclusive que l’Etat peut exploiter lui-même ou confier à un tiers.

·         La licence d’office dans l’intérêt de l’économie de l’élevage – L5141-3 CSP – : le ministre chargé de l’industrie et de la recherche peut à la demande du ministre de l’agriculture soumettre par arrêté au régime de la licence d’office les brevets d’invention en cause ex : médicaments vétérinaires.

·         La licence d’office dans le domaine des produits semi-conducteurs – L613-19 – : Une licence d’office ou obligatoire ne peut être accordée que pour une utilisation à des fins-publiques non commerciales ou pour remédier à une pratique déclarée anticoncurrentielle à la suite d’une procédure juridictionnelle ou administrative.

 

2. les licences à caractère judiciaire

Ces licences sont imposées au breveté et vont profiter directement à un particulier. Elles se justifient par l’intérêt collectif et le refus de monopole.

·         La licence obligatoire pour défaut d’exploitation : le breveté a l’obligation d’exploiter l’invention en contrepartie de son monopole, à défaut la sanction est la possibilité offerte au tiers de demander en justice l’octroi d’une licence obligatoire.

Ø  Conditions d’octroide la licence  – L613-11 et L613-12

—  On ne peut solliciter l’octroi d’une licence obligatoire avant l’expiration d’un délai d e 3 ans après la délivrance du brevet, ou 4 ans à compter de la date de DDB.

—  Le propriétaire du brevet ou son ayant cause ne doit pas avoir commencé à exploiter ni fait des préparatifs effectifs et sérieux pour l’exploitation dans un Etat mb de l’UE ou de l’EEE, ni avoir commercialisé le produit objet du brevet en quantité suffisante pour satisfaire aux besoins du marché français.

—  Celui qui demande l’octroi de la licence doit établir qu’il est en mesure d’exploiter de manière effective et sérieuse et d’avoir été éconduit à la suite d’une demande amiable de licence préalablement exposée au breveté

—  La jpce ajoute  que le brevet pour lequel la licence est demandée doit être valable  –Ca Paris 20 mars 1972

Ø  C’est le tribunal saisi qui fixe les modalités de la licence obligatoire qui sera nécessairement non exclusive. Elle prendra effet à la date du jugement qui l’octroi, et le Tribunal fixe les modalités pour y mettre fin à titre de sanction pour inexécution par le licencié de ses obligations.

 

·         La licence de dépendance : Le législateur a instauré à L613-15  le régime de cette licence afin d’éviter que le titulaire du brevet dépendant (brevet de perfectionnement)  ne soit paralysé dans son exploitation par un refus injustifié du titulaire du brevet dominant.

Ø  Conditions :

  • —  Le titulaire du brevet de perfectionnement doit attendre l’expiration d’un délai de 3 ans pour solliciter la licence au TGI du domicile/siège social du propriétaire du brevet dominant.
  • —  Avoir essuyé un refus d’octroi amiable d’une telle licence
  • —  La concession doit nécessaire à l’exploitation de sa propre invention
  • —  Il doit prouver que sa propre invention présente un progrès technique important par rapport au brevet précédent.

Ø  Le but est d’encourager le progrès que constitue le perfectionnement et de permettre au 2e inventeur d’obtenir un brevet pour ce même perfectionnement.

Ø  L613-15, L613-22 et L623-22-2 prévoient des licences obligatoires pour dépendances de COV et de brevet à COV  afin que le titulaire d’un brevet sur une plante ne bloque l’obtenteur qui aurait développé une variété dont les composants végétaux  seraient brevetés, dans l’exploitation de cette variété et inversement.

 

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