L’extinction du bail
Le statut du fermage tente d’assurer au mieux la stabilité du preneur. Cet objectif est retrouvé dans l’encadrement très étroit de la résiliation du bail.
§1 – Les causes d’extinction
A – La résiliation
On écarte l’hypothèse de la résiliation amiable, car elle résulte d’un accord des parties.
1) La résiliation pour faute du preneur
Quelles que soit la faute alléguée, il ne peut pas y avoir résiliation automatique. Elle doit être prononcée judiciairement. Depuis l’ordonnance du 13 juillet 2006, l’état des causes de résiliation est regroupé à l’article L. 411-31 du code rural.
Cet article vise le défaut de paiement du fermage. Il faut 2 défauts de paiement ayant persisté à l’expiration d’un délai de trois mois après mise en demeure postérieure aux échéances impayées.
Il vise également tous les agissements de nature à compromettre une bonne exploitation du fonds. Ils sont susceptibles d’être très variés. Le texte ne cite que l’hypothèse où le preneur ne dispose pas de main-d’oeuvre nécessaire aux besoins de l’exploitation. C’est aux tribunaux d’apprécier souverainement la gravité des agissements. Il doit mettre en évidence les conséquences néfastes que le comportement peut avoir sur les biens. Exemple : état d’inculture du fonds, défaut d’entretien, épuisement du sol, arrachage des plantes….
L’article vise également le non-respect par le preneur des clauses environnementales qui en application de l’article L. 411-27 peuvent être introduites dans certains baux. Ce sont les baux environnementaux créés par la loi du 5 janvier 2006. C’est un bail rural dérogatoire au statut du fermage tourné vers la préservation de l’environnement.
Auparavant, certains baux ruraux n’avaient que deux dispositions sur l’environnement : article L. 411-28 et L. 411-27 du code rural. Avec le bail environnemental, le législateur va plus loin avec un régime dérogatoire. Ce bail reste soumis au statut du fermage. Mais ponctuellement, il est soumis au statut dérogatoire.
Quant à la qualité du bailleur, il ne peut être qu’une personne morale de droit public ou une association agréée pour la protection de l’environnement. En aucun cas, ce ne peut être un bailleur privé.
De plus, les parcelles qu’ils font l’objet du bail ne peuvent être situés que dans certaines zones limitativement énumérées par l’article L. 411-27 du code rural : les parcelles préservant en elles-mêmes un intérêt environnemental et classées comme telles.
Ce bail va pouvoir composer ou interdire au preneur l’utilisation de certaines pratiques culturales. Les pratiques sont limitées par le décret du 8 mars 2007 : clauses pouvant être introduites dans le bail (ce sera un nouvel article R. 411-9-11-1 du col rural). Ce peut être un nom retournement des prairies, des modalités des récoltes, une limitation des produits phytosanitaires, interdiction d’irrigation, drainage…
Le loyer pourra être minoré par rapport à un bail classique puisque les contraintes pèsent sur le preneur. Le préfet prévoit alors un barème pour tenir compte de ce bail particulier pour prévoir un loyer minoré.
Enfin le bailleur a un droit de contrôle sur le respect par le preneur de ses obligations environnementales. Cela déroge à la liberté professionnelle du preneur. C’est pour cela qu’a été prévue une cause de résiliation en cas de non-respect par le preneur de ces nouvelles obligations. Le non-respect des clauses environnementales est une cause péremptoire de résiliation.
Dans l’article L. 411-31 du code rural, figurent aussi des contraventions aux dispositions de l’article L. 411-35 du code rural qui concerne toutes les hypothèses où il y aura un manquement aux règles encadrant la cession et la location du bail. C’est un motif péremptoire de résiliation.
2) La résiliation pour changement de la destination agricole du bien loué
L’article L. 411-32 du code rural autorise le bailleur à résilier le bail si le preneur ne veut pas modifier la destination agricole. Exemple : les parcelles qui deviennent constructibles.
La résiliation peut intervenir de plein droit quand les parcelles sont situées en zone urbaine.
Quand ce n’est pas le cas, il faut l’accord du préfet.
Le bailleur notifie son intention par un acte extrajudiciaire au moins un an avant la résiliation. Le preneur obtiendra une indemnisation de la part du bailleur comme il pourrait l’être en cas d’expropriation.
Quand la résiliation n’est que partielle, le preneur peut réclamer une résiliation totale si la résiliation partielle compromet l’équilibre de son exploitation : article L. 411-32 du code rural.
3) Les causes de résiliation tenant à la personne du preneur
Le preneur n’est plus en mesure d’exploiter le bien loué. La loi lui offre la possibilité de solliciter la résiliation du bail : article L. 411-33 du code rural. C’est le cas quand lui-même ou un membre de sa famille est frappé par une incapacité de travail ou décède, quand le preneur souhaite prendre sa retraite ou à l’occasion de chaque échéance annuelle postérieure à ses 60 ans.
C’est aussi le cas quand le preneur a acquis la propriété d’une exploitation, quand il n’est pas en conformité avec les règles du contrôle des structures car il exploite une surface trop importante.
4) Les causes de résiliation tenant au bien loué
L’article L. 411-30 visant la destruction des biens loués car l’objet du bail disparaît. Souvent, c’est une destruction partielle. Le preneur peut demander la résiliation du bail s’il prouve que la destruction partielle compromet gravement l’équilibre de son exploitation.
Il y a également l’hypothèse du remembrement, article L. 123-18 du code rural qui laisse au preneur le choix soit d’obtenir un report de son bail sur les parcelles échangées et reçues par le bailleur soit de demander la résiliation du bail.
B – La reprise du bien loué
La loi l’encadre de façon très rigoureuse, il y a trois reprises :
– la reprise pour exploiter
– la reprise pour construire une maison d’habitation
– la reprise pour exploiter une carrière
Il n’y a que le bailleur qui soit titulaire du droit de reprise. Mais il n’en est pas le seul bénéficiaire. Il peut reprendre le fonds soit pour l’exploiter lui-même soit pour le faire exploiter par son conjoint, ses descendants ou son partenaire pacsé.
Le bénéficiaire doit justifier d’un diplôme agricole ou d’une expérience professionnelle en matière agricole exigée par les règles du contrôle des structures.
L’ordonnance du 13 juillet 2006, prévoit que le bénéficiaire peut être dispensé de ces conditions s’il a obtenu l’autorisation d’exploiter au titre du contrôle des structures. Cette possibilité est une nouveauté qui met fin à la pratique problématique où le bénéficiaire se voyait interdire une reprise alors qu’il avait l’autorisation mais pas de diplôme ou d’expérience professionnelle.
Le bénéficiaire doit s’engager expressément et ce dès le stade de reprise à exploiter personnellement les biens repris pendant au moins neuf années de manière effective et permanente. Cela implique qu’il soit apte physiquement à exercer le travail. Les tribunaux viennent le vérifier. Il doit également justifier qu’il possède du matériel et un cheptel nécessaire ou des moyens financiers nécessaires pour les acquérir.
L’ancien preneur à un droit de contrôle a posteriori avec possibilité d’une réintégration des lieux.
Enfin, le bénéficiaire à l’obligation d’habiter sur place ou au moins à proximité.
S’il rentre dans le cadre du contrôle des structures, il doit obtenir l’autorisation d’exploiter.
L’ordonnance du 13 juillet 2006 prévoit qu’un sursis à statuer ne sera plus obligatoire pour le tribunal paritaire.
Le titulaire du droit de reprise peut faire une reprise totale ou partielle. En cas de reprise partielle, elle ne doit pas être de nature à compromettre gravement l’équilibre de l’exploitation du preneur.
Le principe est que la reprise ne peut s’exercer qu’au terme du bail. Dans ce cas, elle s’analyse comme un refus de renouvellement. Par exception, elle pourra parfois intervenir soit en cours du bail soit être repoussée au terme du bail.
La reprise anticipée n’est possible que si une clause du bail l’envisage expressément. C’est possible quand le bailleur était mineur lors de la conclusion du bail. De plus, il est possible d’introduire une clause de reprise triennale quand le bailleur était mineur à la conclusion du bail. Il est également possible d’introduire dans certains baux une clause reprise sexennale (expiration d’une période de six ans). Dans ce cas, la reprise ne peut pas être effectuée par le propriétaire a son propre profit mais peut les reprendre pour les faire exploiter par son conjoint, ses descendants ou son partenaire pacsé.
La reprise peut également être différée dans le temps. Ce sera le 15 surtout au en fonction de l’âge du preneur. Quand il est confronté à l’âge de retraite et à la demande d’une reprise, la loi lui permet de demander la prorogation du bail jusqu’à ce qu’il ait atteint l’âge des 60 ans. Quand la prorogation se met en place, 18 mois avant le terme de la prorogation, le bailleur doit lui notifier son congé. Sinon un nouveau bail de neuf ans se met en place.
Quand le bail arrive à son terme : c’est un congé qui doit être signifié par un exploit d’huissier soumis à un formalisme rigoureux prescrit par l’article L. 411-27 du code rural. Ils doivent contenir toutes les informations quant aux bénéficiaires de reprise (identité, lieu d’habitation), terme de l’article L. 411-54 sur les modalités de contestation du congé devant le tribunal paritaire de quatre mois, l’assiette des biens repris. À défaut, le congé est nul.
En cas de reprise abusive, de contrôles sont offerts au preneur :
– contrôle a priori pour contester un congé devant le tribunal paritaire dans un délai de quatre mois. La charge de la preuve pèse sur le bénéficiaire de la reprise. Le tribunal peut invalider le congé.
– contrôle a posteriori du respect par le bénéficiaire de la reprise des engagements qu’il avait pris.
L’ancien preneur continu à bénéficier d’une surveillance sur les conditions dans lesquelles le bénéficiaire de reprise se comporte. Il peut saisir le tribunal paritaire. Par cette action, il peut obtenir la réintégration. Le tribunal ne peut pas ordonner une intégration si le preneur a déjà redonné ou acquis des terres est si cela aboutissait à ce qu’il exploite une trop grande superficie de terres.
La reprise peut être faite pour construire des maisons d’habitation ou adjoindre des dépendances à des constructions existantes. La superficie des terres pouvant être reprise limiter et fixé par décret. La reprise est faite pour lui-même ou un membre de la famille jusqu’au troisième degré de parenté. La reprise peut être faite pour exploiter une carrière pour quelqu’un qui exploite déjà une carrière.
C – La préemption des biens loués par le preneur
Cet endroit du statut. Le bail va s’éteindre par confusion. Le preneur devient acquéreur est propriétaire des biens loués. Le statut du fermage accorde au locataire un droit d’acquérir en priorité les biens qu’il exploite quand ces biens sont mis en vente par les propriétaires dans un souci d’assurer une stabilité du fermier dans les lieux loués.
C’est une prérogative d’ordre publique à laquelle un fermier ne peut renoncer à l’avance.
Bénéficiaire de ce droit = article L. 412-1 du code rural = l’exploitant preneur en place (locataire qui justifie d’un bail régulier encore en cours, opposable aux propriétaires).
L’article L. 412-5 précise que ce preneur doit avoir eu la qualité d’exploitant agricole pendant au moins trois ans et il doit exploiter par lui-même ou par les membres de sa famille le fonds qui est mis en vente.
Le preneur va pouvoir préempter pour poursuivre par lui-même l’exploitation soit pour louer les biens qu’il va acquérir par son conjoint, par le pacsé, par un descendant. Il peut aussi subroger un membre de sa famille dans l’exercice de son droit de préemption. Quel que soit le bénéficiaire final, l’objectif de ce droit c’est de consolider l’exploitation du preneur. C’est un droit qui n’est pas ouvert au locataire qui possède des terres dont la superficie est déjà suffisante (supérieure à trois unités de référence).
Obligations du préempteur : il est tenu par les mêmes obligations que le bailleur lorsqu’il exerce son droit de reprise = à compter de la préemption, le preneur devra exploiter les terres pendant au minimum neuf ans, il doit aussi s’engager à habiter sur place. Sanctions : condamnation à des dommages et intérêts à l’acquéreur évincé à supposer que l’identité de cet acquéreur lui ait été portée à sa connaissance.
Opération soumise au droit de préemption : l’article L. 412-1 prévoit que le preneur peut préempter lorsque le bailleur décide ou est contraint d’aliéner à titre onéreux les biens qui sont loués au locataire. Seules les aliénations à titre onéreux sont concernées. L’apport en société ne permet pas la préemption, de même que l’échange. Échappent donc à toute préemption les aliénations à titre gratuit.
Il est des cas où la qualité des parties peut permettre d’écarter le droit de préemption : si le vendeur et l’acquéreur sont parents jusqu’à 3° maximum. Aussi, l’existence d’un droit de prévention offerte à une collectivité ou un organisme prioritaire par rapport au locataire (zone d’aménagement différé/les espaces naturels sensibles).
Le droit de préemption du preneur prime celui de la SAFER à condition qu’il exploite depuis au moins trois ans.
S’agissant des biens concernés : ce sont les biens loués par le preneur. Difficultés lorsque que cela ne concerne qu’une fraction des biens. Le preneur peut préempter alors quelles que soit la superficie des biens mis en vente par le propriétaire.
Les modalités du droit de préemption :
– la vente à l’amiable : notification du projet de vente doit être adressée au preneur par le notaire qui est chargé de procéder à cette vente. Le notaire est seul compétent pour purger le droit de préemption. Notification par lettre recommandée avec accusé de réception ou par exploit d’huissier. C’est l’article L. 412-8. La notification doit fournir une information complète sur la vente projetée. L’identité de l’acquéreur pressenti n’a pas à être communiquée sauve si il ne s’engage pas dans son droit de reprise.
Tant qu’on est dans le délai de deux mois de la notification, on peut modifier les modalités de la vente. Après ce délai, les modifications donnent lieu à une nouvelle notification complète et ouvrent donc un nouveau délai de deux mois. Le preneur a trois possibilités dans son délai de deux mois :
- il renonce à préempter
- il accepte l’offre qui lui est faite dans la notification. Le destinataire de cette réponse ne peut être que le propriétaire. L’acte authentique de la vente doit être signé dans le délai de deux mois à compter de l’envoi de la réponse. Passé ce délai, la préemption sera nulle.
il accepte l’offre à des conditions différentes : modification judiciaire des conditions. Il doit toujours répondre dans le délai de deux mois et saisir le tribunal paritaire d’une demande en fixation du prix. Le tribunal va se prononcer sur la valeur vénale des biens à vendre en tenant compte de la dépréciation due au bail.
– vente par adjudication : il faut informer le locataire de la vente projetée mais pas du prix. On le convoque à l’adjudication 20 jours au moins avant la date prévue par lettre recommandée ou par exploit d’huissier. Le notaire chargé de la vente se charge de cette notification ou si c’est une adjudication judiciaire c’est le greffier du tribunal qui va procéder à la vente. À compter de la vente, le preneur a 20 jours pour faire savoir s’il préempte ou non. Il ne peut préempter qu’aux conditions de l’adjudication. Il ne peut pas faire réviser le prix.
Sanction du non-respect du droit de préemption :
– nullité de la vente avec substitution du preneur à l’acquéreur,
*lorsque le propriétaire a vendu les biens à un tiers avant l’expiration du délai pour préempter
*lorsque le propriétaire a vendu les biens à des conditions différentes de celles qui figuraient dans la notification faite au preneur
*lorsque le propriétaire avait indiqué dans la notification des conditions de vente qui tendait à l’empêcher d’acquérir
– nullité de la vente sans substitution du preneur. Le preneur peut réclamer des dommages et intérêts. Cela s’applique dans tous les autres cas non visés par l’article L. 412-10 du code rural.
Action en nullité ouverte dans les six mois à compter du jour où il a eu connaissance de la vente.
§2 – Les conséquences de l’extinction : le compte de sortie
A – L’indemnisation du preneur sortant
Le preneur qui quitte les lieux doit être indemnisé pour les améliorations et les travaux réalisés pendant son bail dans les lieux loués, article L. 411-69.
Quels sont les travaux indemnisables ? le régime concerne tous les travaux et investissements qui modifient matériellement les biens loués et qui leur apporte une utilité réelle qui persiste en fin de bail (construction de nouveaux bâtiments, aménagement des existants). Cela concerne aussi les améliorations culturales : accroissement du potentiel agronomique des terres.
Preuve des améliorations : on fait un état des lieux comparés. La preuve se fait sinon par tous moyens.
Il faut que les travaux aient été régulièrement exécutés, dans le respect des procédures légales = information préalable/autorisation du propriétaire.
Le créancier de l’indemnité ne peut être que le locataire sortant. Lorsqu’il cède son bail, le cédant ne peut pas exiger d’indemnités du bailleur. Mais il peut céder les améliorations qu’il a apportées au cessionnaire de son bail. S’agissant du débiteur, c’est celui qui se trouve propriétaire au moment où le locataire sort des lieux, c’est le bailleur final. Ce qui impose d’informer au moment de la vente l’acquéreur des biens loués que, lorsque le locataire quittera les lieux, il devra l’indemniser.
L’indemnisation ne peut concerner que le preneur sortant vis-à-vis du bailleur final, article L. 411-74.
Le paiement de l’indemnité : il est exigible immédiatement au jour où le bail prend fin. Dès lors que le propriétaire n’est pas à l’origine de la rupture du bail, il peut demander des délais de paiement. Ces délais peuvent aller jusqu’à deux ans.
Chacune des parties peut saisir le tribunal paritaire en fixation de l’indemnité de sortie, article L. 411-76.
B – L’indemnisation du propriétaire
Article L. 411-72 : s’il apparaît une dégradation du bien louer, le bailleur a droit à une indemnité égale au montant du préjudice subi à l’expiration du bail. La preuve se fait par l’état des lieux, ou par tous moyens.
Concernant les bâtiments, faute d’état des lieux, il y a la présomption de les avoir reçu en bon état de réparations locatives.
Selon la jurisprudence, ne sont pas considérées comme des dégradations indemnisables les pertes de quotas.