Le fait justificatif par la contrainte physique

Le fait justificatif par la contrainte physique

Avant d’étudier la justification d’un fait transgressant l’ordre pénal par la contrainte physique (II), il convient d’étudier la notion de fait justificatif (I)

Si l’action ou l’omission incriminé par la loi se trouve justifiée, l’infraction disparaît. Il est donc nécessaire pour que l’infraction se trouve constituée qu’elle puisse être analysé comme une transgression de l’ordre pénal, comme un fait antijuridique c’est à dire un fait transgressant l’ordre pénal. En effet, il n’y a ni crime, ni délit, ni contravention (article 124, alinéa 1 du Code pénal marocain) si le fait contraire à la loi pénale préexistante est justifié.

En droit pénal marocain, les faits justificatifs sont des éléments qui permettent à l’auteur d’une infraction de ne pas être considéré comme pénalement responsable de ses actes.

I) Qu’est-ce qu’un fait justificatif en droit marocain?

Un fait justificatif est une circonstance qui enlève son caractère illégal à un acte normalement contraire à l’ordre social. Il ne se contente pas de neutraliser l’élément légal, il fait également disparaître l’élément moral puisque’ aucune faute ne peut être imputée à l’agent, ainsi que l’élément matériel dont l’apparence seule est infractionnelle puisque cette action ou cette omission ne saurait analysée comme un comportement pénal. Ce qui en d’autres circonstances eut été infractionnel se trouve justifié par le droit. Il y a donc transgression apparente de l’ordre pénal, mais il n’y a pas infraction. En conséquence, si le fait justificatif est établi, les poursuites doivent prendre fin ; aucune sanction ne peut-être prise à l’encontre de l’agent qui ne présente pas un état dangereux ni anti-social ; la responsabilité civile du fait personnel de l’agent ne saurait non plus être retenue, car l’existence du fait justificatif est exclusif de la faute. Les causes de justification font disparaître l’infraction qui, pour être constituée, doit nécessairement comprendre un élément antijuridique (c’est à dire une transgression de l’ordre pénal).

L’étude de l’élément antijuridique (transgression de l’ordre pénal) se confond avec celle des trois faits justificatifs généraux prévus dans les articles 124 et 125 du Code pénal marocain.

  • Dans le premier cas, la justification résulte d’un ordre de la loi qui impose à une personne d’accomplir un acte. L’infraction est légale.
  • Dans le second cas, la justification résulte de la cause étrangère ayant contraint l’agent, de façon irrésistible, à la commission de l’infraction. L’infraction est inévitable.
  • Dans le troisième cas, la justification résulte d’une permission de la loi. L’infraction est nécessaire.

Voici quelques exemples de faits justificatifs reconnus par le droit pénal marocain :

  1. La légitime défense : lorsque l’auteur d’une infraction agit pour se protéger lui-même ou autrui contre une agression injustifiée, il peut invoquer la légitime défense pour justifier son acte.
  2. L’état de nécessité : lorsque l’auteur d’une infraction agit pour éviter un danger imminent et sérieux pour lui-même ou autrui, il peut invoquer l’état de nécessité pour justifier son acte.
  3. Le consentement de la victime : dans certains cas, lorsque la victime donne son consentement libre et éclairé à un acte qui pourrait autrement être considéré comme une infraction, l’auteur de l’acte peut invoquer le consentement de la victime pour justifier son acte. Cependant, le consentement de la victime n’est pas un fait justificatif pour toutes les infractions pénales, en particulier celles qui portent atteinte à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.
  4. L’exercice légitime d’une autorité : lorsque l’auteur d’une infraction agit dans le cadre de ses fonctions ou de ses responsabilités légales, il peut invoquer l’exercice légitime d’une autorité pour justifier son acte.

II – LA JUSTIFICATION PAR LA CONTRAINTE PHYSIQUE

Aux termes de l’article 124-2° du Code pénal marocain « Il n’y a ni crime, ni délit, ni contravention :

1° ……….

2° Lorsque l’auteur a été matériellement forcé d’accomplir ou a été matériellement placé dans l’impossibilité d’éviter l’infraction, par un événement provenant d’une cause étrangère auquel il n’a pu résister ».

La contrainte est une cause générale de justification, et non une simple cause de non culpabilité : elle fait disparaître l’infraction.

Dans les deux cas envisagés par le texte, il s’agit expressément de la seule contrainte physique : l’agent est soit matériellement forcé d’accomplir, soit matériellement placé dans l’impossibilité d’éviter.

Mais qu’est-ce qu’une contrainte physique ? Le Code pénal marocain ne la définit pas à la différence du D.O.C. qui propose dans son article 269 une définition que la jurisprudence marocaine a précisée : la contrainte physique, c’est la force majeure.

« La force majeure est tout fait que l’homme ne peut prévenir, tel que les phénomènes naturels, l’invasion ennemi, le fait du prince, et qui rend impossible l’exécution de l’obligation.

N’est point considérée comme force majeur la cause qu’il était possible d’éviter, si le débiteur ne justifie qu’il a déployé toute diligence pour s’en prémunir.

N’est pas également considérée comme force majeure la cause qui a été occasionnée par une faute précédente du débiteur ».

Ce texte est adapté à l’article 124-2° du Code pénal marocain dont il constitue, en dépit de son antériorité, un prolongement précis.

Trois conditions sont nécessaires pour que la contrainte physique puisse être érigée en fait justificatif.

§ 1 : ELLE DOIT ÊTRE D’ORIGINE EXTERNE

Provoquée par « un événement provenant d’une cause étrangère », la contrainte physique apparaît subordonnée à un fait extérieur à la personne de l’agent ; elle ne saurait donc avoir une origine interne.

Serait ainsi soumis à une contrainte exonératoire, l’individu séquestré et par la même dans l’impossibilité physique de verser à l’échéance une pension alimentaire : le délit prévu par l’article 480 u Code pénal marocain ne pourrait être constitué.

§ 2 : ELLE DOIT ÊTRE IRRÉSISTIBLE

L’agent « n’a pu résister ». La jurisprudence marocaine apprécie cette irrésistibilité avec une sévérité particulière. La force visée par le texte doit être imprévisible.

§ 3 : ELLE NE DOIT PAS AVOIR ÉTÉ PROVOQUÉE PAR UNE FAUTE DE L’AGENT

En rappelant dans deux arrêts de principe rendus à propos du délit de blessures involontaires consécutif à un accident de la circulation, cette nécessité de l’absence de faute : Pour avoir le caractère de force majeure, la défaillance mécanique d’un véhicule doit avoir un caractère imprévisible, la Cour Suprême voulant par là signifier que l’état et l’entretien du véhicule doivent être insusceptibles de permettre la prévision de cette défaillance. Il appartient à l’agent de prouver qu’il n’a commis aucune faute d’omission relativement à cet entretien.