Faute d’imprudence : définition, élements constitutifs, sanction

Qu’est-ce que la faute d’imprudence ?

Pour qualifier une infraction d’imprudence, il faut une faute d’imprudence. Cette faute d’imprudence on va essayer de la qualifier en distinguant deux hypothèses :

  • La faute d’imprudence est une faute simple = imprudence simple
  • La faute d’imprudence est une faute qualifiée c’est-à-dire grave (article 121-3 alinéa 4)

Confrontation avec le civil car une grande majorité des actions en droit civil sont jugées par un juge pénal (on se porte partie civile devant le juge pénal)

A) La faute d’imprudence est une faute simple

La faute simple d’une manière générale peut être comprise comme un comportement imprudent mais la question qui se pose est de savoir comment déterminer l’illicéité pénale. Comment un comportement devient pénalement illicite ? La réponse va dépendre d’une distinction entre deux situations qui va nous permettre de fixer l’élément matériel de l’imprudence.

La faute pénale n’est pas seulement un comportement illicite appréhendé d’une manière matérielle, il faut voir que même la faute simple impose un certain état esprit du délinquant.

  • 1) L’élément matériel

L’illicéité pénale dépend de deux critères : légal et prétorien.

Ces critères sont alternatifs. Le critère légal est l’existence préalable d’une norme légale ou réglementaire qui définit un comportement ou qui interdit un comportement. Les articles 221-6 et 222-19 disposent qu’est une imprudence la violation d’une obligation prévue par la loi ou le règlement. Il faudra donc identifier la norme préalable et constater que la norme a été violée.

Deux questions se posent ici : lorsqu’on parle de norme légale ou réglementaire on ne fait référence qu’à deux types de sources : la loi et le règlement au sens constitutionnel du terme : ne sont pas visés les règlements professionnels, circulaires etc…

De plus, l’obligation de sécurité prévue par la loi ou le règlement peut être sanctionnée en elle-même indépendamment de l’atteinte qu’elle provoque. Si on commet un excès de vitesse c’est une violation à l’obligation de sécurité prévue par la loi ou le règlement par elle-même. Mais dès lors que l’excès de vitesse va provoquer la mort d’autrui ou une atteinte à son intégrité physique va entrer en compte les articles 222-6 ou 222-19. Donc on se trouve face à un concours idéal d’infractions (contravention + délit) car c’est le même fait (excès de vitesse) qui engendre deux infractions. La particularité ici est qu’il s’agit d’envisager un concours entre une contravention et un délit. L’article 221-6 ou 222-19 vise dans leur élément constitutif la violation d’une loi ou d’un règlement donc on aura des concours idéal d’infractions.

Mais il est envisageable de porter atteinte à autrui en dehors de toute activité réglementée. C’est ici qu’intervient le critère prétorien : celui de l’appréciation de la faute d’imprudence par référence à une norme de comportement standard (le bon père de famille). Il faut donc comparer le comportement de la personne poursuivie avec celui du bon père de famille placé dans les mêmes circonstances.

En 1996 le législateur a ajouté un alinéa 3 à l’article 121-3 : il y a délit lorsque la loi le prévoir en cas de … les diligences normales compte tenu … dont il disposait ». Le législateur a voulu écrire une directive pour les juges du fond pour juger l’imprudence : tenir compte des missions, fonctions, compétence et des pouvoirs de la personne que l’on juge. Ce texte a été introduit car des maires se plaignaient qu’ils étaient trop concernés par les poursuites pénales (construction de rondpoint). Le législateur va indiquer au juge qu’il faut qu’il tienne compte des missions etc… de la personne. Le législateur n’a pas apprécié in concreto (comparer à la norme habituelle de comportement, ce que l’individu que l’on juge a l’habitude de faire) à ce qu’on pourrait le croire mais à apprécier de manière in abstracto (comparer à un standard).

Note : Ce que veulent dire les auteurs qui utilisent le terme de in concreto veut dire que le juge doit prendre en considération les circonstances précises de l’affaire, or c’est ce que les juges ont toujours fait.

Il faut donc que les juges doivent apprécier au regard d’une norme de comportement qui doit être adaptée aux circonstances (bon père de famille). Si on doit juger un médecin, il faudra le comparer avec le comportement d’un bon père de famille médecin au regard des mêmes circonstances : il faut adapter la norme aux mêmes circonstances. Or, ça le juge l’a toujours fait. La loi de 1996 n’a donc rien changé.

  • 2) L’élément moral

Le droit pénal est un droit de la punition et pour punir quelqu’un il faut prendre en considération son état d’esprit. C’est là qu’en pratique la difficulté survient car qu’est-ce que l’élément moral d’une imprudence ?

D’un point de vue théorique, l’imprudence c’est le contraire de l’intention donc c’est celui qui n’a pas voulu le comportement et/ou le résultat du texte d’incrimination. On lui reproche de ne pas avoir prévu :

  • Que son comportement était susceptible de causer un résultat dommageable : imprévoyance du dommage (conduite inattentive, percute piéton)
  • L’imprudence porte sur l’acte = je n’ai pas prévu mon comportement, j’ai commis une erreur sur mon comportement

Le code propose une liste qui englobe les deux situations ; il parle : maladresse, inattention, négligence, imprudence.

Tous ces termes d’un point de vue juridique, les juges et la Cour de cassation n’ont jamais accordé un sens particulier à chacun des termes et quand on juge on ne va pas apporter une définition de chaque terme.

Une maladresse = on se rend pas compte que son comportement est dangereux (ouvrage qui tombe sur une personne et la blesse au pied) = on ne prévoit pas l’acte lui même

Dans la négligence et l’imprudence, on a conscience du comportement mais on ne se rend pas compte que ça peut être la cause d’un résultat dommageable.

Ce qui est important de constater est que la faute pénale qui est punissable au regard de ce que dit le législateur peut être une faute légère. Le texte d’incrimination envisage la pénalisation de toute sorte de comportements imprudents car son incriminés de simples erreurs, maladresses. Pourquoi le législateur est si dur ? Ils se sont penchés sur le résultat qui est une atteinte à la vie ou à l’intégrité physique donc il faut sanctionner lorsqu’il y a une atteinte. Il serait possible de réécrire les articles 221-6 et 19.

Lorsque nous sommes dans une situation de causalité directe, il suffit de prouver une faute simple qui est celle que l’on vient de décrire : donc toute faute.

B) La faute d’imprudence est une faute qualifiée

C’est une faute qui existe que depuis la loi du 10 juillet 2000. Ce qu’on envisage est une hypothèse que l’on peut nommer l’imprudence consciente.

Note : on a trois grandes catégories dans l’élément moral :

  • Intention : je veux acte + résultat
  • Imprudence consciente : je veux un acte, j’ai conscience du résultat que cet acte pourrait causer mais je ne recherche pas ce résultat
  • Imprudence simple : le commets un acte et je ne prévois même pas que cet acte pourrait être la cause d’un résultat illicite

Je commets un acte et je ne prévois pas que cet acte peut causer un dommage = imprévoyance de l’acte

Dans le cadre de l’imprudence consciente, le législateur est intervenu avec l’article 121-3 alinéa 4. On a deux types de faute : délibérée et caractérisée.

1) La faute délibérée

Cette faute on peut l’appréhender d’un point de vue matériel et moral.

  • D’un point de vue matériel

Le comportement incriminé est la violation d’une obligation de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement. À partir de là, on peut reprendre le développement de la faute simple. Le législateur vise une obligation PARTICULIERE ce qui veut dire que la particularité de l’obligation peut être dépendante de plusieurs critères :

elle peut être fonction d’une activité (activité de circulation routière, transport aérien etc..)

Il ne suffit pas de constater que l’obligation soit prévue par la loi mais il faut que cette obligation soit particulière. Elles ne sont pas toutes particulières parce que prévues dans la loi

norme prévues dans le cadre de normes professionnelles : un décret prévoit que dans certains chantiers de construction un matériel de blindage est nécessaire pour éviter les éboulement / obligation de porter un casque sur un chantier = obligations particulières prévues par la loi ou le règlement

mais le seul excès de vitesse, même fut il important n’est pas a lui seul constitutif d’une violation particulière car ce respect s’impose a tous les usagers de la route donc cette obligation est dotée d’une certaine généralité

Le juge n’est pas libre de qualifier une faute délibérée.

  • Du point de vue moral

L’article vise une violation MANIFESTEMENT délibérée : il faut que la violation soit volontaire et consciente. Le texte ne dit rien sur la conscience du résultat : il y a une sorte de présomption. Lorsqu’un individu viole de manière manifeste une obligation de prudence ou de sécurité on présume qu’il a conscience des conséquences de cette violation.

→ ex : un chef d’entreprise de manière volontaire accepte que ses salariés ne respectent pas les obligations de sécurité et de prudence, cette violation manifeste fait présumé qu’il a conscience qu’un accident puisse arriver.

Il n’est pas nécessaire de prouver autre chose que la violation manifestement délibérée.

2) La faute caractérisée

  • L’aspect matériel

La formule est complexe car la faute visée est la faute caractérisée et qui expose autrui à une ? Qu’il ne pouvait éviter. La faute visée est une faute caractérisée, qui correspond à un comportement grave (faute lourde en civil). C’est une faute dont les éléments sont bien marqués d’une certaine gravité, il s’agit d’une imprudence ou d’une négligence qui se manifeste de manière évidente.

→ Quelqu’un laisse une personne conduire un engin alors qu’il n’a pas le permis

  • L’aspect moral

Le juge va recouvrir la qualité de l’infraction. Il peut dire qu’il y a une faute caractérisée alors qu’il n’y avait pas de violation préalable. Elle est beaucoup plus souple sur l’élément matériel. Mais pas sur l’élément moral car le texte dit que la faute doit exposer un risque d’une particulière gravité qu’elle ne pouvait ignorer. Donc cette faute consiste en une conscience du risque. Où est la frontière de la preuve ? L’auteur ne pouvait ignorer qu’il expose un risque à autrui. Donc il va falloir prouver cette conscience du risque. Il faudra prouver que l’auteur savait que son action ou son omission était susceptible de créer un risque d’une particulière gravité.

En pratique, on peut faire état d’une sorte de présomption de l’état du risque fondée sur la gravité du comportement. Celui qui commet volontairement un comportement dangereux ne peut pas ignorer que ce comportement est susceptible de causer un risque pour autrui.

→ conduite de l’engin : comportement grave du chef d’entreprise il ne pouvait ignorer que cette faute créait un risque pour autrui

La présomption est fondée sur la gravité de l’acte mais aussi sur la qualité de l’auteur ; le fait que ce dernier soit un professionnel permet de retenir plus facilement une faute caractérisée.

→ garagiste prête une voiture avec des pneus lisse, l’emprunteur cause un dommage a un tiers. Le client qui conduisait qu’on utilise le critère de la proximité spatiotemporelle ou du paramètre déterminant, on va voir que la cause est directe, donc il faudra une faute simple. Concernant le garagiste, il a créé une situation dangereuse, sa causalité est indirecte. Il faut prouver une faute délibérée ou caractérisée. On écarte la faute délibérée car on n’a pas de texte. Le faute de fournir un véhicule alors qu’on est professionnel qui a les pneus lisse : comportement grave + présomption = risque causé à autrui. Ce fut le cas dans un arrêt du 4 février 2003.

 

Le rapprochement entre la faute pénale et civile

En matière d’imprudence, le droit a pendant longtemps été dominé par le principe dit de l’identité des fautes pénales et civiles. Ce principe, en matière d’imprudence, était posé par la Cour de cassation depuis un arrêt du 18 décembre 1912. Ce principe d’identité des fautes civiles et pénales a deux explications, à la fois d’ordre procédural et d’ordre substantiel :

  • Explication d’ordre procédural : le criminel tient le civil en l’état. De ce principe de primauté du criminel sur le civil découle deux règles :
  • – Le juge civil doit sursoir à statuer lorsque le juge pénal est également saisi de faits identiques.
  • – La décision du juge pénal a autorité de la chose jugée au civil. Ce sont des règles procédurales notamment prévues dans l’article 4 du Code de Procédure Pénale. Cette jurisprudence était lié au principe de l’autorité de la chose jugée : le juge civil n’a pas à contredire le juge pénal+ en matière d’imprudence, l’interprétation faite de la faute d’imprudence par les deux juges est la même. Mais l’inconvénient de cette jurisprudence était que le juge avait peur que si il ne condamnait pas la victime n’aurait pas de réparation puisque identité des fautes pénales et civiles (autorité de la chose jugée au criminel sur le civil). Alors le juge pénal a eu tendance à condamner pour des poussières de faute.
  • Explication au plan substantiel : l’identité des fautes civiles et pénales s’expliquait par la constatation que lorsqu’une infraction pénale est constatée, il est par la même constatée que la personne en cause ne s’est pas comportée comme un bon père de famille, c’est donc qu’elle commet une faute civile, car le critère de la faute civile (articles 1382 et 1383 du Code civil) le critère normal au regard du bon père de famille.

Ce système a pour partie été abandonné depuis la loi du 10 juillet 2000, et d’un point de vue procédural par d’autres réformes. D’un point de vue procédural, l est envisagé dans l’article 4 du Code de Procédure Pénale que le juge civil ne soit pas obligé de sursoir à statuer

Il existe deux règles dans le Code de procédure pénale qui s’appliquent dans le cadre de la relaxe :

  • L’article 470-1 Code de procédure pénale : si le juge pénal a été saisi de l’action publique et civile relaxe la personne poursuivie d’une infraction d’imprudence, il reste compétent pour statuer sur les DI sur le fondement d’une responsabilité sans faute « en application des règles du droit civil ». Donc, ça veut dire qu’on peut condamner au civil sur le fondement d’une responsabilité sans faute ou pour faute
  • L’article 4-1 Code de procédure pénale : le juge pénal a été saisi de l’action publique simplement, il relaxe et dit que la victime peut saisir une juridiction civile en application de l’article 1383 du code civile et des règles du code de sécurité sociale

Donc apparemment il n’y a plus d’identité des fautes pénales et civiles. Sauf qu’après il y a la rationalité pratique, car en pratique tout dépend de la situation appréhendée. Il faut distinguer :

  • Identité positive : le juge pénal a condamné et en pratique le juge civil ne va pas dire le contraire et donc l’autorité de la chose jugée du criminel sur le civil est toujours là
  • Identité négative : le juge pénal dit qu’il n’y a pas faute et alors la il semble qu’il n’y a plus d’identité. Mais il y a deux cas dans lesquels on peut relaxer :
  • Il n’y a pas faute qualifiée alors qu’elle était nécessaire car il y avait causalité indirecte : il y a relaxe pour cette absence mais le juge civile lui, pourra constater une faute simple
  • Lorsque le juge pénal relaxe pour une faute simple, si le juge pénal dit qu’un comportement in abstracto est un comportement normal alors ce sera difficile pour le juge civil de dire le contraire, dire que le comportement est anormal. Car même en droit civil il faut prouver une faute objective (= comportement du bon père de famille placé dans les mêmes circonstances)