La faute intentionnelle en droit pénal marocain

 LA FAUTE INTENTIONNELLE EN DROIT MAROCAIN

L’acte n’est une infraction punissable que s’il y a responsabilité pénale, c’est-à-dire si son auteur matériel est un être humain responsable, jouissant de ses facultés mentales (l’imputabilité), à défaut de quoi il n’y a pas responsabilité, et ayant commis une faute (la culpabilité).

Autrement dit, pour qu’une action ou une abstention constitue une infraction punissable, il faut que l’agent ait commis une faute et que cette faute lui soit imputable.

L’agent auquel l’acte est matériellement imputable ne sera coupable que s’il a commis une faute.

A. LES DIVERS ASPECTS DE LA FAUTE INTENTIONNELLE

La faute intentionnelle c’est le dol. On distingue généralement deux catégories de dol en matière pénale.

1. LE DOL GÉNÉRAL

C’est la faute intentionnelle qui déclenche la responsabilité pénale « Les crimes et les délits ne sont punissables que lorsqu’ils ont été commis intentionnellement » (alinéa 1 de l’article 133 du Code pénal marocain)

a. Les théories réalistes

La faute intentionnelle est une notion d’ordre moral ; elle est fonction de la responsabilité de chaque délinquant ; il importe donc de prendre en considération soit les mobiles, soit l’intention frauduleuse.

Dol général et mobile.

Le mobile c’est la cause impulsive et déterminante de l’acte criminel. Cette cause variable, peut être honorable (faim du voleur) ou perverse (cupidité du voleur). Si l’on veut subordonner la répression à l’état dangereux, il faut admettre que le droit pénal doit tenir compte de la qualité du mobile pour exclure au atténué la responsabilité pénale si les mobiles sont honorables. Le dol général se confond ici avec la perversité du mobile, la sanction applicable étant proportionnée au degré de cette perversité.

En droit pénal marocain, le mobile n’influe pas sur l’existence de l’infraction qui demeure punissable, même si le mobile de l’agent était honorable.

La règle de l’indifférence des mobiles n’est pas absolue : les tribunaux leur accordent attention, ils servent souvent de base à l’attribution du bénéfice des circonstances atténuantes. En droit, le législateur lui apporte certains tempéraments. La sévérité particulière des articles 163 à 218.9 sanctionnant les crimes et délits contre la sûreté de l’État, ne puisse s’analyser en faisant abstraction du mobile ; de même l’article 473 du Code pénal marocain sur l’enlèvement des mineurs fait du mobile avéré une circonstance aggravante du crime « Si le coupable se fait payer ou a eu pour but de se faire payer une rançon par mes personnes sous l’autorité ou la surveillance desquelles le mineur était placé, la peine, quel que soit l’âge du mineur, est la réclusion perpétuelle »

Dol général et intention frauduleuse

L’intention frauduleuse ne se confond pas nécessairement avec le mobile : c’est l’intention de tromper, la volonté de frauder. Le mobile est seulement l’explication de cette volonté dolosive.

b. La théorie classique

Cette théorie définit le dol général, sur un plan purement intellectuel, comme un mécanisme mental en rapport avec le type d’infraction défini par la loi. La théorie classique distingue dans le dol général deux éléments constitutifs :

L’élément connaissance ou conscience

Le dol général consiste à agir avec une double connaissance :

La connaissance de l’état de droit infractionnel, c’est la conscience de l’illicéité de l’acte. Son importance en droit marocain est purement théorique puisqu’aux termes de l’article 2 du Code pénal marocain « nul ne peut invoquer pour son excuse l’ignorance de la loi pénale ».

La connaissance de l’état infractionnel qui consiste à avoir conscience des éléments matériels de l’infraction, tels qu’ils sont incriminés par la loi pénale, est en revanche essentielle.

L’élément volonté

La connaissance est en elle-même insuffisant. Elle ne signifie rien si elle n’est pas associé à la volonté délibérée d’agir ou de s’abstenir. l’agent sait, par exemple, être le détenteur précaire de telle somme, il en refuse néanmoins la restitution. La volonté délictueuse naît de cette décision.

2. LE DOL SPÉCIAL

C’est la faute intentionnelle. Le dol général n’est pas, en effet, toujours suffisant pour déclencher la responsabilité pénale ; dans de nombreuses infractions, la loi exige en outre un dol particulier : le dol spécial ou spécifique.

a. Dol spécial et intention

Le dol spécial c’est une intention précise. En plus de la volonté consciente de violer la loi pénale, il est exigé, par exemple en cas de vol, la volonté de s’approprier de la chose d’autrui (article 505 du Code pénal marocain).

A défaut de cette intention précise exigée par la loi, l’agent n’est pas punissable au titre de l’infraction intentionnelle caractérisée par le do spécial. En revanche, il peut être puni sous une autre qualification : si, par exemple, l’agent commet un homicide sans avoir eu l’intention de tuer mais simplement de blesser, il pourra être condamné, conformément à l’article 403 de Code pénal marocain du chef de coup et blessures volontaires ayant entraîner la mort sans intention de la donner.

b. Dol spécial et prévisibilité

Le dol spécial peut donc être défini comme le fait d’avoir délibérément agi pour obtenir les conséquences préjudiciables de telle ou telle infraction. Dans quelle mesure peut-on imputer à l’agent, soit les conséquences préjudiciables qui étaient simplement prévisibles, soit les conséquences préjudiciables qui ont dépassé ses prévisions ?

Le dol indéterminé

La doctrine distingue le dol déterminé et le dol indéterminé. Dans le premier cas, les conséquences préjudiciables de l’infraction appréciées, au moment de l’action, étaient nettement prévues ; dans le second cas, elles étaient seulement prévisibles. Par exemple, les conséquences du meurtre délibérément projeté sont déterminées avec exactitude. En revanche, l’agent qui porte volontairement des coups à autrui ne peut ignorer que son action est susceptible de produire différentes conséquences, faciles à énumérer mais dont il ignore, au moment de l’action, laquelle en sera le résultat. L’agent doit-il être puni comme s’il avait voulu ces conséquences ? la réponse classique est affirmative car, ayant la capacité de comprendre et de vouloir, l’agent est censé prévoir un dommage prévisible ; l’ayant prévu et n’ayant rien fait pour l’éviter, il est censé l’avoir voulu.

Les articles 267, 400 à 403 du Code pénal marocain consacrent nettement cette règle en proportionnant la peine applicable en cas de coups et blessures volontaires à la gravité du préjudice subi par la victime.

Le dol prêter intentionnel

L’infraction peut également produire des conséquences plus graves que celles que l’agent était à même de prévoir. L’exemple classique est celui de l’agent qui porte des coups à une femme enceinte ont il ignorait la grossesse et dont il provoquera de ce fait l’avortement. il y a là dol prêter intentionnel, dol au-delà de l’intention. seul un lien de causalité matérielle permet de relier ce résultat non voulu à l’acte commis par l’agent. ce dernier tombera-t-il sous le coup de l’article 400 du Code pénal marocain réprimant l’avortement ? le lien de causalité subjective faisant défaut, on doit admettre que l’agent ne sera punissable au pénal que sur la base de l’article 400 du Code pénal marocain.

B. L’ERREUR DANS LES INFRACTIONS INTENTIONNELLES 

Si le dol général implique que l’agent ait la connaissance du caractère illégal de ses actes, faut-il admettre que l’erreur ou l’ignorance puisse être exclusive de l’intention criminelle chaque fois qu’elle fait disparaître les éléments intellectuels du dol ?

1. L’ERREUR DE DROIT

Elle peut consister soit dans l’ignorance de la loi pénale, soit dans une interprétation inexacte de ses dispositions. La règle nul ne peut invoquer pour son excuse l’ignorance de la loi pénale intégrée dans l’article 2 du Code pénal marocain s’oppose absolument à ce que l’erreur de droit constitue une cause de non culpabilité.

Cette règle est en fait totalement irréaliste, remarquablement inadaptée à la réalité marocaine. Comment admettre que tous les citoyens du Royaume, dont la majeure partie est analphabète, puisse être censés avoir lu le Bulletin Officiel ou le Code pénal marocain ou un traité de droit pénal spécial.

2. L’ERREUR DE FAIT

C’est celle qui porte sur la matérialité de l’acte accompli par l’agent.

 

a. L’erreur de fait destructrice de la faute intentionnelle

L’erreur de fait est exonératrice lorsqu’elle porte sur un élément essentiel de l’infraction, c’est-à-dire soit un élément constitutif, soit une circonstance aggravante. Elle transforme alors l’infraction intentionnelle en infraction d’imprudence ou empêche l’aggravation de la peine résultant de la circonstance aggravante.

Le pharmacien qui, par exemple, au lieu du remède prescrit par le médecin, livre par erreur un poison violent occasionnant ainsi le décès du malade, est coupable non pas du crime d’empoisonnement, mais du délit d’homicide par imprudence.

De même, le fils qui tue son père par erreur, croyant tuer une autre personne, ne commet pas un parricide, mais un meurtre simple. La circonstance aggravante de parricide est effacée par l’erreur de fait.

b. L’erreur de fait inopérante

Il en sera ainsi toutes les fois que subsistera la faute intentionnelle.

  • ·          Erreur sur la personne. Le meurtrier se trompant de victime, mais n’en ayant pas moins pour les mêmes raisons demeure responsable ;
  • ·          Il en est de même si c’est par maladresse que le coup dirigé contre une personne atteint une victime imprévue ;
  • ·          Infraction impossible.

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