La faute non-intentionnelle en droit pénal marocain

LA FAUTE NON INTENTIONNELLE EN DROIT MAROCAIN

La faute non intentionnelle s’identifie avec le quasi-délit. L’article 133, alinéa 2 du Code pénal marocain en fait une catégorie spécifique présentée comme exceptionnelle : « Les délits commis par imprudence sont exceptionnellement punissables dans les cas spécialement prévus par la loi ». il importe de distinguer la faute quasi-délictuelle de la faute contraventionnelle.

A. LA FAUTE QUASI DÉLICTUELLE

Un certain nombre d’infractions sont dites involontaires, d’imprudence, de négligence ou d’inattention. Ce sont les quasi-délits du droit pénal ; ces infractions sont effectivement dans la plupart des cas des délits, exceptionnellement des crimes. Ces quasi-délits du droit pénal sont-ils les mêmes que les quasi-délits du droit civil ?

1. LE PRINCIPE D’IDENTITÉ DE LA FAUTE CIVILE ET DE LA FAUTE PÉNALE

Les articles 432 et 433 du Code pénal marocain relatifs à l’homicide et aux blessures involontaires fournissent la définition de la faute pénale non intentionnelle. Aux termes de l’article 432 « Quiconque, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des règlements, commet involontairement un homicide (…) est puni de l’emprisonnement de trois mois à cinq ans et d’une amende de 250 à 1.000 dirhams ».

Il importe de rapprocher ce texte de celui de l’article 78 du DOC aux termes duquel « Chacun est responsable du dommage moral ou matériel qu’il a causé, non seulement par son fait, mais par sa faute, lorsqu’il est établi que cette faute en est la cause directe…La faute consiste, soit à omettre ce qu’on était tenu de faire, soit à faire ce dont on était tenu de s’abstenir, sans intention de causer un dommage ».

A la lumière de ces deux textes, les deux disciplines incriminant explicitement ou implicitement la négligence et l’imprudence. Cependant, adopter l’identité des deux fautes ou au contraire reconnaître leur différence est un choix difficile.

2. L’APPLICATION DU PRINCIPE D’IDENTITÉ DE LA FAUTE CIVILE ET DE LA FAUTE PÉNALE

a. La faute légère pénale

La répression de la faute pénale même très légère ressortit explicitement des termes de l’article 432 du Code pénal marocain. Une simple imprudence, une simple inattention, en dehors de toute inobservation des règlements, est susceptible d’engager la responsabilité pénale de l’agent dès l’instant où, à raison du trouble social provoqué, l’acte ou l’abstention se révèle « contraire à la loi pénale et réprimé par elle » (article 110 du Code pénal marocain).

b. La faute lourde pénale

Si, sur la base de l’identité des deux fautes, on suivait le principe de droit civil, la faute lourde est assimilée au dol, il faudrait condamner pour homicide volontaire l’agent coupable d’un homicide involontaire commis à la suite d’une très grave imprudence. La règle ni infraction, ni peine sans texte interdit l‘assimilation d’une faute non intentionnelle à une faute intentionnelle, l’assimilation d’un délit à un quasi-délit.

c. L’harmonisation du procès pénal et du procès civil

C’est une conséquence du principe de l’identité des deux fautes lorsque les procès sont engagés parallèlement ou concurremment à propos de la même infraction. Cette harmonisation s’opère en fonction de la primauté du criminel sur le civil, principe dégagé très tôt au Maroc sur la base du Code d’instruction criminelle de 1913 et consacré par le Code de procédure pénale de 2003. l’autorité sur le civil de la chose jugée au pénal est la conséquence fondamentale de ce principe ; mais l’harmonisation des deux procès s’arrête à ce niveau.

B. LA FAUTE CONTRAVENTIONNELLE

Il est vrai que l’article 133, alinéa 3 du Code pénal marocain semble poser le principe de la contravention infraction matérielle. Aux termes de ce texte « les contraventions sont punissables même lorsqu’elles ont été commises par imprudence… » ; l’article 116 du Code pénal marocain sur la tentative et l’article 129 sur la complicité semblent par ailleurs confirmer la thèse de la contravention, infraction purement matérielle.

1. L’ÉLÉMENT VOLONTÉ DANS LES FAITS CONTRAVENTIONNELS

L’article 134, alinéa 1 du Code pénal marocain s’exprime en termes généraux à propos de l’aliénation mentale exonératrice : l’ « impossibilité de comprendre ou de vouloir » exonère l’agent de toute faute contraventionnelle ; « en matière contraventionnelle l’individu absous, s’il est dangereux pour l’ordre public est remis à l’autorité administrative » (article 134, alinéa 3 du Code pénal marocain) ; il en va de même en cas d’irresponsabilité partielle : si, au moment des faits qui lui sont matériellement imputés, l’agent se trouve seulement « atteint d’un affaiblissement de ses facultés mentales », susceptible de « réduire sa compréhension et sa volonté », la peine contraventionnelle est modérée proportionnellement à la responsabilité qui lui est reconnue (article 135, dernier alinéa du Code pénal marocain).

2. L’ÉLÉMENT FAUTIF DANS LES FAITS CONTRAVENTIONNELS

Si l’article 133, alinéa 3 du Code pénal marocain pose le principe de la répression contraventionnelle de la simple imprudence, il souligne cependant l’existence exceptionnelle « des cas où la loi exige expressément l’intention de nuire ».

a. Le principe : La faute contraventionnelle d’imprudence

Comme dans les infractions quasi-délictuelle, la faute réside en l’espèce dans une négligence, une imprudence ou une inobservation des règlements. Deux différences fondamentales séparent cependant la faute quasi-délictuelle et la faute contraventionnelle d’imprudence.

La faute contraventionnelle d’imprudence est nécessairement présumée puisqu’elle est punissable dans tous les cas (article 133, alinéa 2 du Code pénal marocain).

Pour renverser une telle présomption, l’agent se trouve dans la position du responsable du fait des choses (article 88 du DOC). Il ne peut qu’invoquer la force majeure que le Code pénal marocain assimile à la contrainte, fait justificatif.

b. L’exception : La faute contraventionnelle intentionnelle

Lorsque « la loi exige expressément l’intention de nuire » (article 133, alinéa 3 du Code pénal marocain), l’agent est coupable d’une faute contraventionnelle intentionnelle. Cette faute n’est pas présumée et obéit, dans son analyse, aux normes dégagées à propos du dol général et du dol spécial. Seuls les articles 116 et 129 du Code pénal marocain, remarquablement adaptés à la faute contraventionnelle d’imprudence, viennent en matière de tentative et de complicité conférer à la faute contraventionnelle intentionnelle un aspect purement matériel : dans les deux cas il est totalement fait abstraction de l’intention coupable.