La filiation en droit musulman
La filiation se définit en islam par le fait de porter le nom de son père et de pouvoir hériter de lui, cette dernière disposition découlant juridiquement de la première dans le droit musulman classique.
A) Introduction sur la famille en droit musulman
En droit musulman, la force de la religion et de la morale est plus grande que dans les droits occidentaux.
À l’époque de l’hégire, à l’époque préislamique, le mariage se fait par rachat, l’homme acquiert un droit sur la femme en versant de l’argent à son père ou à son parent mâle. En ayant acheté la femme, l’homme obtient un droit sur elle et notamment un droit à l’exclusivité des relations sexuelles. Ce système est à l’origine de la famille patriarcale. Dans ce contexte, la femme ne compte pas véritablement. Dans une société marquée par les guerres, la femme est surtout perçue comme une bouche à nourrir et les infanticides de petites filles sont assez fréquents. La femme n’a pas de personnalité juridique et la veuve est transmise à l’héritier du mari avec ses autres biens. Dans cette société, la parenté se fait par les hommes conformément au dicton : « les fils de nos fils sont nos fils et les fils de nos filles sont des fils d’étrangers ».
- La filiation en droit musulman de la famille
- Effets et dissolution du mariage en droit musulman
- Le mariage en droit musulman
- Coutume, loi et jurisprudence en droit musulman
- Coran, Sunna, Qyas, Ijtihad, Ijma, 5 sources du droit musulman
Dans cette société, il n’y a pas non plus de différence très grande entre le mariage et le concubinage. La captive devient esclave et son maître bénéficie sur elle d’un droit exclusif. Les enfants de la captive appartiennent à la famille.
Ce système initial a été réformé par Mahomet qui a donné à la femme la personnalité juridique, lui a accordé des droits et a encadré la polygamie. Malgré tout, la parenté est restée une parenté par les mâles. C’est ainsi que le fils de la fille n’hérite pas de son grand père. Malgré les évolutions, le rôle de la femme reste inférieur, ne serait-ce qu’à cause de son impureté périodique qui suspend pour elle la pratique religieuse.
B) La filiation en droit musulman
Il faut distinguer entre la preuve et les effets de la filiation.
1. La preuve de la filiation en droit musulman
La preuve de la filiation se fait normalement par le mariage. Elle peut se faire par la reconnaissance d’un enfant. Il y a également la filiation adoptive.
a) La preuve de filiation par le mariage
Lorsque l’enfant est né dans le mariage, intervient la présomption de paternité que l’on retrouve dans le droit romain. « L’enfant appartient au lit ». Il y a cependant un désaveu possible de la part du mari si la conception est antérieure au mariage. Désaveu possible si à l’époque de la conception la cohabitation entre époux était impossible. Troisième désaveu possible : accusation d’adultère. Le problème se pose différemment lorsque l’enfant est né après la dissolution du mariage mais lorsque sa conception se situe avant cette dissolution. Il y a des divergences sur la durée de la grossesse. Il y a eu le recours en Kabylie de cette fiction de l’enfant en dehors du lit. Le Code de la famille algérien fixe à dix mois la durée de la grossesse.
b) La reconnaissance d’un enfant en présence de deux témoins
Si un homme souhaite reconnaître les enfants de son esclave, il peut procéder ainsi et les enfants de l’esclave vont acquérir les mêmes droits que les enfants légitimes.
c) La filiation adoptive
À l’époque préislamique l’adoption était fréquente et créait une véritable paternité. Il y a eu une inversion à l’initiative de Mahomet après qu’il ait désiré et épousé la femme de son fils adoptif. Depuis, l’adoption est interdite en droit musulman et cette interdiction est reprise dans les codes contemporains. C’est ainsi que l’art. 46 du Code de la famille algérien dispose : « l’adoption est interdite par la charia et la loi » tandis que l’art. 149 du Code de la famille marocain dispose lui « l’adoption est juridiquement nulle et n’entraîne aucun des effets de la filiation parentale légitime ». Il y a pour les droits du Maghreb, une exception en Tunisie en vertu de la loi du 4 mars 1958 qui dans son article 8 permet l’adoption dans certaines conditions : l’adoptant doit être majeur, marié, de bonne moralité. L’adopté prend le nom de l’adoptant et a les mêmes droits que ses enfants légitimes. Il existe cependant aussi bien en Algérie qu’au Maroc un mécanisme qui commence à être connu en France qui est le mécanisme de la kafala. Ce mécanisme de la kafala ou recueil légal a été introduit en 1976 dans le Code de la santé publique en Algérie. Le Code de la famille de 1984 a intégré ce mécanisme et l’a progressivement aménagé comme un substitut de l’adoption. Ce sont les art. 116 et suivants du Code de la famille algérien qui en traitent : « le recueil légal est l’engagement de prendre bénévolement en charge l’entretien, l’éducation et la protection d’un enfant mineur au même titre que le ferait un père pour son fils ». Il est établi par acte légal. Art. 123 du même Code de la famille algérien : « l’attributaire du droit de recueil légal qu’on appelle kafil peut donner ou léguer un tiers de ses biens à l’enfant recueilli qu’on désigne comme makfoul. Au-delà de cette part, le parent adoptif doit obtenir le consentement de ses héritiers. Ce dispositif a été complété par un décret exécutif du 13 janvier 1992. Ce décret exécutif permet à l’adoptant ou parent adoptif de donner son nom à l’enfant recueilli. La procédure prévue est une procédure judiciaire. Il faut une ordonnance du président du tribunal sur réquisition du procureur lui-même saisi par le ministre de la justice. Si la mère de l’enfant est à la fois connue et vivante, elle doit donner son accord.
Cette question de la kafala fait l’objet d’un certain nombre de difficultés dans l’ordre international. Initialement, la jurisprudence française s’alignant en cela sur les autres pays européens transformait la kafala en adoption. Depuis 2001, le Code civil français par souci diplomatique fait prévaloir le droit du pays de naissance. Il est dit dans l’art. 370-3 du Code civil français à l’alinéa 2 : « L’adoption d’un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France. » Cette affaire a suscité différentes formes d’émois. En France, un sénateur UMP avait déposé une proposition de loi visant à supprimer l’article précité du Code civil, ce qui aurait aux enfants une plus grande stabilité et des droits supérieurs mais les auraient coupés de leurs origines. Il y a eu au Maroc une circulaire du 19 septembre 2012 prise à l’initiative du parti islamiste Justice et Développement décidant d’interrompre le processus de kafala pour les non-résidents au Maroc. Le système de kafala est désormais limité aux résidents au Maroc de religion musulmane.
2. Les effets de la filiation en droit musulman
Réciprocité de droits et de devoirs entre les parents et les enfants. Le père dispose de la puissance paternelle qui s’étend à la personne et aux biens de l’enfant. La puissance paternelle qui dans la société préislamique allait jusqu’au droit de donner la mort est devenu une puissance protectrice qui est exprimée par le terme de wilaya. Désigne la tutelle et les préfectures en Algérie. Le père a le droit d’éduquer ses enfants, de les corriger sans laisser de traces, de louer les services de ses enfants mâles, de contrainte matrimoniale et il gère les biens de ses enfants mineurs. En contrepartie de ces droits, le père doit loger et entretenir ses enfants. Quant à la mère, elle doit protéger ses enfants, elle doit les allaiter quand ils sont petits et elle doit les entretenir.
Vis-à-vis de leurs parents, les enfants sont astreints à certaines obligations. Des obligations d’ordre moral comme le respect et des obligations d’ordre militaire si les parents sont dans le besoin.
Dispositions reprises dans les codes contemporains.
C) Les successions en droit musulman
On a pu considérer que le droit musulman en matière de succession était une combinaison entre un droit préislamique, un droit de nomade guerrier et le droit plus favorable aux femmes qui était le droit de La Mecque. Dans le droit de nomade guerrier, la succession se faisait par les hommes. Un adage indiquait : « quiconque n’est pas en état de monter à cheval et de se servir d’une épée ne doit rien recevoir en héritage ». Le droit de La Mecque, ville de négoce ouverte aux contacts avec d’autres civilisation, était plus favorable aux femmes.
Aujourd’hui, les liens qui confèrent la qualité de bénéficiaire de successions sont la parenté (lien entre deux personnes car l’une descend de l’autre), le mariage (forme de réciprocité pour la succession), le patronage (lien entre un maître et un affranchi au profit du premier) et l’islamisme (communauté de religion condition pour transmettre son bien). Il y a en revanche des incapacités à succéder qui frappent les esclaves. Ils ne possèdent rien en propre donc ils ne peuvent pas hériter. Cette incapacité à succéder frappe également les apostats frappés de mort civile. On peut citer d’autres cas : l’homicide, la différence de religion et la différence de nationalité pour l’étranger non musulman.