IIIeme république fonctionnement du régime de la troisième république

Le régime politique de la IIIe République

 

Le fonctionnement du régime sous la IIIe République (1875-1940) :

Le IIIe République sera essentiellement marquée par deux phénomènes, l’existence d’un déséquilibre institutionnel, et l’essor d’un libéralisme politique.

A] La toute puissance du pouvoir législatif :

La Constitution Grévy a institué un régime de parlementarisme absolu, dans lequel le parlement domine complètement le pouvoir exécutif. Cette réalité contraste nettement avec la philosophie des lois constitutionnelles de 1875, qui visaient à instaurer un régime équilibré. La suprématie du pouvoir législatif est d’abord indirecte, dans la mesure où ce pouvoir s’est renforcé, au fur et à mesure que le pouvoir exécutif s’affaiblissait, mais cette nomination est aussi directe, et ce pour trois raisons majeures : tout d’abord, le parlement est le seul organe constitutionnel élu au suffrage universel, et à ce titre, il est le seul à bénéficier d’une véritable légitimité populaire, ensuite, le parlement dispose du pouvoir législatif dans sa plénitude, c’est-à-dire que non seulement il a le pouvoir de proposer et de délibérer la loi, mais de plus, le caractère très large du domaine matériel de la loi, lui permet d’intervenir dans la quasi-totalité des secteurs de la vie publique. Par ailleurs, le pouvoir règlementaire détenu par le Président de la République ne peut s’exercer que s’il existe une loi définissant préalablement son domaine d’intervention. Enfin, le parlement peut engager la responsabilité politique des ministres ou du conseil des ministres, et contrôler ainsi l’action gouvernementale, par le jeu de l’interpellation et des questions. Ce pouvoir de contrôle est d’autant plus élevé et contraignant pour le pouvoir exécutif, que parallèlement, le chef de l’ État s’est volontairement privé de son droit de dissolution vis-à-vis de la chambre des députés. Il s’ensuit un déséquilibre entre les moyens d’action et de contrôle entre les deux pouvoirs. La double responsabilité du gouvernement devant le Sénat et la chambre des députés a généré une forte instabilité gouvernementale, ainsi, de nombreux gouvernements ont dû démissionner face à l’hostilité du Sénat, alors même qu’ils avaient la confiance de la chambre des députés. L’ampleur grandissante des pouvoirs du parlement et la diversité des secteurs régis par la loi, conduiront progressivement le parlement à se dessaisir de ses prérogatives, au profit du gouvernement, par la pratique des lois de plein pouvoir, ou des décrets-lois. Comme leur nom l’indique, les loi de plein pouvoir, ou les décrets-lois, consistent pour le parlement à autoriser le gouvernement, pour un délai déterminé, à prendre des mesures qui relèvent normalement du domaine de la loi, et donc de la compétence du législateur. Ces mesures qui étaient assez critiquables d’un point de vue juridique, étaient néanmoins justifiées par les circonstances économiques de l’époque, et par la nécessité de remédier rapidement à une situation des plus difficiles. Cette technique a toutefois eu pour mérite de redonner une place importante au pouvoir exécutif, qui est apparu bien longtemps en retrait, par rapport au pouvoir législatif.

B] L’évanescence du pouvoir exécutif :

La mise en retrait et la subordination du pouvoir exécutif sous la IIIe République, se mesure essentiellement au travers de trois réalités.

  • a) L’effacement progressif du Président de la République sur la scène politique :

Sous la IIIe République, la présidence de la République apparaît comme une fonction en constant déclin. Cet état de fait transparaît au travers de nombreux éléments qui sont autant d’indicateurs de l’affaiblissement de la fonction présidentielle. Parce qu’il n’est pas élu au suffrage universel direct, mais bien par les assemblées parlementaires, le chef de l’ État ne peut pas mener une politique personnelle, il est donc contraint de définir une politique conforme à la ligne de conduite générale établie par le parlement. Ensuite, le Président de la République perd progressivement son droit de regard sur la politique étrangère. Le chef de l’ État ayant perdu de façon coutumière son droit de dissolution, cette prérogative ne sera plus utilisée, alors même qu’elle est un élément clé dans l’équilibre des pouvoirs. Le Président de la République n’est plus libre de nommer et de révoquer les ministres à sa guise, désormais, ce sont les majorités parlementaires qui font les gouvernements, et lorsque celles-ci éclatent, les ministres sont tenus à la démission, sans que le président puisse faire quoi que ce soit. Juridiquement parlant, le chef de l’ État ne peut être contraint à démissionner par le parlement, mais dans la pratique, il en va différemment, le chef de l’ État assurant une sorte de responsabilité indirecte devant le parlement, par lequel il a été élu. Le Président de la République ne domine plus le gouvernement, comme cela était le cas sous le régime parlementaire dualiste. Trois raisons permettent d’expliquer cela : tout d’abord, le Président de la République préside le conseil des ministres, mais il ne s’agit d’une attribution que purement théorique (aucun pouvoir de direction). Ensuite, le Président de la République choisi le président du conseil, mais il ne prend plus part à la désignation et au départ des membres composant ce conseil. Enfin, la plupart des prérogatives constitutionnelles confiées au Président de la République par les lois de 1875, sont en fait exercées par les ministres, qui ne lui laissent au final que les pouvoirs de moindre importance.

  • b) La fragilité institutionnelle du conseil des ministres :

Le conseil des ministres est, sous la IIIe République, en proie à d’incessants renversements. Cette instabilité gouvernementale atteint des proportions démesurées, puisque entre 1871 et 1940, pas moins de cent quarante gouvernements se sont succédés. L’une des causes profondes de cette instabilité doit être recherchée dans l’absence de procédures particulières, prévues par les lois constitutionnelles, pour la mise en œuvre de la responsabilité politique du gouvernement devant le parlement. Il en résulte que le gouvernement peut être conduit à démissionner dans n’importe quelle situation, même lorsque aucun motif valable ne le justifiait. A cette cause institutionnelle, doivent être ajoutées des causes de nature politique, et ici, l’un des facteurs de fragilisation de l’édifice gouvernemental, réside dans le multipartisme qui favorise le jeu des alliances et des coalitions politiques. Ces alliances se faisant et se défaisant assez rapidement, il en va de même pour le gouvernement, qui ne peut se maintenir en fonction, dès lors qu’il ne correspond plus à la nouvelle tendance politique majoritaire au sein du parlement.

  • c) L’absence de statut juridique de la fonction de président du conseil des ministres :

La fonction de président du conseil des ministres n’est pas prévue par les lois constitutionnelles de 1875. L’explication d’une telle omission réside dans le fait que les textes adoptés entre 1871 et 1873, prévoyaient que le conseil des ministres était présidé par le Président de la République. Après les élections des assemblées parlementaires, il était prévu qu’il y aurait bien un chef du gouvernement, désigné sous le titre de président du conseil des ministres. Le conseil des ministres est en principe présidé par le chef de l’ État, et ce n’est que si celui-ci est empêché qu’il revient au président du conseil d’assurer cette présidence. De même, le président du conseil ne dispose d’aucun moyen juridique pour imposer sa volonté, ou la faire prévaloir sur celle des autres ministres. Il se contente alors le plus souvent d’assurer des fonctions de gestion, plutôt que d’impulsion, de coordination, et de décision.

  • &2 : l’essor du libéralisme politique :

On peut ici affirmer que la IIIe République correspond à une période libérale du régime politique français, malgré les quelques crises graves qu’elle a connues. Elle est notamment marquée par deux phénomènes majeurs, le renforcement des libertés, et le développement du pluralisme politique.

A] Le renforcement des libertés :

L’un des faits les plus remarquables est que la majorité des grands textes sur les libertés, remonte au début de la IIIe République. On peut citer la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la loi du 30 juin 1881 et du 28 mars 1907 sur la liberté de réunion, celle du 21 mars 1884 sur le droit syndical, une autre du 1er juillet 1901 sur la liberté d’association, et enfin la loi du 9 décembre 1905 sur la liberté de culte et de religion. De même, sur le plan juridictionnel, on assiste au développement du recours pour excès de pouvoir, qui est une procédure permettant à tout citoyen de saisir le juge administratif, en vue de solliciter l’annulation d’un acte ou d’une décision administrative. Enfin, on assiste à un très important mouvement de décentralisation, avec le développement des libertés locales, au travers de la loi du 10 août 1871, relative à l’administration départementale, et celle du 5 avril 1884 sur l’administration municipale.

B] Le développement du pluralisme politique :

La IIIe République se caractérise par l’apparition et l’essor du multipartisme, qui se traduit par la multiplication des partis politiques. Ce multipartisme est évidemment compétitif et agressif, l’enjeu étant l’accès au pouvoir. Bien souvent, les partis politiques sont relativement peu structurés et organisés, ce qui explique les difficultés pour certains à s’implanter durablement dans le paysage politique français. Le fait d’assister à une prolifération des partis politiques représentés aux assemblées parlementaires, constitue un facteur d’instabilité gouvernementale, dans la mesure où des partis minoritaires d’opposition peuvent former des alliances ou des coalitions, pour devenir ensuite majoritaires. La IIIe République voit aussi se succéder des partis, et même, des gouvernements de concentration républicaine, qui s’appuient sur des coalitions excluant ou éliminant les partis extrémistes. Toutefois, l’inconvénient d’une telle pratique est de conduire à la mise en œuvre de politiques très voisines de celles mises en œuvre par les majorités précédentes. Les choix politiques possibles pour les électeurs sont relativement peu nombreux, et surtout, assez similaires les uns par rapport aux autres.