FONCTIONNEMENT DE LA JUSTICE EN ANGLETERRE ET DIFFÉRENCE AVEC LA FRANCE
Il convient, maintenant, d’aborder le procès et le jugement en Angleterre pour en faire ressortir les particularismes et les différences, par rapport à ce que l’on connaît dans le système romano-germanique. en général, et en France en particulier.
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Ce Cours complet de droit anglais est divisé en plusieurs chapitres
Section 1 : Le procès.
Lors d’un procès, en Angleterre, le juge écoute les témoins, lit les documents, écoute les avocats, décide quels sont les faits qui sont avérés, et leur applique la loi ou le précédent judiciaire. Tels sont, pour le juge anglais, l’impartialité et la vraie justice. Dans la plupart des procès civils conduits sans jury, le juge suit un mode de raisonnement assez mécanique. Mais parfois il sent intuitivement que cette façon de procéder n’aboutit pas à une décision juste. Alors, tout en respectant les faits, il utilise la marge d’appréciation que lui laisse la loi. Les procès anglais ont une longue tradition d’oralité, qui vient du fait que la magistrature est issue du barreau, et donc habile à improviser. Le résultat est que le procès se déroule de manière ininterrompue jusqu’au prononcé de la décision. Bien qu’il existe généralement une série de documents préparatoires, il est rare que le juge les ait vus avant la veille du procès. Le lendemain, au début de l’audience, la tâche principale des avocats est de sélectionner, de concentrer, de présenter les éléments factuels et juridiques, afin de les expliquer et de convaincre. Après les plaidoiries, et généralement sans pause, le juge rend sa décision. Cette rapidité étonne toujours les étrangers, et en particulier les français habitués à des délibérés très longs. Pour comprendre cette façon de faire, il faut avoir à l’esprit que le juge anglais a passé la première partie de sa vie professionnelle comme avocat, improvisant chaque jour, bien qu’ayant méticuleusement préparé ses dossiers. Sa formation d’avocat lui a appris à orienter un raisonnement logique vers un but précis. La procédure étant essentiellement orale, le juge n’a pas été contraint à passer des heures à lire et à analyser un dossier. Ce sont les avocats qui ont dû sélectionner et résumer tout ce qui peut sérieusement influencer le jugement. Par conséquent, lorsque les plaidoiries se terminent, le juge en sait assez pour prononcer immédiatement la décision de justice.
C’est aussi une des raisons pour lesquelles la décision du juge anglais est narrative. Le juge pense tout haut. Il décrit le témoignage qu’il a entendu, ses raisons pour rejeter un élément ou au contraire en accepter un autre. Il résume la loi, analyse au besoin les précédents. Il récapitule les points principaux des plaidoiries et arrive finalement, devant tout le monde, à sa conclusion. Lorsque l’affaire est plus compliquée, que la décision doit être écrite et ne peut pas être prononcée immédiatement, son style n’est guère différent. La décision est à peine moins ramassée. Les décisions des juges anglais, même écrites, n’ont jamais le laconisme de nos arrêts. Dans le cadre de cette culture juridique orale, de l’échange de dialogues, il n’est pas surprenant que les plaidoiries soient si importantes. Toutefois cette tradition pluriséculaire est en train de changer en raison de l’augmentation de la complexité des affaires, de la diminution des moyens de la Justice, de la généralisation des photocopieuses, de la télécopie, du courrier électronique etc. Le juge anglais est de plus en plus responsable de la préparation du dossier ; il devient autant acteur qu’arbitre ; il connaît les détails de l’affaire longtemps avant l’audience. La solution de beaucoup de procès dépend de plus en plus de documents écrits et de plaidoiries écrites précises.
En attendant la disparition complète de la tradition, il convient de préciser quels sont les impératifs du juge quand il rend sa décision. Lorsque celle-ci concerne l’intérêt public, elle doit être rédigée dans un langage accessible à tous,… même à un journaliste dit avec humour le juge Stephen SEDLEY, juge à la High Court, dont nous utilisons le témoignage. Quand il rend sa décision, le juge s’adresse à la partie perdante, car c’est elle et non le vainqueur qui s’intéresse le plus au raisonnement motivant la décision. Mais il s’adresse aussi aux juristes, aux avocats qui viennent de plaider, aux collègues juges qui, un jour peut-être, devront analyser cette décision afin de la confirmer ou de la critiquer, et à la Court of Appeal qui va peut-être avoir besoin de comprendre comment, sur la base de ces faits, le juge du procès est arrivé à une telle conclusion. En rendant sa décision, le juge anglais essaie donc de satisfaire un éventail assez large d’intérêts. Il est possible que le résultat ne satisfasse personne, mais comme le dit, avec philosophie et en français, le juge SEDLEY : « C’est la vie! ».
Section 2 : Le jugement.
Nous allons recenser quelques différences entre décision juridictionnelle dans le système romano-germanique. et décision juridictionnelle en Angleterre. Depuis quelques année, les cours d’assises françaises doivent motiver.
— La source de l’obligation de motiver. Il y a de très grandes différences d’un pays à l’autre. Dans certains Etats, le devoir général des juridictions de motiver leurs décisions provient de la Constitution : c’est le cas aux Pays-Bas où l’article 21 du GRONDWET dispose que tout jugement d’un tribunal doit être motivé, sauf dans les cas prévus par la loi. En France rien de tel : l’obligation de motiver résulte de l’art. 455 du Code de Procédure Civile ( « Le jugement doit être motivé » ) et de l’art. 485 du Code Procédure Pénale ( « Tout jugement doit contenir des motifs et un dispositif. Les motifs constituent la base de la décision » ). En France cette obligation est donc imposée par la loi. En Angleterre, le devoir général de motiver n’a aucune base légale, bien que tout le monde reconnaisse son existence. Une série de lois particulières impose certains devoirs de motivation très spécifiques : l’art. 10 du TRIBUNAL AND INQUIRIES ACT de 1992 oblige la plupart des Tribunals à rendre une décision motivée à la demande d’une personne intéressée, mais, on l’a déjà dit, ces tribunals ne sont pas de vraies juridictions. L’obligation de motiver, pour les juridictions de droit commun, est purement jurisprudentielle.
— La nature du devoir de motiver. Dans certains Etats, le devoir de motiver est automatique : la juridiction qui rend une décision doit toujours en donner les motifs, comme le font en Angleterre la High Court et la County Court à la fin d’un procès civil. Pour d’autres juridictions en revanche, l’obligation de motiver n’est pas automatique ; elle n’existe que lorsqu’une des parties demande à la juridiction une décision motivée. C’est le cas, en Angleterre, pour les Magistrates’ Courts, quand ces juridictions jugent une affaires pénale. Devant ces juridictions, la décision de condamner ou d’acquitter se rend normalement par un simple « GUILTY » ( coupable ) ou « NOT GUILTY » ( non coupable ). Mais par la procédure du CASE STATED, le demandeur ou le défendeur peuvent exiger une motivation afin de faire contrôler la décision par la Divisional Court of the Queen’s Bench Division.
— Comment se présente la motivation du jugement. Dans tous les pays, la motivation d’un jugement civil ou pénal doit porter sur 3 éléments : les faits, la règle de droit et l’application de cette règle aux faits pour produire le dispositif. Mais d’un pays à l’autre il y a des différences. Le tribunal doit-il justifier son appréciation des faits ou pas : doit-il expliquer pourquoi il ne retient pas tel ou tel fait ? En France, on considère que les juges n’ont pas à motiver leur appréciation des faits car on applique deux principes : la liberté des preuves ( en matière pénale) et l’intime conviction du juge. Dans d’autres pays, au contraire, on attend de la juridiction qu’elle se justifie. C’est obligatoire pour le juge anglais dans les affaires civiles. En Italie, l’art. 546 du Code de Procédure Pénale exige qu’une motivation contienne « l’énonciation des raisons pour lesquelles le juge n’a pas trouvé acceptable les preuves contraires ».
— Le style des jugements. On trouve de grandes différences selon les familles de droits. A un extrême, il y a le jugement bref et lapidaire de la juridiction française, malheureusement trop connu des juristes français. A l’autre, il y a le jugement d’un tribunal anglais dans une affaire civile. Ce jugement, long et détaillé, a souvent le style d’une conversation. En rendant un jugement, dans un cas où les faits et les points de droit sont contestés, le juge anglais de première instance commence son jugement par son appréciation des faits qui comporte son analyse des preuves apportées par les parties, et ses raisons de préférer les unes aux autres. Dans une deuxième partie, il énonce les règles de droit qu’il juge applicables. Cette partie contient normalement un résumé des arguments des deux parties, avec une discussion de la jurisprudence qu’elles ont citée. Enfin, dans une troisième partie, le juge applique le droit énoncé aux faits qu’il a constatés. Si c’est le demandeur qui gagne, le juge y annonce ce que doit payer le défendeur. Un tel jugement fait de 10 à 50 pages dactylographiées. Il en est de même pour les arrêts de la Court of Appeal ( civil division ), à la différence que comportant 2 ou 3 juges, une série de jugements peut être rendue lorsque les membres de la juridiction ne sont pas d’accord pour en rendre un seul. Cette différence provient du fait que, dans la tradition de la common law, le jugement se rend oralement, alors que sur le continent il se rend par écrit. En Angleterre, en effet, la très grande majorité des décisions de justice se rend oralement. Dans les affaires complexes ou difficiles, le juge prépare un jugement écrit, mais avec les mêmes habitudes que pour les décisions orales. Même quand il s’agit d’un jugement écrit, la partie officielle du jugement, c’est-à-dire celle qui est enregistrée dans les archives du tribunal, est seulement le dispositif. Le fait de rendre un jugement oral, même avec une demi-page de notes, permet au juge anglais d’aller beaucoup plus vite que ses collègues français.
— L’obligation de motiver est-ce un bien ou un mal ? Cette question, insolite et hérétique, mérite d’être posée, et les anglais se la posent. L’idéologie dominante nous répond que la motivation des décisions de justice est non seulement considérée comme un bien, mais comme une nécessité capitale. En effet, on croit, en Angleterre comme dans les pays du système romano-germanique, que c’est le devoir de motiver leurs décisions qui incite les juges à accomplir leur travail scrupuleusement, qui rend possible un contrôle en cas d’arbitraire, qui démontre aux citoyens que les juges respectent les règles de droit, et qui fournit aux parties une explication de la décision, réduisant peut-être pour la partie perdante l’amertume de la défaite. On n’a pas toujours raisonné ainsi. Au Moyen-Age, l’idée dominait que c’était diminuer l’autorité du tribunal que lui demander d’expliquer son raisonnement. C’est encore cet esprit qui gouverne le jury anglais lorsque, sans motiver sa décision, il répond « GUILTY » ou « NOT GUILTY ». Il y a donc en Angleterre, comme dans beaucoup d’autres pays, des décisions de justice obligatoirement motivées, et d’autres qui n’ont pas à l’être. En 1981, le Parlement britannique a voté le Contempt of Court Act qui, dans son art.11, punit pénalement toute tentative de persuader un jury de donner les raisons de son verdict. Certains juristes parlent, à propos de la motivation, d’attitude schizophrénique.
Section 4 : Le droit au silence.
Le silence est le parti le plus sûr pour celui qui se défie de soi-même. LA ROCHEFOUCAULD
Ce fut longtemps une curiosité du droit anglais, qui n’a été modifiée qu’il y a quelques années. Le droit au silence est reconnu dans de nombreux pays de common law :
Dans son premier sens, le droit au silence signifie que le suspect ou l’accusé ne peut pas être contraint d’aider la police ou l’accusation en répondant aux questions que celles-ci veulent lui poser. La conséquence la plus évidente est que la police n’a pas le droit de le torturer, ou de le brutaliser, pour le faire parler. Mais la police peut faire pression sur le suspect. Elle peut le garder à vue pendant 96 heures au cours desquelles les menaces sont interdites. Les interrogatoires ne doivent pas, en principe, dépasser deux heures sans interruption ; le suspect doit avoir 8 heures de repos la nuit ; il doit recevoir 3 repas par jour et pouvoir informer ses proches de sa détention ( cf. le POLICE AND CRIMINAL EVIDENCE ACT de 1984 ). L’article 76, de ce texte, plus connu sous le sigle P.A.C.E., oblige le tribunal à rejeter un aveu qui a été obtenu par « oppression ». Le suspect, qui refusait de parler à la police ou de s’expliquer devant le tribunal, ne s’exposait pas à une sanction pénale. Toutefois certains textes obligeaient les citoyens, sous peine de sanctions, à fournir aux autorités des informations qui pourraient l’incriminer. C’était le cas de l’article 22 du CRIMINAL JUSTICE ACT de 1987 qui obligeait une personne, faisant l’objet d’une enquête pour fraude, à répondre aux questions du Serious Fraud Office.
Au cours du XXème siècle, la jurisprudence anglaise, influencée peut-être par celle des Etats-Unis, a donné au droit au silence un deuxième sens: l’exercice de ce droit ne pouvait pas être considéré comme une preuve implicite. Mais devant les critiques d’une bonne partie de l’opinion et de la doctrine, le gouvernement fit voter par le Parlement, en 1994, le CRIMINAL JUSTICE AND PUBLIC ORDER ACT qui, par ses articles 34 à 37, permet au juge de tirer du refus d’un suspect de répondre à certaines questions de la police, de son refus de témoigner à l’audience, et du fait qu’il fasse valoir à l’audience une défense qu’il n’a jamais présentée à la police, « la conclusion qui lui semble bonne ». Il y eut d’âpres débats sur ce sujet. En Angleterre, la police est obligée, avant d’interroger une personne, de l’avertir qu’elle a le droit de se taire. Depuis 1994, l’avertissement officiel de la police doit aussi mentionner que le droit au silence peut être désavantageux.
Le droit au silence existe aussi aux Etats-Unis. Depuis l’arrêt MIRANDA en 1966, la Cour Suprême des Etats-Unis oblige les représentants de l’ordre à informer les prévenus de leurs droits. La formule la plus utilisée est la suivante:
« The Constitution requires I inform you. You have the right to remain silent; anything you say can be used against you in a Court of law. You have the right to have an attorney present during questioning. If you cannot afford one, one will be provided for you without cost. Do you understand each of these rights I have explained to you ? Do you wish to talk to us at this time ? ».
Imité du droit anglais, le droit au silence a été introduit discrètement en France par la loi n° 2000-516 renforçant la présomption d’innocence et les droits des victimes. Ce droit au silence, qui n’existe que pendant l’enquête, est une réforme révolutionnaire consacrée par l’article 63-1 du code de procédure pénale: «…La personne gardée à vue est également immédiatement informée qu’elle a le droit de ne pas répondre aux questions qui lui seront posées par les enquêteurs ». Alors que les anglais tentent de limiter le droit au silence, la France l’introduit dans son droit pénal où il semble inéluctablement appelé à se développer.
Ce qu’on appelle le système inquisitoire est un système judiciaire en droit pénal dans lequel ce sont les juges qui mènent l’enquête. Ils cherchent donc eux-mêmes les preuves et indices relatifs à l’affaire, dans le plus grand secret. C’était le cas de la France du Moyen-Age, sous l’Ancien Régime.
Le principal problème de ce système est que les preuves étant rapportées par le juge, le suspect ou accusé ne peut pas avoir connaissance de ces preuves et ne peut donc pas se défendre efficacement. En conséquence, le risque d’erreur judiciaire est très élevé dans ce système et ce d’autant plus qu’au Moyen-Age, il fallait payer soit-même le juge. Si l’accusé était pauvre et ne pouvait pas payer correctement le juge, ce dernier se montrait bien moins bienveillant. Il y avait donc aussi un problème de partialité et arbitraire des juges.
L’autre système, complètement opposé, est le système accusatoire (actuel système judiciaire britannique). En ce cas, le juge n’est pas là pour chercher les preuves : c’est aux policiers et avocats de fournir les preuves au tribunal, et le juge va ensuite analyser ces preuves pour décider si l’individu est coupable ou non.
Les policiers produiront généralement des preuves à charge de l’accusé tandis que l’avocat de la défense tentera de disculper son client par des preuves à décharge. Afin de respecter le principe du contradictoire (= en très gros, c’est l’accès de l’accusation et de l’avocat de l’accusé à toutes les preuves récoltées, afin de pouvoir les contester si celles-ci leur paraissent truquées ou non valables), toutes les preuves sont échangées entre les parties (la défense et l’accusation) et discutées lors de l’audience. Ce n’est qu’après que le juge apprécie la valeur de ces preuves et prononce sa sentence.
Le problème de ce système est qu’il nécessite une loyauté et intégrité totale de la part de l’accusation en particulier. En effet, il y eut de nombreux cas d’erreurs judiciaires en Angleterre en raison de la mauvaise foi de policiers qui produisaient des preuves peu fiables voire truquées.
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