Les fondements du pouvoir royal du moyen-âge à la révolution

Les fondements du pouvoir royal du moyen-âge à la révolution.

Cette royauté repose sur deux aspects, elle poursuit l’accomplissement d’une mission c’est son caractère fonctionnel, mais est aussi concerné le caractère indépendant de ce pouvoir dont la nature est d’être à l’écart et libre des autres pouvoirs (on le qualifiera d’absolu)

§ 1. Le caractère fonctionnel. 

Nous sommes dans une continuité de pensée théorique depuis les carolingiens. Le roi représente Dieu et le bien commun.

A. Le roi représente Dieu.

Cela signifie que le pouvoir du Roy vient de Dieu. Dans cette optique le Roy reçoit un encouragement qui est le sacrement, qui est politique et qui fait descendre la grâce de Dieu sur le Roy pour l’aider dans sa fonction.

Au moyen-âge cela s’est développée entre le peuple et Dieu.

a) Le roi par le peuple
1. Doctrine.

Il y a aune relation entre Dieu, le Roy et le peuple (doctrine de St Thomas D’Aquin). Le Roy représente Dieu par l’intermédiaire du peuple. A l’occasion de la réunion des états généraux en 1484 cela prend une dimension politique. On affirme que le Roy exerce une fonction pour le peuple et par le peuple.

2. Applications

A l’époque des guerres de religions, les protestants et une mouvance catholique (monarchomaques) considèrent que cette relation permet d’éliminer le Roy (2 seront assassinés Henri III et IV). On justifie ainsi le régicide.

b) Le roi par la grâce de Dieu
1. Doctrine

C’est en réaction à ces crimes que les penseurs vont forger la théorie du Roy par la grâce de Dieu qui est cette fois une relation directe entre Dieu et le Roy, pour protéger ce dernier et le pouvoir. Il faut protéger le Roy des jésuites, qui refusent qu’on mette le peuple en dehors de cette relation. Les légistes royaux diront que le Roy est Roy par la grâce de Dieu.

2. Applications

En 1614 lors de la réunion des états généraux, le tiers état réclamera la mise en place de cette théorie, car il a compris que si on procédait autrement la royauté serait entre les mains d’organisations soit religieuses, soit nobiliaires, et qu’étrangement cette théorie opérait le rapprochement entre le Roy et le tiers état, qui devient alors le soutien de la royauté. C’est le tiers état qui permettra à la royauté de se renforcer.

B. Le roi représente le bien commun.

Il faut traduire cette expression, le bien commun, ce sont les intérêts permanents et vitaux de la nation. Il y a deux aspects. Il y a le lien vital et charnel entre le Roy et ce bien commun qu’il incarne. Il y a aussi le fait que le Roy exprime le bien commun.

Comment le bien commun peut-il être incarné par le Roy ? Simplement parce que le Roy a conscience des intérêts de la nation par le moyen du sacre et par l’effet de la grâce. Mais la grâce peut être corrompue, le Roy peut mal faire, et il faut donc neutraliser les effets de l’imperfection humaine. Cette neutralisation se fait en opposant le corps physique et une représentation parfaite du Roy, qui peut être construite juridiquement par la notion d’état, ou mystique. Ces deux formes coexistent mais pas à part égale.

a) L’approche mystique : le roi incarne le bien commun.

Ce terme de mystique s’emploie pour qualifier ce qui a une signification cachée mais qui touche à l’essence de la situation, donc à l’essence de l’institution royale. Elle trouve son origine dans la doctrine chrétienne.

1. Fondement religieux.

L’église en tant qu’institution est le corps mystique du christ, présent en tout baptisé, et le corps entier formé par les baptisé devient peuple de Dieu. Il suffit de transposer ce fondement religieux et de dire que le royaume est le corps mystique du Roy. Les théologiens politiques opèrent ce rapprochement au moyen-âge. Le Roy est présent comme diffusé dans tout sujet, c’est une incarnation. Le corps social devient alors le peuple du Roy, son peuple. Cette situation est symbolisée par l’anneau qu’on passe au doigt du Roy lors du sacre. Bossuet dire « tout l’état est en lieu, la volonté de tout le peuple est renfermée dans la sienne ». Louis XV en 1766 lors d’un lit de justice dira au parlement qui s’oppose à lui : « l’ordre public tout entier émane de moi, mon peuple n’est qu’un avec moi, les droits et les intérêts de la nation dont on ose faire un corps séparé du monarque sont nécessairement unis avec les miens et ne reposent qu’entre les miens »

2. Applications politiques

Le cas de la France : le royaume, corps mystique du roi.

Cette approche est française et elle place ce corps mystique dans une continuité constitutionnelle qui est la royauté. Elle oppose le Roy physique à une institution royale mystique. Cette royauté porte les germes de l’état.

Le cas de l’Angleterre : le « king’s two bodies »

Le cas de l’Angleterre est différent malgré les cousinages fréquents. On a ici pour résoudre la situation élaboré la théorie des deux corps du Roy. Cette théorie permet de comprendre la royauté anglaise. Elle consiste à dissocier le parfait et le corrompu. Elle s’installe à l’époque de la guerre des 2 roses (opposant les Lancaster aux York). Ici s’oppose un Roy mystique parfait et un Roy imparfait physique. Ce sera une politique contre les Roy Stuart, on y a vu une résurgence du roi Arthur. Elle protège très mal le roi physique qu’on peut condamner au nom du roi mystique. Charles 1er Stuart sera condamné à mort de ce fait.

b) Approche politique : le roi exprime le bien commun.

Ici c’est l’ordre du gouvernement qui est moins transcendantal. Ce pouvoir politique doit adopter une forme juridique qui est l’institution dans sa forme théologique développée depuis les carolingiens.

1. Fondement religieux : l’institution royale.

C’est une créature de Dieu comme n’importe quelle création, l’homme peut en faire un bon comme un mauvais usage, mais cela a vocation à durer. Jonas d’Orléans sous Charlemagne souhaitait ainsi institutionnaliser un pouvoir politique qui partait dans tous les sens.

2. Fondement juridique : l’Etat.

Amorcer au moyen-âge. Le passage de l’institution royale à l’état, se fait par un outil juridique qui est la couronne au sens abstrait du terme.

La Couronne

Elle regroupe les intérêts permanents de la nation et en est le titulaire abstrait. C’est un faisceau de pouvoir, de normes, de droits, et de prérogatives.

Au 15ème siècle on distingue la couronne de la personne du Roy qui doit la protéger. C’est un outil de gouvernement, une solution effective qui permet de gouverner de façon dissociée de la personne du Roy. Le Roy a ses problèmes, physiques ou mentaux, mais la couronne est là et elle perdure.

L’état c’est le titulaire abstrait du pouvoir. La différence entre état et couronne n’est qu’un problème sémantique. Les juristes utilisaient au début le terme de « Status Corone », dans la pratique on a délaissé le terme de Couronne au profit du terme Status et c’est lui qui a donné l’état. En Angleterre c’est l’inverse qui s’est produit.

« L’Etat c’est moi »

La question est dominée par une affirmation qu’on a prêtée à Louis XIV. Les juristes disent et répètent qu’il y a dissociation entre le roi et l’état. Le roi représente l’état pour protéger la nation et donc assurer le bien commun. L’état est l’outil juridique qui sert à assurer le bien commun.

Mais le roi incarne aussi l’état et c’est cette incarnation de l’état qui a pu peut-être pousser Louis XIV à dire « l’état c’est moi », ce qui est acceptable au plan de l’incarnation mais pas de la représentation.

L’état n’a pu s’épanouir que dans ce long travail de séparation de la personne physique et de sa représentation abstraite.

Ces évolutions se sont déroulées et perfectionnées en France et en Angleterre, mais les autres pays ne suivront que de loin cette maturation. Ces évolutions seront suivies ensuite partout. L’état c’est en quelque sorte le fonctionnaire de la nation et rien d’autre.

§ 2. Le caractère absolu 

Le terme absolu revêt ici plusieurs acceptions, comme arbitraire, totalitaire, mais ce n’st pas l’origine.

Absolu vient du latin « absolutus » qui signifie tantôt (verbe absolvo) le détachement le déliement et tantôt l’achèvement et l’idée de perfection. C’est le second sens qui est ici à retenir, c’est l’idée de perfection qui est intimement liée à celle d’indépendance.

A. La souveraineté royale est absolue=parfaite

Juridiquement cette perfection est analysée par les juristes, comme unique et d’autre part perpétuelle. Elle n’existe qu’à ces deux conditions.

a) La souveraineté est unique.

Il y a l’œuvre de Jean Bodin qui domine ici. En 1576 il est l’auteur des « 6 livres de la république », dans lesquels il étudie la souveraineté. Il dit que « la monarchie est une sorte de république en laquelle la souveraineté absolue gît en un seul prince ».

1. Non collégiale.

Il ne peut pas y avoir de concurrent. Il n’y a qu’un roi, c’est ce que dit Guy Coquille « le roi est monarque et n’a pas de compagnon en sa majesté royale ». C’est sur la base de principe d’unité et d’indivisibilité que les rois écarteront tous les prétendants au partage, à commencer par la reine. Elle est ainsi couronnée mais pas sacrée. On procède de même vis-à-vis des pairs de France ; Loyseau dira « comme la couronne ne peut être si son cercle n’est pas entier, aussi la souveraineté n’est point si quelque chose y défaut ». Cardin-Lebré dira « la souveraineté n’est non plus divisible que le point en géométrie ». C’est aussi l’opinion du tiers état mais pas de la noblesse.

Il ne forme un collège avec personne

2. Non partagée

La souveraineté n’est pas non plus partagée.

b) La souveraineté est perpétuelle.

Bodin dit « la souveraineté est la puissance absolue et perpétuelle d’une république ». Elle est en effet à l’image de l’état dont elle est le principe actif et comme l’état elle est sans limite de temps et ne saurait être communiquée à quelqu’un ne serait-ce que provisoirement, ni être partagée dans le temps. Elle ne peut subir un principe de roulement. La question se pose notamment en période de régence. Le successeur du roi est automatiquement investit dès la mort du roi.

1. Pas d’interruption
2. Pas de suspension

B. La souveraineté royale est absolue=indépendante.

a) La souveraineté et l’Etat.

Elle s’exerce dans le cadre de prérogatives étatiques qui s’expriment par des lois ordinaires et fondamentales.

1. Les lois ordinaires.

L’indépendance signifie que les lois ordinaires peuvent être modifiées. C’est une indépendance vis-à-vis des lois déjà faites. Le roi peut toujours modifier une règle. Mais il est des lois qu’on ne peut pas toucher facilement même dans ce cadre absolu.

2. Les lois fondamentales.

C’est le cas de ces lois, qui concernent notamment les lois de succession au trône, mais aussi celles qui concernent les sujets eux-mêmes et les libertés. Les parlements font un grand usage des lois protégeant les libertés. Il y a un débat sur les libertés des personnes physiques et morales (les corps). Les parlement sont opposés aux modifications de ces lois, alors que le roi est moins affirmatif.

Ainsi cette indépendance est bornée et limitée.

b) La souveraineté et la Nation.

L’indépendance permet-elle de modifier l’organisation de la nation ? Non.

1. Les privilèges

D’où l’idée qu’on ne touche pas aux privilèges surtout lorsqu’ils sont très enracinés et contemporains de la constitution de la nation. Plus il est ancien, plus il a de droit et plus il fait corps avec la nation, et plus le souverain est limité dans son intervention. C’est donc dans un cadre naturel que l’individu est protégé et on ne peut toucher à ce cadre.

2. Les libertés individuelles.

Il peut être permis de refuser les libertés à des minorités, comme les protestants, les juifs et les aubins, qui ont des libertés à part.

Dans cet aspect d’indépendance il y a donc des nuances. L’absolutisme peut tout faire parce qu’il est parfait, mais il ne peut pas faire l’impossible et son indépendance est donc tempérée et relative.

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