Garantie contre les changements de position, de doctrine, d’interprétation de l’administration fiscale
L’administration a indiqué au contribuable quelle est l’interprétation à retenir de la loi fiscale ou quelle est la qualification … On interdit à l’administration de revenir sur les engagements pris à l’égard du contribuable pour justifier la mise en place des redressements. C’est une question de sécurité juridique du contribuable qui doit pouvoir avoir confiance dans les interprétations émises par l’administration fiscale, pouvant apparaître comme la plus habilitée à interpréter les dispositifs légaux. C’est parce qu’aujourd’hui partout ailleurs, on essaie d’engager les contribuables à ne pas attendre le contrôle a posteriori mais aller solliciter l’administration en amont, avant la réalisation de l’opération, de manière à sécuriser leur situation fiscale. Cette incitation à la coopération ne marcherait pas si le législateur acceptait que l’administration puisse revenir sur l’interprétation donnée lors de la consultation du contribuable.
- Modifié par LOI n°2018-727 du 10 août 2018 – art. 9 (V)
Il ne sera procédé à aucun rehaussement d’impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l’administration est un différend sur l’interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s’il est démontré que l’interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l’époque, formellement admise par l’administration.
Il en est de même lorsque, dans le cadre d’un examen ou d’une vérification de comptabilité ou d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, et dès lors qu’elle a pu se prononcer en toute connaissance de cause, l’administration a pris position sur les points du contrôle, y compris tacitement par une absence de rectification. (1) (2)
- Cours de Procédures Fiscales
- Les procédures fiscales en France
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- Compensation et substitution de base légale en contentieux fiscal
- Le rescrit fiscal (article L80 B du LPF)
- Garantie contre les changements de position de l’administration fiscale
- Le droit de reprise ou la prescription fiscale
Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l’interprétation que l’administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu’elle n’avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l’administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvre
Le principe : la garantie contre les changements de doctrine
Prévu à l’art L 80 A du Livre des procédures fiscales
En matière fiscale, l’administration centrale émet régulièrement un certain nombre de documents, explicitant les dispositions législatives et les commentant, pour aider les agents de l’administration à appliquer les dispositions légales et pour assurer sur le territoire national une application la plus uniforme possible aux situations individuelles. Ces documents prennent les formes juridiques variées : instructions, circulaires, commentaires de jurisprudence, réponses ministérielles aux questions posées par les contribuables par le biais des sénateurs ou députés. L’ensemble de ces documents font l’objet d’une publication qui jusqu’en 2000 était une publication papier dans un « recueil » : la documentation administrative de base. A partir de 2001, cette documentation administration pour des raisons d’économie n’a plus été éditée sous la forme papier mais sous la forme dématérialisée. Lorsque la législation changeait ou l’administration changeait son interprétation, l’administration émettait les bulletins officiels des impôts (BOI). Le Rapport Fouquet de 2010 a dénoncé l’abandon de la mise à jour et de la codification et demandait que cette mise à jour soit reprise. La direction de législation fiscale a chargé une équipe de reprendre la doc de base 2000 et tous les BOI, et mettre cet ensemble à jour. Depuis cette nouvelle base administration est mise en ligne sur le site du ministère de budget et bofip.gouv.fr. La présentation est thématique. La doctrine applicable est à jour et est mise à jour régulièrement. Le passage de la base antérieure à la base bofip a été douloureux et difficile tant pour l’administration que pour les contribuables. La base mise en ligne le 12 septembre 2012, elle n’était pas tout à fait opérationnelle.
Cette documentation comprend un certain nombre d’interprétations. Il arrive parfois que sous couvert d’interpréter la loi, l’administration instaure de son propre chef des régimes fiscaux plus favorables au contribuable que ce qu’une interprétation littérale de la loi pourrait autoriser ex. l’administration dans une instruction décide que certaines opérations seront soumises à taux réduit de TVA alors qu’il n’y aucune disposition législative qui prévoit l’application d’un tel taux à de telles opérations. Ces dispositions permissives pour le contribuable, n’ont pas la force obligatoire. L’administration n’a pas de pouvoir normatif parce que selon l’article 34 seul le législateur est compétent. Ces « tolérances administratives » sont relativement fréquentes. Elles sont en principe illégales parce qu’elles émanent d’une autorité incompétente. Or, cette illégalité peut avoir des conséquences fâcheuses pour le contribuable. En application de l’hiérarchie des normes, on peut avoir des situations dans lesquelles le contribuable aurait pour procéder à sa déclaration pu consulter cette doctrine. Il pourrait se voir adressées des notifications de rectification parce que sa situation ainsi réglée en application de la doctrine de l’administration fiscale n’est pas conforme aux dispositifs légaux. Le juge ne pourrait que donner raison qu’à l’administration fiscale. Le juge applique l’hiérarchie des normes : une instruction est illégale si elle ajoute à la loi. Le législateur a pu considérer que cette situation était inéquitable même si justifiée en droit. Le législateur est intervenu. L 80 A du Livre des procédures fiscales interdit à l’administration de notifier des rectifications fondées sur le fait que le contribuable aurait appliqué une interprétation administrative de la loi qui serait contraire aux dispositions légales et favorables au contribuable concerné. Si l’administration prétendait notifier de tels redressements l’article L 80 A permet d’opposer à l’administration qu’il a initialement appliquée. Il peut s’opposer au pouvoir de rectification de l’administration y compris lorsque l’administration est dans les délais de reprise. Si l’administration résiste, le dispositif de l’article L 80 A oblige le juge de faire prévaloir l’interprétation administrative illégale sur les dispositifs législatifs commentés. L 80 A ne donne pas aux interprétations administratives un rang normatif plus élevé que les dispositions fiscales législatives. Il ne donne aucun pouvoir normatif à l’administrative. Il interdit à l’administration de se dédire. Si à l’inverse une instruction administrative retenait une interprétation de la loi trop restrictive, en ajoutant par ex. des conditions non prévues par la loi pour une exonération, il faut d’abord demander à l’administration de revenir sur son interprétation. Si l’administration refuse, le juge de l’impôt devra être saisi et il appliquera la loi. L 80 A est inapplicable dans ce cas là. Ex. CE 13 juillet 2007 Ministre c/ M. P… . Le juge vérifie si la rectification est fondée ou non sur un dispositif légal ? Il conclut que la déduction n’est pas conforme aux Code général des impôts et que normalement il aurait du conclure au maintien de redressements. Si le redressement n’est pas fondé en droit, il y a une décharge. Mais en l’espèce il examine le redressement au regard de l’article 80 A. il constate qu’effectivement il y avait une réponse ministérielle à cette question. Il applique L80 A) et décharge le contribuable.
C’est un dispositif dérogatoire à la hiérarchie des normes. Pour cette raison la jurisprudence est très sévère sur les conditions dans lesquelles on peut invoquer ce mécanisme. Conditions :
1. Il existe des instructions et des circulaires qui n’entrent pas dans le champ d’application de la garantie. Il s’agit des circulaires ou des instructions relatives à la procédure. Si dans une instruction il y a un § concernant le délai de réponse qui n’est pas prévu par le dispositif légal, il s’agit d’une doctrine relative à la procédure. On ne peut pas invoquer L 80 A pour opposer cette doctrine à l’administration fiscale et obtenir par ex. décharge d’un impôt qui aurait été notifié après une procédure qui n’aurait pas respecté ce délai particulier. La rédaction de L 80 A ne l’autorise pas. On ne peut opposer à l’administration toute doctrine.
2. Le contribuable qui invoque la garantie, doit être de bonne foi. Le juge de l’impôt a refusé de se lancer dans une appréciation subjective de la bonne foi. Il considère pour qu’un contribuable soit de bonne foi, il suffit qu’il entre strictement dans le champ d’application de la doctrine administrative. Il doit remplir toutes les conditions. Il est exclu que l’on puisse par ex. appliquer une tolérance administrative par analogie. Le juge va vérifier que le contribuable remplit strictement toutes les conditions fixées par l’instruction ou la circulaire. Ex. un contribuable = syndicat, ne pourrait pas demander une exonération au titre des impôts locaux, si l’exonération concerne les associations de la loi 1901. On reste sur une interprétation strictement littérale de l’instruction.
3. Le contribuable doit avoir appliqué la doctrine qu’il invoque. Cela implique que l’interprétation invoquée était en vigueur au moment du fait générateur de l’impôt. Les contribuables ne peuvent pas se prévaloir d’une instruction ou d’une circulaire postérieure à cette date. ils ne peuvent pas demander une application rétroactive d’une instruction. Cette condition pose de problèmes depuis le passage de base BOI à la base bofip du 12 septembre 2012.
La question des effets de l’annulation de la doctrine contenant des interprétations favorables de l’administration : ces instructions ou circulaires reprises aujourd’hui dans la base bofip peuvent faire l’objet de contentieux administratifs (REP visant à leur annulation qui serait fondée sur l’incompétence de leur auteur). Qui peut avoir intérêt à demander l’annulation d’une circulaire ou d’une instruction ? Ce ne sont pas des contribuables parce qu’elles leur sont favorables. Un tel recours peut être intéressant pour les contribuables qui ne bénéficient pas de l’extension de l’exonération, de l’avantage fiscal octroyé et qui considère qu’ils sont dans une situation quasi similaire que les contribuables qui peuvent en bénéficier et pour lesquels l’avantage fiscal pourrait conduire à une distorsion de concurrence. Recours en Excès de Pouvoir : effet erga omnes et ab initio. C’est comme ci elle n’avait jamais existée. Dès lors qu’elle est annulée, les contribuables qui ont appliquée cette instruction, pourront ils continuer à opposer cette instruction à l’administration si celle-ci notifie des redressements après l’annulation ? Juridiquement, en principe non, les contribuables en question ne devraient pas pouvoir opposer cette instruction. Mais le juge de l’impôt, le CE, semble d’avoir accepté dans cette situation là une exception au caractère ab initio de l’annulation. Les contribuables qui l’ont appliqué, bénéficie de la garantie de l’article L80 A.
Ces instructions et circulaires, réponses administratives, sont publiées de manière tardive par l’administration (parfois même 2 ou 3 ans entre le vote de la loi et son entrée en vigueur du dispositif et la publication de l’instruction). En plus du dispositif L 80 A, il a été prévu que les instructions et circulaires feraient l’objet d’une consultation publique. L’administration sur le site internet pour les dispositifs importants alors qu’elle n’a pas encore formalisée son interprétation, demande aux professionnels concernés par le biais d’une adresse internet, de présenter leurs remarques. La consultation dure 1 à 2 mois. L’instruction reste provisoire et sans date d’entrée en vigueur. Elle ne devrait pas être invoquée sur le fondement de L 80 A. Pour ne pas retarder la garantie pour le contribuable, ces instructions en consultation sont en principe opposables sur le fondement de l’article L 80 A.
Ce dispositif est favorable au contribuable. Il doit être utilisé avec beaucoup de prudence.