gestion des biens communs : quelles sont les regles de gestion des biens communs ?
Jusqu’en 1985, on distinguait deux compartiments dans la masse commune, les biens communs ordinaires et réservés. L’égalité de 1985 a permis de supprimer ce compartimentage, avec une seule masse de biens communs du moins pour les biens communs en capital.
Ces règles de gestion, depuis loi du 23 décembre 1985 s’ordonnent autour de 3 principes :
– le principe général à la base qui veut que chaque époux ait le même pouvoir que son conjoint de gérer les biens communs = principe de la gestion concurrente. Ce principe est tempéré de deux manières :
– quand un époux a une activité professionnelle séparée de son conjoint et affecte des biens à sa profession, dans ce cas, le pouvoir concurrent du conjoint est supprimé. Il y a une gestion exclusive de l’époux des biens professionnels.
- Régimes matrimoniaux : cours sur le régime primaire
- Régime de la communauté réduite aux acquêts
- Régime légal : les dettes nées pendant le mariage
- Les biens propres dans la communauté réduite aux acquêts
- Les actes frauduleux accomplis sur les biens communs
- La gestion des biens communs (communauté réduite aux acquêts)
- La preuve du caractère commun ou propre d’un bien
– Quand il s’agit d’actes graves portant sur des biens communs, ces actes graves supposent l’accord des deux époux = cogestion.
I – La gestion concurrente
A –Le principe de la gestion concurrente
Ce principe général de base est posé par l’article 1421 réécrit en 1985 : « chaque époux a le pouvoir d’administrer seul les biens communs et d’en disposer ».
Jusqu’en 1985 ce pouvoir de principe était réservé au mari. La femme a maintenant le même pouvoir que son mari, les deux époux peuvent exercer simultanément et concurremment leurs droits, la communauté est dotée de deux administrateurs placés sur un pied d’égalité. Ce n’est pas une représentation d’un époux par l’autre mais un pouvoir propre d’agir sur les biens communs. Ce pouvoir n’est pas limité strictement les actes d’administration, il vise aussi les actes de dispositions, mais les exceptions où il y a cogestion visent la plupart des actes de dispositions. S’il se trouve qu’un acte de disposition ne rentre par dans l’énumération, le principe de cogestion jouera.
Chaque époux dispose donc d’une plénitude de pouvoir pour agir, il peut utiliser les deniers communs, recevoir le paiement des sommes dues à la communauté, défendre à une action en justice concernant les biens communs.
Différent d’une indivision qui repose sur le principe de l’accord de tous les indivisaires.
Ce principe peut susciter des craintes car on a objecter le risque d’actes contradictoires puisque le même acte peut être fait a priori par l’un ou l’autre époux, un risque d’incohérence. On peut imaginer que le mari loue un immeuble le matin à une personne et l’après midi la femme à une autre personne. Deux entreprises doivent repeindre l’appartement.
On y répond que le risque est plus théorique que réel. En pratique, c’est rare car en réalité quand un époux agit seul, il le fait généralement avec l’accord au moins tacite de son conjoint. En période de crise, c’est plus gênant.
L’article 1421 donne une certaine solution à ces problèmes et prévoit que les actes accomplis par un époux sont opposables à l’autre. C’est-à-dire que le conjoint qui agit le premier fait un acte dont l’autre doit subir les conséquences. La formule signifie qu’un époux doit respecter les actes de son conjoint, ne doit pas chercher à les priver d’effet, sous réserve de la fraude. C’est le premier qui agit qui fera valablement l’acte.
Le principe d’opposabilité des actes à l’époux passif supprime en général les contestations. Si la question venait à se poser, il existe certains principes généraux du droit civil qui pourraient apporter des solutions aux conflits entre des actes contradictoires comme par exemple quand il s’agit de l’aliénation d’un bien meuble, donner la préférence au tiers acquéreur entré le premier en possession. Ou encore en cas de conflit entre deux contrats, assurer la primauté à celui des contrats qui a reçu le premier date certaine. (antériorité dans le temps).
Depuis l’entrée en vigueur de la loi en 1986, il n’y a pas de contentieux directement suscité par la gestion concurrente et le droit belge qui avait adopté 10 ans avant le système font le même constat.
Un legs de bien commun : un legs est une disposition contenue dans un testament. Le legs devient commun. Dans quelle mesure devient-il efficace ? Il produira effet à la dissolution du régime quand les biens communs deviendront des biens indivis, cela explique l’article 1423 concernant le legs de biens indivis :
– quand un époux a légué une fraction des biens communs, cet acte est valable dans la limite de la part de cet époux, à la dissolution le légataire sera en indivision avec le conjoint survivant pour la moitié des biens.
– Quand un époux lègue un bien commun déterminé, alors l’exécution du legs est liée au partage : on procède au partage de la communauté comme si ce legs n’existait pas.
o Soit le bien légué tombe dans le lot des héritiers de l’époux qui a disposé à titre gratuit, pas de problème, les héritiers exécuteront le legs.
o Sinon, si le partage fait que le bien légué est dans le lot de l’époux survivant, l’article 1423 prévoit que ce legs n’est pas caduque, il s’exécute alors par équivalent, c’est à dire que les héritiers de l’époux qui a consenti ce legs devront au légataire la valeur du bien légué. C’est ce que prévoit l’alinéa 2 de l’article 1423 qui écarte l’analyse de l’opération en un legs de la chose d’autrui en raison de l’effet déclaratif du partage. Évite que la volonté du disposant ne soit trop facilement ignorée.
B – Les tempéraments
Le principe selon lequel chaque époux peut accomplir sur les communs tout acte d’administration et de disposition ne signifie pas que chaque époux est une sorte de maître tout puissant qui pourrait agir à sa guise au nom de ce principe de gestion concurrente. La loi n’accorde pas à chaque époux un pouvoir arbitraire de gestion des biens communs, c’est une fonction confiée dans l’intérêt commun d’où des limitations.
Deux ordres de limitations :
– existence d’une responsabilité de l’époux qui administre des biens communs
– sanction de la fraude.
1 – La responsabilité de l’époux qui administre des biens communs
Le principe d’une responsabilité pour administration des biens communs est relativement nouveau puisqu’il n’a été introduit qu’en 1965. Avant, le mari administrait les biens communs, sans qu’il fut prévu une responsabilité pesant sur lu i en cas de faute de gestion.
La loi de 65 a modifié cette vision de la communauté en présentant le mari comme un administrateur responsable tenu de gérer avec diligence le patrimoine commun.
Cette responsabilité ne supposait pas une faute lourde dans la gestion, une faute quelconque suffisait, mais il ne fallait pas faire preuve d’une sévérité excessive car la fonction est une fonction gratuite et on est moins exigeant pour un administrateur gratuit que pour une administrateur rémunéré. Elle était encourue soit à l’occasion d’actes juridiques irréguliers pouvant être annulés ou d’actes simplement inopportuns comme aliéner à contre temps des valeurs mobilières, avec paiement de DI.
Cette responsabilité était aussi encourue à l’occasion d’actes matériels ‘dégradations de biens communs ou d’abstention comme le défaut d’entretien d’un immeuble dont on a la charge d’administration.
Ces solutions ont été confirmées par bilatéralisation en 1985.
Abstention peut être une faute engageant la responsabilité de l’époux administrateur des biens communs, mais qu’en est-il si les deux époux se sont abstenus d’agir ? On peut se demander s’il y aurait une sorte de neutralisation des fautes des époux, l’un ne pouvant reprocher à l’autre une faute qu’il a lui-même commise ou faudra-t-il considérer qu’un époux était mieux placé qu’un autre pour agir, qu’habituellement c’était lui qui agissait et qu’en s’abstenant, c’est lui qui a commis une faute. Question non encore soumise à la jurisprudence.
2 – Réserve de la fraude
L’idée est que même lorsqu’un époux agit dans les limites de ses pouvoirs, cet acte peut être attaqué s’il est frauduleux : c’est une solution ancienne et autrefois c’était la seule limite aux pouvoirs du mari. Cette solution traditionnelle a été confirmée en 1965 et en 1985.
Le texte dit les actes accomplis sans fraude par un conjoint sont opposables à l’autre d’où l’idée d’une sanction si l’acte est accompli avec fraude. La loi ne définit pas la notion de fraude définie par la doctrine comme l’intention de porter atteinte aux intérêts du conjoint dans la communauté d’où la réunion de 2 éléments :
– Matériel : par exemple un acte juridique tel qu’une vente à bas prix, brader des meubles pour nuire à son conjoint ou une dégradation ou une abstention comme laisser périr une récolte.
– Intentionnel : il faut que l’époux fraudeur agisse dans l’intention de porter atteinte aux droits de son conjoint dans la communauté, comme ne rendant inefficace son droit à récompense. Il y a dans régime de communauté un devoir de collaboration entre époux. Difficulté de preuve car l’époux qui attaque un acte frauduleux de son conjoint doit apporter la preuve de l’intention frauduleuse de son conjoint, pas facile psychologiquement, et démontrer quand un tiers est impliqué, la complicité du tiers. C’est une preuve difficile.
Quelle est aujourd’hui la place et le rôle de la fraude ?
Rôle moins important qu’autrefois où c’était le seul moyen de limiter les pouvoirs considérables du mari. Aujourd’hui, c’est différent car pour les actes d’abstention ou de gestion il est plus simple d’engager la responsabilité de l’administrateur de la communauté, car, que la faute soit intentionnelle ou non n’ajoute rien au préjudice.
Pour les actes juridiques, l’action sur le fondement de la fraude n’a d’intérêt que quand il s’agit d’un acte fait par un époux agissant seul dans le domaine de la cogestion. En revanche, en cas d’aliénation irrégulière d’un immeuble ou d’un fonds de commerce, il est plus simple de demander la nullité pour dépassement de pouvoir, dépassement objectif de la règle de cogestion.
En revanche, pour des ventes de biens meubles, chaque époux peut faire seul ce type d’acte et la fraude peut être le seul moyen de remettre en cause ce type d’acte.
II – La gestion exclusive par l’époux qui exerce une profession séparée
= article 1421 al 2 : l’époux qui exerce une profession séparée a seul le pouvoir d’accomplir les actes d’administration et de disposition nécessaires à celle-ci.
On a introduit ce pouvoir exclusif car la gestion concurrente permet des immixtions dans l’activité du conjoint, ce qui risquerait d’être intentatoire à l’indépendance professionnelle des époux. Dans ce domaine, la gestion concurrente est remplacée par une gestion unilatérale exclusive. Les pouvoirs sont a priori les mêmes.
Quelle est la condition d’application de ce texte et quelle est sa portée ?
La condition est l’exercice d’une profession séparée par l’époux qui revendique ce pouvoir exclusif. La question du caractère séparé ne se pose que lorsqu’ils travaillent dans la même entreprise. Si par exemple ils sont tous les deux coexploitants agricoles, alors leur profession n’est pas séparée, la gestion concurrente ne sera pas écartée, même s’ils aménagent une rémunération distincte pour chacun. Mais si l’un est collaborateur de son conjoint qui est seul chef d’entreprise, l’époux qui seul dirige l’entreprise bénéficiera de cette gestion exclusive de l’article 1421 al 2. L’époux collaborateur aura le pouvoir tiré des textes du code rural et notamment de la présomption de mandat pour les actes d’administration concernant l’exploitation.
Dans les autres situations, les professions des époux sont clairement séparées.
Si les époux sont tous les deux salariés dans la même entreprise, l’al 2 n’a pas d’importance.
La loi ne vise que les actes d’administration ou de disposition mais en réalité, bien que le texte soit muet sur ce point, ces actes en peuvent être définis que par référence aux biens professionnels, aux biens communs affectés à la profession de cet époux. Il s’agira par exemple de la vente des marchandises dépendant d’un fonds de commerce, de la location d’un local professionnel, de la résiliation de cette location, d’une opération d’assurance concernant les éléments corporels ou incorporels de l’exploitation.
Cet époux aura le pouvoir de décider seul de l’affectation des capitaux communs à la disposition de l’entreprise.
Mais cette autonomie professionnelle qui correspond à la pratique naturelle, spontanée est quand même assez fragile dans le régime de communauté pour deux raisons :
– car le pouvoir exclusif de gestion n’a pas de prolongement au plan du passif : il aurait été logique que les biens communs affectés à l’entreprise de cette profession ne puissent être engagés que par les dettes de l’époux professionnel, mais les dettes du conjoint engagent les biens communs mêmes professionnels. Dans les travaux parlementaires, la question avait été soulevée pour n’engager les biens professionnels que par l’époux professionnels, logique mais refusé car la délimitation des biens professionnels risquait d’être incertaine et trop compliquée.
– La cogestion s’applique aux biens professionnels comme aux autres dès lors qu’il s’agit de biens communs (Cour de cassation 28 février 1995 : l’autonomie professionnelle ne supprime pas la cogestion là où elle est prévue). Après les 2 premiers alinéas qui posent le principe d’une gestion concurrente puis professionnelle exclusive, il est dit le tout sous réserve des textes qui prévoient la cogestion.
Il y a donc une autonomie professionnelle imparfaite.
Cela dit, que la gestion soit concurrente ou exclusive, pour les opérations importantes, intervient le 3ème mode de gestion = la cogestion.
III – La cogestion pour les actes « graves »
= pour les actes de disposition les plus importants concernant les biens communs.
On oblige un époux à agir avec l’accord de son conjoint. La loi veut que l’acte soit fait par les deux époux, ils sont énumérés, la liste est limitative, mais importante.
Quatre parties :
– les donations
– les aliénations à titre onéreux.
– certains baux
– les parts sociales.
A –Les donations de biens communs
Article 1422 : « les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer entre vifs à titre gratuit des biens de la communauté ».
Toutes les donations son visées : les ostensibles, par acte notarié, mais aussi aux dons manuels (donations déguisées) comme une vente, mais les parties conviennent que le prix ne sera pas payé. On peut alors restituer à l’acte sa véritable qualification, c’est une donation déguisée de biens communs qui est soumise à l’article 1422 si elle n’est pas nulle.
On excepte les cadeaux et présents d’usage à l’occasion de fêtes familiales, d’anniversaire.
Cela dit, s’agissant des donations proprement dites, 3 questions ont été discutées :
Donation de gains et salaires :
Si on les donne, le problème vient de ce que le salaire est un bien commun qui relève de l’article 1422, mais le régime primaire donne à chaque époux le pouvoir d’en disposer librement, sans exclure la disposition à titre gratuit.
Comment concilier les articles 1422 et 223 : la jurisprudence assez logiquement fait primer l’article 223, le régime primaire : une telle donation échappe en principe à l’article 1422, mais il y a un tempérament, c’est que cet époux appauvrit la masse commune et c’est un cas où il y a droit à récompense au profit de la communauté. Cette solution de principe connaît une exception = 1ère Civ. 29 février 1984 : si l’époux peut donner librement ses gains et salaires, il en va différemment lorsque ceux-ci son capitalisés, économisés, alors la jurisprudence considère que ce ne sont plus des salaires mais des fonds de communauté ordinaire et que s’ils sont donnés, l’article 1422 avec l’accord des deux époux est nécessaire.
Discussion à propos du cautionnement souscrit par un époux commun en biens lorsque l’époux caution le fait pour rendre service à titre gratuit en raison des liens qui l’unissent au débiteur : est-ce une donation qui pourrait être remise en cause par l’article 1422 : la jurisprudence a refusé d’étendre à tous les contrats à titre gratuit ce qui était valable pour la donation proprement dite, pour le cautionnement, il y a pas de dessaisissement immédiat et définitif du prétendu donateur, élément caractéristique de la donation, l’article 1422 ne peut donc s’appliquer.
Cas particulier où ce texte pourrait être appliqué = lorsque le cautionnement réalise une donation indirecte = 12 mai 1982 : ici, renonciation anticipée de la caution à l’exercice de son recours subrogatoire contre le débiteur principal. Cela dans une intention libérale. La jurisprudence a alors admis que le cautionnement constituait une donation indirecte qui devrait être soumise à l’article 1422.
La question a perdu beaucoup de son intérêt pratique en raison d’un texte de la loi de 1985, l’article 1415 qui dans ce cas limite le gage du créancier quand un époux se porte caution seul aux propres de ce dernier et aux propres non en capital (or avec l’article 1422 ? on voulait protéger les biens communs en capital).
Quand les gains et salaires sont utilisés dans le cadre d’un contrat d’assurance vie au profit de tel ou tel bénéficiaire : n’est ce pas une donation indirecte ? La Cour de cassation, après discussion, en Assemblée plénière 12 décembre 1986, a considéré que bien que les primes aient été payées par la communauté, l’époux souscripteur pouvait désigner et changer le bénéficiaire de l’assurance vie sans l’accord du conjoint. Ce n’est donc pas une donation indirecte de biens communs. L’explication donnée est tirée de la nature même de l’assurance vie : elle repose sur le mécanisme de la stipulation pour autrui, le bénéficiaire a un droit direct contre la compagnie d’assurance et ce droit n’est pas entré dans la communauté.
B – Certaines aliénations à titre onéreux et constitution de droits réels
Ici, l’énumération est doublement limitative, les textes visent certains biens et certains actes juridiques concernant ces biens. Il s’agit essentiellement de l’article 1424 et de l’article 1425. Bien que les textes soient limitatifs, les restrictions aux pouvoirs de chaque époux sont de grande ampleur.
1 – Biens visés par ces textes
Ce sont les immeubles communs en premier lieu. Il n’y a de discussion que pour les immeubles par destination, mais sous réserve de cette controverse mineure, tous les immeubles communs sont concernés.
Les fonds de commerce et exploitations : il s’agit d’un assemblage de biens corporels et incorporels = universalité de fait : ces biens entrent dans le domaine de la cogestion. La notion de fonds de commerce est assez précise, la notion d’exploitation est moins précise, on a voulu viser par là les exploitations agricoles et artisanales dépendant de la communauté, qui peuvent inclure la propriété de terre et peut être même aujourd’hui ce qu’on pourrait appeler les exploitations civiles c’est à dire les éléments nécessaire à l’exercice d’une profession libérale = fonds libéral d’exercice. Il se pourrait que la jurisprudence tout en maintenant la distinction du titre et de la finance considère que c’est une exploitation civile au titre de 1424 et suppose un accord des deux époux.
Droits sociaux non négociables : il s’agit des parts d’intérêt dans les sociétés de personnes : civiles, en nom collectif, à responsabilité limitée = intuitu personae. C’est la valeur présumée importante de ces parts dans le patrimoine commun qui explique qu’ils rentrent dans le domaine de la cogestion. La règle devrait alors être étendue aux actions et même aux titres nominatifs car ces valeurs mobilières peuvent aussi représenter une grande valeur patrimoniale, mais tant en 65 qu’en 85, on a refusé d’étendre aux actions la cogestion car cela est apparu techniquement dangereux voire impossible en raison du mécanisme des opérations de bourse. On a pensé que pour les actions, exiger le consentement du conjoint conduirait à des complications et risquerait de perturber les marchés boursiers.
Meubles corporels dont l’aliénation est soumise à publicité = meubles immatriculés : ce sont des biens relativement rares mais qui peuvent représenter une grande valeur comme les navires, les aéronefs, les bateaux de rivière : il existe pour ces biens un e publicité organisée à des fins civiles et ces biens ont un statut intermédiaire entre le bien et l’immeuble, rentrent dans le champ d’application de la cogestion.
2 – Opérations concernant ces biens qui vont être soumises au double consentement
L’art 1424 vise deux grands types d’opération, les aliénations à titre onéreux et les constitutions de droits réels.
Les aliénations à titre onéreux ne peuvent être consenties par un seul époux : il faut une aliénation volontaire et non une aliénation forcée sur saisie. L’article 1424 ne rend pas le bien insaisissable. D’abord à la vente proprement dite, la jurisprudence assimile la promesse de vente ou le compromis quand celui qui signe l’acte se trouve définitivement engagé par une telle promesse. On pourrait trouver une facilité à la cogestion par le mandat apparente, mais la jurisprudence ne l’admet que très restrictivement.
Il en résulte que pour les fonds de commerce et les entreprises artisanales, l’époux qui exerce la profession peut en principe aliéner isolément tel ou tel élément de l’exploitation ou du fonds sous réserve de la fraude, ce qui est visé par l’article 1424 est l’aliénation globale. La cession d’éléments séparés n’est pas interdite, mais lorsque le conjoint de l’époux travaille dans l’entreprise familiale par exemple comme collaborateur, le consentement de ce conjoint est exigé lorsqu’il s’agit d’éléments qui par leur nature ou leur importance sont nécessaire à l’exploitation de l’entreprise. Par exemple, une cession isolée du bail ou de la clientèle : il faut le concours du conjoint qui travaille dans l’entreprise. La règle a été posée par l’article 2 de la loi du 10 juillet 1982 et figure à l’article L 121-5 du Code de commerce.
Les constitutions de droits réels : il peut s’agir de la création de droits réels principaux, par exemple, concéder un usufruit ou créer une servitude sur un immeuble commun, c’est grever cet immeuble d’un droit réel, il faut le consentement des deux époux. Il y a aussi la création de droits réels accessoires : par exemple une hypothèque conventionnelle sur un immeuble ou le nantissement du fonds de commerce.
Toutes ces opérations, quand elles portent sur des biens communs visés par l’article 1424 sont soumises à cogestion. Le législateur a pris pour ces opérations une précaution supplémentaire : la dernière phrase de l’article 1424 indique que les époux ne peuvent sans leur conjoint percevoir les capitaux provenant de telles opérations comme par exemple encaisser le prix de vente d’un immeuble commun. L’intérêt est que chaque conjoint sera averti de l’entrée des fonds dans la communauté et il pourra exiger, subordonner son accord au fait que telle ou telle affectation sera donnée à ces fonds commun, ou encore que la moitié des fonds communs lui soit remise pour qu’il les gère.
Il y a là un domaine important pour la cogestion.
Reste un élément à préciser = nature de l’accord exigé des deux époux : ne peuvent l’un sans l’autre…
La formule actuelle signifie que les époux ayant aujourd’hui exactement les mêmes pouvoirs sur les biens communs, ils sont touts les deux parties à l’acte, ils sont covendeurs, codonateurs et on ne doit plus considérer qu’il y en a un qui agit à titre principal avec l’accord de l’autre sans s’engager personnellement. Cependant, si la cogestion a ce sens, il n’est pas interdit à un époux d’intervenir à l’un des actes que l’on a énuméré simplement pou dire qu’il autorise cet acte, acte auquel il ne veut pas être partie et dont l’autre époux assumera seul la charge : par exemple, s’il s’agit d’un bien professionnel, le conjoint intervient pour autoriser l’opération, sans s’engager personnellement. En cas de donation de biens communs d’un précédent mariage l’époux qui seul a qualité de parent souhaite seul avoir la qualité de donateur ;
Aujourd’hui, dans le silence des parties, on doit logiquement présumer que les époux sont tous les deux parties à l’acte, sur un pied d’égalité.
Quant à la manifestation de l’accord des époux, le plus souvent, les époux seront présents à l’acte et le signeront ensemble, mais ce n’est pas obligatoire, l’un des époux peut donner un consentement anticipé, mais il doit être spécial, pour telle vente, de tel bien à tel prix et il pourra signifier mandat donné à l’autre époux de le représenter au cours de l’acte ou autorisation pour l’acte.
Le consentement doit être certain, mais un écrit n’est pas exigé à peine de nullité : simplement, pour des raisons de preuve, le plus simple sera de rédiger un écrit.
C –Certains baux
Le bail a été longtemps considéré comme l’acte type d’administration ; il faut supposer que les époux sont propriétaires d’immeubles communs qu’ils donnent à bail à tel ou tel preneur.
Le renforcement des droits des locataires a parfois conduit à assimiler le bail à un acte de disposition parce que c’est un acte qui engage l’avenir et à lui faire subir les mêmes limitations qu’aux actes de disposition. C’est le sens de l’article 1425 qui distingue suivant l’usage des lieux loués et la durée des baux.
De l’article 1425 il ressort qu’il y a deux catégories de baux à distinguer. Pour certains, il faut l’accord des deux époux : c’est pour les baux commerciaux et ruraux. C’est une opération qui exige leur double accord car ces baux confèrent au preneur un droit au renouvellement notamment (prérogative très importante) qui peut diminuer la valeur du bien loué, un droit de préemption.
Pour les autres baux, l’article 1425 renvoie aux règles de l’usufruit c’est à dire que quand il y a un démembrement de propriété, l’usufruitier peut donner l’immeuble à bail mais en principe pour une durée relativement courte. Il ne peut consentir de baux que pour une durée de 9 ans = article 595 al 2 et 3. On transpose ici ces règles : chaque époux peut ici consentir un bail dans les mêmes conditions c’est à dire d’une durée inférieure à 9 ans. L’idée est que seuls les baux de longue durée déprécient l’immeuble. Mais, aujourd’hui, cela n’est plus exacte, il s’agit le plus souvent de baux d’habitation car ces baux même d’une durée inférieure à 9 ans confèrent des prérogatives importantes au preneur (loi de 48 et loi du 6 Juillet 1989) : notamment droit au renouvellement. Alors on s’est demandé si en 1985 il ne serait pas logique de soumettre ce bail d’habitation à cogestion. Il y a eu un débat, l’argument qui a conduit à ne pas appliquer la cogestion a été le danger pour le locataire car si le bail est conclu par un seul époux, la sanction du non respect de la cogestion serait la nullité et pèserait principalement sur le locataire.
Donc les baux d’habitation consentis par un époux sont valables. Le bien peut être engagé par la volonté d’un seul époux. Dépasse pourtant le simple acte d’administration. Mais c’est la solution du droit positif.
D –Cas particulier de l’article 1832-2
L’hypothèse est qu’un époux emploie des biens communs pour faire un apport à une société (souscrire des parts sociales) ou pour acquérir des parts sociales non négociables.
Cette opération n’est pas en elle-même soumise à cogestion. L’époux peut le faire seul, mais il doit en informer son conjoint à peine de nullité. L’acte d’acquisition des parts sociales doit contenir la preuve de cette information qui si elle n’est pas donnée peut entraîner la nullité de la souscription ou de l’acquisition.
L’intérêt de cette information du conjoint est de permettre à celui-ci non acquéreur et non souscripteur de revendiquer la qualité d’associé pour la moitié des parts en principe.
Si le conjoint notifie son intention de revendique la qualité d’associé, au moment même de l’apport des parts sociales par l’autre époux, les associés de la société concernée ne peuvent qu’accepter ou refuser les deux époux en même temps, mais si la notification du conjoint est postérieure à la souscription ou à l’acquisition des parts, ce conjoint pourra se heurter éventuellement à une clause d’agrément prévue par les statuts et elle lui sera opposable.