Glaive et balance, les 2 pouvoirs de la justice

Les pouvoirs spécifiques de la Justice : jurisdictio et imperium

Représentation figurative de la justice : le glaive (pouvoir de contrainte du juge : imperium) et la balance (pouvoir du juge de dire le droit pour la situation soumise à la juridiction : jurisdictio).

  • §1. La jurisdictio

Terme latin issu du droit romain qui signifie « dire le droit ». C’est l’action de trancher un litige par application du droit. Le magistrat va dire le droit par le biais d’un acte, l’acte juridictionnel.

  1. A) La notion d’acte juridictionnel

C’est l’acte par lequel le juge dit le droit.

Distinction des différents actes accomplis par les magistrats :

  • actes d’administration judiciaire qui permettent aux magistrats de déterminer le fonctionnement pratique de la juridiction, de répartir les affaires entre les différents magistrats, d’administrer le service public. Ce ne sont pas des actes juridictionnels ; en effet, ils ne tranchent pas de litiges (le juge n’applique pas une règle de droit à un cas d’espèce). Ex : commission rogatoire livrée par un juge d’instruction pour ordonner une perquisition. Ces administrations n’ont pas l’autorité de la chose jugée, et ne sont susceptibles d’aucun recours.
  • décisions gracieuses (art. 25 Code de Procédure civile) composées de deux éléments (conditions) : absence de litige (pas de conflit ouvert entre deux justiciables) et existence d’un contrôle du juge (exigé par la loi en raison de la nature de l’affaire ou de la qualité du requérant). Ex : adoption, divorce par consentement mutuel…
  • actes juridictionnels définis par deux critères : critère organique (acte juridictionnel rendu par un organe investi du pouvoir de juger) et critère matériel (acte juridictionnel tranche un litige qui porte sur l’application du droit)

Les actes juridictionnels ne portent pas forcément le même nom selon le contentieux et selon les juridictions. On parle à leur sujet d’ordonnance, de jugement, d’arrêt ou de sentence.

L’ordonnance est une décision rendue par un chef de juridiction ou par un juge unique. Le jugement est la décision rendue par les juridictions du 1er degré. L’arrêt est la décision rendue par une juridiction du 2nd degré (cour d’appel, conseil d’état, cour de cassation). La sentence est la décision rendue par des personnes privées, les arbitres.

  1. B) Les effets de l’acte juridictionnel

Son rôle est de statuer définitivement sur une situation juridique. Grande différence avec les actes législatifs ou administratifs (les législateurs et l’administration peuvent modifier sans cesse leur décision). L’objectif est de statuer définitivement pour que le même procès ne recommence pas éternellement. Lorsqu’une juridiction statue sur une affaire, sa décision ne peut plus être remise en cause sous réserve d’un épuisement des voies de recours. L’objectif est d’assurer la sécurité des plaideurs.

Deux mécanismes :

  • Le dessaisissement du juge

Lorsque le juge a tranché le litige, il cesse définitivement d’être juge de cette affaire. Une seule exception : lorsque l’erreur des magistrats est purement matérielle.

  • L’autorité de la chose jugée

Autorité attachée à un acte juridictionnel qui empêche qu’une affaire puisse à nouveau être tranchée par un juge. Cette autorité confère à l’acte une présomption de vérité. Ce qui est jugé doit donc être tenu pour vrai. C’est un instrument de sécurité juridique puisqu’il permet de mettre définitivement fin au procès.

Cette autorité a deux effets : le justiciable qui « gagne » son procès peut invoquer à son profit le jugement. Décision opposable au perdant mais également à tous. Deuxième conséquence : le perdant ne peut pas remettre en cause ce qui a été jugé.

L’acte juridictionnel obtient l’autorité de la chose jugée uniquement lorsqu’il devient définitif, donc les décisions à caractère provisoire n’ont pas l’autorité de la chose jugée. De plus un acte n’acquiert l’autorité de la chose jugée que lorsque cet acte n’est plus susceptible de recours. Il y a donc plusieurs degrés d’autorité de la chose jugée. Quand un jugement est rendu en 1ere instance, il a l’autorité de la chose jugée. Quand des voies de recours sont exercées l’acte juridictionnel acquiert force de chose jugée. Quand l’affaire est soumise aux juridictions suprêmes, la décision rendue acquiert force irrévocable de chose jugée.

Selon les cas, l’acte juridictionnel a une autorité de chose jugée soit relative soit absolue. Le plus souvent elle est relative : l’autorité de la chose jugée ne s’impose qu’aux parties en litige > il ne peut donc pas y avoir de nouveau procès qui aurait le même objet, la même cause et les mêmes parties. L’autorité ne s’impose pas aux tiers. Des tiers qui auraient un intérêt à agir sont en droit de s’opposer à cette décision.

Dans d’autres cas l’autorité de la chose jugée peut être absolue. La décision judiciaire s’impose à tous, même les tiers ne peuvent pas la contester. Cette autorité est absolue dans des contentieux considérés comme étant d’ordre public.

Une fois que la décision acquiert l’autorité de la chose jugée, elle peut faire l’objet de voies de recours, et lorsque celles-ci sont épuisées la décision devient définitive = exécutoire (le juge peut la faire exécuter si besoin par la contrainte : pouvoir de contrainte = imperium).

  • §2. L’imperium

C’est un pouvoir de commandement qui permet aux magistrats d’imposer leurs décisions. Le juge va pouvoir prescrire toutes mesures nécessaires à l’exécution de la décision. C’est le pouvoir le plus fort en matière pénale. En matière de droit civil, le plus souvent, les justiciables qui perdent leur procès s’exécutent spontanément (exécution volontaire). Quand le perdant refuse d’exécuter le jugement il faut recourir à l’exécution forcée. Le pouvoir de commandement du juge se manifeste à ce moment-là : il va pouvoir ordonner l’exécution de la décision en apposant sur la décision la formule exécutoire.

Dans le droit privé, le justiciable va pouvoir faire appel à des huissiers de justice pour obtenir l’exécution forcée du jugement, et ces huissiers peuvent faire appel à la force publique.

Les décisions administratives sont également revêtues de la formule exécutoire. Lorsque c’est une personne privée qui est condamnée, ce sont des voies d’exécution classiques qui s’appliquent mais lorsque c’est l’administration qui est condamnée, le juge administratif peut adresser une injonction à l’administration afin qu’elle exécute la décision de justice. Cette injonction peut être assortie d’une astreinte.