La guerre à l’époque féodale

La Guerre et la Paix dans la société seigneuriale

La période féodale s’étend : du Xe au XVe siècle, de l’avènement de Hugues Capet, en 987, à l’avènement de François Ier, 1515.Elle se subdivise en deux parties :
  • la première va du Xe au XIIIe siècle, de Hugues Capet à Philippe le Bel (de 987 à 1285). C’est l’époque du complet épanouissement du régime féodal.
  • La seconde va du XIIIe au XVIe siècle, de Philippe le Bel à François Ier (de 1285 à 1515). C’est l’époque de la lutte du pouvoir royal contre les seigneurs, l’époque de la monarchie tempérée.
   
  • I) La guerre dans la société seigneuriale
  • A) Les catégories de belligérants
  • 1) Les parents
  • 2) Les vassaux
  • 3) Les sujets du seigneur (les roturiers)
  • 4) Les mercenaires
  • B) Le déroulement des guerres
  • II) Les actions de l’église contre les guerres
  • A) La doctrine de la guerre juste
  • B) Les mesures concrètes : le mouvement de paix au XIème siècle
  • III) Les actions de la force laïque
  • A) Les réactions populaires
  • B) Les coutumes et les pratiques du monde seigneurial
  • IV) L’action du Roi de France
  • A) Les lettres de sauvegarde
  • B) L’interdiction des guerres privées

I) La guerre dans la société seigneuriale

Cette société est caractérisée par la guerre. En effet par son mode de vie et par l’exercice du pouvoir, le monde seigneurial constitue une aristocratie militaire.

La désagrégation de l’Empire carolingien a laissé la place à un état de violence endémique faute d’un niveau suprême. La vengeance privée qui avait été endiguée par les Carolingiens se développe de nouveau entre les hommes de toutes conditions.

A mesure que la classe des chevaliers prend conscience de sa spécificité, le recours à la guerre privée va avoir tendance à devenir un privilège de l’aristocratie militaire. De plus, le morcellement des justices est une cause de multiplication des guerres.

En effet faire la guerre est un droit pour le seigneur car ce seigneur assume la fonction de justice et peut donc prendre les armes pour assurer la réalisation contrainte de la justice.

A) Les catégories de belligérants

La guerre féodale est une lutte entre deux clans, derrière le chef de clan qui décide de la guerre les solidarités sociales entrainent d’autres hommes.

1) Les parents

Le chef de clan entraine avec lui les hommes de son lignage. Cette obligation qui correspond à la solidarité familiale dans la poursuite de la vengeance privée, cette obligation est très fortement ressentie jusqu’au 13ème siècle.

Le lien de parenté qui entraine l’obligation de soutien militaire existe aussi loin qu’est interdit le mariage entre parents à l’origine jusqu’au 7ème degré puis 4ème degré. Sont exemptées les femmes, ecclésiastiques, les mineurs, les pèlerins.

2) Les vassaux

Au début de l’époque féodale ils ont une obligation militaire durant toute la belle saison. Puis les coutumes féodales finissent par préciser l’obligation :

– Le service d’ost de 40 jours

– Le service de chevauché qui ne permet que de rapides incursions dans le territoire ennemi.

– Le service de garde ou d’estage le vassal doit participer à la garde des fortifications seigneuriales.

3) Les sujets du seigneur (les roturiers)

Dans le nord de la France il existe encore au 13ème siècle des roturiers qui prennent les armes pour défendre un clan. De plus, dans les villes il existe une très forte solidarité qui implique l’assistance armée.

Chaque ville qui obtient une autonomie de gestion assure sa propre défense grâce à une milice composée des hommes valides de la ville. De plus la société féodale n’a pas complètement perdu de vue le vieux principe franc obligeant tous les hommes libres à prendre part. Le roi va exiger l’aide militaire de ses sujets roturiers si le royaume de France est en danger.

En ce qui concerne la défense de la seigneurie par les roturiers il faut distinguer selon les époques et selon les circonstances.

– Aux 11ème et 12ème siècles, les roturiers peuvent être convoqués pour la garde des fortifications.

Dans les villes la participation des habitants à la défense du seigneur se fait par mobilisation de la milice.

Au 13ème siècle, le rôle des roturiers se réduit puisque les guerres seigneuriales deviennent un privilège des nobles cependant les milices peuvent être convoquées lorsque les circonstances l’exigent (1214 bataille de Muret).

4) Les mercenaires

Le nombre des combattants provenant de la mobilisation des vassaux parait insuffisant aux grands seigneurs. Les milices parfois importantes ne sont que d’une efficacité médiocre.

Dès le 12ème siècle, le roi et les princes complètent leurs effectifs à l’aide de combattants rétribués recrutés pour les besoins d’une expédition et licenciés sur place à la fin de l’expédition. Ils sont redoutables pour les régions dans lesquelles ils sévissent, on les appelle les routiers, les écorcheurs.

B) Le déroulement des guerres

Les effectifs sont très faibles, les très grands seigneurs disposent de quelques centaines de chevaliers. Pour les seigneurs moins importants, c’est au mieux quelques dizaines. L’essentiel des actions sont des raids dans le territoire ennemi. On essaie de faire des prisonniers contre rançons.

La prise ou la destruction d’un château est une entreprise très longue car les effectifs ne permettent pas d’encercler la forteresse. Les batailles décisives consistent en choc de cavalerie. Ces guerres très fréquentes causent surtout du tort aux campagnes ravagées.

Les soucis de paix a été aussi constant que l’état de guerre, en dehors du monde des guerriers. Diverses autorités vont intervenir dans ce sens non pas pour interdire la guerre mais pour la limiter. C’est d’abord l’Eglise qui intervient dès le 10ème siècle, puis des laïcs et enfin le roi de France au 13ème siècle.

II) Les actions de l’Eglise contre les guerres

A) La doctrine de la guerre juste

La guerre ne peut jamais être considérée comme un bien en soi par le chrétien. Elle ne peut être entreprise par vengeance ni par cupidité ou désir de gloire ou encore par impérialisme. Malgré tout le retour à la guerre est décidé et mise en œuvre par l’autorité publique (Roi, seigneur…), elle peut être indispensable et donc juste pour assurer la défense du droit.

Par exemple pour défendre ses parents, vassaux, sujets contre une agression injuste, pour faire régner la justice en châtiant les perturbateurs de la paix, pour défendre les droits de l’Eglise et de Dieu ce qui est à l’origine des croisades. Cette doctrine a été posée dès le début du 5ème siècle développée plus tard au 12ème siècle.

B) Les mesures concrètes : le mouvement de paix au XIème siècle

– « La Paix de Dieu » :

Elle est destinée à protéger les individus pacifiques (ecclésiastiques, femmes, enfants, voyageurs donc les marchands, les pèlerins…) Elle protège ensuite différents biens : les biens de l’Eglise, des paysans.

Dans la mesure où cette Paix de Dieu était respectée elle avait une portée considérable car réduisait les guerres aux seuls combattants et à ses biens. Cette institution apparait dans le midi, région ravagée par les guerres et va être établie en 989 par le Synode Provincial de Charroux.

Elle va être généralisée par le Concile de Clermont en 1095 répétée au Concile de Latran en 1139. De cette paix de Dieu il faut rapprocher la multiplication des Sauvetés, c’est un territoire appartenant à un établissement ecclésiastique délimité par des croix les individus qui vivent à l’intérieur de cette zone ne doivent pas être attaqués.

Dans l’Est de la France des évêques vont faire réaliser dans leur diocèse des formules de serment de paix qu’ils vont s’efforcer de faire signer et respecter.

– « La trêve de Dieu » :

Elle pour but de limiter la guerre dans le temps, le concile d’Elne établit qu’aucun acte de guerre ne doit intervenir le dimanche. Les guerres seront déclarés illicites du mercredi soir au lundi matin également illicites pendant les grandes fêtes religieuses. Ces règles vont être généralisées au premier concile de Latran en 1069 et au concile de Clermont.

– Le second concile de Latran en 1139 :

Il cherche à imposer des limites au potentiel de guerre et interdit le recours aux armes trop meurtrières : l’arc, l’arbalète. Ces interdictions n’ont guère été respectées car il n’y a eu aucun moyen de contrainte physique par l’Eglise. En effet elle n’a à sa disposition que « l’excommunication ». Tant qu’ils sont en bonne santé, les seigneurs attaquent gaiement.

La paix de Dieu tombe en désuétude à la fin du 12ème siècle. Cependant l’Eglise va continuer à exercer son influence en inspirant les différentes actions menées par les forces laïques.

III) Les actions de la force laïque

A) Les réactions populaires

Certaines de ces réactions ont été suscitées par l’Eglise qui a favorisé la création de ligues de défense. La confrérie des « Encapuchonnés du Velay » va se rendre utile et détruire les troupes de routier. Cependant, cette confrérie va prendre une allure contestatrice de l’ordre établi (Dieu) par l’époque en s’en prenant aux seigneurs locaux.

B) Les coutumes et les pratiques du monde seigneurial

Du point de vue juridique dans la majorité des coutumes le droit de déclencher la guerre est considéré comme un déclenchement du pouvoir de justice, seul le seigneur justicier (haut justicier) peut engager la guerre pour la sauvegarde du droit.

Les armements deviennent perfectionnés, au 13ème s la guerre privée n’est plus accessible aux petits seigneurs.

Les seigneurs eux même ont éprouvé le désir de paix et en l’absence d’Etat de droit supérieur ils vont être incités à conclure des accords entre eux (pacte de non-agression, accords d’alliance…) dans le Rouergue un grand nombre de seigneurs signent un texte et mettent en place des institutions de paix, certains vont être payés pour être les gardiens de la paix.

Un tribunal est créé pour juger les perturbateurs de la paix avec un impôt spécial (la pésade). Les habitudes du monde seigneurial conduisent à l’établissement progressif d’une règlementation de la guerre au moins au 13ème s.

La guerre doit être engagée ouvertement, il doit y avoir échange de menaces publiques et caractérisées : un défi. A la fin du moyen âge dans la pratique princière, le défi constitue une cérémonie indispensable.

Les titulaires de grands fiefs vont prendre l’habitude de proposer leur arbitrage en cas de litige entre leurs vassaux, certains cherchent même à interdire les guerres privées Guillaume le conquérant crée la paix du duc et oblige les paysans à laisser leur charrue dans les champs.

IV) L’action du Roi de France

– Le roi reconstitue sa souveraineté par « l’asseurement » c’est utilisation par la pratique des pactes de non-agression. Le roi charge ses représentants d’inviter les seigneurs à conclure entre eux des accords de paix surtout lorsqu’une guerre menace (13ème s).

Cette injonction royale est accompagnée de la menace de saisir les biens et la personne des seigneurs qui refuseraient de conclure ces pactes. Ce procédé va contribuer au recul des guerres privées.

– La « quarantaine ». Le Roi est interdit d’attaquer les parents de l’adversaire pendant les quarante premiers jours de la guerre pour éviter qu’ils ne soient attaqués par surprise. Ce délai permet à toute la parenté d’être informé de l’état de guerre et de se mettre en état de défense.

A) Les lettres de sauvegarde

Elles découlent du pouvoir de protection du roi. Le roi peut délivrer aux personnes qui le demandent et qui ont des raisons sérieuses de les obtenir des lettres par lesquelles elles sont prises sous la protection personnelle du roi avec une conséquence importante : toute agression contre ces personnes est considérée comme agression contre le roi.

B) L’interdiction des guerres privées

Louis IX croît possible de couronner sa politique pacificatrice en interdisant les guerres privées et les duels judiciaires sous l’influence de l’Eglise.

Problèmes : cette interdiction ne concerne que le domaine royal, cette interdiction heurte les sentiments de la noblesse. Ainsi l’interdiction sera mal respectée du vivant de Louis IX et plus du tout après sa mort.

Dans la pratique les guerres privées n’auront tendance à disparaître qu’après la fin de la guerre de 100 ans lorsque le pouvoir royal s’affermit. L’ordonnance de 1439 établit que les vassaux ne doivent le service d’ost qu’au roi seul. Il y aura par la suite la création d’une armée payée par l’Etat.

Les guerres seigneuriales disparaissent progressivement mais sont relayées par les guerres dynastiques