Les pensées de Habermas et Hayek sur l’Etat

  1. L’Etat dans la globalisation (Habermas – Hayek)

 

On commencera par Habermas, même si Hayek est chronologiquement antérieur. Après l’Etat-nation une nouvelle constellation politique, Habermas. Ouvrage publié deux fois, en 1998, et 1999. Le moment où sa pensée devient importante c’est la toute fin des années 1990. Habermas se pose la question : peut-on et doit-on dépasser l’Etat, surtout dans sa figure classique, l’Etat-nation ? Cette première question problématique, est renforcée par une autre question sous-jacente, qui consiste à se demander si cet héritage est-il possible de satisfaire les exigences de la modernité économique ? Habermas considère qu’aujourd’hui il y a une fore de recomposition du paysage politique qui fait que l’Etat est peut-être une forme archaïque en train d’être dépassée. Il appuie son raisonnement autour de plusieurs constats qui soulignent une mutation profonde au cours des trente dernières décennies.

 

Premier constat, la globalisation de l’économie a supprimé des frontières, pour Habermas cet espace d’échanges global marque la fin de la territorialisation de l’Etat et pour lui c’est le début d »un processus qui doit conduire à la fin de la territorialisation de l’Etat. Pour Habermas une page se tourne, celle de l’histoire de l’Etat qui a prospéré sur des territoires fermés. Ce premier constat est corroboré par un second constat, il existe à côté de cette fin de territorialisation une tendance qui vise à créer de grands ensembles régionaux, économiques ou politiques (ALENA, UE, etc.) il y a une tendance très forte à créer des structures englobantes, pour lui se sont davantage des modes d’intégrations horizontaux. Pour Habermas cette évolution met un terme à ce qu’il appelle dans son ouvrage, l’ère Westphalienne, ces traités qui avaient mis en place une pacification relative de l’Europe pendant les guerres politico-religieuses. Ce traité de Westphalie avait instauré le principe qu’il existe un ordre politique intérieur et un ordre politique extérieur, et ces deux ordres n’ont pas à communiquer. Tout ceci s’enracine dans une vision extrêmement traditionnelle de la souveraineté qui en fait une puissance ultime à l’intérieur qui n’autorise pas de droits de regard à l’extérieur. Cette vision traditionnelle est remise en cause aujourd’hui par ces nouvelles organisations qui naissent. Les Etats appartiennent à une organisation dont ils ne sont plus les seuls maitres exclusifs. Le troisième constat, est que de nouveaux problèmes qui ne peuvent être traités qu’à une échelle internationale, et appellent un « ordre cosmopolite » car ce sont des problèmes qui existent pour tous aujourd’hui. Il a cette formule « de nombreux problèmes n’exigent peut-être pas un gouvernement mondial, mais au moins un ordre cosmopolitique permettant une politique mondiale », il y a des politiques à donner qui dépassent le cadre traditionnel des simples traités bi ou multilatéraux. Habermas va écarter deux approches diamétralement opposées :

 

–        La défense du souverainisme ; c’est l’idée que l’Etat-nation serait l’horizon indépassable et que seul l’Etat sous la forme de l’Etat nation pourrait être gardien.

–         Le fédéralisme utopique ; pour lui l’hypothèse d’une société monde, est l’hypothèse selon laquelle les Etats devraient se dissoudre dans une seule et même entité pour créer un Etat mondial est à écarter.

 

Habermas va ensuite s’intéresser à un exemple qui lui semble emblématique de la tournure que peut prendre l’avenir politique au XXIe siècle, c’est l’exemple de l’Europe, il va plaider pour la création d’une nouvelle constellation politique qui permettrait de dépasser l’Etat nation, mais de paradoxalement conserver les Etats-nations dans cette construction. Habermas va préconiser d’abord de mettre en place une loi fondamentale, ce qu’il appelle une constitution, européenne. Il va aussi plaider pour la création d’une société civile européenne. L’objectif de ces préconisation c’est de dépasser l’Etat nation par la construction d’une entité politique plus vaste qui paradoxalement va permettre la permettre la subsistance de l’Etat nation. Habermas va considérer que cette forme politique de l’Etat nation est une forme complètement dépassée, elle est née au 18e siècle, et elle n’est plus apte à répondre aux défis d’une économie mondialisée, ni aux effets qu’il faut réguler à l’échelle mondiale. Pour Habermas il faut le rénover en l’intégrant dans des constructions politiques plus vastes, il s’agit d’articuler des systèmes politiques nationaux à des constellations politiques régionales.

 

            La pensée de Hayek :

 

Il va proposer une vision de ce qu’est le droit assez neuve et va influencer beaucoup de juristes à la fin du 19e siècle. Le point de départ d’Hayek c’est la réflexion qu’il commence à forger dans son premier ouvrage La route de la servitude, c’est qu’il puisse exister des Etats qui ont un monopole public sur le droit, l’économie, la société, et il voit dans ces formules le cas des démocraties populaires de l’Est. Il va donc créer un contre-système assez influencé par la pensée libérale qui va passer par une définition de ce qu’est le droit pour lui. Ce ne sera plus, pour lui, qu’une affaire d’Etat. L’Etat n’a pas le monopole sur le droit, il constitue avant tout un ordre social, et il considère que parler d’un ordre ne signifie pas pour autant dire que cet ensemble est ordonné. Un ordre peut être cohérent, même s’il n’est pas ordonné. Pour lui, l’ordre juridique de la fin du 20e siècle, a une cohérence même si on n’arrive pas à l’ordonner. Hayek va considérer que le droit n’est pas un ordre hiérarchisé, mais le résultat d’un jeu d’interaction de la société. L’ensemble des décisions personnelles et l’ensemble des décisions collectives ne peuvent jamais être maitrisées totalement et pourtant l’ensemble de ces jeux d’interaction forme un ordre spontané qui n’est pas forcément ordonné. Hayek va parler d’un ordre en perpétuel mouvement et recomposition. Pour Hayek cet ordre qu’est le droit, procure avant tout ce qu’il appelle de « l’information ». Hayek va considérer que souvent le droit peut amener des solutions que des juristes avaient déjà envisagées ou connaissent, sans pouvoir véritablement bien les formuler. « Le but des règles doit être de faciliter l’ajustement et le repérage commun des anticipations qui conditionnent la bonne fin des projets » pour Hayek un juriste devra toujours faire une analyse de cet ordre social complexe, et il va devoir chercher à trouver une forme d’équilibre entre cet ordre social qu’est le droit, et puis l’application de la règle. Puisqu’il est utopique de penser qu’on pourra maitriser par le droit cet ordre social. Cette vision n’est pas compatible avec la vision du 19e siècle selon laquelle l’Etat est la source de toute forme juridique. il est illusoire de croire que l’Etat peut cadenasser cet ordre social en étant source de tout droit.

 

La réflexion de Hayek va l’emmener à penser la liberté comme valeur essentiel, il s’inspire vraiment du libéralisme, il en tire notamment des conséquences, que l’Etat doit rester à sa place comme encadrement, mais il ne doit pas monopoliser. Hayek va proposer, non pas une forme de démantèlement de l’Etat. Le droit en tant qu’ordre renvoie à des dynamiques sociales qui sont plus complexes et plus larges que la logique étatique.

 

Pour conclure sur la question Quis, on peut comprendre l’évolution de la pensée de l’Etat par un autre problème, qui est le progrès de l’individualisme. Au tout début du Moyen-Age, l’Homme était d’abord considéré comme intégré à une collectivité, un groupe, on était défini par l’appartenance à une collectivité. Mais on va passer d’une vision telle à une vision ou l’individu est antérieur à la société. Dans notre vision plus contemporaine, la société est avant tout le résultat des actions des Hommes en tant qu’individus.

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