La formation historique du système fiscal français
Si le thème de la réforme fiscal est un thème permanent de la politique française, c’est que jamais une réforme totale n’a été adoptée. Des dispositions modernes coexistent avec des formules archaïques.
A. Les principes fiscaux de 1789
Les principes fiscaux se trouvent fixés dans la DDH et dans les législations encore appliquées par le Conseil constitutionnel et des juridictions ordinaires.
Ces principes n’ont aucune originalité dans la mesure où ils constituent une réaction à l’état de la fiscalité sous l’ancien régime. Ce qui compte, ce sont les caractéristiques de la fiscalité de l’ancien régime, qui n’est pas primitive mais très complexe et sans principes généraux. Très complexe dans la mesure où il existait des impôts sur le revenu qui coexistaient avec des impôts sur la consommation et sur la circulation des biens et de la mutation. Toutes ces expériences constitueront des réservoirs de possibilité pour les législateurs postérieurs à 1789. Sans principes généraux, car il s’agit d’une fiscalité d’expédiant. Mais il existait des caractéristiques très nettes :
- Cours de droit fiscal
- L’abus de droit fiscal
- L’opposabilité de la doctrine administrative fiscale
- Les distributions occultes, officieuses et officielles
- Les déductions fiscales : définition, condition, régime
- TVA : le champ d’application de la TVA
- Les amortissements : définition et déduction fiscale
1. l’inégalité devant la loi : c’est une règle indiscutée de l’ancien régime. C’est l’idée que le souverain consentait et les contribuables étaient consentis des privilèges. Le privilège c’est une question de conception de droit commun de la fiscalité de l’ancien régime. Il s’agit de privilèges globaux.
2. la fiscalité de l’ancien régime est inquisitoriale, c’est-à-dire l’administration fiscale dispose de pouvoirs exorbitants de contrôle (possibilité de saisir les biens du contribuable, possibilité d’emprisonnement) et de voies d’exécution importante.
3. il s’agissait d’une administration privée (ferme générale). Il y avait des concessionnaires des services publics (avec une délégation du souverain).
Les principes de 1789 : sont en réaction totale et radicale par rapport à la situation antérieure. C’est ce qui en fait le caractère innovant et les limites. Les principes :
1. l’impôt n’est plus imposé par le souverain de manière discrétionnaire à raison des besoins du trésor. C’est désormais un impôt consenti par les représentants de la nation au vue des besoins de la nation, d’où l’idée de budget et de la corrélation entre les ressources et les dépenses. Avec cette idée, l’assiette de l’impôt, le montant doivent être fixées dans une règle générale et impersonnelle et donc dans la loi. L’impôt ne relève pas pour sa détermination de l’exécutif mais exclusivement du législateur. Avec cette idée complémentaire du légalisme fiscale, les administrations doivent se conformer à une loi fiscale.
2. l’égalité devant la loi : c’est la disparition de principes de tout privilège fiscal. Tous les contribuables doivent être également imposables en fonction de leur capacité contributive, qui est fixée par la loi de manière objective.
3. le service public de prélèvement de l’impôt est par essence une fonction étatique. Il n’y a plus de possibilité de délégation à des personnes privées la gestion ou le prélèvement de l’impôt.
Ces 3 principes sont encore des principes constitutionnels applicables de nos jours. Mais à côté de ces 3 principes juridiques, se surajoutait une conception économique de l’impôt qui est de nos jours totalement dépassée mais qui est séduisante car elle est en parfaite cohérence avec les 3 principes juridiques. La conception économique est une conception dictée par l’idéologie physiocratique, c’est-à-dire l’idée que l’impôt c’est le prix payé à l’Etat par les propriétaires pour la sûreté et la protection de leurs biens. On considère donc que la seule richesse au regard de l’impôt c’est la propriété et d’ailleurs essentiellement la propriété foncière. C’est une conception économique profonde qui est liée avec les autres principes : dès lors que le droit fiscal tient compte exclusivement de la propriété et de sa valeur, elle ne tient plus compte du contribuable, de sa situation sociale, de son comportement. La conséquence c’est qu’il y a une égalité objective, une espèce de dépersonnalisation de l’impôt ; en outre, l’administration n’a qu’une seule fonction c’est de déterminer la valeur de la propriété et de prélever l’impôt. Aucune recherche supplémentaire n’est nécessaire. C’est pourquoi ce système a eu du succès. Le résultat a été l’adoption en 1790 et 91 de 3 grandes impositions :
1. La contribution foncière par la loi du 1er décembre 1790 qui était assise sur la valeur locative des propriétés bâties ou non bâties, cette valeur locative étant déterminée selon des barèmes communaux ;
2. Par le code du 18 février 1791 était établit la contribution personnelle mobilière qui frappe les non propriétaires en fonction de la disposition du local destiné à leur habitation ;
3. en 1791 par une loi du 17 mars, on crée la patente qui frappe toutes les professions indépendantes, commerciales et on va s’en tenir à des critères objectifs. La patente était constituée d’un droit proportionnel assis sur la valeur locative de l’immeuble occupé pour l’exercice de la profession et d’un droit fixe en fonction de la nature de la profession exercée.
Le choix à faire en 1789 est un choix qui va peser très lourd sur la fiscalité française : d’abord parce que jusqu’en 1914/17, ces impôts ont été les impôts principaux d’état et des impôts locaux. Entre 1917 et 1959, ces mêmes impôts sont restés avec des règles à peu près intactes comme étant des impôts locaux. De nos jours, les taxes foncières sur les propriétés foncières bâties et non bâties subissent un régime comparable au régime de celui de 1790. On peut donc dire que ce régime fiscal à peser très fortement sur le droit français.
B. La réaction du 19ème siècle
Cette réaction commence en 1799. L’idée des constituants de 1799 était d’éliminer toutes les impositions spécifiques sur les transactions et sur les déplacements de biens que ce soit à titre onéreux ou que ce soit à titre gratuit. Il s’agissait néanmoins d’un système rigide qui avait un rendement régulier mais rien de plus, c’est-à-dire il n’avait aucune élasticité et ne tiennent donc pas compte des difficultés économiques. Les 1ères ressources complémentaires recherchées c’est du coté du droit d’enregistrement dont les formalités comportent 2 éléments : publicité de certains actes de vente et un prélèvement fiscal. C’est très avantageux pour l’état, dans la mesure où la publicité permet à l’état de taxer l’opération sur la valeur des biens transférés. Il s’agit de la 1ère ressource complémentaire instituée par la loi qui crée un système complet qui frappe les mutations de meubles ou d’immeuble à titre gratuit ou onéreux. Cette législation sera intacte jusqu’en 1945 et actuellement il existe un régime de droit d’enregistrement qui s’appuie sur ces textes. Cette ressource fiscale va très vite ne pas suffire, et toute une série d’imposition spécifiques vont être crées et qui vont porter sur la consommation de certains produits. Toutes ces taxes spécifiques ont disparues. L’idée était de taxer la consommation des ménages et donc en réalité d’essayer de trouver des impôts qui tiennent comptent des transactions économiques réelles et qui sont indexés sur la vie économique.
En 1900, il n’existait aucune réforme profonde depuis le 19ème siècle. En 1900 la contribution foncière rapportait 45% des ressources fiscales, la patente 25% et les 30 autres % étaient assurés par les droits d’enregistrement et les taxes sur la consommation. Si on évalue aujourd’hui les contributions en fonction des revenus nationaux, l’agriculture fournit 30 % des ressources, l’industrie 25 et le commerce et les services 23 %.
L’agriculture n’était plus celui qui rapportait le plus. Le système fiscal se trouvait donc décalé par rapport à la réalité économique. D’où la nécessité de changer de base d’imposition et de trouver des ressources fiscales qui soient plus attachés à la vie économiques et aux ressources du contribuable.
C. les innovations de la 1ère moitié du 20ème siècle
C’est un impôt qui appréhende les revenus du contribuable et qui frappe tout secteur de production des biens et des services.
a) La création d’un impôt sur le revenu
Cette idée d’impôt sur le revenu va se concrétiser à la fin du 19ème siècle et va passer dans le droit positif en 2 étapes en 14 et 17. Il y a un retard considérable de la France par rapport à l’Angleterre et l’Allemagne. Ce retard est dû à un motif capital : c’est la crainte du contrôle fiscal et de l’ingérence de l’administration fiscale dans le comportement des contribuables.
La réforme va se débloquer à raison des besoins de financement que l’effort de guerre suscite. En réalité, le 1er élément de l’impôt sur le revenu c’est une loi 1872 qui crée un impôt sur le revenu des valeurs mobilières. Ceci est dû au remboursement de la dette et emprunt des sommes réclamés par Bismarck suite à la guerre de 68. Cela montre le décalage de la fiscalité avec l’évolution de la vie économique. Tous les capitalistes qui percevaient des dividendes n’étaient pas imposés. On voit là la résistance à l’imposition fiscale : on ne voulait pas que l’administration vienne contrôler le revenu des valeurs mobilières ce qui s’est traduit par une imposition à la source par les sociétés distributrices et qui se traduisait par un timbre qui était collé sur l’acte. Il s’agissait d’une mesure objective de perception de l’impôt. Cet impôt a rapporté immédiatement de grands rendements et on s’est rendu compte que l’on devait mettre en place l’impôt sur le revenu. Mais le sénat ne le voulait pas. Il y a eu 2 phases
1. loi du 15 juillet 14 qui a mis en place un impôt général sur le revenu qui frappait tous les contribuables selon un taux progressif.
2. cet impôt a été complété par une loi du 31 juillet 17 qui a créé des impositions dites cédulaires, c’est-à-dire on distinguait les différentes catégories de revenu et on appliquait à chaque revenu un taux spécifique. Les différentes catégories existent encore de nos jours et il reste de la loi de 17 un autre type d’impôt.
L’impôt sur le revenu à une structure double : un impôt général qui a pour base la somme des impôts généraux et des impôts spécifiques. La réforme passe d’abord parce que les taux d’imposition sont monnaie courante. Ensuite elle passe parce que ces impôts sont déclaratifs mais le contrôle fiscal est très faible par la volonté politique et parce que il n’existe pas encore une administration fiscale suffisante pour assurer l’effectivité du contrôle.
La 2ème réforme c’est la recherche d’une imposition sur le chiffre d’affaire.
b) La Création d’une imposition sur le chiffre d’affaire
L’idée est de trouver une Taxation qui est en réalité une imposition de la consommation, à cause de la répercussion sur les prix. La France va expérimenter à partir de 1920 un impôt sur le chiffre d’affaire à l’imitation des allemands qui dès 18 inaugure cette taxation. C’était un impôt qui frappait toutes les personnes assujetties à l’impôt sur les bénéfices. Très vite, l’impôt est apparu comme foncièrement inégalitaire, parcequ4il venait frapper le chiffre d’affaire des sociétés qui concourraient à la production d’un bien ou d’un service. D’abord, cette imposition taxait très lourdement les circuits longs (plus il y avait d’intermédiaire, plus il y avait des taxes). En outre, cette fiscalité encourageait l’importation dans les pays où il n’y avait pas d’impôt sur le chiffre d’affaire. L’impôt s’est révélé catastrophique et a été abandonné en 1936. C’était une imposition un peu primitive où elle frappait la production des biens et des services, de manière injuste. En 38/39, il existait un impôt sur le revenu complet et un impôt sur le chiffre d’affaire qui est insatisfaisant. La réforme fiscale doit être poursuivie.
D. La rationalisation de la 2ème moitié du 20ème siècle
Cette rationalisation va porter sur 4 points :
1. Perfectionnement de l’impôt sur le revenu
2. l’apparition d’un nouvel impôt
3. le perfectionnement des taxes sur le chiffre d’affaire
4. l’apparition de l’impôt sur la fortune
a) Perfectionnement de l’impôt sur le revenu
Ce perfectionnement tient au fait qu’on a d’abord en 1948 abandonné l’imposition spécifique des différentes catégories de revenu. On frappe néanmoins tous les revenus également à l’impôt proportionnel à un taux unique. C’était une réforme transitoire et insuffisante et en 59 le régime d’imposition a été parachevé par la loi du 28 décembre qui a créé un impôt sur le revenu des personnes physiques. On a retenu les différentes catégories de revenu tel que fixé en 17 mais elle ne sert plus qu’a fixer certaines règles spécifiques de bases imposables. Une fois que l’on a évalué les bases imposables, on fait table rase de ces bases imposables et on les soumet la totalité à une imposition unique qui est une imposition progressive. C’est la physionomie générale de notre droit actuel qui est fixée.
b) la création de l’impôt sur les sociétés
L’impôt sur les sociétés est né en 48. Avant les personnes morales étaient imposées sur leur bénéfice mais comme les personnes physiques, c’est-à-dire selon les règles de 14 et 17. En 48 on décide de rompre cette unité et de créer un impôt spécifique pour les personnes morales. Il s’agit d’un impôt proportionnel qui frappe à un taux variable. Cette réforme a été mise en place pour copier le régime fiscal des américains, car les Etats-Unis estimaient que les sociétés avaient besoin d’une imposition spécifique vu leur bénéfice important.
Les bénéfices vont être doublement taxés, car ils sont distribués aux actionnaires (imposition sur le revenu) ou réinjectés dans la société impôt sur les bénéfices). L’avoir fiscal permettrait de déduire cette double taxation. En 2004, l’avoir fiscal a été supprimé.
c) La création de la TVA
La taxe qui avait grevé les achats de l’opérateur économique était déduite de la taxe qui frappait la vente.
L’intérêt était la neutralité de la taxation quelque soit la longueur du circuit de production de tel ou tel bien. Exemple : fabrication de planches pour faire une table, les planches sont taxées, le menuisier va payer les taxes de vingt moins la taxe qui a grevé les planches. C’est une 1ère ébauche de ce qui est devenu la TVA impôts créé en France en 1954 et c’est un des rares impôts qui est issu de la réflexion des hommes, en particulier de Maurice Lauré qui a exposé ces idées sur l’impôt dans une thèse soutenue en 51. Il voulait perfectionner la taxe fractionnaire mais il faut aller plus loin : 1) il ne faut pas se contenter de , il faut aussi rendre déductible la taxe qui grève les achats d’immobilisation, d’investissement des opérateurs économiques ; 2) son idée est d’avoir une taxation économiquement neutre sur tous les circuits économiques ce qui implique
Cela va conduire à la réforme de 54 qui donne naissance à la TVA. Le champ d’application de ce régime nouveau est encore trop réduit car il ne concerne que la production de biens et l’imposition de certains services. En revanche, il est acquis que devient déductible la taxe payée en amont par l’opérateur économique aussi bien sur les produits incorporés physiquement au produit vendu et donc sont déductibles les taxes pour les investissements grevés pour les services rendus. La généralisation va se faire en 2 grandes étapes en 1966 et en 1978. Le succès de la TVA est dû à sa généralisation dans la communauté européenne. Les institutions européennes ont cherché très tôt une institution commune permettant les échanges internes dans la communauté et a promu la TVA comme type d’imposition neutre sur les biens et les services. Cela s’est fait par voie d’harmonisation fiscale et des directives notamment un du mai 78 qui régit le régime commun d’imposition du chiffre d’affaire dans tous les états de la communauté.
d. L’avènement d’un impôt sur la fortune
Il existait avant la réforme de 1981 un impôt sur le capital. Cet impôt était constitué par les droits d’enregistrement, qui sont des droits qui frappent proportionnellement la circulation du capital (exemple lorsqu’on vend un immeuble). Il y avait une résistance à la création d’impôt qui frappe la détention du capital. Il a été instauré par une loi du 30 décembre 1981 à l’initiative de Mitterrand. Ce nouvel impôt s’est appelé l’impôt sur les grandes fortunes : c’est un impôt annuel progressif qui frappe la valeur totale du capital détenu par les personnes physiques, exception faite lorsque le capital est affecté à une activité professionnelle.
C’est à la suite de majorité en 1986 que cet impôt a été supprimé à l’initiative du gouvernement de Chirac (1er ministre). Avec le changement de majorité en 89, cet impôt renaît à l’identique sous le nom d’impôt de solidarité sur la fortune. Cet impôt a été maintenu.