Histoire de la fonction publique

HISTOIRE DU DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE

  1) Caractéristiques essentielles du droit de la fonction publique : droit à la fois ancien et récent. Dès le Moyen Age, il existait une « fonction publique » parce que des agents communaux servent les autorités municipales tandis que les serviteurs du pouvoir royal sont les ancêtres de la fonction publique de l’Etat (voir Haute Fonction Publique ).
Un droit récent aussi parce que le droit positif de la Fonction Publique est né dans les années 1983-84. Le statut gal de la Fonction Publique a 20 ans
2) Le droit de la Fonction Publique est un droit écrit. 1er texte de référence : loi du 13 Juillet 1983 portant « Droits et Obligations des fonctionnaires » s’appliquent aux 3 fonctions publiques civiles : de l’Etat, territoriale, hospitalière, a voulu donner un cadre très général.
3 autres textes sont intervenus après, pour distinguer les Fonction Publique :
– loi du 11 Janvier 1984 relative à la Fonction Publique d’Etat
– loi du 26 Janvier 1984 relative à la Fonction Publique Territoriale
– loi du 9 Janvier 1986 relative à la Fonction Publique Hospitalière

 

La loi du 13 Juillet 1972 est relative aux statuts des militaires, ne sont pas régis par la Fonction Publique de l’Etat. L’article 64 de la Constitution impose un statut particulier « autonome » au profit des magistrats judiciaires.
Droit écrit volumineux (90 art pour l’Etat, 40 pour la Territoriale)

 

Malgré la profusion des textes, le juge administratif a du intervenir pour palier les lacunes textuelles, pour régler les incohérences, pour trancher une multitude de points de détails.
Le contentieux de la Fonction Publique tourne autour de deux grands rôles :
– la procédure disciplinaire, sanctions disciplinaires
– la question des rémunérations, des indemnités des pensions

Il existe à côté une autre catégorie d’agents, non désignée par mot « fonctionnaire » qui est « les agents non titulaires » : agents contractuels qui se trouvent dans une situation précaire alimentant un contentieux abondant devant la Fonction Publique .
Fonction Publique : agents titulaires + agents non titulaires

Aujourd’hui ce droit de la Fonction Publique connaît de profondes mutations concernant ses sources. Les sources ne sont pas seulement constitutionnelles, législatives et réglementaires. Elles sont de plus en plus d’origine communautaire (retraite, égalité des sexes, hygiène sur lieu de travail). Le droit français est aussi influencé par la CEDH (sur la notion de « fonctionnaire », sur la liberté d’expression).

Et puis le droit de la Fonction Publique se privatise : s’immisce le droit pénal (prise illégale d’intérêt, trafic d’influence, corruption, droit du travail). Certaines règles du Contrat de Travail inspirent voir s’appliquent dans le droit de la Fonction Publique .



Section 1 – L’administration monarchique et ses agents

I/. Les différentes catégories d’agents royaux

1) Les officiers : sont titulaires d’une Fonction Publique pourvue par le Roi, rémunérée par les gages et que l’on appelle une « office ». L’existence de ces offices remonte au MA : ces officiers deviennent inamovibles à partir d’une décision de Louis XI du 21 octobre 1467, inamovibilité renforcée par la patrimonialité de l’office qui fait de celle-ci le bien propre de son titulaire.
Ces deux éléments conduisent les officiers à l’indépendance, apparaît l’indiscipline, paraisse. Donc le Roi crée une autre catégorie d’agents :

2) les commissaires : nommés par le Roi grâce à des Lettres de Commission, ils sont librement nommés, déplacés et révoqués par le Roi. Cette catégorie est donc soumise à un véritable pouvoir hiérarchique. A partir du 18ème s., se développe deux autres catégories d’agents.

3) les ingénieurs : formés au sein d’Ecoles spécialisées, telle que l’Ecole des Ponts et Chaussées fondée en 1747. Ces ingénieurs sont aussi nommés par le Roi, sont astreints à des obligations professionnelles strictes (le secret professionnel), obligation de réserve, mariage soumis à autorisation du supérieur hiérarchique.

4) Les commis : sont discrétionnairement nommés et révoqués par leur chef de service et qui obéissent à des règles professionnelles issues des usages administratifs et des instructions de service. Le manquement à l’O d’obéissance constitue une faute grave, en revanche l’incapacité, la négligence sont traitées avec compréhension par l’autorité administrative.

Ce système pouvait-il fonctionner ? non

II/. Un système perverti

L’affirmation de principe : la monarchie exige de la part de ses agents une complète intégrité morale et financière. Mais les problèmes financiers de l’Ancien Régime ne l’autorise pas à réaliser ces ambitions : le système de la vénalité des offices concourt à la corruption de l’administration et des agents. La création des charges, d’offices inutiles dévalue le prestige des officiers.

La vénalité ne tarde pas à apparaître pour les commissaires, même les emplois de commis ne sont pas épargnés : l’emploi publique est mis aux enchères, des personnes non aptes rentrent.

De plus, pour ne pas décourager les acquéreurs d’office, le pouvoir royal tolère les cadeaux et les épices remis aux juges et aux agents royaux. Corruption institutionnalisée, épices taxées par le pouvoir royal et réparties entre les magistrats.
A la veille de la Revolution Française, un inspecteur de la sûreté Paris 20 000 livres/an, la protection que l’inspecteur apporte au cercle de jeux lui rapporte 60 000 livres.


Section 2 – La Révolution Française

I/. La destruction du système d’Ancien Régime

La volonté de changement est sensible : se traduit par 3 aspects.
La nuit du 4 août 1789, les privilèges sont abolis : la patrimonialité des offices est abolie.
La Constitution de 1791 proclame « qu’il n’y a plus ni vénalité ni hérédité d’aucun office public »

Les membres de l’Assemblée Constituante 1792 souhaitent détruire les privilèges que conférait la naissance pour l’accès à la Fonction Publique . L’art 6 DDHC 1789 dispose que « tous les citoyens sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics selon leur capacité et sans autre distinction que celles de leur vertu et de leur talent. »

Les révolutionnaires ne vont pas réussir à répudier en totalité l’héritage de la Fonction Publique , pour expédier les affaires courantes, les commis sont conservés et la désignation des commissaires se fait comme sous l’Ancien Régime.

Les membres de la « Fonction Publique » sont les juges, les membres du Clergé, les officiers de la garde nationale, les titulaires des grades inférieurs de l’Armée et enfin les administration inistration inistrateurs locaux. Or tous ces personnels sont élus. L’élection est le mode de désignation des agents aux responsabilités publiques.
Ils doivent prêter serment de fidélité politique au Régime.
L’évolution n’est que mineure car sous l’Ancien Régime, les agents prêtaient serment au Roi.

II/. Les progrès de l’administration bureaucratique

La loi du 3 août 1790 fixe le Régime de retraite des employés des offices publiques, s’inscrit dans une politique d’étatisation des personnels administratifs.

Dans les bureaux, la régularité, la discipline, l’esprit de méthode font leur apparition mais cette nouvelle mentalité administrative est confortée par le Directoire. Dès lors, la Fonction Publique est désormais définie comme une profession exigeant respect de l’autorité hiérarchique, exactitude et surtout qualification. Néanmoins les commis sont toujours recrutés et révoqués discrétionnairement par leur chef de service.


Section 3 – Napoléon et l’Empire

C’est l’âge d’or de l’administration. L’administration sous l’Empire est non seulement célébrée, est « magnifiée ». Cette administration connaît de profonds changements : quantitatif.
Le nombre de fonctionnaires augmentent ainsi que leur stabilité dans les emplois qu’ils occupent.

Sont créés à cette époque les grands corps de l’Etat .
– le Conseil d’Etat
– la Cour des Comptes
– l’Inspection Générale du Trésor

S’accompagne de l’augmentation de la rémunération des fonctionnaires. Ces hauts fonctionnaires perçoivent aussi des titres de noblesse, des distinctions (Légion d’Honneur).
Napoléon s’intéresse à 4 administrations principales : la justice, la police, les finances, l’enseignement
Pour ces 4, Napoléon est obnubilé par la performance, rendement de ces services.

Ces administrations sont très contrôlées ce qui entraîne dans certains cas quasiment la paralysie de l’initiative administrative. En effet, par peur de déplaire au pouvoir, les hauts fonctionnaires cachent des informations au pouvoir central et ne prennent aucune initiative de nature à mettre leur carrière en cause.
NUANCER : le système de concours en tant que mode de recrutement n’est toujours pas généralisé, par conséquent le recrutement dépend du bon vouloir du Chef de l’Etat ou de ses ministres. L’administration  se livre à un travail très cartésien de statistiques, de recensement qui aboutit à la paperasserie et à la paralysie de l’action administration. De plus, les contrôles et les inspections demeurent insuffisantes.


Section 4 – La Fonction Publique confrontée à la bourgeoisie conquérante (1815-1860)

I/. L’émergence d’un statut de la Fonction Publique

Chaque année la monarchie parlementaire discute à l’occasion de la LF, du traitement, pensions, organisations des services, de l’indépendance des fonctionnaires vis-à-vis du pouvoir politique, du recrutement, de l’avancement et des carrières. Tous ces domaines constituent autant de titres, de chapitres, pour l’organisation d’un statut.

La loi du 19 mai 1834 sur l’état des officiers fait un pas supplémentaire en direction du statut puisque pour la 1ère fois, distingue le grade de fonctionnaire et de l’emploi qu’il occupe : distinction du grade et de l’emploi.

II/. Les droits et Obligations des agents de la Fonction Publique

L’époque de changement de régime et majorité, grande mobilité. Ainsi l’Etat veut s’entourer de fonctionnaires sûrs et loyaux. La plupart des Régimes exige un serment politique de fidélité de la part au moins de leurs hauts fonctionnaires.
Aboli en 1848, puis rétabli sous le 2nd Empire, supprimé par la IIIème République puis à nouveau exigé par le régime de Vichy.

Sous la Restauration et la Monarchie de Juillet (1815-1848) sont dénoncées, la corruption, la politisation, la course aux places. L’époque manque cruellement de réflexion ethnique concernant la Fonction Publique : la collusion des fonctionnaires est évidente avec les compagnies d’assurance, les banques, les compagnies de chemin de fer.

Sur le plan de la politisation, se met en place le système des députés « fonctionnaires » qui autorise un cumul de fonction source de perversion du Régime Parlementaire. La IIème République supprime ce cumul et déclare incompatible le mandat de représentation du peuple avec la détention d’une Fonction Publique non élective.
Le principe d’incompatibilité est confirmée par le 2nd Empire, va permettre à la Fonction Publique de se dégager du carcan de la politisation.


Section 5 – La IIIème République (1875-1940)

I/. La Fonction Publique conquise par les Républicains

A/. L’épuration républicaine

République proclamée le 4 septembre 1870, Gambetta ministre Intérieur s’efforce de reprendre en main l’administration locale pour mobiliser le pays autour du gouvernement de défense nationale. Pour cela, il remplace immédiatement les préfets de Second Empire par des Républicains qui épurent à leur tour l’administration locale.

De Déc 1877 à Février 1879, l’épuration républicaine vise à éliminer les Hommes qui se sont dressés contre la République lors de la crise du 16 Mai 1877.
L’administration préfectorale est presque entièrement renouvelée et le Conseil d’Etat subit une opération sans précédent.


B/. Le recrutement de la Haute Fonction Publique

a) l’origine social

Contrairement aux vœux de Gambetta, la Haute administration ne s’ouvre pas à la petite bourgeoisie peu cultivée. Au début sont en place des personnes qui ont une forte hérédité et dont le dépotisme explique à elle seule la carrière.
Puis ce recrutement est en déclin et entre dans l’administration des gens sans grande fortune mais qui réussissent les grands concours à la suite d’études supérieures. => moyenne bourgeoisie de Province.

b) la politisation de l’administration
Sous la IIIème Republique, les cabinets ministériels prennent de l’ampleur (30) dont certains sont des hauts fonctionnaires.

Les ministres sont très attachés à l’orthodoxie républicaine de leur personnel, conséquence : les agents peu loyaux ne disposant d’aucun statut législatif, d’aucune stabilité de l’emploi, peuvent être révoqués.

Vont faire ce qu’ils veulent jusqu’à l’affaire Boulanger, Dreyfus et des Fiches. Pour les Fiches : en 1904, Gouvernement Combes, le Journal le Figaro révèle que le ministre Défense a réalisé des fiches sur les officiers militaires qui mentionnent leur conviction religieuse ou leur absence. Journal fait observer que la carrière des officiers qui n’ont pas de conviction avance beaucoup plus vite.
Scandale énorme, période anti-cléricale, Eglise Catholique accuse les Francs-Maçons d’être à l’origine des Fiches.
Une loi est adoptée, celle Loi de Finances du 22 avril 1905 relative à la communication du dossier : toute procédure disciplinaire doit être précédée de la communication préalable de son dossier à l’agent concerné. Cette loi 1905 sera la seule grande loi jusqu’en 1940.


II/. La croissance et les soubresauts de la démocratie

Les débuts de la IIIème Rep sont marqués par une augmentation très importante des effectifs de la Fonction Publique . On compte 246 000 agents en 1873, 470 000 en 1914.
3 faits marquants :

A/. Les femmes dans les administrations centrales

S’explique par des soucis d’économie : sont moins bien payées que les autres : recrutées comme simples auxiliaires. C’est à partir de 1900 que le nombre des femmes dans la Fonction Publique devient important.
Avec la machine à écrire, c’est le développement de ces moyens qui a suscité leur entrée.
L’entrée des femmes dans les bureaux suscite l’hostilité des employés surtout ceux du bas de l’échelle, on les accuse d’accepter des conditions de travail modestes et de se montrer trop modestes (ne se syndiquent pas).

B/. Le blocage des carrières

En 1971, l’Assemblé Nationale crée une commission dite de « Révision des Services administratifs » dans le but de remédier au dysfonctionnement de l’administration. Cette commission propose d’établir une sorte de statut commun à l’ensemble des employés de l’administration centrale. Le projet est repoussé par crainte de nuire à l’autorité hiérarchique.
La crise des carrières et la lenteur de l’avancement sont exacerbées par la dégradation du statut économique des employés qui vont peu à peu se rapprocher avec le mouvement ouvrier.


C/. L’idée de statut de la Fonction Publique

La loi du 1er Juillet 1901 sur les associations permet aux fonctionnaires de créer librement des associations qui revendiquent la liberté syndicale et le droit de grève. Le courant syndical des fonctionnaires ne voit qu’un contrat de travail dans le lien qui unit l’employeur à l’employé, par conséquent rejette toute idée de statut général protecteur pourtant de l’employé car par nature, ce statut ne pourrait ê qu’octroyé par l’Etat.

Entre 1906 et 1912, plusieurs propositions de loi sont déposées pour établir un statut. Toutes ces propositions sont rejetées notamment à cause de la liberté syndicale.


III/. La Fonction Publique en mutation

Les effectifs de la Fonction Publique vont beaucoup s’accroître entre 1914 et 1940 : 470 000 / 790 000.
La période 1914-1940 se caractérise par l’arrivée difficile des femmes dans les emplois supérieurs de la Fonction Publique .
Autre remarque : la question du statut dans la Fonction Publique rencontre toujours les deux mêmes obstacles : la liberté syndicale (associée à tort au droit de grève) et l’octroi d’un statut, les syndicats préférant l’octroi d’un contrat collectif du travail (arrêt Winkel 1909)


Section 6 – Le Régime de Vichy

Le Régime de Vichy a été instauré par la loi du 10 Juillet 1940, plein pouvoir à Pétain, se préoccupe des fonctionnaires.
Le 1er statut général de la Fonction Publique est adopté par une loi dite acte du 14 septembre 1941, pour les fonctionnaires. Ce statut général ne concerne que les fonctionnaires de l’Etat.
Qui a rédigé le texte ? L’Amiral Darlan a rédigé le statut gal et le Vice-Président du Conseil d’Etat.

Choses scandaleuses :
Sont affirmées avec force les obligations d’obéissance, de secret professionnel, de discrétion professionnelle des fonctionnaires. Le texte indique « le fonctionnaire doit dans le service comme dans sa vie privée, éviter tout ce qui serait de nature à compromettre la dignité de la fonction publique ».
De plus, le fonctionnaire doit s’abstenir de participer à des manifestations ayant un objet étranger à l’exécution du service.

A côté du statut général, sont édictés d’autres textes concernant la Fonction Publique :
– l’acte constitutionnel n° 7 du 27 Janvier 1941 rétablit le serment politique
– la loi du 3 octobre 1940 interdit l’accès ou évince de la Fonction Publique , les français naturalisés, les juifs, les communistes et les francs-maçons.

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