Histoire de la procédure pénale

Les Sources historiques de la procédure pénale

Il s’agit de voir quelles sont les sources historiques de la procédure pénale pour voir quelles sont ses sources formelles actuellement. On peut distinguer deux grandes étapes au sein de cette évolution, en commençant par l’époque des origines pour arriver à l’époque contemporaine.

  • 1. Les origines

Si l’on remonte à l’antiquité, on voit une époque où le procès pénal est conçu essentiellement comme l’instrument d’une vengeance privée. Le procès pénal est l’occasion pour la victime de se venger de son agresseur. A cette conception archaïque, s’est progressivement substituée une autre analyse lorsque l’on a compris que l’intérêt général était en cause. Dès lors, ce procès va être différent, notamment avec le droit de déclencher des poursuites à l’encontre de l’auteur de l’infraction qui n’est plus réservé à la victime. Ce droit est accordé à tout citoyen. C’est le système de l’action populaire.

C’est le système connu à l’époque de la république romaine. Tout citoyen pouvait déclencher des poursuites. Par la suite, ce droit de déclencher des poursuites a été confié à un magistrat qui est le représentant de la société, présent pour la défense de l’ordre public. Il apparaît à l’époque du bas empire romain. Il s’agit de l’ancêtre du ministère public.

Si l’on arrive directement au Moyen-âge, il faut évoquer l’ordonnance sur la procédure criminelle, enregistrée par le Parlement de Paris le 26 août 1670 à l’initiative de Colbert. Il est intéressant, en voyant cette ordonnance, de voir apparaître l’idée qu’une procédure pénale doit être divisée en plusieurs phases. Il s’agit d’une part, de la phase de l’information, au cours de laquelle la police réunit les preuves de l’infraction. Vient alors la phase de l’instruction au cours de laquelle on prépare le dossier de l’affaire, puis intervient une troisième phase de jugement, au cours de laquelle une juridiction de jugement se prononce sur la culpabilité ou non de la personne mise en cause.

Cette division était moderne car elle existe toujours. Intervient alors la période révolutionnaire qui va amener de nombreux changements, sous l’influence du modèle britannique. Ils ont voulu transposer ce modèle en France. C’est l’époque à laquelle l’action populaire est restaurée. En matière criminelle, on transpose en France le système du jury populaire, plus précisément un système voyant deux jurys successifs : un jury d’action durant la phase de l’instruction qui détermine si les charges sont suffisantes. Un autre jury de jugement, composé de jurés, intervient au stade du jugement.

Ce système qui a voulu transposer en France un système étranger a mal fonctionné. Sous le Directoire, d’autres modifications sont apparues. Au regard du système actuel, deux de ces modifications méritent d’être signalées : le juge d’instruction est créé et le fait que le ministère public est chargé de déclencher des poursuites, rejetant alors l’idée d’action populaire.

Intervient alors en 1808 le Code d’instruction criminelle mis en vigueur en 1811. Il est mis en vigueur en même temps que le Code pénal de 1810. Ce Code d’instruction criminel se révèle comme étant un Code plus autoritaire qui se débarrasse de certaines expériences antérieures, comme le jury d’accusation, qui est remplacé par une juridiction dite de la « Chambre des mises en accusation » qui deviendra ultérieurement la chambre d’accusation puis la chambre d’instruction. On confirme que la mise en mouvement des poursuites, c’est-à-dire l’action publique, est réservée par principe au ministère public, représentant des intérêts de la société.

Dans ce Code d’instruction criminelle, on voit la consécration de principes toujours utilisés aujourd’hui, comme le principe de l’unité de la justice civile et pénale. Ce principe signifie que ce sont les mêmes juridictions qui statuent en matière civile et pénale. On trouve aussi le principe de la séparation des fonctions de poursuites, d’instruction et de jugement. Le Code d’instruction criminelle définit en effet ces trois phases de la procédure, dans le prolongement de l’ordonnance de Colbert. On trouve la phase des poursuites, la phase de l’instruction puis la phase du jugement. Ces trois fonctions sont séparées en étant confiées, chacune, à une autorité différente. L’idée étant (Cambacérès) que s’il y a une séparation des pouvoirs, il faut une séparation des fonctions. Il en va ainsi en matière de procédure pénale, comme en matière constitutionnelle, de prendre en compte le principe de séparation des pouvoirs en matière des libertés.

Le troisième principe était celui de la collégialité des juridictions. Il y a une sorte de répulsion à l’encontre des juridictions formées d’un juge unique. On affiche une faveur marquée pour la collégialité, les juridictions étant composées de magistrats professionnels.

Par la suite, l’évolution historique s’est faite dans un sens sans cesse plus libéral même si l’évolution fut lente. Il faut marquer la loi Constans du 8 décembre 1897. C’est avec cette loi que l’inculpé se voit reconnaître le droit d’être assisté d’un avocat. Cette évolution libérale a bénéficié à la victime – la partie civile – puisqu’on a trouvé un accroissement des droits de cette partie civile concomitant avec l’accroissement des droits de l’inculpé.

  • 2. L’époque contemporaine

Elle s’inaugure avec le Code de procédure pénale en 1958. Il transforme peu la matière, mais est d’une philosophie plus libérale. Le souci est celui de mieux protéger les libertés individuelles conformément à la tradition républicaine. « Mieux vaut cent coupables en liberté qu’un seul innocent en prison ». Témoigne de cette volonté libérale, la réglementation de la garde à vue, qui bien qu’existant, n’était pas réglementée. De même, la détention préventive est devenue la détention provisoire, mieux encadrée, en 1970.

Vint alors la guerre d’Algérie. Cet épisode historique a eu pour conséquences que certains responsables ont estimé que le modèle de 1958 était trop libéral. Il y a donc eu un évident durcissement du Code de procédure pénale avec un recul des droits de la défense. Depuis cette époque, les réformes n’ont pas cessées allant tantôt dans le sens de la rigueur, tantôt dans le sens d’un libéralisme.

Par exemple, depuis la réforme de la détention provisoire en 1970, sont intervenues plus de 20 réformes. On a aussi trouvé des réformes en cascade s’agissant des contrôles et vérification d’identité. Il est question, aujourd’hui de supprimer le juge d’instruction, puisque celui- ci a envoyé en prison des élus. Notre époque est hésitante sur un modèle de procédure, les réformes ayant suivi, en général, des élections législatives, pour défaire et refaire ce que l’ancienne majorité avait fait alors que des réponses devraient s’imposer.

En dépit de ces oscillations perpétuelles, il reste depuis 1958 la possibilité de faire apparaitre le sens général d’une évolution.

Cette tendance est le renforcement du caractère contradictoire de la procédure notamment au stade de l’instruction. Cela signifie que l’on a la possibilité de rapporter des preuves et des arguments et de les discuter. On trouve aussi un accroissement des droits des parties civiles. Ne sont pourtant pas épuisées les manifestations principales de cette évolution. Un autre pan de ces évolutions s’explique autrement. Nombre de ces réformes ont voulu répondre à l’engorgement du système judiciaire. Les magistrats et le budget de la justice sont insuffisants. Furent donc multipliées les réformes pour une justice expéditive, à petit prix, pour le bas peuple. Ceci donne des procédures de jugement simplifié, une procédure de trois minutes pour envoyer quelqu’un en prison, le « plaider-coupable ». Ces procédures sont gravissimes puisqu’elles se font au détriment des droits de la défense du fait du manque de magistrat.

Cette évolution du système procédural a été accentuée par l’influence de textes internationaux et par l’influence de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CESDHLF). Elle a en effet eu une forte influence, de concert avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), sur le système procédural et a provoqué des réformes. Cela attire la question des sources de la procédure pénale.