Histoire des institutions (Moyen-âge et Temps Modernes)

HISTOIRE DES INSTITUTIONS : DU MOYEN-AGE AUX TEMPS MODERNES

 Le Moyen Âge. C’est le temps des invasions barbares, mais aussi l’époque de Clovis, premier roi des Francs, et de Charlemagne. C’est le temps des châteaux forts et des chevaliers. Cette période s’achève avec la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, en 1492, qui pensait être arrivé aux Indes.

Cette nouvelle période, appelée Temps modernes, est l’époque des grandes découvertes maritimes, des inventions. Cette période sera marquée par la Renaissance et l’Ancien Régime.

La notion d’Ancien Régime apparaît presque immédiatement après la Révolution française de 1789.

C’est dans les derniers mois de 1789 que l’on commence à  utiliser cette expression pour désigner ce qu’était la France avant la Révolution. Comme si on avait conscience de la rupture décisive qui venait d’intervenir.

Le pouvoir monarchique est tellement puissant qu’on le qualifie d’absolu, d’o๠l’expression d’absolutisme monarchique. Cet Ancien Régime organisé autour de cet absolutisme monarchique a connu un à¢ge d’or : c’est le règne de Louis XIV (Roi Soleil) [1643-1715]. Cette apogée fut suivie d’un déclin qui, au milieu du XVIII° siècle va se transformer en véritable crise.

PLAN DU COURS d’histoire des Institutions sur cours-de-droit.net :
Introduction : Contexte politique, social, économique
1ère partie : Naissance et formation de l’Etat royal
2e partie : Droit et justice de l’Etat royal
3e partie : Causes de la chute de l’Etat royal

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INTRODUCTION :

Le droit et les institutions sont tributaires de leur cadre, environnement social, économique et culturel.
1214 : fin de la féodalité dominante.
C’est à cette époque que l’Etat royal commence à se former.

 

  • Grandes périodes de l’histoire de France :

    Chute de l’Empire romain d’occident en 476 : début du Moyen-Age, qui va durer 10 siècles, jusqu’en 1453 (fin de la guerre de cent ans et chute de Constantinople). > Certains font terminer le MA en 1492 (découverte des Antilles par Colomb).
    Le Moyen-Age se subdivise en trois parties :
    –    le haut moyen-âge (avènement de Clovis 476 – chute des Carolingiens 987)
    –    le moyen-âge classique (fin du Xe – XIIIe)
    –    le bas moyen-âge (XIVe – XVe)

           Ancien régime ou temps modernes :
    La dénomination « ancien régime » est née pendant la révolution française dans des ouvrages appelés libelles. Cette expression fut adoptée à partir du moment où Alexis de Tocqueville l’utilisa dans son ouvrage L’Ancien Régime et la Révolution. On reprend l’expression pour marquer la volonté d’opposer l’ancien ordre politique d’avant 1789 au nouvel ordre bourgeois et libéral issu de la révolution.
    C’est une vision assez négative de la France monarchique qui est véhiculée dans cette expression. Elle met l’accent sur l’ancien régime politique, monarchiste absolutiste, considéré comme obsolète. On insiste sur le caractère vieillissant du régime politique.
    Tocqueville, lui, ne souhaitait pas stigmatiser l’Ancien Régime et ses institutions, mais voulait montrer que la Révolution constituait une suite logique de l’ancien régime plutôt qu’une rupture. Selon lui, les hommes de 1789 auraient achevé le mouvement centralisateur dont la dynastie des bourbons était à l’origine. Tocqueville insiste en soutenant que la monarchie absolutiste était en rupture avec le MA mais pas avec l’ancien régime. Pour lui, le monde médiéval s’est éclipsé à partir du XVIe. Il affirmait aussi que la forme moderne de l’Etat était née pendant l’Ancien Régime et non pas en 1789. Cette thèse n’est pratiquement pas contestée aujourd’hui. Elle permet d’aborder l’histoire des institutions sans émettre de jugement trop négatif, elle montre une certaine continuité de l’Etat.
    Les historiens du droit ont démontré qu’il y avait une certaine continuité dans la manière de gérer l’Etat entre l’ancien régime et le XIXe. Le changement institutionnel est en effet plus apparent que profond.

    L’expression « temps modernes » s’est forgée par réaction à celle d’ « ancien régime ». Elle fait davantage référence à un point de départ qu’à un point d’arrivée. Elle prend en compte la naissance à partir de la fin du XVe. La grande rupture est plus au XIIIe qu’à la fin du XVIIIe. Les temps nouveaux naissant au XIIIe vont être caractérisés par la redécouverte de la culture antique, des valeurs de l’antiquité auxquelles on ajoute les valeurs de l’humanisme, par une explosion démographique autant qu’une expansion géographique sans précédent. On assiste aussi à un très net progrès de l’économie de marché, à la naissance d’un  nouveau mouvement religieux, et à l’apparition en force d’une nouvelle classe sociale, la bourgeoisie, apparaissant dans la gestion de l’Etat. Les temps modernes voient les mentalités de transformer, les structures économiques changer, et les institutions politiques se développer.

    Les institutions publiques ont commencé à évoluer assez lentement à partir du début du XIIIe.
    27 juillet 1214 : bataille de Bouvines qui marque pour longtemps le caractère des institutions de la France. Cette bataille met un terme à la guerre qui oppose le roi de France Philippe Auguste à une coalition de grands princes emmenés par le roi d’Angleterre Jean Sans Terre. Philippe Auguste gagne la bataille et est soutenu par des milices communales. Cette victoire du roi de France sur les grands va marquer la fin d’une féodalité qui s’impose depuis le Xe. Elle va permettre au roi d’affirmer sur le royaume sa suzeraineté, et de réaliser autour de lui la cohésion de l’ensemble des territoires qu’il a reconquis et de s’affirmer face aux principaux souverains d’occident. Il faut attendre la fin du XIIIe pour que le roi de France affirme sa souveraineté sur le reste de ses sujets. Il passe alors du statut de suzerain à celui de souverain. Le roi sort alors totalement de la hiérarchie féodale.


    Voici le plan du cours d’histoire du droit au Moyen-age 
  • I.    Le contexte historique et politique du Moyen-Age (début du XIIIe – fin du XVe)
  • 1.    Le XIIIe ou l’apogée du royaume capétien
  • a)    La vie politique
  • b)    Les institutions
  • c)    La vie économique
  • 2.    Le XIVe et le XVe ou le temps des épreuves
  • a)    La vie politique
  • b)    La vie économique et sociale
  • II.    Le contexte historique des temps modernes
  • 1.    La fin des Valois (1453-1589)
  • a)    La reconstruction du royaume
  • b)    Les guerres de religion
  • 2.    Les bourbons
  • PARTIE 1 – LA FORMATION DE L’ETAT ROYAL
  • Chapitre 1 – Le statut de l’Etat
  • Section 1 – Les règles de succession à la Couronne
  • §1. Le principe de masculinité
  • A.    L’exclusion des femmes et de leurs parents
    1.    1316 : L’exclusion des femmes
  • 2.    1328 : L’exclusion des parents par les femmes
  • B.    Le fondement de l’exclusion des femmes
  • 1.    La justification par le droit romain et la téléologie
  • 2.    Le fondement juridique de l’exclusion des femmes
  • §2. L’indisponibilité de la succession royale et la continuité de la Couronne
  • A.    Le principe d’instantanéité de la couronne royale
  • B.    Le principe d’indisponibilité de la succession royale
  • §3. La loi de catholicité
  • A.    Les faits
  • B.    Le principe
  • Section 2 –  Le domaine de la Couronne et son inaliénabilité 
  • §1. La nature du domaine royal
  • A.    Les moyens juridiques utilisés pour agrandir le domaine royal
  • B.    Les éléments constitutifs du domaine royal
  • §2. L’inaliénabilité du domaine de la couronne
  • A.    Le principe de l’inaliénabilité du domaine de la couronne
  • B.    Les exceptions à l’inaliénabilité
  • §3. Les lois fondamentales du royaume
  • Chapitre 2 – La rénovation de la royauté
    Section 1 – La fonction royale
     
  • §1. Les fondements de la fonction royale
  • A.    Le sacre
  • B.    Les vertus royales
  • 1.    Les miroirs des princes
  • 2.    Le contenu des vertus royales
  • §2. Les finalités de la fonction royale
  • A.    La défense de l’Eglise
  • B.    La fonction de justice
  • Section 2 – La souveraineté 
  • §1. L’origine et le développement de la souveraineté
  • A.    L’origine de la notion de souveraineté
  • B.    L’affirmation de la souveraineté royale à l’intérieur et à l’extérieur du royaume
  • 1.    « Le roi est princeps en son royaume »
  • 2.    L’affirmation de la souveraineté royale face à l’empire et à la papauté
  • §2. La définition moderne de la souveraineté
  • A.    La formation de la souveraineté moderne
  • 1.    Jean Bodin et le contexte historique
  • 2.    Les caractéristiques de la souveraineté moderne
  • 3.    Les différentes formes de l’Etat et du gouvernement
  • B.    L’évolution du concept de souveraineté
  • C.    Les conséquences de la souveraineté : le roi législateur
  • PARTIE 2 : L’ADMINISTRATION ROYALE
  • Chapitre 1 : L’administration centrale 
  • §1 – Le conseil du roi
  • A.    L’origine du conseil du roi
  • B.    La composition du conseil du roi
  • C.    Organisation et fonctionnement du conseil du roi
  • 1.    Les prémices d’une spécialisation du conseil du roi
  • 2.    La réforme de 1661
  • D.    L’échec de la polysynodie
  • §2. Les ministres
  • A.    Origines
  • B.    Les différentes catégories de ministres
  • 1.    Le chancelier
  • 2.    Les secrétaires d’Etat
  • 3.    Le contrôleur général des finances
  • A la tête de l’administration des finances.
  • §3. Les Etats généraux et les assemblées de notables
  • A.    Les états généraux
  • 1.    Le statut des états généraux
  • 2.    Les attributions des états généraux
  • B.    Assemblées de notables
  • Section 2 – La fonction publique et l’administration locale 
  • §1. La fonction publique : le statut des agents de l’Etat
  • A.   Les officiers
  • 1.    L’inamovibilité
  • 2.    La patrimonialité des offices : vénalité et hérédité
  • 3.    Les conséquences de la patrimonialité
  • B.    Les commissaires
  • 1.    Le statut des commissaires
  • 2.    Les conséquences de la pratique des commissions
  • Section 3 –  Les domaines de l’administration royale 
  • §1. Les sources du droit
  • A.    Les coutumes
  • 1.    L’origine des coutumes
  • 2.    La rédaction des coutumes
  • 3.    La réformation des coutumes
  • 4.    Les conséquences de la rédaction officielle des coutumes : la coutume dans l’ordre juridique
  • B.    La « loi du roi »
  • 1.    Les fondements de la législation royale
  • 2.    L’exercice du pouvoir législatif
  • 3.    L’activité des parlements en matière réglementaire

 


I.    Le contexte historique et politique du Moyen-Age (début du XIIIe – fin du XVe)
Cette période est découpée en trois parties.
Le Moyen-Age classique va se terminer au XIIIe avec le redressement de la royauté et le recul des grands seigneurs.


1.    Le XIIIe ou l’apogée du royaume capétien
Plus haut degré de l’expansion commencée quelques années auparavant, période de renouveau, siècle marqué par une très forte expansion démographique qui fait de l’occident un « monde plein ». A cela s’ajoute une grande expansion économique caractérisée par la poursuite des défrichements, l’essor de la draperie flamande, la mise sur pied par les italiens d’un très grand réseau commercial allant du nord de l’Europe jusqu’en Orient.
C’est aussi un siècle qui s’ouvre avec la prise de Constantinople par les croisés. Constitution d’un empire latin d’orient. D’autres croisades vont rattacher certaines régions d’Europe à la chrétienté.
Le XIIIe est le siècle de Louis IX, futur St Louis. Son règne s’arrête en 1270.


a)    La vie politique
1180 – 1223 : règne de Philippe Auguste. Ce règne est caractérisé par la lutte constante entre Philippe Auguste et Henri II Plantagenêt, à l’issue de laquelle Philippe Auguste réussit à faire prononcer la confiscation des fiefs français des rois anglais et à en conquérir la majeure partie.
La confiscation des fiefs anglais va provoquer l’effondrement de l’empire en juin et mettre à l’abri le roi de France et son royaume, menacé par le roi d’Angleterre pendant un demi siècle. Philippe Auguste va confisquer avec l’aide de son fils Louis VIII une partie des fiefs et va permettre un accroissement du domaine royal.
Après le règne de Philippe Auguste et de Luis VIII, vient le règne de Louis IX (1226-1270). On parle souvent du « siècle de Saint Louis ». Au XIIIe, la monarchie féodale a utilisé toutes les ressources de la féodalité pour s’imposer définitivement sur les grands seigneurs et pour faire régner la justice et la paix du roi.
On a ensuite le règne de Philippe III (1270-1285) et de Philippe IV (1285-1314). Le pouvoir royal s’appuie alors sur la renaissance du droit romain pour développer des notions telles que l’Etat et la souveraineté.
Les légistes entourant les rois de cette époque vont commencer à créer cette notion de souveraineté royale, en créant un certain nombre de maximes, l’une d’elles étant : « Le roi est empereur en son royaume. » Cette maxime a pour but d’affirmer que le roi de France ne peut tolérer aucune intervention extérieure y compris une intervention du pape.
Au sein du royaume, le roi supporte de plus en plus difficilement la quasi indépendance des derniers grands fiefs (notamment l’Aquitaine), contre lesquels vont être lancés plusieurs campagnes militaires. Le roi de France chercher et obtient l’appui de l’opinion publique du royaume et de grandes assemblées vont être convoquées, composées de barons, d’ecclésiastiques, de bourgeois, pour approuver la politique royale et procurer de nouvelles ressources à la royauté par la voie de l’impôt. Ces assemblées vont concourir à la formation d’une idéologie royale.

b)    Les institutions
Un certain nombre des territoires recouvrés par le roi vont être cédés sous forme d’apanages au cadet de la famille royale. Au niveau local, l’administration change de visage. Aux prévaux, agents locaux du roi qui administraient ses terres, vont succéder les baillis, qui vont être chargés de surveiller les prévaux en parcourant tout le royaume et dans un second temps vont remplacer les prévaux. Petit à petit les baillis vont se fixer dans des circonscriptions. Ces hommes sont recrutés directement par le roi et rémunérés par celui-ci, ce qui signifie qu’ils deviennent un des maillons indispensables de l’administration locale.
Au niveau central on va passer d’un système relativement simple de gestion à des organes véritablement centralisés de gouvernement, qui vont être l’émanation de la cour royale. Les organes centraux vont se développer et se fixer à Paris dans l’île de la cité.
Le conseil de roi (curia in censilio) est un organisme politique au sein duquel sont traitées les principales affaires du royaume. Le parlement (curia in parlamento) est l’organe judiciaire du roi. A la fin du XIIIe apparaît la chambre des comptes (curia in compotis) qui vérifie la gestion des ressources financières de la royauté.
Ces trois organes sont les premiers créés.
C’est tout un nouveau monde d’agents plus zélés, plus compétents, qui apparaissent au XIIIe. Ils font offices de baillis et de sénéchaux.
Le roi va pouvoir commencer à se comporter en souverain de son royaume. Une des mesures les plus efficaces dans le développement du pouvoir royal est la généralisation par Louis IX de l’appel à la justice royale, qui va donner la possibilité d’une proximité du roi avec ses sujets. Le roi ouvre sa justice à ses sujets. Cela va permettre un rayonnement du pouvoir royal sur son royaume.

c)    La vie économique
    – Dans les campagnes :
Au milieu du XIIIe un équilibre parfait est atteint entre la population et les ressources du sol. Au delà de nourrir la population, on va tenter d’exporter les surplus des cultures. On exporte le vin, les plantes dites industrielles (lin, chanvre).
Autour des villes on privilégie les cultures maraichères. Les exploitants les mieux équipés atteignent des rendements jamais égalés jusqu’ici. Les communautés rurales vont commencer à obtenir de la part des seigneurs des franchises = privilèges accordés par le seigneur à des communautés, qui suppriment les droits que celui-ci exerçait auparavant de manière arbitraire.
Les franchises donnent lieu à des actes qui énumèrent les droits accordés par un seigneur à une communauté d’habitants.

    – Dans les villes :
Renaissance des villes liée à l’essor des campagnes. Les habitants des villes peuvent se nourrir correctement, et la prospérité des campagnes permet au commerce de se développer dans les villes. Au XIIIe siècle, les villes ont presque toutes une origine diverse. Les anciennes cités se sont développées sur les fondements des vieilles cités romaines. On a aussi des villes neuves, qui se sont constituées autour de monastères, de ports, ou de marchés.
Le mouvement citadin se caractérise partout de la même manière : prédominance des activités artisanales et commerciales, présence d’un nouveau groupe social, la bourgeoisie. A cela s’ajoute la naissance d’une nouvelle entité politique, la commune. Ces communes jouissent d’une assez grande autonomie à l’égard des seigneurs. Le paysage urbain se transforme au profit des villes. A la tête des communes on trouve des associations d’habitants des villes qui ont pour but de défendre les intérêts collectifs de la ville.
Le développement des villes communes est une manifestation du recul de la féodalité. Les communes se développent grâce à des liens sociaux tissés de manière horizontale entre égaux. Elle sont faites sous la foi du serment, sont souvent à l’initiative de corporations, de confréries, d’associations de paix.
On voit apparaître l’idée de la paix de Dieu qui va mettre sous un statut particulier certains lieux : inviolabilité de certains lieux. Les églises et certaines catégories de personnes (femmes, enfants, clercs, marchands) vont bénéficier d’un statut particulier. Les villes vont donc gagner une indépendance qui ne cessera de s’affirmer.
Ces communes vont être administrées par l’association d’habitants. Les rois vont vite comprendre l’importance de ces communes et vont tenter très tôt de s’appuyer sur ces mouvements communaux.

–    Paris au XIIIe siècle :
Paris est situé au sein d’une des régions les plus riches du royaume, l’île de France. Le domaine royal était pratiquement réduit à cette région d’île de France. Elle a été choisie comme capitale dès les Mérovingiens. Activités politiques, religieuses, intellectuelles, agricoles et économiques.
Au centre : les services de la fonction politique sont regroupés au sein du palais. La fonction religieuse se concentre autour de la toute nouvelle cathédrale Notre-Dame.
Sur la rive gauche, très rurale, on trouve le quartier intellectuel de Paris. Les activités intellectuelles vont s’épanouir au sein de l’université (1215).
Sur la rive droit se déroulent les principales activités économiques, contrôlées par la corporation des marchands, qui ont le monopole du trafic fluvial sur la Seine et ses affluents. Au sein des Halles, lieux centraux de l’économie, la ville a posé ses marques, qui garantissent que les biens sont conformes aux règles économiques et commerciales. Le chef des marchands, appelé prévôt, est au XIIIe le représentant de la bourgeoisie parisienne. Son autorité est limitée par la présence d’un autre prévôt, le prévôt royal, qui administre la ville au nom du roi.
Les rois capétiens n’ont jamais laissé les parisiens former une véritable commune. Cela n’empêche pas la ville d’avoir une activité extrêmement intense. En 1268 le prévôt royal Etienne Boileau recense dans son livre des métiers 101 corporations de métiers. La population de la ville dépasse déjà largement les enceintes construites par Philippe Auguste.
Paris n’est pas la seule ville connaissant cette croissance économique fleurissante.

–    Les foires de Champagne :
Deux grands pôles économiques se sont formés : au Nord, grâce au commerce de la laine pratiqué par les anglais et au commerce des draps pratiqué par les flamands. Ce commerce est renforcé par l’axe de communication Manche-Mer du Nord-Mer Baltique. Au Sud, dans le Nord de l’Italie, autour des villes de Gènes et de Venise, qui utilisaient l’axe méditerranéen pour faire communiquer l’Orient et l’Occident.
La Champagne se trouvant à mi-chemin entre les pays d’Europe du Nord et les villes italiennes, devient le lieu de rencontre du commerce Nord Sud.
Les foires deviennent des lieux d’échange, de marché, et finalement une sorte de marché permanent.
Le mot foire vient du latin « feria » = fête. Les marchands se réunissaient autour des monastères pour des grandes fêtes religieuses. Au fil du temps, les foires ont été protégées par l’autorité publique, et c’est dans ces foires que sont nées plusieurs règles de droit commercial, notamment la lettre de change.
Très vite, le commerce de marchandises va être supplanté par celui de l’argent, lié au milieu des banquiers parisiens. On va donc échanger des monnaies et créer un outil qui permettra de contourner l’interdiction des prêts à intérêt (=usure) proférée par l’église. A partir de 1300, la lettre de change se développe à l’initiative des italiens. C’est un ordre écrit qui prévoit à partir d’une somme exprimée dans une monnaie donnée son échange dans un autre lieu et une autre monnaie.

On estime qu’à partir de la fin du XIIIe, les croissances démographique et économique sont terminées.
Les premières difficultés économiques s’accompagnent de troubles sociaux. Le règne brillant de Philippe le bel se termine en 1315. On assiste à des soulèvements de nobles mécontents de l’autoritarisme du roi. A partir du début du XIVe, se dessine une crise dynastique : en 1328, la dynastie des capétiens directs va s’éteindre.


2.    Le XIVe et le XVe ou le temps des épreuves
C’est une époque épouvantable non seulement pour la France mais aussi pour tout l’Occident. Elle est marquée par la guerre de cent ans et par une régression démographique provoquée en grande partie par la grande peste, mais aussi par une dépression économique. L’Eglise connaît aussi de graves crises internes. Du point de vue politique, l’Etat royal, lui, s’implante et s’affirme.
En 1328, le pouvoir royal change de main : on passe de la branche des capétiens directs à celle des Valois, branche cadette des capétiens.
Après plusieurs siècles d’expansion, l’Occident connaît des difficultés : à l’Est apparaît la menace des turcs ottomans, qui s’empare de Constantinople, faisant disparaître Byzance.
Malgré tous ces bouleversements, l’Etat moderne va naitre en France.

a)    La vie politique

Le royaume de France est l’héritier d’un traité passé entre les fils de Louis le Pieux en 843, le traité de Verdun. Ce traité a partagé l’empire de Charlemagne en 3.
Le domaine royal est beaucoup plus important qu’au XIe, l’expansion de ce domaine est la grandeur des capétiens directs. A l’intérieur on trouve de grands fiefs et des apanages (terres données aux cadets de la famille royale pour qu’ils puissent survivre). L’autorité du roi ne s’exerce que de manière indirecte.
En 1328, un document fiscal estime la population du royaume à 15-20 millions d’habitants. La France est le royaume le plus peuplé de la chrétienté.
On assiste à une baisse des rendements de la terre, à un déclin des foires de Champagne, et à la première grande famine des temps modernes.
1314 : mort de Philippe le Bel. Trois fils se succèdent et le décès successif de ces trois fils sans héritiers males fait passer le royaume de France entre les mains de leur cousin germain, chef de la branche cadette des Valois, au détriment de la fille de Philippe le Bel et du fils de celle-ci, Edouard.
Ce conflit dynastique a été une des causes principales de la guerre de cent ans. Autres raisons politiques : un compromis signé au milieu du XIIIe par le roi de France et le roi d’Angleterre laissait la Guyenne au roi d’Angleterre, mais en contrepartie ce dernier devait revenir dans la vassalité du roi de France. Au XIVe commencent à se former les premières théories sur la souveraineté royale.
Raisons économiques : l’Angleterre, très grande productrice de laine, fait peser sur la France une perpétuelle menace en ce qui concerne l’artisanat textile de ces régions.

La guerre de cent ans au XIVe siècle :
Tout a commencé avec l’exclusion du petit fils de Philippe le Bel par sa mère, Edouard III. Dans un premier temps il semble s’incliner, et accepte de prêter hommage à Philippe VI pour la Guyenne. Mais en 1337 Philippe VI décide de faire saisir le fief de Guyenne. Edouard III dénonce l’hommage qu’il a prêté au roi de France et lance un véritable défi à ce dernier, en s’attribuant le titre de roi de France.
Les premiers temps de la guerre de cent ans sont marqués par les victoires d’Edouard. Pour contrer les chevauchées d’Edouard, Philippe VI lève de grosses troupes d’hommes qui ne sont en fait soucieux que de prouesses individuelles. La guerre va très vite tourner à l’avantage du roi d’Angleterre.
Philippe VI vaincu par Edouard III meurt en 1350, et c’est son fils, Jean, qui lui succède. Les anglais vont le faire prisonnier et Jean va signer un traité. Le fils de Jean, Charles V, exerce la régence pendant la captivité de son père. Il va regrouper des petites troupes permanentes, rémunérées, créant ainsi une armée. Il va réussir à récupérer une partie du royaume par le biais d’une technique de harcèlement militaire. A la fin du XIVe, les anglais ne tiennent plus que la Guyenne. En 1375, la première étape de la guerre de cent ans est terminée.
S’ensuit une guerre civile entre les descendants de Louis IX qui cherchent tous à s’emparer du trône de France.
La guerre de succession de Bretagne donne lieu à un conflit opposant le candidat du roi de France à celui du roi d’Angleterre.
A la fin du XIVe, c’est un jeune garçon qui arrive au pouvoir : Charles VI. Autour de ce roi mineur se forment une série de clans. Les rivalités vont s’accentuer lorsque la folie du roi se déclare : deux clans vont se disputer le pouvoir. Le premier est celui du cousin de Charles VI, duc de Bourgogne. L’autre est celui du frère de Charles VI, duc d’Orléans. Au début du XVe, le duc d’Orléans est assassiné par le duc de Bourgogne. Commence à ce moment là une véritable guerre civile entre les bourguignons fidèles du duc de bourgogne et les Orléans armagnacs.
Pour conquérir le trône, chacun des clans est prêt à s’allier aux anglais. Tout le début du XVe voit le conflit qui oppose les bourguignons aux Orléans armagnacs.
Le conflit entre la France et l’Angleterre reprend à partir de la fin du XVe. Le nouveau roi anglais va promettre à la noblesse anglaise des victoires. Les succès du roi d’Angleterre sont foudroyants, et celui-ci écrase la noblesse française lors de la bataille d’Azincourt de 1415.
En 1420 le duc de bourgogne arrive à s’allier au roi d’Angleterre qui parvient à faire signer un traité au roi de France Charles VI, le « honteux traité de Troyes ». Ce traité prévoit que Charles VI déshérite son propre fils au profit d’Henri V roi d’Angleterre, à qui il donne en mariage sa fille. La femme de Charles VI, Isabelle de Bavière, déclare que son fils est un batard.
Deux ans plus tard en 1422, les deux rois de France et d’Angleterre meurent à quelques mois d’intervalle. Le roi d’Angleterre laisse derrière lui un nourrisson. La France est presque entièrement aux mains des anglais et le fils du roi de France est appelé le roi de Bourges.
En 1428 les anglais assiègent la ville d’Orléans dans laquelle Charles VII s’est réfugié. Jeanne d’Arc intervient alors et réussit à galvaniser les troupes royales qui restent, et délivre Orléans. Elle emmène Charles VII à Reims pour qu’il soit sacré le 17 juillet 1429.
Jeanne d’Arc est capturée par les bourguignons qui la livrent aux anglais. Ceux ci la condamnent à mort en 1431.
Paris est récupéré en 1436, la Normandie en 1450. Aucun traité de paix ne vient conclure cette guerre de cent ans, mais elle est terminée en 1453.

b)    La vie économique et sociale

–    La peste :
Pendant presque 150 ans, la France a connu la guerre, les chevauchées militaires, la violence des armées. Pendant les trêves, les militaires s’organisaient en bandes de brigands pour piller les campagnes et les villes. A la guerre s’ajoute la peste noire. Cette maladie a été véhiculée depuis l’Asie centrale par les caravanes empruntant la route de la soie. En deux ans, la peste a fait le tour du royaume. Froissart : « La tierce partie du monde mourut. »
La population française a en fait baissé de moitié entre 1315 et 1450.
A la peste s’ajoutent les famines. Les paysans et les seigneurs ruraux sont confrontés à une baisée de la production agricole. A cela s’ajoute la destruction de très nombreux bâtiments agricoles. Il faut réinventer l’agriculture.



–    Les troubles sociaux :
En île de France, région riche, les paysans se révoltent contre les nobles parce que ces derniers sont incapables de les protéger contre les armées anglaise ou française, contre la fiscalité royale. On appelle ces hommes du peuple qui se rebellent les Jacques (>jacqueries). La première jacquerie dure 12 jours. En 1358 la réaction fut terrible, les révoltes paysannes furent matées dans le sang, et à partir de ce moment un mécontentement latent et durable nait au sein de la population paysanne.
Le monde urbain se déchire entre les anciens habitants des villes et les nouveaux venus chassés des campagnes par les famines. Des conflits apparaissent entre les artisans des anciens métiers et les nouveaux venus, entre les officiers du roi et les contribuables. Les révoltes spontanées vont servir de tremplin à l’expression des aspirations politiques de la bourgeoisie. De nombreuses révoltes à Paris permettent à la bourgeoisie de prendre pied dans le monde politique.
Un seul bénéficiaire de cette mutation : le roi. Il s’est relevé des problèmes de succession et ces derniers ont même servi à exalter les vertus du sacre la fonction royale et à dégager les droits de la couronne (qui deviendra l’Etat).
A partir du règne de Charles VII, les organes de l’Etat moderne se mettent en place.



II.    Le contexte historique des temps modernes

Dès la fin de la guerre de cent ans la France se redresse. A la tête du royaume se succèdent deux branches différentes.


1.    La fin des Valois (1453-1589)


a)    La reconstruction du royaume

Après la reconquête des terres occupées par les anglais, les rois français ont poursuive les expansions domaniales. L’impôt est permanent, l’armée aussi, ce qui donne à la royauté les moyens de rétablir l’ordre à la fois dans les villes et dans les campagnes.
Les derniers grands fiefs ne pourront pas survivre à la puissance nouvelle de l’armée royale. La Bourgogne et l’Anjou sont réunis au royaume. C’est aussi le cas de la Bretagne.
La France à partir du règne de Louis XI renoue avec la croissance économique et démographique, et les Valois sont installés loin de Paris.
La France commence à s’ouvrir aux nouveautés du monde, la justice est plus efficace et les rois commencent à s’unir.
Les rois vont se laisser séduire par la promesse de conquête en Italie. Fin du XVe, premières chevauchées vers l’Italie. Les rois de France se mettent alors à dos l’Espagne et l’Autriche.
Au début du XVIe, la France est opposée à une coalition de pays qui comprend les principaux pays européens, auxquels il faut ajouter le pape. On appelle cette époque l’époque des guerres d’Italie.
1515 : mort de Louis XII : son cousin François Ier lui succède (branche d’Angoulême)
Les rois se lient avec des intellectuels, et la Renaissance rentre véritablement à la cour de France. Des théoriciens vont aussi contribuer à donner à la monarchie une perspective nouvelle, grâce aux avancées qui sont faites dans le domaine de la philosophie politique. La royauté continue de briller, et une nouvelle classe sociale apparaît, la bourgeoisie. Elle commence à s’enrichir.
Pendant deux siècles, la France (François Ier) est opposée à l’Autriche (Charles Quint).

b)    Les guerres de religion

1559-1589
La France n’est pas seulement livrée à des conflits religieux. Une réaction aristocratique s’y ajoute, expliquant la dureté et la durée de ce conflit.
Remise en question de l’autorité monarchique.
La guerre civile qui se met en place est à la fois politique et religieuse.
Les catholiques et les protestants s’affrontent sans issue décisive. Cette guerre est d’autant plus grave que les différents rois qui vont se succéder sont incapables d’arbitrer l’opposition entre catholiques et protestants.
24 aout 1572 : massacre de la St Barthélémy (massacre de protestants)
Devant l’horreur du massacre auquel Catherine de Médicis n’a pas su s’opposer, la royauté va désavouer la St Barthélémy et les catholiques vont former une ligue extrémiste.
Lorsque le dernier frère d’Henri II meurt, on sait que la couronne de France va être dévolue à Henri roi de Navarre, un protestant (futur Henri IV). Il faudra tout le sens politique de ce dernier pour rétablir la paix dans le royaume.

2.    Les bourbons

Henri IV se convertit au catholicisme et sauve l’unicité nationale. Mais il renonce à maintenir l’unité religieuse de la France et pour la première fois en Europe un souverain admet qu’une partie de ses sujets puisse adhérer à une religion qui n’est pas la sienne.
Cette ouverture va donner naissance au traité de Nantes, signé le 13 avril 1598, mettant véritablement fin aux guerres de religion.
La pacification de la France est un très grand succès pour Henri IV, qui restaure l’autorité royale. Il amène l’aristocratie à se soumettre. Sully met de l’ordre dans les finances du royaume.
Louis XIII commence son règne en 1610, et c’est sa mère Marie de Médicis qui décide d’exercer la régence. L’anarchie réapparaît et dure jusqu’en 1624.
Sur le plan extérieur, la France va s’appuyer sur les princes protestants d’Allemagne pour lutter contre les Habsbourg qui veulent asseoir leur hégémonie en utilisant la religion catholique. La France va s’opposer à cette coalition et au début du XVIIe, un épisode guerrier, la guerre de trente ans, oppose la France à la maison d’Autriche. La France va s’unir aux protestants pour lutter contre l’hégémonie de l’Autriche. Finalement, Louis XIII et Richelieu vont déclarer la guerre à l’Espagne. Cette guerre va être remportée par la France et la politique de Richelieu est couronnée de succès.
Mazarin va retirer les fruits de son prédécesseur et l’Allemagne est annexée à la France.



PARTIE 1 – LA FORMATION DE L’ETAT ROYAL


XIIIe au XVIe : évolution de la puissance royale mais l’irrésistible ascension de la monarchie s’est faite en dépit des guerres, tentatives des grands seigneurs.
Les rois sont entourés des légistes royaux qui travaillent à l’élaboration de théories qui vont donner une véritable stabilité à l’institution royale.
>enrichissement du peuple. La dynastie royale a désormais pour but l’intérêt public et l’instauration d’un ordre économique nouveau.


Chapitre 1 – Le statut de l’Etat


Pour définir l’Etat, il faut voir comment petit à petit l’Etat a commencé à transcender le roi.
Couronne : connue depuis le XIIe pour élaborer une réflexion faisant du roi l’administrateur d’une entité abstraite représentative du corps politique => le royaume. Cette entité est détenteur de droits.
On élabore des règles qui vont permettre à la Couronne de perdurer éternellement et qui seront propre à la Couronne (échappent au droit commun).



Section 1 – Les règles de succession à la Couronne

A partir du XIIe les légistes utilisent le terme « corona » comme synonyme de « Respublica » (chose publique) ou alors comme synonyme de « Regnum » (compris comme entité abstraite indépendante de la personne du roi).
Dès le XIIe, distinction entre royaume et personne du roi. Le royaume devient une institution autonome portant dorénavant le nom de Couronne.
La Couronne symbolise des territoires sur lesquels s’exerce l’autorité royale et les principes. Elle annonce la notion d’Etat (qui elle apparaitra vers 1500/1570).
Au XIVe, la Couronne devient véritablement un objet de réflexion théorique en raison de la Guerre de Cent ans. Ces règles déterminent les conditions dans lesquelles le roi doit exercer le pouvoir. Elles vont s’imposer à la volonté royale (début du XVe).
Au XVIe, l’affirmation d’une règle imposant au roi d’être catholique va être renforcée par une crise religieuse.
A partir du XVIe, ces règles vont s’appeler les ‘Lois fondamentales’ puis les ‘Lois du Royaume’.

§1. Le principe de masculinité

Depuis le XIIe un certain nombre de coutumes permettent d’assurer sereinement la transmission du pouvoir royal.
Le principe de l’hérédité est déjà bien affirmé (une règle depuis le règne de Philippe Auguste). La règle de la primogéniture s’est également imposée pour éviter un éventuel partage du royaume.
Au XIVe, ces coutumes n’ont pas réussi à assurer la continuité de la fonction royale.
Face au risque de rupture, des règles vont permettre la dévolution de la Couronne. Elles ont été élaborées de manière empirique pour faire face à des risques. En 1316, mise en place de ces règles lorsque le premier fils de Philippe Le Bel meurt sans héritier.

A.    L’exclusion des femmes et de leurs parents

1.    1316 : L’exclusion des femmes

Elle s’est faite par le biais du sacre. Depuis la fin du Xe/début du XIe, le roi doit toujours avoir un héritier mâle pour monter sur le trône.
996 – 1316 > le miracle Capétien.

Début du XIVe : Louis X en mourant laisse une fille de 4 ans, et la Reine attend un enfant. Le frère du roi défunt Philippe se fait confier la régence du royaume par une assemblée de Barons.
Si la Reine donne naissance à un fils il deviendrait roi et Philippe gardera la régence jusqu’à sa majorité.
Si c’est une fille on attendra la majorité la majorité de la fille pour régler la question de la succession et Philippe gardera la régence du royaume.
La mort de Jean pose à nouveau la question de la succession au trône sans descendance directe.
Jeanne n’a que 4 ans et Philippe V va finalement se faire sacrer.
Philippe V rassemble une nouvelle assemblée et se fait reconnaître roi et proclamant que les femmes ne succèdent pas à la Couronne royale, et que sans ligne directe c’est le mâle le plus proche en ligne collatérale qui succède au trône.
C’est l’affirmation du principe de masculinité.
En 1322, Philippe V meurt sans descendant mâle. C’est Charles IV qui récupère la Couronne.

2.    1328 : L’exclusion des parents par les femmes

Le dernier fils de Philippe le bel, Charles IV, meurt sans descendance masculine. On applique la règle posée en 1316, les filles ne peuvent pas accéder à la Couronne.
3 candidats à la succession : Edouard III, Philippe VI (cousin germain des 3 rois décédés), Philippe III.
Edouard III est roi d’Angleterre et est donc écarté car le roi d’Angleterre et Isabelle ont des mœurs dissolues.

B.    Le fondement de l’exclusion des femmes

Les légistes royaux anglais vont exiger que le roi de France apporte un texte juridique suffisamment ancien pour justifier cette exclusion des femmes à la Couronne de France.

1.    La justification par le droit romain et la téléologie

– Argument sur la faiblesse des femmes prenant leurs sources dans le droit romain > « imbecilitas sexus » à travers le digeste qui exclut les femmes des charges publiques, leur interdit d’exercer des magistratures, de rendre la justice.
Un certain nombre de légistes invoquent la supériorité des Hommes (Gilles De Rome).
– Argument de l’inaptitude de Jeanne à se maintenir à la tête d’un royaume en proie aux prétendants des aristocrates. Mais des femmes gouvernent un peu partout dans les royaumes voisins (Mathilde en Angleterre, Castille en Navarre).

Les problèmes rencontrés par le royaume de France expliquent selon les légistes que Jeanne ait été écartée en raison de l’instabilité royale.
En 1322, François De Mérionnes constate que dans la bible les femmes sont exclues de la prêtrise ce qui leur interdit naturellement d’accéder à une dignité sacrée.
La Reine ne pourrait pas participer aux choses divines si elle accédait au trône, ne pourrai pas lire l’évangile de noël, elle n’aurait pas de vertu de thaumaturgie.
Tout cela permet de justifier/légitimer la prise de pouvoir de Philippe V.
Mais ces arguments ne vont pas suffire à exclure les femmes.
En 1328, argument des légistes selon lequel la reine Elisabeth (mère d’Edouard III) ne peut pas transmettre ce droit (rôle de « pont et planche » : transmission d’un droit qu’elle ne possède pas elle même), tiré d’une règle de droit romain : « nemo dat quod non habet ».
Mais certaines coutumes médiévales énonçaient qu’une femme pouvait servir d’intermédiaire pour transmettre des droits qu’elle n’avait pas elle-même.
Ex : fin XIII avec Jeanne qui lorsqu’elle s’est marié à P Le Bel a amené le royaume de Champagne.
Les partisans d’Edouard III vont avancer l’argument mais =>dialogue de sourd avec légistes français.
A partir de 1337 privé de ses fiefs Edouard III s’attribue le titre de Roi de France. => début guerre de Cent ans.

2.    Le fondement juridique de l’exclusion des femmes

1350 : phillipe VI meurt, Charles V(petit fils) arrive à la tête du royaume => un fondement téléologique va être apporté à l’exclusion des femmes.
L’ouvrage de jacques de Cessole fait état d’une constitution avançant l’incapacité des femmes à succéder en précisant qu’elle aurait été élaboré bien avant l’époque de Charlemagne.
=> référence à la Loi Salique
Richard Lescot (le père de Julie => Président) tire définitivement le texte de la Loi Salique. Au titre 59 « Alode »
art 6 => exclusion des femmes en méconnaissant le contexte de l’époque; puisqu’il était question de terre octroyée par les militaires romains aux francs saliens en marge de l’empire qui défendait en contrepartie. Seuls les hommes étaient habilités à combattre ce qui explique cette erreur volontaire.
1ère constitution fondatrice du royaume de france.
1410 : le mythe de cette constitution => continuité dynastique depuis le Vème affirmée par le biais d’une disposition concernant la Couronne.
A partir du XV : le terme Loi Salique
la fonction royale représente une dignité, une fonction qui était exercée par le Roi mais sur laquelle il n’a pas de prise;


§2. L’indisponibilité de la succession royale et la continuité de la Couronne

Ces règles servent à assurer une dévolution sereine de la couronne. Au début du XVe de nouveaux événements vont pousser les légistes à élaborer de nouvelles règles.
Deux principes ont été dégagés : instantanéité de la succession ou continuité de la couronne, et indisponibilité de la couronne.

A.    Le principe d’instantanéité de la couronne royale

Dans un système dynastique et héréditaire le fils du roi a vocation à régner. Mais à quel moment se fait la transmission de la couronne ?
Pendant très longtemps c’est le sacre qui a fait le roi, mais cela créait une rupture dans l’existence même de la couronne (entre la mort du roi et le sacre de son successeur).
Les légistes vont alors poser comme règle la continuité de la couronne.
A partir du moment où la pratique du sacre anticipé n’existe plus, on commence à se préoccuper de cette question.
Sous le règne de Philippe le Hardi, ce dernier date ses actes de la mort de son prédécesseur.
Dans un édit de 1374, le roi Charles V fixe la majorité royale à 14 ans.
Une des premières étapes du raisonnement conduisant à la théorie : le roi détient une autorité parfaite, même avant d’avoir été sacré. L’opinion publique a tendance à considérer que c’est le sacre qui fait le roi.
Dans l’édit de 1374, Charles V affirme l’unité symbolique du roi régnant et de son fils, c’est à dire que le père et le fils sont considérés comme la même personne.
Quelques mois plus tard, une autre ordonnance dispose cette fois que le régent doit désormais agir au nom du roi et non en son nom propre, c’est à dire que le régent ne peut plus signer ses actes de son propre nom mais au nom du roi, alors même que celui-ci est mineur ou incapable.
En 1378 Evrard de Tremaugon dans son ouvrage Songe du Vergier utilise une maxime de droit privé pour justifier que ce n’est pas le sacre qui fait le roi, mais que celui ci devient roi instantanément à la mort de son père : « Le mort saisit le vif ». Cette locution traduit la règle impliquant que l’héritier est immédiatement saisi du patrimoine laissé par le mort. Cette règle protège les héritiers contre les risques d’une vacance. Pour l’auteur, dans la succession au royaume, seigneuries se continuent de père en fils et lorsqu’un roi meurt l’autre succède et a pleine seigneurie du royaume sans couronnement ni autre solennité. Le pouvoir ecclésiastique n’avait plus le pouvoir de ‘faire le roi’.
La thèse d’Evrard de Tremaugon revient à dire que le trône ne peut être vacant et que la fonction royale est immédiatement transmise au nouveau roi dès la mort de son prédécesseur.
1403-1407 : deux ordonnances royales établissent nettement et définitivement la doctrine de la continuité de la couronne. Charles VI supprime toute régence en 1403 et proclame l’instantanéité de la succession à la couronne de France. Le roi supprime toute idée de minorité. La reine Isabeau fait annuler cette ordonnance. Cette ordonnance est reprise en 1407 (Charles VI l’impose au Parlement). Les légistes ont voulu étendre la portée de l’ordonnance : en 1407 il est dit que l’ordonnance affirmant l’instantanéité de la succession serait applicable ‘aux autres fils ainés de nos successeurs rois de France’.
Identité de nature entre le père et le fils est réutilisées par Evrard. Au début du XVe une série d’auteurs et de légistes affirment que le roi vit en la personne du dauphin. > Le successeur possède en lui une part de son prédécesseur.
En 1419 dans le traité qu’il rédige contre le duc de Bourgogne, Jean de Terrevermeille soutient que du vivant du roi le fils premier né peut être appelé roi. Terrevermeille met au point le principe d’indisponibilité de la fonction roi.

B.    Le principe d’indisponibilité de la succession royale

Les conditions dans lesquelles se déroule le règne de Charles VI (1380-1422) semblent être analysées par Jean de Terrevermeille comme propices à de profonds bouleversements successoraux. A la suite de la bataille d’Azincourt en 1415, les ambassadeurs anglais soutenus par les bourguignons vont essayer de convaincre le roi que la guerre France Angleterre est perdue et que la paix ne peut revenir que si la couronne de France est remise entre les mains des anglais. Les légistes de l’entourage royal vont envisager l’adoption d’Henri V par Charles VI. Charles VI donne à Henri V sa fille en mariage, Catherine. Dans le traité de Troyes, signé en 1420, la couronne de France passe en Angleterre.

Jean de Terrevermeille va montrer que le droit du dauphin au gouvernement du royaume vient de son statut de successeur nécessaire. Il ajoute que le statut de successeur nécessaire est un statut auquel personne ne peut changer quoi que ce soit.
En France, les règles qui régissent la succession de la couronne se sont imposées de manière coutumière. La coutume se forme à partir de la répétition d’un précédent (l’usage) et la conviction qu’il ne s’agit pas d’une simple habitude mais d’une norme obligatoire.
La coutume tire à la fois sa forme du temps, de sa durée, mais aussi du consensus, de l’adhésion.
L’ensemble coutumier a été élaboré en France par la communauté du royaume, le corps mystique du royaume formé d’une tête, le roi, et d’un corps, le peuple. L’aspect coutumier de la succession royale lui donne un caractère conforme à l’utilité publique et aux droits naturels et divins.
La couronne jouit d’un statut qui lui est propre, elle ne doit rien au roi et échappe également à ses malversations. Dans la succession royale, le fils ainé n’est pas l’héritier de son père mais le successeur de son père.
La théorie de Terrevermeille fait des règles de succession un ensemble de normes inviolables, intangibles, qui s’imposent à tous et ne peuvent être modifiées. Cet ensemble de normes va donner une consistance à la notion d’Etat, apparaissant au même moment dans l’expression ‘status regni’. L’Etat est perçu comme une entité permanente, une puissance perpétuelle qui a pour finalité le bien commun, l’intérêt commun, et qui est dotée de droits et de prérogatives dont celui qui est à la tête de cet Etat n’est que le dépositaire.
Finalement, c’est ce principe d’indisponibilité qui émerge progressivement pendant cette lutte opposant le dauphin au prétendant anglais.
Ce sera l’intervention de Jeanne d’Arc qui sera décisive : elle délivre Orléans et fait sacrer Charles VII à Reims. En 1453 les anglais ne détiennent plus que Calais et la guerre de cent ans se termine de fait.
Juvénal des Ursins va résumer les thèses de Terrevermeille et va poser pour principe que l’héritier nécessaire du royaume n’a pas lui même le pouvoir de résigner sa fonction d’héritier. Au milieu du XVe, la théorie de l’indisponibilité du royaume s’est imposée comme celle de l’instantanéité de la couronne.
Tous les actes du prédécesseur engagent le successeur. Un autre principe important est celui que les officiers royaux à la mort du roi sont confirmés dans leurs fonctions par le successeur du roi défunt.

§3. La loi de catholicité

Les bouleversements liés à la réforme vont avoir des conséquences sur la succession royale. Aux règles de désignation par le sang s’ajoute une règle concernant la religion du roi : la règle de catholicité.

A.    Les faits

Le mort d’Henri II en 1559 marque le début d’une période des plus dramatiques de l’histoire de France. Elle est marquée par de très violents conflits entre catholiques et protestants. Cette crise est d’autant plus grave que le roi n’a pas la force nécessaire pour arbitrer les conflits. Le gouvernement effectif est exercé par Catherine de Médicis.
Massacre de la St Barthélémy
1576 : création de la Ligue.
Assassinat de Henri III par un moine en 1589 : crise de succession du fait de l’absence d’enfant d’Henri III. Le plus jeune frère de Henri III est mort quelques temps auparavant, lui même sans enfants. Le successeur désigné est donc le chef de la maison de Bourbon, Henri roi de Navarre. La succession va poser énormément de problème car Henri de Navarre est réformé protestant. Les partisans de la Ligue reviennent sur les règles de succession à la couronne. En 1588, Henri III est poussé par les ligueurs et ajoute aux coutumes successorales un nouveau principe promulgué par les Etats généraux, le principe de catholicité, qui va être juré par l’édit d’union de 1588.
En 1589, les catholiques se prévalent de cet édit pour proclamer comme roi l’oncle d’Henri de Navarre : cardinal de bourbon. Mais ils n’y arriveront pas car il meurt après. Les ligueurs vont mettre à mal les règles de succession car ils vont présenter la candidature d’une femme : Claire Isabelle. Ils violent la règle de masculinité et de succession par la femme.
Le 28 juin 1593 le Parlement de Paris va rendre un arrêt dit arrêt Lemaistre au terme duquel « rien ne peut être fait au préjudice de la loi salique et autres lois fondamentales du royaume de France ». Cet arrêt affirme le droit d’Henri de Navarre de succéder à la couronne à partir du moment où il abjure la religion protestante pour embrasser le catholicisme.

B.    Le principe

Les Etats généraux en 1577 signalent à Henri de Navarre que la religion catholique « n’est point seulement l’ancienne coutume mais la principale et fondamentale loi du royaume ». Les députés donnent donc une explication à cette loi : selon eux c’est une coutume qui découle de la pratique religieuse du royaume depuis toujours, une coutume indissociable de l’origine sacrée de la royauté.
En 1588 les Etats généraux vont réaffirmer le caractère général de la règle de catholicité. Les ligueurs vont profiter des décisions prises par les Etats généraux pour en donner une réinterprétation forcée. Ils vont inciter Henri III à signer l’Edit de l’union, confirmant le caractère fondamental de la règle de catholicité. Cet Edit va interdire aux sujets royaux de recevoir pour roi un prince ‘hérétique ou fauteur d’hérésie’.
L’arrêt Lemaistre va mettre un terme à cette interprétation forcée : il insiste sur le principe de catholicité. Le but de l’arrêt est d’affirmer que les différentes règles successorales parmi lesquelles figure la loi de catholicité ne sauraient être hiérarchisées. Il ne saurait donc y avoir de primauté de la loi de catholicité sur les autres règles. Toutes ces règles sont donc également nécessaires et complémentaires. Jusqu’en 1593, Henri IV était roi de droit. A partir de l’arrêt Lemaistre et de sa conversion au catholicisme, il est roi de fait. Le roi subordonne sa volonté, ses convictions, au respect d’un ordre juridique supérieur.



Section 2 –  Le domaine de la Couronne et son inaliénabilité

A partir de la fin du IXe et durant tout le Xe, le domaine royal désigne un ensemble territorial que les premiers capétiens contrôlent directement et sur lequel ils exercent un certain nombre de droits. Les rois capétiens n’arrivent pas à s’imposer en dehors de leurs limites seigneuriales.
A partir de la fin du XIIe, extension territoriale. Plus le domaine s’agrandit, plus on se pose la question du statut du domaine royal. Il est présenté à partir du XIVe comme appartenant à la couronne et plus au roi. Tout au long du XIVe, les légistes se posent la question de la nature du domaine royal. Ils reprennent la distinction que faisait les romains entre le domaine privé de l’empereur et le domaine du peuple romain (on a donc domaine privé du roi et domaine de la couronne).

§1. La nature du domaine royal

A.    Les moyens juridiques utilisés pour agrandir le domaine royal

Mise en œuvre de principes juridiques qui vont relever à la fois des règles féodo-vassaliques et des règles de droit privé.

1.    L’agrandissement par les conquêtes

Philippe II Auguste annexe par ses conquêtes militaires la Normandie, le Maine, l’Anjou, la Touraine, le Poitou et la Saintonge. Philippe Auguste va devenir maitre de ces territoires, mais il doit réussir à rallier les habitants. Il n’obtiendra qu’un hommage lige du duc de Bretagne.

2.    Le recours aux techniques juridiques

Les rois vont avoir recours à un certain nombre de techniques juridiques. D’abord, ils vont utiliser les règles féodo-vassaliques : le retour de fief intervient soit dans le cas d’une déshérence (lorsqu’un vassal du roi meurt sans héritier, son domaine entre dans le domaine royal) soit dans le cas d’une sanction (lorsque le vassal commet une faute grave à l’égard du roi, ce dernier peut procéder à une saisie définitive de son fief, la commise).
Ensuite ils utilisent la règle de patrimonialité des fiefs : la royauté va savoir saisir sa chance et va se servir de cette règle pour faire rentrer un certain nombre de fiefs dans le domaine royal. En droit féodal tout fief est considéré comme patrimonial : il peut donc être librement cédé dans le cas d’une vente, d’un héritage, ou d’un mariage royal.

Les rois de France ont aussi utilisé des règles de droit privé : l’acquisition par succession et l’achat de seigneuries vont permettre l’agrandissement du domaine royal. La royauté sait profiter des difficultés financières de la noblesse pour agrandir son domaine royal.

B.    Les éléments constitutifs du domaine royal

Le domaine royal est à la fois le domaine privé du roi et le domaine de la couronne. Il est constitué de biens matériels et d’éléments incorporels.

1.    Biens matériels et éléments incorporels

Le domaine royal se divise en deux parties :
–    un domaine matériel composé à la fois de biens fonciers (terres, châteaux, forêts) et de biens mobiliers (bijoux, richesses diverses)
–    un domaine incorporel constituant une somme de droits, de prérogatives et de revenus. Cette masse de biens incorporels croît constamment. On pourrait les classer les biens incorporels en trois catégories : les droits de souveraineté liés aux prérogatives régaliennes (amendes, justice, impôts, monnayage) qui nécessitent une organisation et donnent naissance à un droit administratif, les droits de mutation (lots et ventes) perçus par le roi en tant que seigneur et les droits perçus par le roi en tant propriétaire foncier.

2.    Domaine privé du roi et domaine de la couronne

On ne voit intervenir cette distinction qu’à partir du XIVe.
Le domaine privé du roi est composé de ses possessions personnelles, que le nouveau roi apporte lors de son accession au trône, et de ses acquisitions par voie d’achat ou d’héritage, qui sont réalisées par le roi pendant son règne mais à titre privé.
Progressivement, les rois vont prendre l’habitude d’incorporer leur domaine privé au domaine de la couronne, de manière à élargir l’assise territoriale de la couronne.
A partir de la seconde moitié du XVIe, c’est un fait acquis que le roi annexe au domaine de la couronne le patrimoine qu’il détenait avant son avènement. Cependant, pendant toute la durée du règne subsiste une distinction entre le patrimoine privé du roi et le domaine de la couronne.
Exception : Henri IV refusera d’incorporer son domaine privé au domaine de la couronne.

Par opposition, le domaine de la couronne comprend tout ce qui appartient à l’Etat. La notion de domaine public apparaît à la fin du XIIIe. A partir de ce moment là, tout ce qui est échu au roi par traité ou par confiscation rentre dans le domaine public. L’expression ‘domaine de la couronne’ apparaît en 1350.
Cette couronne symbolisant l’Etat et personnifiée par le roi, devient progressivement une entité autonome à laquelle sont attachés des personnes, des biens, des droits. Le domaine de la couronne est l’ensemble des biens affectés en permanence aux besoins de la couronne et non pas aux besoins du roi (il n’a que l’usage de ce domaine). Progressivement apparaît l’idée que le roi ne peut pas faire ce qu’il veut de ce domaine dont il n’a que l’usage.
Il faut donc protéger ce domaine non seulement du roi lui-même mais également des particuliers qui chercheraient à usurper une partie des biens du domaine. On commence alors à s’intéresser à la protection de l’intégrité du domaine de la couronne.
Les légistes royaux vont commencer à chercher dans le droit romain des solutions pour protéger ce domaine et ils vont déclarer ce domaine de la couronne inaliénable et imprescriptible.

§2. L’inaliénabilité du domaine de la couronne

Jusqu’à la fin du moyen âge la royauté rencontre des difficultés importantes dans la gestion du domaine royal. Elle a du mal à le gérer car le danger subsiste d’administrer le domaine selon les anciennes méthodes féodales.
On va essayer de contourner les règles de patrimonialité des biens féodaux et on va créer de nouvelles règles propres au domaine royal, permettant de mettre un terme aux aliénations, notamment royales, et permettant une bonne gestion du domaine royal.
Avec la distinction entre domaine privé du roi et domaine de la couronne est apparue la règle d’inaliénabilité du domaine de la couronne.

A.    Le principe de l’inaliénabilité du domaine de la couronne

*Les fondements du principe
Jusqu’au XIVe, le roi dispose de la pleine propriété sur le domaine royal et peut l’utiliser comme il l’entend.
Parallèlement aux théories qui sont en train de naitre sur la dévolution de la couronne, on voit apparaître les premières manifestations concernant l’inaliénabilité du domaine de la couronne. Les légistes vont se servir du droit romain et de la notion de « fiscus » pour élaborer un statut du domaine public. En fait, en droit romain, le fiscus est doté d’un statut spécial qui est fondé sur l’affectation à la chose publique. Donc les biens du fiscus étaient avant destinés à la res publica, et devaient être gérés dans l’intérêt général.
Les légistes au XIVe vont reprendre l’idée d’une affectation du domaine de la couronne à la chose publique. Ils vont aussi s’appuyer sur le droit canonique pour élaborer la théorie de l’inaliénabilité.
Un troisième fondement à ce principe est le sentiment populaire, qui intervient pour affirmer m’attachement indéfectible de la population à un territoire.

*Les manifestations du principe
Les premières manifestations de ce principe apparaissent entre 1318 et 1322. Les rois Philippe V et Charles IV firent annuler certains dons royaux qui avaient été accordés depuis la mort de St Louis. En 1329, lors d’une assemblée tenue à Vincennes, un représentant de Philippe VI, Pierre de Cugnières, avance qu’il n’est pas judicieux d’aliéner des biens à l’Eglise.
En 1356, un des rois fous Jean II le Bon est fait prisonnier par les français et il est amené à consentir un certain nombre de donations à l’Angleterre (Guyenne, Normandie, Périgord, Limousin). En 1357 une réunion des états généraux rejette ces donations au nom du principe de l’inaliénabilité : première manifestation officielle de ce principe.
Pendant les deux règnes de Jean II le Bon et de son fils Charles V le principe est progressivement inscrit dans la promesse du sacre (au moment de son sacre, le roi de France fait un serment et promet de conserver inviolablement la supériorité, les droits et les prérogatives de la couronne de France).
Evrard de Tremaugon  en 1370 : les droits de la couronne doivent être placés hors de portée du roi régnant. En 1419, Jean de Terrevermeille reprend cette théorie et relie le principe de l’inaliénabilité à la théorie organisant la succession à la couronne de France. Ainsi, selon Terrevermeille aliéner une partie du royaume ou un droit de la couronne est aussi impossible pour le roi que de disposer de la personne de son successeur. Le domaine de la couronne n’appartient donc pas au roi, il est seulement l’administrateur d’un domaine qui est le patrimoine propre de la couronne. Il doit donc remettre le domaine de la couronne intact à son successeur.
Tout au long du XVe, des ordonnances royales vont réitérer le principe de l’inaliénabilité.
La consécration juridique du principe se fait lors du sacre d’Henri II en 1547.
Le roi épouse l’Etat : la res publica apporte en dot le domaine de la couronne.
En droit romain les biens apportés par la femme à son mari sont inaliénables (le mari ne peut pas les céder sauf si la femme y consent). On va appliquer la même règle au domaine de la couronne.
On trouve en couronnement de cette construction doctrinale l’Edit de Moulins de 1566 rédigé par le chancelier Michel de l’Hospital puis enregistré par le Parlement. Cet Edit opère une distinction entre les biens anciens acquis depuis longtemps par différents rois et les biens acquis par le roi au cours du règne. On distingue en fait dans cet Edit un domaine fixe et un domaine casuel. Dans le domaine casuel on trouve les acquisitions faites par le roi depuis moins de dix ans. Apres dix ans, les biens qui faisaient partie du domaine casuel tombent dans le domaine fixe. Le domaine fixe est le domaine inaliénable. L’Edit de Moulins présenté comme perpétuel et irrévocable inclut dans le domaine fixe le domaine propre du roi au motif que le roi est uni à la couronne par un mariage mystique, ce qui implique que les biens et les droits propres du roi sont sensés être acquis à la couronne soit à l’avènement du roi soit avant sa mort.
Cette règle ne s’est pas imposée facilement. Henri IV refuse d’intégrer les domaines à la couronne : il faudra attendre le début du XVII pour que le royaume de Navarre soit intégré au domaine de la couronne.
Parallèlement aux constructions juridique tendant à affirmer l’inaliénabilité du domaine de la couronne, les légistes royaux vont également travailler sur un statut qui permettrait de mettre un terme aux usurpations qui avaient contribué à étirer au domaine de la couronne un certain nombre de biens de manière totalement indue.
L’Edit de Moulins a donc consacré un autre principe, celui de l’imprescriptibilité absolue du domaine de la couronne : une personne qui détiendrait sans en avoir le droit une partie du domaine de la couronne ne pourrait invoquer la possession de ce bien de longue date pour refuser de la restituer à la couronne.
L’Edit de Moulins a posé deux exceptions au principe de l’inaliénabilité du principe de la couronne : les apanages et les engagements.

B.    Les exceptions à l’inaliénabilité

1.    Les apanages

C’est une pratique ancienne que d’autoriser des aliénations pour créer des dotations au profit des fils puînés. Les dotations sont appelées apanages et permettent d’assurer aux fils puînés un train de vie conforme à leur rang
Jusqu’au XIIIe ces apanages sont constitués de terres données en toute propriété. A parti du règne de St Louis, ces terres sont données simplement en usufruit.
Dès la première moitié du XIIIe, les apanages sont assortis d’une clause de retour au domaine de la couronne. Au début du XIVe le Parlement considère que à l’instar de la couronne l’apanage est indivisible et doit revenir au domaine de la couronne en l’absence d’héritier direct de l’apanagiste dans son intégralité. En 1363 un apanage extrêmement important devait revenir à la Bourgogne, Jean II le Bon donna son apanage à son fils. Pendant plus de cinquante ans, l’apanage de Bourgogne va devenir le plus puissant du royaume va et va conférer au duc de Bourgogne Valois …
Les filles, elles, étaient traditionnellement dotées en argent.

2.    Les engagements

Cette exception a été instituée pour répondre aux besoins de la royauté en cas de guerre. Ainsi, en cas de besoin extrême le roi peut engager une portion du domaine. Cet engagement ne constitue pas une aliénation définitive mais une mise en gage d’un bien domanial contre un prêt d’argent. Le prêteur exploite pour son compte les biens engagés et perçoit ainsi des revenus qui représentent les intérêts du prêt.
L’Edit de Moulins a fixé les conditions de fond et de forme pour cette pratique :
Le royaume doit être en temps de guerre ou dans une situation de nécessité absolue et l’engagement ne peut être que temporaire. Le paiement du prêt au roi doit se faire au comptant et l’acte d’engagement doit prendre la forme d’une lettre patente qui est lue puis enregistrée au Parlement.
L’engagement a en fait deux intérêts : il permet au roi en échange de l’engagement d’un bien d’avoir tout de suite des liquidités et l’engagiste perçoit sur la portion du domaine royal donné en gage des revenus qui servent d’intérêts.
L’engagement portait sur des biens divers (il faut tout de même que les biens soient exploitables pour que l’engagiste puisse toucher des intérêts).
Le contrat d’engagement comportait toujours une clause de rachat perpétuelle. Au XVIIe, un véritable engouement pour les engagements se met en place dans les rangs de la noblesse. Petits et grands seigneurs seront engagistes. Malheureusement ce sera un véritable problème pour la royauté, car cela mettra la monarchie dans une situation de dépendance financière à l’égard de la noblesse.

§3. Les lois fondamentales du royaume

Les différentes règles élaborées de manière empirique ont fini par former un ensemble juridique de type constitutionnel définissant le statut et le fonctionnement de l’Etat monarchique.
Les règles relatives à la couronne et au domaine sont de nature coutumières, elles ne sont donc pas le résultat d’un acte de volonté d’un individu, elles se sont formées par la répétition d’un précédent, à partir d’un usage et de la conviction que cet usage n’est pas une simple habitude mais une norme obligatoire. En fait, c’est le temps et le consensus populaire qui donnent sa force obligatoire à cet ensemble de règles coutumières.
L’Edit de Moulins ne constitue pas une exception dans ce mode de formation, puisqu’en fait malgré sa forme édictale, l’Edit de Moulins avait simplement pour but de mettre par écrit des principes déjà existants. Il ne consacre donc en aucune façon une nouvelle règle, il ne fait que figer des règles qui ont été lentement élaborées.
Depuis le XVe, l’ensemble coutumier qui règle la dévolution de la couronne est appelé lois du royaume, et il se distingue des lois que les juristes appellent lois du roi. A partir du moment où le roi recommence à intervenir de manière fréquente dans le domaine législatif, il est très important d’établir une hiérarchie entre les règles qui émanent de la volonté royale, et celles qui échappent à sa volonté. Ainsi, les règles qui concernent la succession et le domaine doivent échapper au législateur suprême qu’est le roi. Il va donc falloir placer ces règles à un rang qui permettra d’assurer leur intangibilité. Les légistes royaux vont donner une nouvelle qualification aux lois du royaume : les lois fondamentales. La première mention de ces lois apparaît en 1575 dans un texte d’un juriste protestant.
Ce qualificatif « fondamental » exprime le caractère supérieur des règles concernant la succession et le domaine, et montre qu’elles relèvent d’un ordre juridique supérieur à celui des lois royales. Ces lois fondamentales sont transcendantes et placées au dessus de toute autorité.
Cet ordre juridique supérieur est donc celui du royaume, ce qui confère aux règles cette transcendance qui s’impose à tous, y compris au roi.
En 1576 Jean Bodin, un théoricien politique, explique dans son ouvrage que les lois fondamentales sont annexées et unies à la couronne. Il affirme que la monarchie française est une monarchie réglée, limitée, apportant des limites à la volonté du prince. Les normes et lois fondamentales constituent en fait une limitation de l’autorité royale et par là même une limitation de l’arbitraire royal. Jean Bodin conclut que la monarchie française a beau être absolue, elle n’est pas arbitraire et donc n’est pas despotique.
Au début du XVIII on dit que les lois fondamentales découlent de la notion d’Etat, tout en lui donnant son statut, et en 1723 sous le règne de Louis XV le roi et son entourage n’hésitent plus à affirmer que ces mêmes lois sont désormais la constitution coutumière de l’Etat.


Chapitre 2 – La rénovation de la royauté

Section 1 – La fonction royale

Dès la fin du VIIe des théoriciens se sont penchés sur la notion de la fonction royale en étudiant d’une part ce qu’elle représentait et d’autre part les manifestations de cette fonction.
Continuité jusqu’au Xe et du Xe au XIIe véritable creux dans les théories politiques.

§1. Les fondements de la fonction royale

On réfléchit sur la manière dont les contemporains se représentaient la royauté et la personne du roi.
Ce n’est plus le sacre qui fait le roi mais il contribue à légitimer le roi. Pour être légitime, le roi se doit de posséder un certain nombre de vertus, indispensables à l’idéal du bon prince.

A.    Le sacre

Le sacre est étroitement lié à la question du régime politique. Il est propre à la monarchie. A la fin du MA et au début de l’époque moderne, la grande majorité des contemporains sont d’accords sur la forme que doit recouvrir le régime politique. La monarchie est largement plébiscitée.
En Italie à cette époque il existe deux types de régimes : la Res publica de Venise (régime politique oligarchique). Dante, penseur italien, livre ses conceptions politiques dans l’ouvrage De monarchia. Il plaide pour une monarchie universelle qui reviendrait au peuple romain et serait représentée par un empereur et qui serait indépendante du pape : « Ce qui peut être fait par un seul est mieux fait par un seul que par plusieurs. »
La justification de la monarchie va reposer sur une présentation organique de l’Etat, que les théoriciens assimilent à un corps. Ce corps possède une tête, le roi. Les membres représentent le peuple.
Le royaume se doit de n’être gouverné que par une seule personne, le roi.
Ces conceptions politiques sont élaborées au VIIe.  
Isidore de Séville, évêque de l’Espagne de Séville, développe déjà ce type de conception. Pour lui « il n’est pas de puissance qui souffre le partage » ; il oppose très fréquemment le gouvernement droit, juste, qu’il nomme la monarquia, au gouvernement dévoyé, mauvais, la tyrannie. La philosophie politique d’Isidore répugne à un partage du pouvoir, parce que celui ci n’est pas conforme à l’unicité divine.
La pensée chrétienne a imprimé sa marque sur le pouvoir politique. Le pouvoir royal a l’aspect d’un officium = fonction dont la finalité est de réaliser dans l’ordre terrestre un ordre politique directement inspiré des principes divins.
C’est par la cérémonie du sacre que le roi est investi de sa fonction royale. La cérémonie fait du roi un mandataire divin dans le but d’assurer le bien commun, l’utilité commune.
Ce n’est plus le sacre qui fait le roi, c’est l’hérédité dynastique s’est imposée. Jean Bodin au XVIe affirme que « le roi ne laisse pas d’être roi sans le couronnement et la consécration », c’est à dire que le roi n’a pas besoin du sacre pour être roi. Cela soustrait le roi de l’influence des clercs et des évêques.
Le sacre continue cependant d’avoir un prestige tout à fait particulier, qui confère l’autorité à chaque roi sacré, autorité qui place le roi au dessus de la communauté des hommes. Le sacre n’est pas une cérémonie purement ornementale, tout au long de l’époque moderne, les théoriciens et même la population du royaume continuent de penser que la source première et ultime du pouvoir est en Dieu.
A l’appui de cette affirmation, les théologiens vont affirmer qu’il n’est de pouvoir qui ne vienne de Dieu (Saint Paul Epitre aux Romains 13,1). Il est une question que ne règlent pas les textes : à qui s’adresse cette délégation divine et quelle est son étendue ? Cette question va diviser le roi et l’Eglise puisque l’un comme l’autre se déclare investi directement par Dieu, ce qui va conduire à de très nombreux conflits.
Pour essayer d’affirmer la prééminence du roi de France sur le pape et les évêques, les légistes royaux vont modifier progressivement la cérémonie du sacre pour y incorporer de nouveaux rituels.

Le développement de la cérémonie :

C’est sous le règne de Charles V que la cérémonie du sacre va revêtir une nouvelle apparence. Les légistes vont compléter et préciser l’organisation de la cérémonie, ils vont modifier l’ancien ordo qui remontait à l’époque de St Louis.
Le roi Charles V veut une cérémonie plus éclatante, et les légistes vont chercher à accentuer le rapprochement entre le sacre royal et la consécration épiscopale, dans le but d’affirmer la prééminence royale.
On va voir apparaît en 1374 pour la première fois un traité du sacre sous la plume de Jean Golein. Un autre traité sera rédigé par Jean Foucqart en 1478.
La cérémonie du sacre se déroule désormais en trois temps : la première étape consiste dans le serment par lequel le roi s’engage à l’égard de son peuple mais également de l’Eglise à protéger et à faire régner la paix et la justice. A partir du règne de Charles V le roi s’engage à respecter le principe de l’inaliénabilité du domaine de la couronne. La deuxième étape consiste dans l’onction et la bénédiction des insignes royaux : l’onction se fait sur la tête du roi au moyen du saint chrême et sur les mains. La dernière étape consiste dans le couronnement du roi.
Lorsque le roi s’engage à ne pas aliéner des parties de son domaine, il se donne en contrepartie le droit de punir, de poursuivre, ceux qui auraient été tentés de porter atteinte aux droits du domaine de la couronne. Le serment du sacre finalement donnait la possibilité au roi de révoquer les aliénations, même très anciennes. Le sacre transforme le pouvoir royal et contribue dans le même temps à le renforcer.
C’est sous Charles V que la liturgie du scare est établie définitivement. La cérémonie apporte une dimension sacramentelle au roi, elle contribue à le purifier et à le sanctifier. Le sacre fait du roi le représentant de Dieu sur Terre. On va parler du roi comme d’un vicaire de Dieu. Ce vicariat va faire du roi de France un des héritiers des rois de l’Ancien Testament.
Le roi a deux corps : la personne du roi se dédouble et à coté du corps charnel, mortel, au moment du sacre nait un autre corps mystique, allégorique, qui participe de la royauté divine du christ et donne au roi une mission proche de celle du christ ; c’est le salut des hommes.
Le roi est à l’image de Dieu : il a deux natures, une d’ordre divin pour l’éternité qui était ointe et qui retourne à Dieu après avoir accompli sa mission, et une humaine qui a pris naissance dans le corps du roi.
Les théologiens élaborent cette notion de corps mystique qui passe d’un individu à un autre sans être aliéné. Chaque roi participe donc du même corps mystique, ce qui permet de justifier la notion de continuité.
Ces réflexions ont un retentissement au sein de la population.
Les populations reconnaissent cette puissance mystique de roi, et c’est ce qui lui donne sa légitimité. Les développements des théologiens renforcent l’idée que le peuple se fait de la puissance sacrale des rois de la dynastie capétienne. La puissance thaumaturge des rois nait dans l’imaginaire populaire dès le début du XIIe sous les règnes de Philippe 1er et de Louis VI.
Idée que l’onction apporte au roi un pouvoir de guérison. Dans l’imaginaire paysan on pense que ces facultés de guérison relèvent d’un pouvoir magique dont les rois au moment de mourir se transmettent la formule de manière secrète. Ce pouvoir de guérison attire vers la personne royale les dévotions populaires.
A l’origine il y a de très fortes croyances qui confèrent au roi une sacralité païenne, sacralité que les théologiens vont essayer de christianiser et on va attribuer au sacre un certain nombre de vertus dont le roi va s’emparer, et notamment une vertu de guérison d’une maladie particulière qui entrainait une stérilité.
Cette légitimité populaire est extrêmement importante, et la cérémonie du sacre a cette finalité de faire adhérer les sujets à la fonction royale.
A la fin du Moyen-Age, Charles V est le premier à déclarer que s’il peut guérir les écrouelles par le simple toucher c’est grâce à l’onction.
En marge de la cérémonie du sacre des festivités sont organisées par la royauté pour le peuple : occasion pour le roi d’obtenir l’adhésion de ses sujets. Au fondement religieux de son pouvoir le roi va ajouter une légitimité populaire liée au soutien de la masse de ses sujets. Cet enracinement populaire va contribuer à son autorité.

B.    Les vertus royales

Le sacre confère au roi une prééminence sur les autres hommes. Encore faut-il que le comportement du roi soit à la hauteur de la mission qui lui a été confiée.
Dès le XIIIe on voit souffrir un certain nombre d’ouvrages destinés à instruire le roi sur le chemin de la vertu ; ce genre littéraire prend le nom de miroir des princes. Ces miroirs des princes remontent à l’époque carolingienne.
C’est à partir du règne de Philippe Auguste qu’on va commencer à rappeler au roi les qualités du bon prince. Le genre du miroir va connaître une explosion et va être particulièrement destiné aux rois. Dans ces miroirs des princes on va esquisser une image que les rois doivent tenter d’imiter pour l’offrir comme modèle aux autres. Toute une littérature va naitre visant à réfléchir sur le pouvoir royal. Nombreux sont les auteurs qui vont tenter de donner une image idéale de la fonction royale.
Les théoriciens du roi vont comprendre l’intérêt de ce mouvement et vont alors s’employer à diffuser des œuvres faisant état des vertus du bon prince de manière à façonner l’idéologie royale.

1.    Les miroirs des princes

Au XIIIe les auteurs des miroirs sont des ecclésiastiques et on retrouve dans leurs récits les conceptions chrétiennes du pouvoir. Le pouvoir du roi sur les hommes est lié au pêché originel et le roi n’obtient sa légitimité que parce que la fonction royale a pour finalité élevée de préparer les hommes au salut. Le roi doit donc accompagner les hommes à la rédemption en corrigeant les mauvais et en aidant les bons. Le roi ne peut accomplir cette tache qu’en ayant une attitude exemplaire.
Chez tous ces auteurs la fonction de correction du roi est intimement liée à sa conduite personnelle
A partir de la fin du XIIIe et du début du XIVe les auteurs des miroirs vont apporter de nouvelles réflexions, fruits des préoccupations de l’époque. Ces nouvelles réflexions vont prendre en compte les réalités politiques et même la dimension administrative de la gestion du royaume. Progressivement ces œuvres vont mettre en avant les particularités de la royauté capétienne de manière à la distinguer des autres royautés et à l’intégrer dans une dimension nationale.
Vincent de Beauvais (1263) donne une conception organique de la res publica. Volonté de renforcer la fonction royale mais aussi de s’ouvrir aux réalités administratives de l’époque et d’intégrer dans ce corps toutes les composantes de la res publica.
En 1277 Gilles de Rome va aller beaucoup plus loin en intégrant à son œuvre les principes de la philosophie politique d’Aristote. Il écrit pour le futur roi Philippe IV le Bel dont il est le récepteur et apporte une dimension tout à fait nouvelle à la fonction royale. Les théologiens vont s’emparer de l’œuvre d’Aristote et vont y puiser des idées essentielles, parmi lesquelles celle que l’homme est naturellement fait pour le bonheur mais qu’il ne peut y aspirer qu’en pratiquant la vertu, le bien. Il ne s’agit pas d’un bonheur individualiste mais d’un bonheur qui est le résultat d’une pratique du bien, et Aristote considère que l’homme est par nature appelé à vivre en communauté, qu’il ne peut réaliser sa perfection que parmi ses semblables. La communauté par excellence est la cité, préfiguration de l’Etat, qui répond à deux aspirations profondes : la vie en commun et la recherche du bien commun puisque selon Aristote « c’est le bien suprême entre tous que vise la communauté qui est la plus éminente de toutes ». La cité n’est pas le résultat d’un pacte puisqu’elle est inscrite dans un ordre naturel auquel l’homme obéit pour se réaliser.
A partir de la redécouverte d’Aristote, les théoriciens ne vont plus seulement penser l’Etat à partir de ceux qui gouvernent mais en tenant compte aussi des gouvernés. En fait, selon les conceptions aristotéliciennes il ne faut pas entendre la cité comme assurant le bien parfait des citoyens à la manière individualiste et moderne ; Aristote identifie le bonheur à la vertu, qui ne peut être atteinte que par une vie noble, par l’activité de l’intelligence et par la sagesse équilibrée d’une vie contemplative. Cette vie noble, ces vertus, sont faites pour la cité. Selon Aristote il faut de bons citoyens pour que la cité soit bonne, et non une bonne cité pour avoir de bons citoyens.
Désormais de nombreux traités en dehors des miroirs des princes vont exprimer une pensée construite sur le politique et ces nouveaux ouvrages vont être davantage axés sur des considérations de pratique politique que sur des considérations visant à rappeler au prince les vertus personnelles qu’il doit avoir en lui.
Les crises et les conflits qui émaillent les XIVe et XVe siècles vont donner lieu à toute une littérature de propagande qui va atteindre son apogée dans l’ouvrage d’Evrard de Tremaugon. Dans son ouvrage, une perfection logique est atteinte.
Au lendemain du règne de Charles V les œuvres éthiques et morales vont renaitre quelque peu avec tous les grands sermons prononcés devant le roi.


2.    Le contenu des vertus royales

Chronologiquement, les première qualités mises en place par les théoriciens du pouvoir royal sont des qualités personnelles : le roi doit se distinguer par son comportement vertueux, sa sagesse et ses bonnes œuvres. Le comportement du prince doit donc être exemplaire au regard des principes chrétiens.
A partir du XIVe, les auteurs insistent aussi sur la nécessité pour le prince d’avoir eu une formation intellectuelle lui permettant de faire face à la complexité de plus en plus grande de la gestion du royaume. On ne recommande donc plus seulement au roi la lecture des livres saints, mais aussi les auteurs latins, toute une série de livres d’histoires, l’histoire romaine. En fait, les lectures du futur roi sont de plus en plus orientées vers l’acquisition d’un savoir et d’une sagesse pratiques.
La formation du roi est de plus en plus tournée vers la prudencia, vertu de discernement permettant à celui qui la détient d’agir en pleine connaissance de cause et de choisir ainsi la meilleure voie pour parvenir à ses fins.
A la fin du XIVe, la doctrine va commencer à séparer le roi des autres laïques en faisant du roi un prélat, un clerc, bras droit de l’Eglise et premier du royaume après le pape. Vers 1390 Jean Gerson écrit que le roi de France est très chrétien ; il utilise pour se faire le superlatif latin « christianissimus ».
Celui-ci va devenir un titre du roi de France et ce qualificatif est conféré au roi de France et à lui seul.
Une idéologie royale se met en place, tendant à relier la dynastie des capétiens Valois aux anciennes dynasties françaises. C’est à ce moment là que l’on va élaborer l’idée selon laquelle en se convertissant Clovis a fait de la France « la fille ainée de l’Eglise ». On va présenter la France comme la terre où la foi catholique est la plus ancienne. Cette ancienneté va faire dire aux théologiens royaux que la foi en France est plus parfaite et plus pure qu’ailleurs.
Cette construction de la France comme fille ainée de l’Eglise va apporter l’idée que le sacre témoigne du caractère surnaturel de la royauté capétienne, et c’est ce surnaturel qui permet au roi d’arborer ce titre de très chrétien.
Au MA la légende n’est pas considérée comme suspicion : c’est « ce qui doit être lu ». La légende contribue pour les médiévaux à éclairer la réalité.

§2. Les finalités de la fonction royale

La finalité du pouvoir a toujours été identifiée à l’utilité commune. Celle ci ne passe plus seulement par la justice et la paix, elle commence à s’occuper du bien être de ses sujets.
œuvres de Christine de Pisan fait état de cette nouvelle finalité du pouvoir (garantisse une bonne vie, un bien être matériel) les obligations qui incombent au roi du fait de sa fonction royale procèdent du serment du sacre, que le roi prononce dans le cadre de la cérémonie, avant l’onction, et après la cérémonie dans la cathédrale de paris lorsque le roi revient de son sacre à Reims.
Deux élément principaux de ces obligations : défense de l’Eglise et justice.

A.    La défense de l’Eglise

Le roi s’engage à procurer la paix aux églises du royaume, à maintenir les privilèges canoniques et à faire respecter le catholicisme en tout lieu, ce qui revient à promettre de chasser les hérétiques du royaume.
Cette obligation d’œuvrer pour le bien et la défense de l’Eglise fait parti des fins de la fonction royale dès l’époque carolingienne, à partir du moment où le sacre fait son apparition.
Cette obligation prend de l’ampleur du fait des relations conflictuelles opposant le roi de France au pape. A partir du XIVe défendre l’Eglise de France revient à protéger les libertés de cette même Eglise et à rétablir les droits de l’Eglise de France contre les empiètements du siège édifical, jugés excessifs par la royauté et les évêques de France.
A partir du XIVe, crise majeure en Occident : grand schisme 1378-1417.
Cette crise survient en pleine guerre de cent ans et résulte d’une certaine manière de la transformation du système féodal en France vers une souveraineté du roi de France. La crise trouve son origine un siècle auparavant : conflit opposant le roi Philippe IV le Bel et le pape. Ce conflit va se résoudre en apparence au bénéfice du roi mais il aura des répercussions.
Ce grand schisme est aussi une crise profonde de la pensée religieuse – plusieurs papes sont élus en même temps, l’un à Rome et l’autre en Avignon. Ces élections multiples et successives divisent la chrétienté et l’Eglise va s’en trouver considérablement affaiblie. A partir de 1406 l’Eglise de France va revendiquer le rétablissement de ses anciennes libertés et demander à être sous l’autorité du roi et pas sous celle de pape. Dans le cadre de ce grand schisme le rôle du roi va être de protéger l’Eglise de France pour freiner les empiètements de Rome sur l’organisation ecclésiastique de la France.
A partir de la fin du XIIIe il est acquis que le roi de France doit agir dans le domaine ecclésiastique et spirituel.

B.    La fonction de justice

Cette finalité de la fonction royale est très ancienne : on trouve son origine dans la tradition vétérotestamentaire (relative à l’Ancien testament). La prérogative de faire régner la justice appartenait au roi : juger était perçu comme une fonction divine confiée au roi le jour de son sacre. Cette fonction était symbolisée par la main de justice que le roi tenait dans la main gauche. C’était en fait un signe davidique évoquant le deuxième roi d’Israël, David, dont le nom voulait dire ‘main forte’. Cet emblème a été repris par les carolingiens pour souligner que le roi carolingien était un nouveau David. Le roi était aux yeux de ses sujets le juge suprême chargé de dispenser la paix et l’équité. Sur quelques représentations royales de la fin du MA, le roi est présenté en majesté et tient dans la main gauche le spectre davidique alors que les féodaux sont représentés en posture guerrière : le roi se doit donc d’être avant tout un justicier.
Du déclin de la royauté jusqu’aux premiers temps du renouveau royal, la justice royale est concurrencée par d’autres justices (seigneuriales, ecclésiastiques, municipales), qui exercent une part de cette justice auparavant incombée uniquement au roi.
L’idée que ces juridictions secondaires tiennent leurs prérogatives du roi commence peu à peu à s’imposer. Autour de 1260, on affirme l’autorité du roi sur tous les sujets de son royaume et on peut lire dans un recueil de coutume que « tous sont sous la main du roi ».
Quelques années plus tard en 1283 Philippe de Beaumanoir alors qu’il met par écrit les coutumes de Beauvaisis affirme que le roi a la générale garde de tout son royaume : le roi du fait de son autorité contrôle les autres puissances tout particulièrement en matière judiciaire. Le roi détient donc la prérogative royale de faire la justice.
Ces théories s’appuient sur le renouveau juridique. La justice royale connaît un véritable essor. Cet engouement pour la justice royale va entrainer a mise en place de nouveaux moyens qui vont permettre à la justice royale de subordonner les justices seigneuriales.
Au tout début du XVIIe cette conception de la justice sera reprise par le juriste Loysel sous forme d’un adage « Toute justice émane du roi ». Ainsi sera affirmée la prééminence du roi en matière de justice, et au XVIIe cette figure de roi justicier sera totalement affirmée.
Les trois derniers siècles du MA sont l’époque à laquelle se dessine une nouvelle vision de la puissance royale envisagée dans sa permanence et incarnée par le roi qui en est le dépositaire. Cette conception d’une puissance prééminente placée entre les mains du roi annonce l’avènement de l’Etat ; à partir du XVIe on va présenter l’Etat incarné par le roi comme l’unique puissance habilitée à sanctionner mais également à émettre des ordres, à administrer le royaume et on va évoquer le fait que le roi doit administrer le royaume dans l’intérêt commun, général, et cet intérêt passe par la maitrise de la justice afin d’assurer au peuple la paix, l’équité et la prospérité.



Section 2 – La souveraineté


Au XIIIe siècle le roi a réussi à soustraire son autorité à l’ordre féodal. Désormais les légistes royaux vont donner un nouveau fondement au pouvoir royal, à la fonction royale en s’appuyant dans un premier temps sur les théories chrétiennes du pouvoir puis dans un second temps sur le droit romain (compilations de Justinien) qui met le pouvoir entre les mains du peuple, peuple qui transfère ensuite son pouvoir à l’empereur.

§1. L’origine et le développement de la souveraineté

Le mot souverain vient de l’adjectif latin « superus », « superanus », qui signifie supérieur.

A.    L’origine de la notion de souveraineté

Sous l’Ancien Empire de Guillaume le Conquérant il existait une figure prioritaire à l’égard des princes.
Le grand coutumier de Normandie rappelle que l’ensemble des habitants doit allégeance au duc. Il profite au roi de France dès 1204.
On pense que cette fidélité prioritaire provient des coutumes développées non seulement en Normandie mais également en Angleterre.
Après avoir rappelé que « le roi ne saurait tenir en fief de quiconque », l’auteur du Livre de Jostice et de Pleb affirme qu’il ne doit jamais y avoir de conflit de royauté en défaveur du roi. L’auteur affirme que cette règle vaut en raison de la dignitas du roi, de la fonction du roi. En fait, il ne dit pas qu’il faut soutenir son roi, il affirme qu’il ne faut pas suivre son seigneur si celui ci est opposé au roi dans un conflit. C’est une fidélité prioritaire négative. Elle ne résulte pas d’un serment particulier passé entre le roi et un vassal, cette fidélité est prioritaire du fait même de la fonction du roi, de la situation du roi.
On n’est pas ici dans un cadre synallagmatique, il n’y a pas de réciprocité : le roi impose une fidélité prioritaire valable pour tous les sujets du royaume.
On la voit apparaitre dans le duché de Normandie puis se diffuser.
Jean de Blanot dans son Commentaire au livre IV des Compilation de Justinien affirme que « le roi a l’imperium sur tous les hommes de son royaume ». A partir des écrits de Jean de Blanot un certain nombre de juristes vont poursuivre dans cette voie et forger un concept de souveraineté qui se rapproche du majestas romain. Ce terme comprend l’idée d’une grandeur propre au représentant de l’Etat avec l’idée d’un ordre hiérarchique. A Rome ce fut d’abord le peuple qui fut détenteur de la majesté, puis ce fut l’empereur à l’époque impériale.
Les écrits de Jean de Blanot vont être repris 25 ans plus tard par Philippe de Beaumanoir qui va mettre par écrit les coutumes du comté de Beauvaisis et ce faisant donner une définition de la souveraineté royale qui montre que le roi a fini par étendre son autorité sur tout l’ordre féodal. Il commence par affirmer que « chaque baron est souverain en sa baronnie » avant d’ajouter que « le roi est souverain par dessus tous et a de son droit la générale garde de tout son royaume ». Le roi est au sommet de son royaume et ne dispose de personne. Des juristes comme Jean de Blanot ont identifié cette autorité pleine et entière à celle de l’empereur romain.
On est passé de la suzeraineté à la souveraineté. Les juristes vont affirmer progressivement la souveraineté de la fonction royale.

B.    L’affirmation de la souveraineté royale à l’intérieur et à l’extérieur du royaume

A l’époque franque les rois et les reines affirmaient leur imperium sur leur royaume et faisaient régulièrement état de leur auctoritas.
A partir du XIIIe, la notion de souveraineté va commencer à être invoque par le roi de France et ses légistes pour faire face à ceux qui tentent de contester l’autorité du monarque. En retrouvant sa vocation de contrôle et d’autorité sur tout le royaume, la royauté va s’affirmer sur la hiérarchie féodale. La souveraineté royale est l’expression de la nouvelle puissance du roi capétien. Ces nouvelles ambitions se dirigent à la fois vers l’intérieur du royaume, mais aussi vis à vis de l’extérieur, de l’empereur et du pape.

1.    « Le roi est princeps en son royaume »

Jean de Blanot de sert du roi romain pour affirmer que la puissance royale est juridiquement équivalente à celle de l’empereur. Ensuite, il fournit un exemple extrêmement concret fondé sur la notion de majesté pour expliquer cette équivalence : suivre son seigneur lorsque celui-ci est opposé au roi dans un conflit revient à se révolter contre le roi qui est princeps au sein de son royaume. Blanot ajoute que cela revient à se rendre coupable d’un crime de lèse majesté. Il utiliser ce concept romain de majesté pour condamner la fidélité d’un vassal à son seigneur dans le cas où ce seigneur serait en conflit avec le roi. Tout vassal doit donc préférer répondre à un ordre du roi plutôt qu’à un ordre de son seigneur parce que le roi agit en vue du bien public. Blanot conclut que la finalité de la fonction royale consiste dans l’avènement de l’utilité publique au sein de tout le royaume.
Tous les auteurs justifient la souveraineté royale par l’utilité publique.
Blanot termine sa démonstration en écrivant qu’être prince en son royaume c’est « ne reconnaître aucun supérieur dans les affaires temporelles ». Il emprunte cette phrase au pape Innocent III.

2.    L’affirmation de la souveraineté royale face à l’empire et à la papauté

Le roi se soustrait en fait à l’autorité des deux autres puissances de l’époque, le pape et l’empereur.

*L’empereur
C’est sous le règne de Philippe le Bel que la question de l’indépendance du royaume commence à être posée.
L’empire traverse depuis 1250 une crise dynastique qui ne lui permet pas vraiment de s’affirmer face au roi de France. L’empereur Henri III tentera de réanimer les prétentions impériales à la domination universelle. Le royaume de France n’a jamais reconnu aucun supérieur.

*La papauté
Contrairement à l’empire, elle va avoir l’imprudence de s’immiscer dans la vie publique du royaume au nom de la supériorité du pouvoir spirituel sur le temporel. Ce conflit entre spirituel et temporel remonte à plusieurs siècles. Entre le IVe et le Ve la question ne va pas poser de problème. Elle va réapparaitre au moment où la royauté capétienne commence à affirmer sa souveraineté.
Au IVe Augustin évêque d’Hippone affirme dans son œuvre que le pouvoir temporel devait être utilisé pour servir les intérêts de la religion sans pour autant que le pouvoir politique puisse s’immiscer dans les affaires spirituelles. Augustin na va pas jusqu’à proclamer le principe d’une prééminence du spirituel sur le temporel mais ses disciples un siècle plus tard extrapoleront la pensée de St Augustin pour affirmer cette prééminence.
Ce cap sera franchit par le pape Gélase dans une lettre qu’il va envoyer à l’empereur Anastase en 494. Gélase se considère comme la seule autorité héritière de l’empire romain. Il affirme que « depuis l’avènement du christ aucun empereur ne s’est donné le nom de pontife et aucun pontife n’a pu revendiquer la dignité royale ».
« Il y a deux choses par lesquelles ce monde est principalement gouverné, l’auctoritas consacrée des pontifes, et la potestas des rois. » Gélase soumet le pouvoir de l’empereur à l’autorité du pape en reprenant des notions de droit public romain.
Cette lettre va être reprise au XIVe pour invoquer la supériorité du spirituel sur le temporel.
Le conflit entre Philippe IV le Bel et Boniface VIII trouve sa source dans des questions financières. Le roi va mettre en place la levée de subsides mais le pape va défendre à tous les clercs de payer les subsides et au roi de les percevoir.

Grâce au travail des légistes la formule « le roi est empereur en son royaume » a permis d’affirmer l’indépendance et la souveraineté de la royauté, de la couronne de France, et a permis de faire admettre à la papauté l’autorité du roi de France. Cette maxime va être réutilisée ; au milieu du XVIe sous le règne de François Ier, la maxime sera invoquée contre l’empereur et pour soutenir la candidature royale à la couronne impériale contre Charles Quint.
Le pape essayera de s’immiscer dans la crise successorale française.

§2. La définition moderne de la souveraineté

C’est au XVIe siècle que la notion de souveraineté reçoit une véritable consécration théorique en partie pour répondre aux attaques de publicistes très hostiles à la toute puissance du roi, les monarchomaques. Les légistes royaux vont au XVIe avoir pour mission de placer le roi au dessus des querelles religieuses et vont de ce fait être obligées de repenser les fondements de l’autorité royale.

A.    La formation de la souveraineté moderne

Contre les monarchomaques des catholiques et des protestants modérés, défenseurs de l’autorité royale, vont participer à la formation moderne du concept de souveraineté. Parmi ces hommes on trouve le théoricien de la souveraineté moderne, Jean Bodin.

1.    Jean Bodin et le contexte historique

Il va avoir de l’influence en matière politique. Il sera élu aux états généraux en 1576. L’œuvre principale de Jean Bodin Les six livres de la république a pour but d’apporter une justification doctrinale à la souveraineté du roi pour essayer d’affirmer cette souveraineté dans un contexte de conflits religieux extrêmement tendu. Entre la mort d’Henri II en 1559 et la signature de l’Edit de Nantes en 1598, la France connaît une des périodes les plus dure et dramatique de son histoire : opposition violente entre catholiques et protestants. Cette guerre est d’autant plus grave qu’on assiste à une succession de minorités royales : il n’y a pas un pouvoir royal fort incarné par un roi dont la légitimité est assurée.
Catherine de Médicis va jouer sur ces conflits pour tenter d’affermir la royauté mais elle va en fait se contenter de renforcer les deux factions catholique et protestante. > Massacre de la St Barthélémy en 1562
C’est dans ce contexte extrêmement troublé que Jean Bodin va tenter de raffermir la royauté en apportant sa connaissance extrêmement étendue des événements du passé. Originalité : approche historique qui permet à Jean Bodin de définir la souveraineté comme étant le principe fondateur de la république puis de préciser la nature publique et surtout absolue et perpétuelle de la souveraineté.

2.    Les caractéristiques de la souveraineté moderne

Jean Bodin commence par affirmer que la souveraineté est le fondement de l’Etat.

a)    La souveraineté, fondement de l’Etat

« Res publica » : la chose publique, l’Etat. Cette définition donnée par Jean Bodin va connaître un très grand succès. La république est selon lui le droit gouvernement de plusieurs ménages et de ce qui leur est commun avec puissance souveraine. Il apparaît que la puissance souveraine est la garante de la communauté politique et la souveraineté est le lien qui cimente les familles entre elles pour former la république. C’est même la souveraineté qui caractérise la république selon Jean Bodin.
Un autre juriste, Charles Loyseau (1566-1627) sous le règne de Henri IV va aller un peu plus loin que Jean Bodin en comparant différentes formes de supériorité : la sieurerie (droit que chacun a sur sa chose – droit privé) et la seigneurie (« droit intellectuel et autorité que l’on a sur les personnes libres et sur les choses possédées par autrui – droit public – elle peut prendre deux formes : la suzeraineté qui appartient au seigneur particulier ou la souveraineté qui est le propre de l’Etat). Selon Loyseau, la souveraineté est la forme qui donne l’être à l’Etat.
L’Etat souverain est inaltérable, il ne peut pas disparaître.

b)    La souveraineté, puissance de commandement perpétuelle, absolue et indivisible

Définition de Jean Bodin.
La souveraineté est une puissance de commandement. Jean Bodin explique que contrairement à la puissance du mari sur sa famille ou du seigneur sur son entourage, la souveraineté est une puissance de commandement public, c’est la puissance de la chose publique. En cela, la souveraineté est supérieure à toute autre puissance et elle s’impose à tous.
La souveraineté est une puissance perpétuelle. Celui dont la puissance est temporaire ne peut en aucun cas être souverain. Cela confirme la distinction entre corps mystique et physique du roi. Il ne peut pas y avoir de rupture dans la continuité de l’Etat (instantanéité de la couronne), il faut donc envisager que c’est le corps mystique du roi qui détient la souveraineté.
Les régences illustrent bien ce principe. Louis XV âgé de 5 ans doit prononcer devant le Parlement un discours dans lequel il organise sa propre régence. Le roi est donc considéré comme toujours majeur ce qui enlève toute valeur juridique à la régence. Le roi conserve malgré sa minorité, du fait de sa personne mystique, la plénitude de l’autorité c’est à dire la souveraineté.
Le roi mineur est souverain alors même qu’il ne gouverne pas. Le régent lui n’est pas souverain alors même qu’il gouverne.
Autre illustration : les actes passés par un roi engagent ses successeurs au moment où ils montent sur le trône. Le nouveau roi peut modifier ou abroger ces actes durant son règne.
Bodin s’est inspiré des théories monarchistes concernant la couronne mais en les modifiant.
La souveraineté est une puissance absolue. C’est une puissance qui exclut naturellement toute limitation provenant d’une puissance supérieure ou extérieure quelle qu’elle soit. Le souverain est donc indépendant de toute autorité extérieure, il n’est soumis à aucune puissance. Dans la théorie de Bodin le souverain peut profiter des conseils de son entourage mais sa souveraineté reste absolue en ce sens que la décision finale revient au roi seul alors même qu’une mesure a été élaborée à plusieurs. Durant son règne, le roi peut abroger ou modifier une loi. Cette faculté peut laisser penser que le roi peut agir selon son caprice ; ce n’est pas le cas. Le souverain est tenu par la nécessité de gouverner droitement, c’est à dire conformément aux prescriptions divines et aux lois naturelles. Pour Bodin, lorsque le roi exerce un gouvernement juste, la volonté même du roi suffit à la perfection de la loi. Une illustration de cette idée figure dans la formule « tel est notre plaisir » présente à la fin des actes royaux. C’est la manifestation d’une puissance absolue.
Le roi ne peut en aucun cas s’engager dans un contrat, une relation synallagmatique. La volonté du roi souverain ne peut s’exprimer que dans des actes de commandement unilatéraux.
Il existe une limite au caractère absolu de la souveraineté royale, c’est l’impossibilité pour le roi d’abdiquer cette souveraineté.
La souveraineté est une puissance indivisible. Corollaire du caractère absolu. Le roi ne pouvant être empêché par aucune instance la décision revient au roi seul. La souveraineté est donc indivisible. Le souverain rend seul la décision qui fera autorité.

A la fin du XVIe un certain nombre d’organes comme le Parlement pensent pouvoir limiter la puissance royale de manière valide et une partie de la doctrine de l’époque affirmait le rôle du Parlement ou des Etats comme étant un rôle de limitation de l’absolutisme royal. En fait cette doctrine était relativement fidèle à la réalité car le roi demandait très souvent le consentement d’un certain nombre d’assemblées. Le consentement de ces assemblées avait une valeur importante aux yeux du roi.
Claude de Seyssel écrit en 1519 que la religion, la justice et la police constituent autant de freins à la puissance royale. Il explique que dans ces domaines un certain nombre d’individus empêchent le roi de modifier une loi sans le conseil du Parlement.
Il faut ajouter que le roi peut opposer au Parlement sa puissance absolue au moyen de quelques procédés comme l’évocation qui est la possibilité pour le roi d’appeler à lui n’importe quel litige pour que celui ci soit réglé devant lui ou ses délégués, ou encore les lettres de jussion qui imposent au Parlement l’enregistrement des lois alors même que le Parlement s’y était opposé.
En dernier ressort la souveraineté royale transparait grâce à ces procédés qui lui permettent d’avoir en quelque sorte le dernier mot.
La royauté ne partage pas sa souveraineté avec le Parlement.
Bernard du Haillan (1576) estime lui que les états généraux jouent un rôle fondamental en matière législative car leur consentement confère à la loi une autorité plus grande.
Pour ces deux auteurs, c’est le roi qui décide in fine, en dernier ressort. Cela sauve le caractère indivisible de la souveraineté royale. Cependant, ces auteurs ouvrent la porte à une sorte de contrôle d’autres organismes notamment dans l’élaboration de la loi.
Cette caractéristique de la souveraineté qu’est l’indivisibilité va pousser les juristes à opérer une très grande mutation dans la conception philosophique de la loi. Contrairement à l’époque médiévale, désormais la loi se définit comme résultant du commandement du roi puissance souveraine. La collaboration à l’époque moderne est perçue de manière négative. Les organes qui pourraient intervenir dans le processus législatif sont perçus comme des contre pouvoirs.
Affirmation de la part des parlements de leur droit de remontrances au XVIIe. Ils ne remettent pas en cause l’idée de souveraineté royale mais essaient de revenir à l’idée selon laquelle une loi n’est pas bonne si elle n’est pas conforme à la justice, l’équité, le bien commun. Dans cette perception de la loi, l’activité des parlements est extrêmement importante ; ils se donnent pour mission de contrôler la conformité de la loi au bien commun.

3.    Les différentes formes de l’Etat et du gouvernement

Il convient de déterminer qui est le détenteur de cette souveraineté. Elle revient à une personne publique habilitée à agir au nom de l’Etat.
La puissance souveraine peut être attribuée au peuple (démocratie) ou à une partie du peuple (oligarchie), ou encore à un seul individu (monarchie).
La grande originalité de Bodin est de dire que la forme de l’Etat n’implique pas la forme du gouvernement. Le gouvernement peut très bien être confié à un individu, plusieurs, ou à tous. Dans la France de l’Ancien Régime, la souveraineté et le gouvernement se confondent dans la personne même du roi. Au XVIe les juristes débattent sur les différentes formes d’Etats et mettent en avant les avantages des formes mixtes de l’Etat regroupant à la fois des éléments monarchiques, oligarchiques et démocratiques. Bodin va faire voler en éclat cette conception mixte de la forme de l’Etat au nom de l’indivisibilité de la souveraineté. Pour lui il doit toujours y avoir un souverain unique capable de statuer en dernier ressort. Selon Jean Bodin la souveraineté se trouve uniquement dans la capacité de faire la loi. Il réduit à néant les démonstrations de ceux qui optent pour un régime mixte. Si le peuple est habilité à qualifier le roi de tyran, c’est que le pouvoir souverain appartient au peuple.

B.    L’évolution du concept de souveraineté

Loyseau en 1608 : « La couronne ne peut être si son cercle n’est point entier, aussi la souveraineté n’est rien si quelque chose y défaut. »
Le XVII voit l’essor des sciences qui sont présentées comme indiscutables et finalement elles vont aider à fonder la souveraineté. Désormais la souveraineté est ou n’est pas, existe ou n’existe pas, et un Etat sans souveraineté serait un Etat mort ou du moins en très grand péril. Cardin le Bret affirme que la souveraineté est par nature « non plus divisible que le point en géométrie ».
Les auteurs sont influencés par les sciences et d’une manière générale ils rejettent l’irrationnel, l’historique comme appartenant à un passé. La nouvelle doctrine juridique qui s’affirme au XVIIe va discréditer profondément les anciens fondements de la monarchie et de la dynastie royale. Elle met à mal le caractère irrationnel de l’attachement du peuple au roi. Les symboles de la royauté et les théories sacrales sont désormais dévoilés et perdent une partie de leur sacralité et sont présentés comme totalement dépassés par les juristes et politistes du XVIIe.
Désormais les méthodes scientifiques sont utilisées par les théoriciens du droit. Bossuet utilise la Bible pour bâtir sa théorie politique en présentant les textes des testaments comme autant d’éléments rationnels. Il conclut ses démonstrations en affirmant que Dieu prend en sa protection tous les gouvernements en quelque forme qu’ils soient établis. D’autres formes d’Etats que la monarchie sont envisageables mais la monarchie reste le meilleur des régimes pour Bossuet.
Le rationalisme du XVIIe est encore extrêmement ancré dans le métaphysique et à la fin du XVIIIe c’est la raison qui finira par être divinisée.

C.    Les conséquences de la souveraineté : le roi législateur

Le rôle de législateur du roi a mis beaucoup plus de temps que celui de justicier à s’affirmer.
Jusqu’au milieu du XIII le roi ne légifère que très rarement. Ce n’est qu’à la fin du XIIIe que Beaumanoir fait du pouvoir législatif un attribut de la souveraineté. Au début du XIVe sous le règne de Philippe le Bel apparaît la véritable puissance législative du roi : par son autorité le roi préside aux lois et aux coutumes, et la législation royale s’intéresse à l’ordre public.
Les théories de Bodin sur la souveraineté apportent une nouvelle dimension à la prérogative législative du roi. Dans Les six livres de la république il fait la somme des prérogatives royales qu’il nomme marques de la souveraineté. Il va substituer à la multitude des droits régaliens la souveraineté et ses marques. Dans l’esprit de Bodin les marques sont les prérogatives qui incombent au roi du fait de sa souveraineté.
Bodin va dégager l’une d’entre elles et la désigne sous l’appellation « la puissance de donner et de casser la loi ». Cette puissance apparaît comme l’expression naturelle de la puissance souveraine et elle permet de distinguer la puissance souveraine des autres puissances à tel point que pour Bodin toutes les autres marques de souveraineté découlent toutes de cette puissance de donner et de casser la loi.
Désormais c’est le détenteur de la puissance législative qui est également le souverain et c’est le cas jusqu’au milieu du XXe.
Le roi exerce le pouvoir de légiférer sans partage. Aucun individu ou organe ne donne son accord ou son consentement à la loi.
Le roi souverain est donc seul dans l’élaboration de la loi, il est legibus solutus.
 




PARTIE 2 : L’ADMINISTRATION ROYALE


La renaissance du pouvoir royal s’étant faite de manière progressive, les moyens de l’Etat monarchique se son développés de la même façon.


Chapitre 1 : L’administration centrale

Bien que le pouvoir soit unique, le roi ne peut pas exercer le pouvoir seul sans aide ni conseils. Dès le MA la royauté pratique le gouvernement par conseil ; ainsi, le roi prend l’avis et écoute un certain nombre d’organes qu’il a créé et dont il accepte l’existence dans le cadre de la souveraineté royale.
Au niveau central, trois institutions apparaissent essentielles : le Conseil du roi qui émane de l’obligation pour les sujets royaux d’apporter aide et conseils au roi et qui doit éclairer le roi dans les décisions qu’il doit prendre, les ministres qui préparent en collaboration avec le roi les décisions, et les Etats Généraux et assemblées de notables qui permettent d’entretenir le dialogue avec le pays.

§1 – Le conseil du roi

A.    L’origine du conseil du roi

Origine du conseil du roi. A la fin du XIIe un certain nombre de techniciens apparaissent au sein de la curia régis. Ils constituent un noyau stable de cet organe. Les techniciens ont en charge la fonction de conseil du roi. La composition de la cuira régis varie d’une section à l’autre. L’origine sociale des nouveaux conseillers est moins grande que les précédents mais en contrepartie ils ont des capacités techniques.
A l’époque de Louis IX une nouvelle phase de réformes transforme l’ancienne cour féodale en plusieurs grandes formations : la curia parlamento (lieu où l’on traite des affaires judiciaires), la camera compotorum (chambre des comptes). Il ne reste auprès du roi que l’élément de la curia qui a en charge la fonction de conseil. On l’appelle la curia in consiliom. Cette partie de la curia régis est en fait ce qui va devenir le conseil du roi.
Au sein de ce conseil les grands seigneurs et les princes du sang sont considérés comme des membres nés. A coté de cette noblesse on commence à trouver un certain nombre d’hommes qui jouent un rôle juridique et politique plus importants, de conditions plus modestes, que le roi a choisit pour leurs compétences techniques. Ces hommes sont totalement dévoués à la monarchie parce qu’ils doivent leur situation au roi. Ce sont les légistes royaux. Ces hommes peuvent faire face instantanément aux problèmes rencontrés par la monarchie, mais ils peuvent aussi élaborer des théories à plus long terme, réfléchir et apporter des réponses aux problèmes rencontrés par la monarchie dans la théorisation de sa fonction.
Le caractère technique des questions va progressivement rebuter les membres nés et laisser de plus en plus de place aux techniciens, aux légistes. Ce sont eux qui vont occuper le devant de la scène sous les règnes de Louis IX, Phillipe le Bel et Charles V. Certains de ces rois vont prendre l’habitude de convoquer des conseils plus restreints composés uniquement de légistes, qui permettront au roi de résoudre des questions très délicates. Au bout d’un certain temps les rois vont convoquer des conseils très restreints appelés les conseils secrets. Ces formations sont chargées de régler dans l’urgence et dans la plus grande discrétion un certain nombre de questions.
Subdivision du conseil du roi en formations spécifiques à l’époque moderne. Ces formations seront subdivisées suivant les domaines qu’elles seront appelées à traiter. La compétence du conseil du roi n’aura plus du tout de limites

B.    La composition du conseil du roi

C’est le roi qui décide de la composition de son conseil. D’après Guy Coquille il y a au sein du conseil des conseillers nés (princes du sang, grands officiers de la couronne) et des conseillers faits (hommes choisis par le roi pour leurs compétences). La composition du conseil du roi n’est jamais tout à fait la même.
En fonction de la personnalité du souverain, la composition du conseil change. Sous les règnes puissants le conseil est majoritairement composé de techniciens.
Le statut des conseillers du roi est une dignité. En fait, seuls ceux qui portaient le titre de conseillers d’Etat et qui avaient été officiellement nommés par lettre patente « conseiller du roi en ses conseils » étaient habilités à siéger au conseil. Ceux qui n’avaient pas le titre de conseiller d’Etat exerçaient constamment des pressions pour essayer de siéger au conseil. Lors des règnes plus faibles, ces hommes forçaient les portes du conseil du roi et le roi avait beaucoup de mal à s’y opposer.
Parmi les conseillers qui jouent un rôle important il faut citer les avocats au conseil qui apparaissent au XVIe. En effet au début du XVIe afin d’écarter les avocats du Parlement du conseil du roi, le roi encourage au sein du conseil la présence d’un certain nombre d’avocats spécialisés détenant des compétences exclusives en matière contentieuse et le monopole pour déposer au conseil du roi des mémoires en faveur de particuliers.
Au milieu du XVIIe ces charges d’avocats au conseil sont érigées en offices.

C.    Organisation et fonctionnement du conseil du roi

1.    Les prémices d’une spécialisation du conseil du roi

Le conseil du roi peut délibérer sur toutes les questions dans tous les domaines. Ainsi, il est compétent en matière judiciaire, administrative, législative, financière, en matière d’affaires étrangères et en matière de guerre. Le conseil du roi va commencer à se spécialiser dès la fin du XVe. On crée un grand conseil qui va connaître des affaires soustraites à la justice ordinaire par le chancelier : il s’agit des affaires qui touchent la grande noblesse, les officiers royaux.
Sous le règne de François Ier les affaires importantes qui relèvent de la raison d’Etat sont jugées en petit comité et en toute discrétion (conseil secret). Les affaires de moindre importance sont traitées en présence d’un plus grand nombre de conseillers (conseil ordinaire).
Sous le règne de Charles IX une formation du conseil du roi sera spécialisée en matière financière : le conseil des finances.
Louis XIV va réformer totalement le conseil du roi.

2.    La réforme de 1661

Au lendemain de la mort de Mazarin Louis XIV réorganise le conseil du roi pour qu’il soit plus efficace. Le roi va faire appel aux conseillers les plus compétents dans le but d’écarter tous les hommes qui siègent du fait de leur rang ou du fait de leur fonction. Le conseil du roi va devenir le seul et unique organe de conseil.
Dorénavant les réunions du conseil vont prendre deux formes différentes -. Lorsque les affaires sont particulièrement importantes, le conseil se réunit dans le cadre de formations restreintes présidées par le roi : les conseils de gouvernement. Leurs décisions s’appellent arrêts en commandement.
Lorsque les questions traitées sont moins importantes le conseil se réunit sans le roi, celui ci laissant souvent son chancelier diriger les sessions. Ces formations sont appelées les conseils d’Etat privé, finances et direction. Leurs décisions prennent la forme d’arrêts simples.

a)    Les conseils de gouvernement

Les séances des conseils de gouvernement sont toujours présidés par le roi et se tiennent dans ses appartements. Le nombre de conseillers qui participent à la séance est généralement restreint.
On distingue parmi ces conseils de gouvernement :
–    le Conseil d’en Haut : il doit son nom au fait qu’il se réunissait dans les appartements du roi au 1er étage du château. Ce sont des formations extrêmement restreintes. C’est le roi qui demande à certaines personnes de faire partie de ce conseil ; c’est une très grande faveur qui n’est pas facilement accordée. Le conseil d’en haut va assez rapidement se spécialiser dans les affaires de diplomatie, affaires étrangères…

–    le Conseil des dépêches : il reçoit toute la correspondance administrative et tout particulièrement la correspondance des intendants installés en province et qui rendent compte au roi. Ils font parvenir au conseil de rapports sur l’état des régions qu’ils administrent. Cette formation s’occupe presque exclusivement de problèmes intérieurs. Les décisions de ce conseil prennent très souvent la forme d’arrêts qui apportent une solution en matière administrative ou qui tranchent une affaire contentieuse, tout particulièrement lorsqu’elle a trait à la politique ou la gestion de l’Etat. Il rédige également toute une correspondance à l’intention des provinces et des intendants. Les ministres, les fils royaux sont admis plus tôt à ce conseil qu’au conseil d’en haut. Au total, siègent environ une douzaine de personnes. C’est le roi qui le préside. Au début du règne de Louis XIV le conseil siège au moins une fois par semaine ; à la fin de son règne, rythme hebdomadaire.

–    le Conseil royal des finances : les origines du conseil royal sont anciennes. C’est sous le règne de louis XI qu’il apparaît. Dans la seconde moitié du XVe on a essayé pour la première fois de créer un conseil des finances mais il faut attendre le XVII pour trouver un véritable organe de gestion financière. C’est Louis XIV qui créé le conseil royal des finances. Ce conseil se compose du principal ministre, de presque tous les ministres (du moins ceux qui sont spécialisés dans les problèmes financiers), du chanceliers, de conseillers d’Etat, du contrôleur général des finances. Le conseil est présidé par le roi lui même. A partir de la réforme de Louis XIV le conseil des finances se réunit trois fois par semaine. Sous le règne de Louis XV il se réunit une fois par semaine. Le conseil se réunit sur tout ce qui touche la finance, le roi signe toutes sortes d’ordres de paiement. Le conseil examine le budget et les comptes du trésor royal, c’est lui qui établit les impôts et organise leur recouvrement, il s’occupe de tout ce qui concerne le domaine, les emprunts royaux, les questions monétaires. Le fait de s’occuper de toutes ces questions fiscales et financières le conduit à intervenir dans des domaines variés de l’économie : industrie, commerce, agriculture. Il a également des compétences en matière contentieuse : le roi lui confie par révocation des litiges en matière fiscale et financière.

b)    Le Conseil d’Etat privé, finances et direction

Cette formation du conseil du roi est la partie la plus ancienne du conseil de roi. Les séances de ce conseil sont élargies parce que ce conseil d’Etat privé est ce qui reste de l’ancienne formation plénière du conseil du roi primitif.
Le conseil d’Etat privé est extrêmement différent des conseils de gouvernement. Alors que les conseils de gouvernement du fait de leur technicité sont à l’origine du conseil des ministres, le conseil d’état privé lui est à l’origine du fait de ses compétences de la cour de cassation et du conseil d’Etat.
L’appellation lourde de ce conseil s’explique par la double mission confiée à ce conseil : la première consiste à rendre une justice civile, retenue, en faveur de tous les justiciables. Il incarne donc la fonction judiciaire du roi. La deuxième est une mission financière et politique dans le cadre de conseil de direction des finances.
C’est en théorie le roi qui préside ce conseil. Dans les faits c’est assez rarement le cas. En l’absence du roi c’est le chancelier qui préside les séances. On maintient la fiction de la présence du roi par une formule située en abs des arrêts : « le roi en son conseil ».
Ce conseil n’est pas une structure légère. Un très grand nombre de personnes y siègent. Membres de droit : princes du sang. Eléments professionnels : conseillers d’Etat et maitres des requêtes répartis en 4 groupes.
Le conseil d’état privé est étroitement lié à tout ce qui touche à la haute administration. On trouve des intendants des finances, des ministres du roi. D’une manière générale ils assistent beaucoup moins aux séances que les conseillers d’état ordinaires et les maitres des requêtes.

Le conseil d’état privé dispose de compétences multiples. Il statue dans le cadre de deux formations : soit dans le cadre de la formation de conseil d’état privé soit dans le cadre d’une formation de conseil d’état finances et direction. Ces deux formations maintiennent une unicité puisque les décisions prises le sont au nom du souverain et sont considérées comme étant prises par le conseil dans son entier (fiction juridique).
On appelle aussi ce conseil le conseil des parties parce qu’il a des compétences en matière judiciaire. Il a pour fonction de réguler la justice de manière générale. L’évocation est un droit en vertu duquel le roi source de toute justice peut appeler devant lui ou devant ses délégués tout litige qui relève normalement de la compétence d’une juridiction déterminée ordinaire. On peut procéder à une procédure d’évocation dans le cas où l’une des parties ne souhaitait pas que l’affaire soit jugée devant un tribunal ordinaire, ou encore dans le cas où le roi le souhaite, le demande, pour qu’une affaire ne soit pas jugée par le tribunal normalement compétent mais par son conseil.
Lorsque deux tribunaux se trouvent dans une situation de conflit de compétences le conseil d’état privé est sollicité pour trancher le conflit. Les juridictions souveraines en conflit de compétence vont faire appel au conseil d’état privé pour régler le conflit. Le conseil d’état privé est amené à statuer en voie de cassation.

Le conseil finances et direction se réunit de manière hebdomadaire pour régler toutes les questions financières quotidiennes qui n’exigent pas la présence du roi. Il doit aussi intervenir en matière de contentieux fiscal. Ces compétences ont été récupérées par d’autres conseils à partir de la fin du XVIIIe.

Le conseil du roi a été organisé de manière très minutieuse par louis XIV à partir de 1661. Il est à la tête de toute la hiérarchie administrative et politique du royaume. Au sein de ces conseils on trouve des légistes dévoués à la monarchie.
Ces conseils qui sont donnés au sein du conseil du roi ne lient jamais le roi. Il retire un certain nombre d’avantages tout particulièrement politiques du gouvernement par conseil.

A l’issue du règne de Louis XIV une pratique va se mettre en place. Les aristocrates vont instituer une pratique administrative, la polysynodie.

D.    L’échec de la polysynodie

A la mort de Louis XIV après un très long règne de 54 ans on assiste à une revanche d’une partie de l’aristocratie qui ne supportait pas d’avoir été émincée de presque toutes les formations du conseil du roi.
L’aristocratie va mener son combat au nom du refus de l’absolutisme. Elle va se présenter comme l’unique frein à l’absolutisme royal qu’elle n’hésite pas à transformer en tyrannie. Ces aristocrates s’insurgent également contre la très grande place prise par la bourgeoisie au plus haut niveau de l’Etat royal.
Les aristocrates vont profiter de la mort de Louis XIV pour former un véritable complot mis en place par les ducs de Saint-Simon et de Chevreuse. Le but de ce complot est d’éliminer un certain nombre de ministres et le contrôleur général des finances en cassant la structure du conseil du roi. Le complot va essayer de retirer leur pouvoir de décision aux membres du conseil du roi issus de la bourgeoisie et de les ramener à un rôle de simples exécutants. Pour remplacer ces techniciens issus de la bourgeoisie les comploteurs multiplient le nombre de conseils, en leur donnant à tous des pouvoirs égaux et en prenant les membres de ces conseils essentiellement au sein de la vieille noblesse d’épée. C’est les système de la polysynodie = pluralité d’assemblée.
Ces conseils devaient délibérer par domaines, puis en commun, des grandes orientations politiques du pays.
La réforme va être annoncée au cours d’une séance du Parlement.
7 conseils sont institués (affaires étrangères, guerre, marine, finances, affaires du dedans, commerce et conscience) à la place du conseil du gouvernement. Ils sont composés de grands seigneurs assistés de conseillers d’Etat et de maitres de requêtes désignés par le régent.
Au dessus de ces sept conseils on institue un conseil général de régence qui va disposer seul du pouvoir de rendre des arrêts. Ces arrêts seront préparés par les sept conseils, assez rarement désavoués dans leurs décisions. Ils sont aussi chargés d’exécuter les arrêts pris par le conseil de régence.
Ce système de polysynodie va avoir une très courte longévité. 1722 : elle est définitivement enterrée. L’échec de ce système est dû essentiellement à l’inexpérience absolue de la noblesse d’épée qui s’est trop longtemps tenue à l’écart du gouvernement du royaume. L’administration était devenue beaucoup plus fonctionnelle et efficace avec Louis XIV et la vieille noblesse n’était pas préparée à cette évolution.

§2. Les ministres

A.    Origines

La fonction de ministre :
A partir de la fin du MA on distingue entre la maison du roi et la cour.
La maison du roi regroupe tout l’entourage royal qui suit le roi dans tous ses déplacements (clercs et chevaliers principalement). A partir du XIIIe on commence à distinguer parmi ces chevaliers des chevaliers « ès lois » qui deviendront des légistes. Le nombre d’officiers de la maison du roi n’est pas fixé. C’est également le cas des missions qu’ils doivent remplir. La plupart de ces grands officiers domestiques (domus = maison) disparaissent avant le XVIe. Un certain nombre de fonctions disparaissent aussi. Le chancelier chargé d’authentifier tous les actes royaux en y opposant le sceau royal. La fonction de chancelier existe depuis le tout début du MA, et constitue une exception puisque la plupart des offices médiévaux qui subsistent à l’époque moderne sont totalement vidés de leur contenu.
Le service de la maison du roi conserve un grand prestige du fait de la proximité que cela engendre avec le roi et la famille royale.
Les ministres participent à presque toutes les formations du conseil du roi. Dans son acception la plus ancienne le terme ministre renvoie au latin ministerium qui signifie le service.
Le roi dispose de six ministres : un chancelier, quatre secrétaires d’état, un surintendant. Chacun d’eux est responsable d’un département ministériel. Certains rois ont eu un principal ministre. Les missions de ce ministre restent assez incertaines.

B.    Les différentes catégories de ministres

1.    Le chancelier

C’est un des principaux personnages de l’Etat qui ait su se maintenir entre le MA et l’époque moderne. Son statut ne varie pas énormément. Il est titulaire d’un office et est donc inamovible. C’est un des seuls à ne pas être obligé de prendre le deuil à la mort du roi. Ses pouvoirs sont très larges et concernent trois domaines principaux : garde des sceaux royaux, chef de la justice, direction de la librairie.

a)    La direction des services de la chancellerie : la garde des sceaux

Le chancelier est chargé de toutes les écritures royales qui nécessitent l’apposition du sceau. Il est également chargé de l’expédition de tous les actes qui émanent du roi (législatifs ou particuliers). Il n’appose les sceaux qu’après avoir vérifié la teneur des actes royaux. C’est non seulement un droit mais aussi un devoir. Le contrôle effectué sur les actes royaux autorise le chancelier à différer l’expédition d’un acte émanant du roi. Il peut aussi adresser au roi des remontrances. Le roi reste cependant souverain et peut obliger le chancelier à sceller un acte qui sera alors scellé « sur expresse mandement du roi ».
En cas de conflit grave entre le roi et le chancelier le roi peut retirer les sceaux au chancelier. Celui ci perd donc tout pouvoir mais il reste en fonction puisqu’il est inamovible. Dans ce cas le roi nomme un garde des sceaux commissaire donc révocable donc beaucoup plus maniable.

b)    Chef de la justice

Le chancelier contrôle le personnel judiciaire, préside les séances du conseil du roi lorsque celui ci n’y assiste pas. Il dispose d’un droit d’entrée dans tous les tribunaux du pays, et il peut présider toutes les cours et tous les tribunaux. Le chancelier peut parler à la place du roi s’il est absent.

c)    Chef de la librairie

Le chancelier est chargé de la censure préalable des ouvrages. Il contrôle toute la propagande et les idées circulant dans le royaume. Cette fonction remonte au milieu du XVIe.
Le chancelier appose un sceau autorisant les ouvrages à être diffusés. Il doit également surveiller les universités. Il a également un rôle de lien entre la royauté et l’autorité ecclésiastique.

2.    Les secrétaires d’Etat
Le roi a à sa disposition un certain nombre de personnages auxquels il attribue de grands services publics. Ils proviennent très souvent de la bourgeoisie : ce sont les secrétaires d’Etat. Ceux ci assument des taches que l’on pourrait comparer à celles des ministres aujourd’hui.

a)    Origine des secrétaires d’Etat

Conserver le secret des affaires royales > secrétaires
A la fin du MA ils sont environ une centaine. A partir du XVIe, le roi va effectuer une sélection de ces commis en fonction de leurs aptitudes et il ne va conserver que les plus doués dans le gouvernement du royaume. Ils vont passer de 100 à 4, sous le règne d’Henri II. Ils prendront alors le nom de secrétaires d’Etat.

b)    Statut des secrétaires d’Etat

Ce sont tous des commissaires, librement révocables par le roi.
Fonction viagère qui deviendra héréditaire. Par exemple, famille Colbert.
Les secrétaires sont très souvent choisis au sein de la bourgeoisie de robe. Ils ont très souvent été anoblis du fait de leur fonction. Ils sont donc totalement dévoués au roi.
Au XVIIIe le prestige des secrétaires d’Etat est tel qu’un assez grand nombre de nobles vont essayer d’obtenir cette charge par tous les moyens possibles, en écartant les membres de la bourgeoisie.

c)    Compétences

Ils conservent leurs fonctions primitives de notaires, ils ont donc la charge de contresigner les actes émanant du roi. Ils contrôlent toute la correspondance reçue par le roi. Ils participent à l’élaboration de toutes les décisions administratives. Les affaires concernant les finances et la justice sont exclues de leurs compétences.

3.    Le contrôleur général des finances

A la tête de l’administration des finances.
Jusque dans les premières années du XVIe les finances avaient une direction collégiale assez complexe. La collégialité s’expliquait par la peur de la royauté de voir une seule personne manier les finances royales. L’administration des finances était divisée en quatre pôles distincts : ordonnateur (donne les ordres de paiements), liquidateur (paye les dépenses de l’Etat), personne en charge des revenus ordinaires, personne en charge des revenus extraordinaires.
Sous le règne de François Ier, un certain nombre de réforme vont être prises avec pour but de faire fusionner les différents domaines des finances. Charles IX dans la seconde moitié du XVIe va confier à un seul personnage la présidence et le contrôle d’un certain nombre d’agents financiers (intendants des finances), le surintendant des finances. Il devient à la fois l’ordonnateur et le liquidateur des dépenses de l’Etat, et il gère tous les revenus ordinaires ou extraordinaires. La tache du surintendant est extrêmement délicate et la difficulté vient du fait qu’il doit combler les finances royales qui ne sont pas au meilleur de leur forme à cette époque. Il doit donc trouver une série de remèdes pour arriver à boucler les finances royales. Un des remèdes trouvés est le recours à l’emprunt auprès de particuliers. Les prêts consentis au trésor royal seront garantis par le surintendant lui même. La richesse du surintendant permet à l’Etat de contracter des prêts. Les surintendants vont avoir constamment tendance à chercher à s’enrichir davantage (pots de vins ou prêts à l’Etat à taux très avantageux). Un homme va aller trop loin dans sa volonté de s’enrichir, Nicolas Fouquet, arrêté en 1661 puis jugé par une commission spéciale (arrestation en fait organiser par un intendant, Colbert). Louis XIV va alors décider d’assumer lui même la direction des finances et supprime la surintendance. Mais cette fonction prend du temps et le roi va alors créer pour l’assister le conseil royal des finances dont Colbert ne tardera pas à prendre la direction. Il est nommé contrôleur général des finances en 1665. Cette fonction est créée pour lui mais va perdurer jusqu’à la fin de l’ancien régime.
Le roi est désormais ordonnateur des dépenses de l’Etat. Le contrôleur général des finances coordonne et dirige tous les agents publics chargés d’une fonction financière quelle qu’elle soit. Le contrôleur dirige toute l’économie du royaume mais cette fonction remet constamment en cause la responsabilité de celui qui en a la charge.

§3. Les Etats généraux et les assemblées de notables

L’origine des assemblées telles qu’on les rencontre sous l’ancien régime remonte à l’époque féodale.
Depuis le XIIIe le devoir de conseil qui incombait traditionnellement aux vassaux royaux s’est transformé en obligation faite au roi de demander l’avis de ses sujets, au moins à chaque fois que des questions délicates se posent.
A partir du début du XIVe ces assemblées ont joué un rôle particulièrement important et ont permis de montrer une certaine forme de représentation du royaume. A partir de pratiques anciennes et coutumières se sont imposées les règles de fonctionnement des états généraux et des assemblées de notables.

A.    Les états généraux

Seconde moitié du XIIIe, ordres sociaux commencent à s’organiser. Ces ordres disposent d’un certain nombre de prérogatives propres à chaque ordre. Petit à petit le roi va avoir tendance de plus en plus souvent à réunir les représentants de ces ordres, appelés états, pour qu’ils lui apportent des conseils et du soutien. Les états généraux vont apparaître sous leur forme moderne en 1484 sous la régence de Charles VIII.

1.    Le statut des états généraux

La royauté a toujours refusé d’établir une réglementation spécifique aux états généraux, craignant que ces règles ne donnent trop d’importance à ces assemblées qui devaient en théorie rester soumises au bon vouloir du roi.
La coutume a contribué à donner aux états généraux de grands principes et c’est cette coutume qui sera invoquée en 1789 pour la réunion des états généraux et pour régler le vote des états généraux.

a)    Convocation et composition des états généraux

Seuls sont convoqués les hommes liés au roi par un lien de nature féodale. Très vite le développement de la notion de couronne va favoriser l’idée que ce sont les représentants des trois ordres de la nation qui doivent être convoqués par le roi pour donner l’avis de la nation. Chaque député représente son ordre et non la nation toute entière. Les modalités retenues pour la désignation des députés peuvent varier d’un ordre à un autre. Aucun représentant aux états généraux n’est membre de droit de ces assemblées donc c’est le principe électif qui a fini par s’imposer dès 1484.
Dès que le roi a pris la décision de convoquer les Etats, un ordre est donné aux agents locaux de déclencher le processus électoral au sein des circonscriptions locales (baillages et sénéchaussées). Un député est élu pour chaque ordre. Tous les sujets sont électeurs, aucune condition de cens ou de sexe. En pratique dans le troisième ordre (tiers état) les élections ne se déroulent pas à partir de listes électorales préétablies.
Une fois les députés élus, ces derniers se rendent dans la ville où le roi a décidé que se tiendraient les états généraux, et constituent l’assemblée des états généraux. Ils reçoivent une indemnité de la part de leurs électeurs.
Le nombre de députés varie en fonction des époques, de 80 à 1200.
Les députés ne forment pas un corps dans la mesure où les assemblées ne survivent pas à leurs membres. Le mode de composition des assemblées varie à chaque consultation. La procédure de désignation des députés ne sera jamais définitivement arrêtée mais c’est toujours le roi qui décide de la convocation des états généraux.
Un courant va essayer d’imposer les états généraux comme une limite à la toute puissance royale pendant les guerres de religion. Certains monarchomaques vont revendiquer la réunion des états généraux comme un ultime rempart contre la tyrannie royale. Cette proposition constitue une alternative à la violence et un moyen constitutionnellement acceptable de limiter l’arbitraire royal.

b)    Le fonctionnement des états généraux

Les états généraux sont placés entièrement entre les mains du roi et disposent d’une marge de manœuvre extrêmement limitée dans la mesure où ils ne sont investis que d’un mandat impératif (ils ne peuvent pas se prononcer sur des sujets qui n’auraient pas été mentionnés par leurs électeurs dans les cahiers de doléances). Les députés défendent en outre les intérêts particuliers de leur ordre et n’ont pas pour vocation de défendre d’autres intérêts étant donné que la défense de l’intérêt général incombe au roi.
La royauté aurait aimé que les députés reçoivent des électeurs un mandat représentatif. Ce fonctionnement particulier des états généraux débouchait très souvent sur des blocages traduits bien souvent par une rupture de dialogue entre les états généraux et le pays. Pas de convocation des états généraux entre 1714 et 1789. Le mandat impératif traduit la nature profonde des états généraux qui n’ont aucune autonomie. Les états généraux sont en fait liés en amont par le roi et en aval par les électeurs.
Le roi fixe la durée de la session et établit l’ordre du jour. Il réunit le premier jour de l’ouverture de la session les députés tous ensemble. Chaque ordre vérifie les pouvoirs de ses députés séparément et chaque ordre désigne son bureau et son orateur officiel. L’orateur officiel est appelé à prendre la parole seul au nom du groupe. Les députés siègent par ordre et au sein de chaque ordre ils sont réunis de manière géographique en fonction de la circonscription qu’ils représentent.
Le roi rend la session inaugurale extrêmement fastueuse. Le chancelier prend la parole pour présenter l’ensemble des questions à traiter, puis les orateurs des trois ordres lancent le débat. Les députés doivent ensuite délibérer. Ces délibérations se font séparément par ordre. Cette séparation arrête toute dynamique de réflexion de groupe.
Chaque ordre ne dispose que d’une voix. Chaque scrutin totalise donc trois voix. La grande revendication du tiers état en 1789 sera le vote par tête. Le vote par tête est finalement prohibé parce qu’il supposerait une égalité de principes entre chacun des députés. Il supposerait également une égalité entre les ordres, ce qui est totalement exclu par la répartition trifonctionnelle de la société.
La notion de souveraineté va apporter un bémol à cette conception de la société car elle implique une égale soumission de tous les sujets au roi quel que soit l’ordre auquel ils appartiennent. La notion de souveraineté et ses conséquences seront assimilées par la plupart des députés du tiers état qui vont alors se servir de cette faille pour imposer le vote par tête.
Exception : La fiscalité incombe beaucoup plus au tiers état qu’au clergé et à la noblesse, donc le vote ne se fait pas à la majorité.

2.    Les attributions des états généraux

Les monarchomaques sont en faveur d’une limitation du pouvoir monarchique par le biais des états généraux. Ceux ci doivent pouvoir partager l’exercice de la souveraineté avec le roi. Cette théorie va être reprise par les états généraux qui ne vont pas tarder à revendiquer le droit d’intervenir dans tous les domaines. Ils vont se présenter en véritables représentants de la nation.

a)    Les prérogatives des états généraux

Elles dépendent des exigences de l’intérêt général qui est du ressort du roi. Il existe toute une série de domaines dans lesquels les états généraux interviennent de manière régulière, domaines qui sont liés aux attributions traditionnelles d’aide et de conseil.
Domaine fiscal : du XVIe au XVIIIe les états généraux vont prétendre que leur accord est toujours nécessaire à la levée de nouveaux impôts. Il ne sera pas rare à ce sujet de voir un bras de fer se mettre en place entre le roi et les états généraux pour la levée de nouveaux impôts.
En dehors de ces questions financières, devoir de conseil lors de problèmes politiques graves ou lorsque le roi a besoin de se tenir informé de l’opinion de ses sujets pour prendre une décision politique. Correction des abus donne lieu à la rédaction d’ordonnances appelées de réformation. Etats de Blois de 1575 : question discutées par les états se sont transformées en ordonnances promulguées en 1579.
Les états peuvent aussi se prononcer sur des questions de politique internationale, en faveur ou contre un traité de paix par exemple. Ils peuvent être associés aux décisions qui portent sur l’opportunité de continuer une guerre, et peuvent être amenés à se prononcer sur la succession royale. Ils ont donc un rôle à jouer dans la sauvegarde des lois fondamentales du royaume. Les états généraux se considèrent comme les spécialistes du droit public et la plupart des légistes royaux leur reconnaissent le droit de désigner une autre lignée en cas d’extinction de la lignée régnante. Cette prérogative découle de l’usage et la première intervention des états généraux dans une crise successorale remonte à l’intervention des barons et des prélats consultés pour essayer d’apporter une réponse à la crise successorale en cours. Les états généraux vont ainsi prétendre être les seuls dépositaires d’une juste interprétation des lois fondamentales.
En fait, en 1588, les états généraux ont été réunis à Blois sous la pression de la ligue catholique pour imposer à Henri III de prêter serment à l’édit d’union promulgué en juillet (roi de religion catholique). Le roi octroie lui même aux états la possibilité d’avoir son mot à dire dans l’interprétation des lois fondamentales. La décision d’incorporer l’édit d’union dans les lois fondamentales devient irrévocable.
En 1593 les états généraux vont être à nouveau convoqués à Paris pour se prononcer sur la succession au trône de France et pour savoir s’il fallait accepter Henri de Navarre comme roi alors qu’il était protestant. Les états généraux furent embarrassés par la difficulté de leur tache et leur refus de répondre dans ce cas précis va être fatale dans leur ambition d’être les interprètes exclusifs des lois fondamentales. Ils vont se limiter eux mêmes dans l’exercice du pouvoir d’interprétation qu’ils s’étaient eux mêmes attribués.

b)    Les prétentions des états généraux

En général assez éloignées de leurs prérogatives réelles.
Les états généraux ont un rôle politique à jouer et ont parfois la satisfaction de formuler un certain nombre d’avis donnant lieu à des ordonnances de réformation. Une certaine ambition s’est développée. Elle se manifeste en général quand la monarchie est en proie à une crise.
Les assemblées des états généraux vont essayer de limiter les prérogatives royales, faisant souvent virer leurs revendications vers une véritable action révolutionnaire. Au XVIe la plupart des revendications des états généraux porte sur leur statut et sur le fait que selon eux leurs délibérations sont l’expression de la souveraineté populaire. Problème car dans ce cas le roi ne peut pas faire la loi ou lever l’impôt sans le consentement des états généraux.
La royauté nourrit à l’égard des états généraux des soupçons de révolte hiérarchique. Les états généraux ne sont que le porte-parole d’intérêts particuliers par opposition au roi qui est censé être le gardien de l’intérêt générale.
La méfiance du roi à l’égard des états généraux s’est accentuée.
Division entre les trois ordres.

B.    Assemblées de notables

Réunies à partir du début du XVIIe, elles se présentent comme un conseil du roi élargi. Ces assemblées réunissent beaucoup moins de personnes que les états généraux. Pas d’élection, les notables sont directement convoqués par le roi. Il les choisit en fonction de leur capacité, de leur dévouement à la chose publique.
Le tiers état ne semble pas appelé à y siéger mais une partie des notables qui y siègent sont des officiers anoblis par le roi. Le tiers état participe donc d’une certaine manière à ces assemblées de notables. On a parfois parlé de quatrième état pour ces gens anoblis de gens de justice.
Le roi est maitre de la convocation des assemblées de notables, il fixe l’ordre du jour et c’est à lui que revient l’initiative des propositions discutées au sein de l’assemblée. Les délibérations se font en commun et le vote a lieu par tête. Aucune règle stable n’a été instituée en ce qui concerne la convocation et la mission des assemblées. Une institutionnalisation trop stricte nuirait à leur bon fonctionnement et à leur souplesse.
Le principe de ces assemblées est d’apporter au roi des conseils sur des questions spécifiques ; le souci d’efficacité ressort de leur composition. Le roi doit pouvoir compter sur des conseils permettant d’apporter une réponse rapide aux circonstances. Les assemblées ne sont pas habilitées à adresser des doléances au roi, elles ne donnent qu’un avis. Ces avis servent à établir la législation royale. Les assemblées ne sont convoquées que pour répondre aux circonstances : elles peuvent donc se prononcer à peu près sur toutes les questions. Les assemblées se caractérisent par une composition ad hoc. Les assemblées peuvent se prononcer sur des questions relevant de la politique interne ou internationale, sur les problèmes financiers rencontrés par l’Etat, sur des questions ayant trait à la justice.
En 1626 une assemblée de notables est convoquée pour se prononcer notamment sur la justice du royaume. En 1627 une grande ordonnance va porter réformation de la justice du royaume (code Michau) et notamment la procédure judiciaire.
Ces assemblées n’existent que par et pour les problèmes qu’elles ont à résoudre.
Fin XVIIe début XVIII : réunions des assemblées de notables vont se raréfier. La rationalisation de l’administration n’est plus compatible avec la convocation de ces assemblées.
Début XVIIIe le roi ne souhaite plus avoir recours à la consultation des forces vives du royaume.


Section 2 – La fonction publique et l’administration locale

§1. La fonction publique : le statut des agents de l’Etat

La pratique du gouvernement rend nécessaire la délégation d’une partie du pouvoir du roi à des agents exerçant des taches déterminées sous le contrôle royal. Tous ces agents n’ont pas le même statut. Certains sont des officiers, d’autres des commissaires.
Traditionnellement le pouvoir des officiers et des commissaires reposait sur une délégation de l’autorité royale temporaire et révocable. Cependant, une distinction va se faire entre les commissaires dont la mission cesse dès qu’elle a été remplie et les officiers qui sont chargés d’un office qui va se perpétuer à travers ses titulaires successifs.

A.    Les officiers

Au XIIIe siècle, apparition du personnel technique.
Les agents sont recrutés par le roi en fonction de leurs capacités. La technicité grandissante de l’administration nécessite un recours à un personnel qualifié.
Les officiers sont souvent des juristes qui ont acquis des compétences. Jusqu’au XIVe ils sont issus du clergé et de la noblesse, puis de la riche bourgeoisie marchande.
Le service du roi prend un aspect de carrière (cursus honorum) : études de droit puis service d’une clientèle privée.
La gestion commune des affaires du roi assure une diversité sociale des officiers.
Au XVe les officiers constituent un groupe à part situé entre noblesse et tiers état.
Entre le Moyen-Age et l’époque moderne, le statut de ces officiers va se trouver bouleversé.
Inamovibilité des officiers : ils gardent l’office durant leur vie (caractère viager). Puis l’hérédité de leur charge finit par s’imposer.

1.    L’inamovibilité

Jusqu’au XVe le roi reste libre de nommer et révoquer les officiers. Il leur confère des fonctions rémunérées, limitées dans le temps et dans l’espace. Le roi peut suspendre, destituer sans aucun motif. Les officiers vont acquérir une stabilité progressivement, qui s’explique par leurs compétences. L’intérêt des affaires publiques entraine la stabilité des officiers.
Au début du XVe, l’office est conféré par le roi sans limitation de durée > service ininterrompu.
La guerre civile rend les officiers vulnérables aux luttes partisanes. Ils vont chercher à obtenir du roi un statut protecteur. Pour cela, ils vont se fonder sur le droit canonique qui reconnaît l’inamovibilité aux titulaires de bénéfices ecclésiastiques.
1467 : l’ordonnance de Louis XI affirme que l’office est conféré seulement s’il est libre de tout titulaire (il est vacant dans trois cas : mort de l’officier, résignation volontaire de l’officier ou forfaiture lorsque l’officier a commis une faute grave).
L’inamovibilité des officiers est alors presque reconnue. L’office acquiert un caractère viager : indépendance à l’égard du roi de l’officier.
La stabilité des offices explose avec l’apparition de la patrimonialité des offices.

2.    La patrimonialité des offices : vénalité et hérédité

Patrimonialité : fait d’utiliser une charge ou une fonction comme un bien personnel. Elle va prendre deux aspects différents : la vénalité puis l’hérédité.
Le caractère viager de l’office va inciter les officiers à considérer leur charge comme un bien personnel qu’ils peuvent vendre (vénal) ou transmettre à des proches (héréditaire).

a)    La vénalité des offices

Elle va s’installer par étapes. Cette habitude apparaît lorsque l’officier se démet de sa charge en faveur d’un proche moyennant une compensation pécuniaire. La royauté admet la vénalité mais ne l’organise pas : période de la vénalité occulte. En fait, les officiers vont s’inspirer d’une disposition du droit canonique pour avoir la main sur le devenir de leur office. Il existait en droit canonique une pratique appelée résignation en faveur d’un tiers. Dans le domaine du droit canonique la cession du bénéfice d’un clerc vers un autre devait obligatoirement se faire à titre gratuit et devait intervenir au minimum 40 jours avant la mort du clerc titulaire du bénéfice ecclésiastique. Les officiers royaux vont s’inspirer de cette pratique mais vont la dépasser. La pratique va s’imposer dès le XIVe de céder son office à un tiers alors qu’on est encore en fonction. Cette cession s’effectue moyennant finance. Un officier peut donc résigner sa charge au profit d’un tiers qu’il présente au roi. Si le roi l’estime capable il acceptera de le nommer.
Dans la seconde moitié du XVe des ordonnances interdisent les cessions monnayées. La royauté refuse ainsi le caractère vénal des cessions. Elle essaye de faire jurer à chaque titulaire d’un office qu’il n’a versé aucune somme d’argent au précédent titulaire de l’office.
A la fin du XVe une véritable vénalité occulte des offices est imposée à la royauté qui décide d’essayer d’en tirer partie.
Seconde étape : la royauté organise la vénalité des offices.
Elle va reprendre à son compte à partir du XVIe le système de vénalité des offices. Dans un premier temps la vénalité est pratiquée uniquement sur les offices vacants. Les offices sont donc cédés par le roi moyennant finance : on parle de parties casuelles et inopinées.
Peu de temps après, on ouvre un bureau des parties casuelles. La vénalité devient donc officielle et va se répandre de plus en plus. Les officiers vont donc exiger qu’on leur reconnaisse officiellement le droit de disposer de leur charge. La royauté va accepter moyennant le versement au trésor royal d’une taxe d’un montant équivalent au quart de la valeur légale de l’office.

b)    L’hérédité des offices

A partir de la seconde moitié du XVe sous le règne de Charles IX la royauté a de plus en plus besoin d’argent et elle va s’inspirer des dispositions canoniques pour essayer de récupérer le plus grand nombre possible d’offices gratuitement. La royauté décrète en s’appuyant sur la règle des 40 jours qu’un office qui n’est pas résigné par son titulaire 40 jours avant sa mort revient à la royauté et tombe dans les parties casuelles. Cette règle va susciter de nombreuses oppositions et la royauté va alors accepter de délivrer à certains officiers moyennant finance des lettres de survivance. A la fin du XVIe Charles IX décide dans un édit que tous les officiers qu’il souhaite peuvent être dispensés de la règle des 40 jours à partir du moment où ils acceptent de payer au roi un tiers de la valeur de leur charge. On parle de tiers denier.
Peu d’officiers étaient en mesure de payer ce tiers denier.
Un système va être développé en 1604 par un financier, Charles Paulet, qui fait accepter par le conseil du roi un arrêt prévoyant l’hérédité des offices moyennant le versement d’une taxe annuelle équivalente à 1/60ème de la valeur légale de l’office. La taxe est appelée la Paulette.
Désormais l’office est presque librement transmissible aux héritiers soit par voie testamentaire soit ab intestat (sans dimension testamentaire).
Il va devenir difficile pour le roi de racheter les offices.

3.    Les conséquences de la patrimonialité

La patrimonialité va avoir des conséquences financières et politiques. Elle procure des revenus considérables grâce à la paulette et la création de nouveaux offices.
Les charges sont extrêmement recherchées et leur prix ne cesse d’augmenter. Le prix élevé des offices va les rendre accessibles uniquement à l’aristocratie et à la haute bourgeoisie. Les revenus que l’on tire des offices sont assez modestes et les officiers vont essayer de compenser le prix d’achat en faisant payer aux sujets toutes sortes de taxes plus ou moins justifiées.
Au bout d’un moment, la royauté ne pourra plus racheter les offices. L’avantage de la patrimonialité est de permettre de faire passer un certain nombre d’offices des mains de la noblesse à celles de la bourgeoisie. Les bourgeois vont par le biais des offices accéder à une carrière. Mais la patrimonialité va donner aux titulaires des offices une certaine indépendance qui va dans un premier temps être salutaire mais dans un second temps devenir trop importante. L’hérédité va donner une sensation d’impunité totale aux officiers et l’indépendance des officiers va devenir telle qu’elle va très vite se manifester de manière parfois agressive à l’égard de la royauté.
L’engouement de la bourgeoisie pour les offices va détourner la bourgeoisie d’investissements notamment en matière industrielle. Donc retard de la France sur les industries d’autres pays européens. L’engouement pour les offices va rendre parfois l’administration très lourde à gérer et donc inefficace.
La patrimonialité fait perdre au roi le contrôle de ses agents et la maitrise de leur recrutement.
La royauté va se tourner vers les commissaires.

B.    Les commissaires

1.    Le statut des commissaires

La commission est une fonction déléguée par le roi de manière temporaire. Le commissaire est révocable ad nutum (= à tout moment) par la décision souveraine du roi et l’étendue de ses fonctions dépend aussi de la volonté du roi.
C’est une fonction publique conférée par délégation du roi de manière extraordinaire. La commission intervient pour répondre à un besoin précis et limité dans le temps de la royauté.
C’est le roi qui décide d’instituer une commission et d’en doter le titulaire des pouvoirs exigés par la mission à remplir. Le commissaire reçoit une lettre de commission dans laquelle le roi précise ses attributions. Le roi peut à tout moment mettre fin à la commission.

2.    Les conséquences de la pratique des commissions

La royauté a utilisé les commissions pour lutter contre une trop grande indépendance des officiers. Elle a donc pris l’habitude de confier de préférence les missions délicates à des commissaires. Les postes clés du gouvernement sont confiés à des commissaires.
Avec le temps, certains commissaires connaissent une certaine stabilité. Ils sont choisis pour leurs compétences et celles ci les rendent à certains moments indispensables à la royauté. La révocation du titulaire une fois sa mission terminée n’est pas systématique. Les commissions sont attribuées de manière assez stable.
On constate que pour certains commissaires le roi accorde des lettres de survivance par lesquelles il promet au titulaire de la commission que son fils pourrait lui succéder.

Section 3 –  Les domaines de l’administration royale

§1. Les sources du droit

Sous l’ancien régime la législation royale coexiste toujours avec les droits coutumiers mais aussi avec le droit romain et le droit canonique. La royauté va progressivement tout mettre en œuvre pour assurer la renaissance d’un ordre juridique unitaire soumis à l’autorité royale. La législation royale va se faire de plus en plus présente au fur et à mesure que le roi gagne en souveraineté.

A.    Les coutumes

1.    L’origine des coutumes

Avant de s’installer dans l’empire romain les peuples germaniques vivaient sous le règne de la coutume. La coutume se forme à partir de la répétition d’un précédent, l’usage, et de la conviction qu’il ne s’agit pas d’une simple habitude mais d’une norme obligatoire. La coutume tire donc sa force à la fois du temps et du consensus.
Les droits coutumiers germaniques ont été mis par écrit et ont conservé en partie les usages ancestraux. A coté de cette législation de nouvelles coutumes orales et locales se sont développées, dont on ne connaît pas très bien le contenu.
Au Xe et XIe siècles commence l’âge d’or de la coutume. Le terme consuetudo commence à désigner une prescription juridique.
Recul de l’autorité royale laissant un vide qui va permettre aux coutumes locales de se développer. Ces coutumes empruntent au passé mais innovent également pour répondre aux besoins nouveaux. Elles se forment sans l’intervention des théoriciens du droit. Les coutumes sont différentes en fonction des régions mais la plupart d’entre elles s’intéressent aux matières concernant le droit privé.
On retrouve ces coutumes pour la plupart dans des actes de la pratique. Par exemple, dans un testament on va retrouver mention de ces coutumes. Le ressort d’application de la coutume va de la simple bourgade jusqu’à une région entière. Dans certaines régions on rencontre des groupes de coutumes présentant des traits communs (groupe de coutumes de l’Ouest couvrant les régions de l’Anjou, du Maine, de la Touraine).
Pendant très longtemps on a distingué pays de coutumes (au Nord de la France) et pays de droit écrit (au Sud de la France).
Dans les pays dits coutumiers la coutume occupe la première place même si dans certains domaines elle est concurrencée par le droit canonique. Dans ces régions la coutume va garder pendant longtemps une prééminence et parfois même une place exclusive jusqu’au début du XVIe.
Le développement du droit coutumier va se heurter à un obstacle important : l’oralité des coutumes. En effet cette oralité rend l’application des coutumes assez incertaine. On va donc procéder assez rapidement à la rédaction des coutumes, qui va d’abord se faire à titre privé avant que l’autorité royale ne prenne le relai.

2.    La rédaction des coutumes

La coutume a de nombreux avantages du fait de son oralité : elle est souple, adaptée aux réalités sociales et économiques et aux différentes spécificités des groupes. Elle présente cependant un très gros défaut, celui de l’insécurité juridique.
Entre le XIIe et le XIVe des particuliers vont prendre l’initiative de procéder à la mise par écrit des coutumes. Au XVe la monarchie française va décider de procéder à la rédaction officielle des coutumes.

a)    Les rédactions privées

1ère entreprise de rédaction des coutumes en Normandie à la fin du XIIe. La coutume sera très rapidement assortie de commentaires appelés des gloses.

b)    La rédaction officielle des coutumes

Elle est prescrite par l’autorité publique et faite sous son contrôle.
A la publicité des coutumes s’ajoute donc l’authenticité de ces coutumes. On commence à éprouver le besoin de rédiger officiellement les coutumes à partir du XVe.
Charles VII va répondre à ce besoin en 1454 dans l’ordonnance de Montiles-les-Tours dont l’article 125 prescrit la rédaction de toutes les coutumes de France. L’article mentionne l’incertitude des coutumes, leur instabilité et leur divergence pour expliquer la nécessité de rédaction.
Désormais les professionnels du droit n’auront à se référer qu’aux textes rédigés.
La mise par écrit des coutumes et leur caractère officiel ne vont pas pour autant entrainer une unification de tout le droit privé.
A la fin du XVe l’idée d’unification du droit commence à émerger.
Comment se fait la rédaction officielle des coutumes ? L’ordonnance de 1454 va être complétée par celle d’Ambroise en 1498 qui prévoit la rédaction des coutumes par des assemblées locales de ‘gens du pays’ coutumiers et praticiens, membres des trois états. Le cadre territorial adopté est celui du ‘pays’ (=région).
La rédaction se fait en 5 étapes :
–    le roi par l’intermédiaire de commissaires ordonne au bailli ou au sénéchal d’établir un projet de rédaction.
–    les juges et les praticiens locaux rassemblent toute la documentation disponible et établissent une première version (cahier provisoire)
–    les commissaires du roi amendent le texte afin de le clarifier
–    le texte amendé est soumis à l’examen des états provinciaux qui se fait article par article et est surveillé de très près par un commissaire du roi qui peut jouer un rôle important. A l’issue de l’examen, soit l’article est accepté et publié, soit il n’est pas accepté et est donc renvoyé devant le Parlement local et la procédure reprend.
–    dans le cas où un article ne serait pas accepté par les états provinciaux, le Parlement local est saisi et c’est lui qui arrête la rédaction définitive de l’article avant de le promulguer au nom du roi.

L’initiative de cette rédaction appartient à la monarchie, ce qui paraît contraire à l’idée même de coutume. On voit au travers de la procédure que lors de la 2e étape, la procédure laisse une large part aux autorités locales. La rédaction des coutumes ne se fait pas à droit constant. Ce n’est pas une simple mise par écrit du droit existant, la rédaction a une dimension codificatrice puisque les règles coutumières peuvent être modifiées pour permettre la cohérence de l’ensemble. La 3e étape voit intervenir les employés du pouvoir central. Ils essayent d’instituer dans les coutumes des règles de droit romain. Cette modernisation de la coutume permet au roi de faire en partie œuvre législative. Lors de la 4e étape, le rapport de force s’équilibre entre royauté et autorités locales puisque le texte amendé par les commissaire du roi est soumis à l’examen des états provinciaux et cette dernière phase est consensuelle. Elle se rapproche le plus des caractéristiques de la coutume.
Les autorités locales voient d’un assez mauvais œil les interventions de la royauté sur le processus de rédaction de leur coutume.
En fait, très peu de coutumes ont été rédigées à la suite des deux ordonnances. La plupart des coutumes ne furent rédigées au XVIe et firent réformées rapidement.

3.    La réformation des coutumes

Le fait que les coutumes soient rédigées entraine une certain nombre de commentaires et le développement d’une doctrine coutumière.
Les juristes se sont mis à étudier des textes stables, fiables et à critiquer ces coutumes en déplorant leurs archaïsmes et la grande disparité des coutumes entre elles. L’imprimerie a parallèlement fait d’immenses progrès, favorisant la critique. Un grand nombre de juristes français vont ainsi commencer à avancer l’idée qu’il est préférable de développer un droit français plutôt que d’avoir recours au droit romain, qu’ils considèrent comme étranger. Ils avancent l’idée d’un droit commun coutumier et défendent l’unification des coutumes. La monarchie va être incitée à lancer un vaste mouvement de réformation des coutumes dans la seconde moitié du XVIe. Le but est de faire en sorte que les coutumes apportent des solutions plus modernes, plus rationnelles et plus proches les unes des autres. On parle d’une systématisation du droit coutumier. Ce travail va permettre de limiter les effets de la rédaction des coutumes. En effet, la rédaction a fixé les coutumes dans un état donné, alors que traditionnellement une coutume évolue. La réformation des coutumes permet le progrès naturel du droit coutumier, par la réformation et la modification des coutumes. Pour la réformation le roi ne nomme qu’un commissaire pour plusieurs coutumes ; il va laisser une grande indépendance aux états provinciaux, libres d’accepter ou non les modifications effectuées par le commissaire. En fait dans la plupart des cas les états provinciaux acceptent les modifications.
Le mouvement de réformation des coutumes se termine à la fin du XVIe. L’initiative de la réformation s’insère dans le pouvoir grandissant du roi. Or ce dernier répugne à les réformer selon l’ancienne procédure. Il a recours à la voie législative.

4.    Les conséquences de la rédaction officielle des coutumes : la coutume dans l’ordre juridique

Accepter que la coutume soit un droit écrit l’aurait mise à égalité avec le droit romain et le droit canonique.
Des commentateurs ont commencé à avancer l’idée selon laquelle la coutume rédigée ayant été confirmée par le roi pouvait aller à l’encontre du droit romain car « la volonté du roi fait le droit dans son royaume ».
L’intervention du roi prescrit la rédaction et la fait promulguer. Cette intervention royale fait de la coutume une loi. On ne légitime plus la coutume par le biais du droit romain mais par l’intervention royale. C’est un critère organique. La coutume a valeur de loi lorsqu’elle a été reconnue par l’autorité royale.

B.    La « loi du roi »

C’est l’intervention du roi qui fait le droit. Malgré tout il existe un droit émanant directement du roi ou de ses représentants.

1.    Les fondements de la législation royale

Fin du XVe la reconstruction territoriale du royaume est presque terminée. Elle va de paire avec l’extension du pouvoir normatif du roi. Désormais, les actes des anciens grands seigneurs ne peuvent venir à l’encontre des décisions royales, souveraines et devant être reçues et appliquées dans tout le royaume. Au début du XVIe François Ier affirmait déjà pouvoir intervenir dans tous les domaines à partir du moment où le bien du royaume l’exigeait.
Le roi utilise l’expression d’utilitas publica. Son action normative est donc justifiée par une utilité publique.
A partir du moment où l’action normative royale est justifiée par le bien commun le roi devient lex animata (loi vivante).
En fait à partir du XVIe les légistes royaux vont développer la notion de souveraineté et des progrès très importants vont être faits dans le développement de la législation royale.
En 1607 Loisel résume très bien ce développement de l’autorité législative du roi dans la formule « Si veut le roi, si veut la loi ». Colbert va affirmer « toute la puissance législative de ce royaume réside dans la personne du souverain. Ces affirmations font du roi la source presque exclusive de toute norme et affirment que tout ce que le roi estime bon pour l’ordre juridique se trouve automatiquement transformé et érigé en loi.
La norme qui émane de la royauté devient le moyen d’intervention privilégié de la monarchie dans tous les domaines et l’acte normatif royal se substitue à la coutume qui pourtant pendant tout le MA a dominé l’évolution du droit. Désormais, c’est par la loi du roi que se transforme et s’adapte le droit.

2.    L’exercice du pouvoir législatif

a)    L’initiative de la loi

En principe, elle incombe au roi seul. En pratique, conformément à l’idée de gouvernement par conseil, l’initiative de la loi ne dépend pas uniquement du roi. En général il se contente de reprendre les propositions de son entourage (ministres, sujets, assemblées). Le chancelier est un des principaux conseillers du roi et un certain nombre d’ordonnances font suite aux vœux des états généraux ou provinciaux. Avec le déclin des assemblées consultatives et la technicisation croissante des affaires publiques, ce sont les secrétaires d’Etat qui ont pris le relai.

b)    La rédaction de la loi

Elle n’est jamais l’œuvre personnelle du roi.
 C’est toujours le travail du conseil du roi et particulièrement du chancelier. L’aspect technique du travail de rédaction suppose des hommes capables de rédiger un texte cohérent et clair qui tient compte de l’état du droit existant. Le rédacteur de la loi prend donc l’avis de praticiens. La qualité technique de la loi est d’autant plus importante que la monarchie est absolue. L’absolutisme ne pouvant souffrir de contestations politiques l’approbation de la loi dépend de sa perfection sur le fond.
La phase de préparation de la loi présente les aspects politiques. La norme royale doit avoir été rédigée après l’avis des sujets, réunis dans des corps (assemblées de notables). Ainsi la loi rencontre un maximum d’adhésion.
Une fois le texte rédigé il est soumis à l’examen du chancelier apposant sur le texte le grand sceau de France (authentification de l’acte). Cette pratique permet d’introduire le texte dans l’ordre juridique par le biais de son authentification. Clause exécutoire : « Tel est notre plaisir ».
En pratique, le texte authentifié ne peut pas être appliqué parce qu’il n’a pas encore été porté à la connaissance des agents de l’Etat et des sujets royaux. On parle de fiction juridique. En fait, la publicité se fait par l’enregistrement auprès des parlements. Ceux ci ont une fonction judiciaire, ce sont des cours de justice. Elles détiennent une part de fonction législative dans la mesure où ils enregistrent les actes royaux.

3.    L’activité des parlements en matière réglementaire

Au départ la vérification des lettres patentes par les parlements devaient leur permettre d’être au courant des nouveaux textes et de les diffuser auprès des juridictions inférieures et des administrations locales. Mais il est prévu qu’avant la diffusion de l’acte les cours souveraines puissent formuler des observations juridiques au roi (remontrances) dont le roi peut tenir compte et modifier son texte. Mais la souveraineté du roi le rend libre aussi d’ignorer les remontrances et de faire procéder à l’enregistrement des lettres patentes d’autorité. Pour cela, le roi envoyait des lettres de jussion aux parlements, qui pouvaient à nouveau faire état de remontrances. Le roi n’avait dont plus comme solution que de procéder à l’enregistrement forcé des actes par le biais du lit de justice. En fait, cette procédure consistait dans la suspension de la délégation de sa prérogative judiciaire au Parlement. Il obligeait le greffier d Parlement à transcrire ses actes.
Au moment des guerres de religion les troubles nés de la constitution de la ligue vont donner beaucoup d’importance aux parlementaires qui vont profiter des guerres civiles pour faire triompher leur théorie selon laquelle les parlementaires doivent nécessairement consentir à la loi. Les parlementaires vont expliquer qu’ils sont les héritiers directs des anciens francs réunis en plaids et vont donc démontrer que traditionnellement ils ont le droit de suivre le genèse des actes royaux. Tous les parlementaires prétendent alors être les membres d’un seul et même grand Parlement, dépositaire depuis toujours d’un droit de vérification et d’enregistrement de la législation royale. La royauté oppose à cette théorie le fait que les parlements ne sont titulaires que d’une simple concession, leur permettant de différer l’entrée en vigueur de tout acte contraire aux grands principes du droit monarchique.
Au moment de la fronde parlementaire au milieu du XVIIe les parlements vont faire figure de véritable contre pouvoir politique. Ils vont se dire prêts à défendre le public et la réforme de l’Etat et ils vont cesser d’être simplement un juge gardien des lois. Ainsi le Parlement va détruire le modèle constitutionnel qu’il prétend protéger et à la fin du XVIIe Louis XIV va prohiber les remontrances préalables à l’enregistrement des ordonnances et cette interdiction vaudra jusqu’en 1715. Le Parlement prétendait exercer le rôle de juge de constitutionnalité des lois. Le Parlement entendait confronter les lois du roi à des normes et principes supérieurs dont elles auraient le dépôt et de cette manière le Parlement adoptait la posture des juges constitutionnels actuels.

 

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