L’histoire du droit musulman

Les origines de la tradition juridique islamique.

Elle dérive de la religion musulmane fondée sur le Coran et la parole de Mahomet.

L’intérêt est ici plus évident que pour les traditions talmudiques et Hindoue. L’importance de l’islam dans le monde moderne comme alternative aux civilisations occidentales est incontestable. C’est une religion en plein essor.

Ici c’est une religion qui pratique le prosélytisme et de nos jours très activement.

En outre cette tradition juridique est la plus vivace des traditions juridiques religieuses, elle est applicable tant personnellement qu’à l’intégralité des questions juridiques.

En Arabie Saoudite c’est le seul droit admis.

Cette tradition lie sinon plus de monde, du moins plus de pays que les traditions talmudiques et hindoues. Tous les pays du Maghreb au Pakistan, au-delà dans le continent asiatique (y compris en Inde), c’est environ 1 milliard de personnes réparties sur une cinquantaine d’états.

C’est une tradition religieuse, ainsi ce n’est pas le droit d’un état mais le droit des populations de confession musulmane. Certains états en ont fait leur droit, mais le plus souvent les états musulmans n’appliquent qu’un droit qui ne fait que s’inspirer des droits de l’islam.

En tant que droit religieux il ne constitue pas une science autonome, indépendante, ce n’est qu’une dimension de l’islam. Comme le judaïsme, la religion musulmane est dite juridique.

Le droit musulman s’étend à des facettes plus vastes que le droit occidental. Il se divise en 2 corps de règles, d’un côté il y a la Akila (théologie) et de l’autre la Charia (prescrit la conduite à adopter, signifie la voie à suivre). C’est la charia qui correspond le mieux à ce que nous appelons droit, mais elle comporte en plus la relation que les individus doivent avoir avec Dieu en plus de la façon dont ils doivent se comporter avec autrui.

Les juristes distinguent les devoirs envers dieu et ceux envers autrui. Certains comportement sont obligatoires et d’autres seulement recommandés, permis ou blâmables.

Ce droit qui en découle est censé être parfait. Il est l’expression de la parole et de la volonté divine et est ainsi considéré comme infaillible. Il ne saurait donc changer. C’est un droit naturel et intangible. Le droit islamique est également censé être complet et apte à répondre à toutes les questions.

C’est une œuvre cependant parfois ambigüe et difficile à interpréter. Il y a donc une diversité entre la mouvance shiite (pour eux le coran est sujet à interprétation) et sunnites (pour eux ce n’est pas interprétable – écoles fondées au 7ème et 8ème siècle qui ont considéré que l’interprétation avait déjà eu lieu et qu’elle était close).

Le Coran, tout comme la Bible, a besoin qu'on arrondisse ses angles, parfois très tranchants

A. La fondation de la religion musulmane.

Le fondateur est Mahomet qui en devient le prophète

Il serait né à la Mecque en Arabie en 570. Il est commerçant marié avec des enfants. A partir de 610 il commence à recevoir une série de révélation d’Allah, qui lui demande d’être son messager pour transmettre ses révélations. Il va se heurter à la résistance des populations polythéistes de l’époque. Certains le persécuteront, ainsi le 16 juillet 622 il devra fuir la Mecque avec 150 disciples, c’est ce qu’on appelle l’hégire (la fuite). Ceci deviendra le point de départ du calendrier islamique.

Ils s’établiront à Yathrib, et Mahomet va entreprendre de convertir les habitants. De nos jours est appelée « la Ville » et c’est Médine.

En 632, il rentre à la Mecque et y décède.

Il y a 4 grandes périodes de révélations.

Elles seront d’abord transmises oralement, puis des fidèles les transcriront par écrit, c’est ce qui deviendra le Coran. A la mort de Mahomet va se poser la question de sa succession. Au départ ses compagnons seront choisis comme successeurs ou khalifes. Les 4 premiers seront 2 de ses beaux-pères, puis ensuite 2 de ses gendres. Les beaux pères sont Abou-beker et Omar, les gendres sont Othman et Ali. Il n’eut pas de fils mais de nombreuses filles ce qui explique la succession.

On les appellera les Khalifes de Médine.

Les musulmans vont conquérir la Perse jusqu’en Inde. Puis ils conquièrent le Maghreb et l’Espagne, ils seront stoppés à Poitier par Charles Martel. Puis certains vont contester le mode de désignation des successeurs de Mahomet.

Certains pensent que tous les croyants devraient pouvoir choisir les successeurs et hors de la tribu de Mahomet, ce sont les kharidjites. Les futurs shiites estiment eux que seuls les descendants de Mahomet peuvent être ses successeurs, hors il n’a eu que des filles. Sa fille Fatima a eu deux fils, Hussein et Hassan, avec Ali, ainsi pour les shiites Ali est le seul Khalife légitime.

Il en résultera une guerre civile entre clans musulmans à la mort du 3ème Khalife Otman. Otman était contesté on lui reprochait d’avoir fait bénéficier sa tribu, or Ali va lui succéder.

Les kharidjites approuvaient l’assassinat d’Otman.

Il y aura donc 3 clans

Le kharidjites assassinera Ali en 661. Hassan son fils deviendra calife mais il abdiquera en faveur d’un cousin d’Otman.

En 680 c’est Hussein qui contestera le pouvoir du calife en place, il sera assassiné par les kharidjites.

A côté des kharidjites et des shiites on trouve les sunnites.

S’agissant de la communauté actuelle, les sunnites représentent 80%, les shiites 12% et les kharidjites une toute petite partie.

B. Le développement de la théologie musulmane.

C’est vers 700 que des savants pieux se consacreront à l’étude musulmane, ce sont les premiers théologiens. Ils vont se réunir régulièrement dans des mosquées pour discuter de la théologie avec des fidèles. Jusqu’ici les fidèles s’adressaient plutôt aux califes pour avoir des interprétations, or cela avait un sens lorsqu’ils étaient des proches de Mahomet, mais au fil du temps cela aura moins de sens.

Il va y avoir une séparation entre le pouvoir politique et le pouvoir religieux. Les Califes vont perdre le contrôle de la religion au profit des théologiens.

Ce ne fut pas le cas chez les shiites, car selon eux le pouvoir doit revenir aux descendants mâles du prophète. Chez eux le commandeur est appelé Imam, le premier sera Ali, puis ses fils Hussein et Hassan puis 8 de leurs descendants. Le dernier a été assassiné en 874 et on dit que son fils, le douzième imam se serait caché, dieu lui ayant ordonné de vivre caché et d’attendre son signal pour réapparaitre à la fin du monde pour réinstaurer la paix et la justice. Chez les shiites il ne peut y avoir de séparation entre pouvoir politique, religieux et juridique

Ainsi pour les autres les théologiens vont prendre une place importante (pas pour les shiites).

Chez les sunnites diverses écoles de pensée se sont développées. Les 4 grandes écoles sont :

  • Hanafite : fondée par Halifa, né en 699 en Irak et fut le premier à tenter d’exposer de façon systématique la loi divine. Il se fonde sur la source primaire du droit islamique, le Coran. Il se fonde peu sur les Hadiths (témoignages sur la vie du prophète dont on déduit des règles de droit et dont l’authenticité est plus incertaine que le coran). Il se fonde aussi sur le raisonnement par analogie « Qyas ».
  • Malékite : fondée par Malik savant né à Médine en 713. Elle est méthodologiquement différente car elle se fonde plus sur les Hadits et se fonde moins sur le raisonnement analogique. Elle donne un grande importance à la coutume de Médine, censée dater de l’époque du prophète.
  • Chaféite :fondée par Chafei savant né à Gaza en 767 qui à vécu à la Mecque et à Médine et fut un disciple de Malek. Il a été influencé par un juriste de l’école Hanafite. Son école de Bagdad fondée en 810 sera un compromis entre les 2 premières écoles.
  • Hanbalite : fondée par Hanbal né en 780 à Bagdad et fut disciple de Chafei. Il se concentre avant tout sur le Hadits.

Au sein des sunnites, la moitié suit le rite Hanafite, 450 millions de personnes qui se situent au Moyen-Orient, en Asie Centrale et en Inde. 20% des sunnites suivent le rite Malékite au Maghreb et en Afrique de l’ouest. Le rite Chaféite est suivi en Afrique de l’ouest et en Indonésie. Le rite Hanbalite est suivit essentiellement en Arabie Saoudite par 20 millions de personnes.

C. La naissance de la justice islamique.

Les premiers temps de l’islam soit aussi les premiers temps de la justice islamique. Elle est rendue par le Cadi, institution créée par Mahomet lui-même à l’époque ou le monde musulman était en pleine expansion. Mahomet nomme des gouverneur chargés d’administrer les territoires nouvellement conquis, et ces Cadis auront aussi le pouvoir de rendre la justice sur le territoire qui leur est confié. Les conquérants musulmans ne prétendent pas alors imposer leur religion aux territoires conquis, ainsi le Cadi ne rend la justice qu’au sein des militaires sous ses ordres.

A la fin du 1er siècle de l’hégire (8ème siècle), les Cadis seront privés de la mission de gouverner les territoires dont ils ont la charge et seront donc investis du pouvoir d’administration de la vie judiciaire et religieuse. En général ils sont lettrés mais ne sont pas pour autant tous des spécialistes du droit islamique, ils vont donc se référer à des savants, les Mouftis. Le Cadi nommé par le pouvoir politique est regardé comme quelqu’un de corrompu et cela renforcera la répugnance des théologiens à devenir Cadi.

Le pouvoir du cadi de rendre la justice lui est délégué par le Calife ou l’imam selon les cas. Ce pouvoir sera limité territorialement ou matériellement. Le Calife ou l’imam conserve en outre le pouvoir de rendre la justice, ainsi les justiciables pourront s’y adresser directement s’ils le souhaitent. Il y a une compétence concurrente entre le Cadi et le Calife ou l’imam pour rendre la justice.

Il n’y a pas de possibilité d’appel qui soit ouverte, mais un plaideur pourra demander à la juridiction qui a statué de modifier la décision rendue (ceci rappelle le droit talmudique).

Le Cadi peut siéger aussi bien à la mosquée que sur un marché. Il est le seul à prendre la décision, amis il lui arrive souvent de se plier à l’avis des savants (fatwa).