Un résumé de l’histoire du droit français
Après la chute de l’Empire romain, la Gaule subit de multiples invasions et influences étrangères, marquant durablement le droit et la société. À partir du Xe siècle, les rois de France entreprirent d’unifier et de centraliser le royaume, mais sans parvenir à établir un droit uniforme. Tandis que le sud continuait d’appliquer le droit romain, le nord restait dominé par des coutumes variées et souvent divergentes.
L’influence du droit canonique et des parlements provinciaux
Comme dans le reste de l’Europe, le droit canonique de l’Église exerça une influence considérable, notamment en matière de mariage et de testament. Les tribunaux ecclésiastiques régissaient les aspects de la vie morale et religieuse, tandis que les parlements provinciaux, comme ceux de Paris, Bordeaux ou Toulouse, rendaient justice pour le compte de la monarchie dans les principales régions. Le parlement de Paris, bien que prestigieux, n’exerçait aucune suprématie sur les autres parlements. Ces institutions locales avaient le pouvoir d’accepter ou de rejeter les lois royales (édits et ordonnances), marquant ainsi une forme d’autonomie juridique face à la monarchie.
- Introduction au droit (L1)
- Histoire du droit français
- Les sources juridiques (loi, jurisprudence, coutume…)
- La séparation entre droit privé et droit public
- Quelles sont les différentes branches du droit ?
- Quelle est l’organisation des juridictions civiles en France?
- Quels sont les caractères et sources du droit objectif ?
La civilisation et la primauté du droit
La civilisation repose sur la prééminence du droit sur la force et la violence, une idée déjà présente dans l’Antiquité où, dans les théocraties, le droit était souvent lié à la religion. La Grèce, par son organisation en cités, développa un cadre juridique respectueux des citoyens, mais ce sont les Romains qui furent avant tout des juristes et des administrateurs, systématisant le droit et l’administration des territoires conquis. Ce cadre juridique romain, hérité et transformé par la France, demeure à la base de nombreux systèmes juridiques modernes, alliant ordre social et respect des libertés fondamentales.
Le droit romain et son influence
Le droit romain a profondément marqué le droit civil français, et, par son intermédiaire, celui de nombreux pays. Imprégné de formalisme et d’autorité, le droit romain consacre la puissance du pater familias (père de famille) comme figure centrale de la cellule sociale. Le droit romain distingue également deux grandes catégories de biens :
- Res mancipi : ces biens comprennent les terres, les servitudes rurales, les esclaves et les animaux de charge. Leur transfert de propriété se fait par une procédure solennelle, appelée mancipatio, qui nécessite la présence d’un porte-balance et de cinq témoins.
- Res non mancipi : toutes les autres choses, dont la transmission s’opère simplement par la traditio, une prise de possession effective par l’acquéreur.
Pour assurer le respect des droits, le droit romain prévoit deux actions en justice puissantes : la pignoris captio, qui permet au créancier de saisir les biens d’un débiteur, et la manus injectio, autorisant le créancier, en cas de non-exécution d’un jugement, à capturer le débiteur, voire à le vendre en esclavage ou même à le tuer.
La Loi des Douze Tables et l’évolution du droit romain
Vers 450 av. J.-C., la Loi des Douze Tables codifie les règles juridiques initiales, applicables aux seuls citoyens romains. Avec l’arrivée des étrangers (pérégrins) sur le territoire romain, de nouvelles règles deviennent nécessaires. Ainsi naît la juridiction du préteur pérégrin, magistrat chargé de régler les litiges impliquant des étrangers. Ce dernier applique le jus gentium (droit des gens), sorte de droit naturel inspiré des principes communs à de nombreuses cultures. Ce droit des gens influencera ensuite les décisions prises par le préteur urbain pour les citoyens romains.
Au IIe siècle av. J.-C., la procédure formulaire est introduite pour préciser la saisine des juges. Toutefois, le préteur garde un rôle prépondérant et peut intervenir au nom de l’équité. Ses édits, qui d’abord s’appliquent uniquement aux affaires individuelles, finissent par acquérir une portée générale. Les juristes de l’époque classique, comme Gaius et Ulpien, jouent un rôle influent dans le développement du droit.
Le Corpus juris civilis de Justinien
Sous l’Empire romain, le droit se confond de plus en plus avec la volonté de l’Empereur. L’empereur d’Orient Justinien (VIe siècle) entreprend un vaste projet de codification pour structurer le droit et synthétiser les travaux des juristes classiques. Il rédige ainsi le Corpus juris civilis, une compilation méthodique comprenant cinq parties : le Digeste, le Codex, le Legus, l’Infortiat, et le Vetus. Ce recueil constitue la base du droit romain classique, appelé aussi Code Justinien, qui influencera durablement le droit européen.
L’influence du droit romain en Europe et en France
Le droit romain, en tant que système structuré et codifié, se diffuse largement en Europe. En France, il s’applique particulièrement dans les provinces méridionales (le pays de droit écrit), tandis que les pays de coutume, au nord, s’appuient sur des règles non écrites, longtemps transmises oralement. Après l’ordonnance de Montils-lès-Tours en 1454, les coutumes sont progressivement rédigées, ce qui aboutit en 1724 à la publication du Coutumier général par Bourdot de Richebourg.
La coexistence de divers systèmes juridiques (droit coutumier au nord, droit romain au sud, droit canonique pour les questions de personnes) crée une grande diversité de régimes juridiques en France. Cependant, l’unification politique opérée par le pouvoir royal atténue ces divergences, notamment grâce aux ordonnances de Colbert et du chancelier d’Aguesseau au XVIIe siècle.
L’influence doctrinale
Des juristes influents, comme Cujas, Dumoulin, et d’Argentré au XVIe siècle, Domat au XVIIe siècle, et Pothier au XVIIIe siècle, contribuent à adapter et rationaliser le droit en s’inspirant des principes du droit romain. Leurs travaux jettent les bases d’une pensée juridique qui guidera la rédaction du Code civil de 1804, garantissant ainsi la pérennité de l’influence du droit romain sur le droit civil moderne.
Le droit post-révolutionnaire
Après la Révolution française, le processus d’unification juridique s’accomplit sous le Consulat et le Premier Empire, avec la contribution essentielle de Napoléon Ier et d’éminents juristes comme Bigot de Préameneu, Maleville, Portalis, et Tronchet. Ce mouvement de codification vise à instaurer un système juridique unique et cohérent pour l’ensemble du territoire français. Le Code civil, promulgué en 1804, en est la première et plus éclatante réalisation, témoignant d’une pérennité remarquable. Il est suivi d’autres grands codes, comme le Code de procédure civile (1807), le Code de commerce (1807), le Code d’instruction criminelle (1808), et le Code pénal (1810).
La Révolution française et la codification napoléonienne
La Révolution française introduisit le principe de la séparation des pouvoirs, posant les bases d’un État de droit moderne. Le législateur créait désormais la loi, et le juge, séparé du pouvoir politique, devait l’appliquer. Ce principe fondamental fut renforcé sous l’Empire avec l’adoption en 1804 du Code civil par Napoléon Ier, rédigé par quatre juristes de renom, représentants des traditions juridiques du nord coutumier et du sud romain. Ce code opéra un double compromis :
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entre le droit écrit d’inspiration romaine et le droit coutumier,
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entre les valeurs de la société de l’Ancien Régime et les principes individualistes issus de la Révolution.
Les rédacteurs du Code civil choisirent de ne pas le surcharger de détails, optant pour un style clair et concis, accessible aux citoyens et préservant l’autonomie des juges sans permettre d’interprétations arbitraires. Le Code civil, tout en structurant le droit privé, favorisa la diffusion de principes unifiés sur l’ensemble du territoire.
Les autres codes et l’organisation judiciaire sous Napoléon
Sous le Premier Empire, Napoléon établit d’autres codes essentiels pour la cohérence du système juridique français :
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Code pénal : régissant les infractions et leurs sanctions,
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Code de commerce : pour encadrer les activités économiques et commerciales,
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Code de procédure civile et Code de procédure pénale : encadrant les procédures devant les tribunaux civils et pénaux.
Ces codes accompagnaient une nouvelle organisation judiciaire placée sous l’autorité de la Cour de cassation, instituée pour garantir l’uniformité dans l’interprétation de la loi et veiller à sa bonne application. Cette structure juridique assurait une application homogène des lois sur l’ensemble du territoire.
Influence internationale du Code civil
Au XIXe siècle, le Code civil a exercé une influence considérable à l’échelle internationale. Initialement imposé dans les territoires sous domination française, comme la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Italie du Nord, et certains cantons suisses, le Code a été conservé, après l’indépendance, en Belgique et au Luxembourg. Il a également inspiré les législations espagnole, portugaise, et celles de nombreux pays d’Amérique latine, créant ainsi une large sphère d’influence juridique française.
Au XXe siècle, cette influence diminue avec la promulgation du Code civil allemand (BGB) en 1900 et du Code civil suisse en 1912, qui supplantent le Code Napoléon dans certaines régions comme l’Amérique latine, le Japon, et la Turquie. Cependant, les systèmes juridiques français et germanique partagent des fondements communs, reposant sur la législation et des principes organisés en codes appliqués par les juges selon un raisonnement déductif.
En contraste, les pays de Common Law (Royaume-Uni, Irlande, États-Unis) sont restés imperméables à cette influence. Dans le système anglo-saxon, le droit se construit de façon empirique, par induction, à partir des solutions apportées par les juges aux cas individuels. Ce système repose non pas sur des codes mais sur des compilations de décisions de jurisprudence, rendant le droit plus flexible mais aussi plus complexe.
Évolution de la codification aux XIXe et XXe siècles
Le mouvement de codification s’intensifie aux XIXe et XXe siècles, connaissant un renouveau après 1945, bien que son objectif évolue. Désormais, la codification vise principalement à mettre de l’ordre dans l’amas de textes existants pour garantir clarté et cohérence. À l’ère technocratique, cette prolifération de lois entraîne un sentiment d’« indigestion législative » ; en France, le nombre de codes dépasse aujourd’hui la cinquantaine. Ce phénomène rappelle la réflexion de Tacite : « Corruptio respublica plurimae leges » (« Plus l’État se dégrade, plus nombreuses sont les lois »).
Tendance à la spécialisation du droit
Le droit contemporain montre une forte tendance à la spécialisation. De nouvelles branches émergent, reflétant les priorités sociétales modernes. Parmi ces domaines spécialisés, on retrouve le droit de l’informatique, le droit de la propriété intellectuelle, le droit de la consommation, et le droit de l’environnement. Ces domaines sont régis par des législations spécifiques, destinées à répondre aux enjeux technologiques, environnementaux, et économiques actuels.
En conclusion, le droit post-révolutionnaire se caractérise par un effort continu de codification, d’abord pour unifier et harmoniser le droit, puis pour clarifier un corpus législatif toujours croissant.
Le cours Introduction au droit français est divisé en plusieurs fiches (notion de droit, patrimoine, organisation judiciaire, sources du droit, preuves…)
- Introduction au droit français La séparation du droit privé et du droit public Les différentes branches du droit Les caractères du droit objectif Les sources juridiques (loi, jurisprudence, coutume…) Définition de la doctrine juridique Conflit entre la Constitution et les traités internationaux L’élaboration de la loi Histoire du droit français Le rapport entre la règle de droit et la morale Le rapport entre le droit et l’équité Le rapport entre le droit et la religion Conflit entre la loi et un traité international Les Principes généraux du droit ( PGD) L’interprétation de la règle de droit Conflit entre la loi et la Constitution Jurisprudence, source du droit? argument pour et contre Conflit temporel de normes juridiques Les sources supralégislatives
- La preuve par l’aveu judiciaire ou extrajudiciaire Définition et objet de la preuve Preuves et sources des droits subjectifs La preuve littérale Le serment (décisoire, supplétoire, estimatoire) La preuve légale, morale ou libre La charge de la preuve : principe et exception
- L’organisation des juridictions civiles en France
- La notion de patrimoine Le droit à l’image Le droit au respect de la vie privée Le Droit au respect du corps humain La distinction droits réels et droits personnels