L’histoire du droit social

Histoire du droit social

  L’histoire du droit social est celle d’une lente progression de la protection de la partie la plus nombreuse du corps social, celle qui « loue » sa force de travail pour vivre.

Préambule : qu’est-ce que le droit ?

            Plusieurs courants théoriques et philosophiques ont tenté de définir la méthode et le but du droit. De manière schématique on peut dénombrer quatre écoles théoriques :

-l’école positiviste

-l’école historique du droit

-l’école du droit libre

-l’école du droit naturel

 

 

 

  • Le positivisme juridique

            C’est un courant qui s’oppose d’abord à la métaphysique et ensuite au jus naturalisme. Pour les positivistes il n’y a pas de droit naturel, càd pas une force attribuée au droit divin, ni aux lois naturelles.

            Pour le positiviste, le droit est un ensemble de règles et de commandement. Par conséquent, seul le droit positif existe parce qu’il est produit par la volonté de l’homme et parce qu’il est produit par la volonté de l’Etat. L’Etat est une personne garante du droit par la force. Pour les positivistes le droit est un système fermé, un système cohérent. Ils ne laissent de place ni aux juges, ni à aucune morale. Ces règles de droit doivent être respectées par l’individu pas parce qu’elles sont juste mais parce qu’elles sont la loi.

            Le droit ne se construit pas sur les sciences divines, ni les sciences de la nature. Ce droit positif est le droit posé par le législateur. cf. Kelsen.

 

  • L’école historique du droit

            C’est une pensée qui fonde sa méthode sur l’étude historique, c’est-à-dire l’étude du passé pour comprendre le présent. Cet école s’oppose au rationalisme juridique de l’école du droit naturel du XVIIIè siècle. Cette école du droit naturel reconnaissait comme fondement du droit une raison universelle qui s’attacherait à l’ensemble du genre humain. Elle s’oppose aussi à l’école de l’exégèse, qui n’étudie le droit qu’à travers le commentaire des textes (ce qui relève de la coutume n’est donc pas du droit).

            Les principes de l’école historique sont les suivants :

droit est fondé sur une assise populaire et nationale ; il provient du peuple qui l’a construit.

-Pour comprendre le droit, il faut en comprendre les sources autrement dit l’histoire, les sources du droit comme la coutume, la loi, la science juridique, la jurisprudence.

 

            La chose importante à retenir est que le droit ne se réduit pas à la législation. La législation est la loi décidée par les hommes. Le droit ne peut pas se réduire ni à la loi naturelle, et il ne se construit pas par hasard, il se construit avec l’accord et l’assentiment du peuple.

 

  • L’école du droit libre

            C’est un mouvement qui regroupe au début du XXè siècle de nombreux théoriciens allemands. C’est un mouvement précurseur de la sociologie juridique, qui considère que la vérité du droit provient de la société. Le droit est donc un phénomène social, càd un phénomène spontané et un phénomène vivant càd qu’il évolue dans le temps.

 

  • L’école du droit naturel

            Il y a plusieurs distinctions dans l’école du droit naturel. Pour les naturalistes, le droit c’est un ensemble de lois dites naturelles. Elles peuvent être les lois divines selon la tradition romano-canonique c’est-à-dire la révélation. D’autres naturalistes considèrent que les lois naturelles ce sont des lois morales, tirées de la nature (càd des choses naturelles, du monde). Cette nature crée un ordre spontané de répartition des biens et des charges de la société, et cet ordre naturel est inhérent aux réalités sociales.

Il y a 2 approches jus naturaliste, ceux qui considèrent qu’il faut appliquer les lois naturelles (ex: le cas des sociétés théocratiques) et ceux qui considèrent que la loi des hommes doit être pensée sur le modèle de la loi naturelle.

Introduction

            Le droit social fait appel historiquement à plusieurs techniques juridiques qui vont se compléter ou s’opposer (le contrat ou encore l’assurance). C’est par ces techniques de droit privé que le droit social est considéré comme une discipline privatiste.

            Pourtant l’histoire permet de constater qu’il existe des notions de droit public dans le droit social. Il existe par exemple une action de l’Etat dans la sphère contractuelle (le contrat de travail), il existe aussi une action de l’Etat dans la sphère privée familiale (les aides sociales).

 

            Lorsqu’on étudie l’histoire du droit social français, on observe l’influence des systèmes de protection sociale étrangers. Par ordre chronologique d’influence :

-le système allemand, notamment celui de Bismarck

-le système américain

-le système anglais

 

            Ce qui importe dans l’histoire du droit social c’est de comprendre pourquoi il a été nécessaire de créer cette notion de droit social. En réalité, le droit social épouse plusieurs définitions :

-parfois une définition étatique dans le sens de l’omnipotence de l’Etat,

-parfois une définition socialiste dans le sens de la lutte contre le capitalisme,

-parfois un sens juridique c’est-à-dire la société comme source du droit.

 

            Pour les contemporains, et particulièrement les profanes, il y a une vérité populaire sur le droit social : le droit social c’est la quête longue et politique des droits sociaux sous l’impulsion du mouvement ouvrier (syndicaliste et socialiste).

            Cette existence des droits sociaux est possible par une vision du droit public c’est-à-dire du droit objectif basé sur la solidarité, mais aussi sur l’intervention de l’Etat. Il y a fondamentalement une idéologie économique. Cette intervention va être dans le domaine du contrat et de l’assurance.

 

            Cette étude historique s’effectue sur l’impulsion de deux questions :

-comment la relation de travail devient une relation libre entre deux individus libres ?

-Comment passe-t-on du droit au travail au droit social ?

 

 

  • Définition historique du droit social

Le terme de droit social est un terme polysémique.

 

  • En droit public :

 

            Poser la question du droit social est poser la question de l’origine de la société, c’est-à-dire que c’est poser la question de l’histoire des idées politiques. La première définition à l’origine du droit social est une définition de droit public cf contrat social.

            Ce sont les philosophes des Lumières qui vont reprendre régulièrement l’idée d’état social, c’est-à-dire celui qui n’est pas construit par Dieu mais par les hommes.

            L’état social s’oppose à l’état de nature.

 

            Pour Rousseau l’état de nature est un monde paradisiaque, parce qu’il n’y a pas de propriété. Peu de choses séparent le droit social et le contrat social de Rousseau. Il va définir l’état social comme celui où les hommes ont découvert la propriété, ce qui crée la violence (que l’Etat doit encadrer).

            Pour Hobbes, l’état de nature c’est la violence, c’est un monde dans lequel « l’homme est un loup pour l’homme ». C’est dans ce sens où il faut passer à l’état social, pour lui il s’agit du Léviathan, c’est-à-dire l’Etat totalitaire. On dit souvent que c’est le modèle de l’Etat fasciste parce que l’Etat a le droit de tout faire contre l’individu.

            Pour Locke, l’état de nature c’est un monde d’individualité. C’est un monde cordial mais qui nécessite un arbitre (l’Etat). L’Etat pour Locke c’est l’état social c’est-à-dire une médiation entre les individus et respecte les droits individuels.

            Toute société produit un droit social dès l’origine : c’est-à-dire un ensemble de règles (généralement étatiques) qui sont des règles de vie en commun. Ces règles sont régies par la voie la plus simple, la voie romano-canonique du contrat.

            Chaque individu dans la société libérale consent au contrat social.

 

            Ce qui va diverger dans le droit social, c’est son but.

-la société démocratique prône l’égalité

-la société républicaine prône la représentation (les lois de Platon, une élite qui représente)

-la société traditionnelle, monarchique de l’Ancien Régime prône l’inégalité pour une répartition fonctionnelle de la société

-la société totalitaire prône l’omnipotence de l’Etat souvent contre la liberté de l’individu.

 

            À partir de cette définition du droit social, le droit devient une technique pour réaliser le but de la société. Créer des charges pour la noblesse sous l’Ancien Régime, créer des lois sociales sous la IIIème République pour parvenir à l’égalité.

 

            Au niveau juridique, le droit social est une branche du droit public ; càd un droit de l’Etat, un droit objectif, càd un ensemble de règles qui produit des droits subjectifs (des droits propres à chaque individu).

 

 

  • L’expression de droit social correspond à une philosophie libérale et contractuelle

 

            C’est une vision héritée de la Révolution (1789) pour désigner une rupture avec l’Ancien Régime. Ce droit social sera toujours associé aux principes d’égalité et de 1789. Le droit social protège à l’origine les droits politiques : la liberté, la propriété.

            Cet état social ne produit pas des droits sociaux, il donne uniquement des droits politiques.

 

            La raison est simple : les droits réclamés en 1789 sont ceux d’un homme fictif, d’une fiction juridique. C’est ce que l’on appelle un homme universel. Cet homme universel sera protégé dans ses droits naturels.

            Il ne s’agit pas de droits concrets, de droits réels càd qui existent réellement dans la réalité économique et sociale. Il faut attendre les revendications socialistes, le mouvement ouvrier et le catholicisme social pour voir apparaître une demande de droit réels (c’est-à-dire l’égalité sociale). Ces droits réels seront présents dans la Déclaration de 1793 et seront présents dans le régime constitutionnel de 1848. Ces droits vont se construire par l’action directe, ils seront définitivement reconnus en 1946.

            Ce sont des droits de créance, c’est-à-dire qu’ils donnent la possibilité au citoyen d’exiger des libertés et d’exiger des prestations matérielles. Dans ces droits réels on compte :

-le droit de grève

-le droit au syndicalisme : à l’association des travailleurs dépendants ou indépendants

-le droit à l’instruction

-le droit à la protection sociale

-par extension le citoyen a le droit aussi à une protection contre les abus de l’Etat (REP).

 

 

            Le droit social au singulier c’est une vision de la société càd de son but et du rôle de l’Etat dans la société. Les droits sociaux sont des droits, des libertés, des prestations attribués à l’individu et opposables à la société. 

 

 

  • La réalité du droit social va se réaliser grâce à l’action des députés de la IIIème République

 

            C’est donc le législateur par le biais du Parlement qui va concrétiser les lois sociales, ce sont des lois qui proviennent de la volonté de l’homme mais aussi des lois sociales parce qu’elles ont un but de protection sociale. C’est le cas de l’assurance sociale ou encore des allocations familiales. Sous la IIIème République on peut aussi souligner le rôle moteur des syndicats dans cette quête des droits sociaux.

            La IIIème République va créer un bloc de lois encore plus législatif qui se rapproche du droit social contemporains ou du moins de l’idée que l’on en a, puisqu’il consiste en la protection du travailleur dans l’entreprise. C’est un droit individuel et collectif, c’est donc une technique qui régit les relations entre employeurs et salariés, c’est une relation duale/horizontale, mais qui n’est pas égalitaire.

            Cette vision du droit social va reprendre les fondements civilistes c’est-à-dire la relation contractuelle. Vont se poser deux questions :

-Peut-il exister une relation contractuelle inégalitaire ?

-Peut-il exister une relation contractuelle qui engage de manière perpétuelle ?

 

  1. Définition du droit du travail

 

  • Si on définit de manière stricte le travail actuel, il est l’expression du travail salarié dépendant, d’un travail subordonné

 

            Pourtant il existe de nombreuses variations du concept de travail : le travail indépendant, le travail non libre (le travail pénal), le travail intellectuel, le travail corporel, le travail manuel.

            L’association du terme de travail à la dépendance est une interprétation historique.

 

            Dans son sens le plus ancien, le terme subordonné vient du latin mettre dans un état de dépendance, ceci par rapport à une personne supérieure. Historiquement la dépendance dans le travail mettra toujours en scène un maitre, un seigneur, un suzerain, par extension un monarque et à l’époque contemporaine un propriétaire (des moyens de production).

            Ainsi dans les époques anciennes (jusque 1789), le travail reste une activité servile. Il s’agit même parfois d’une peine sociale – les travaux forcés.

 

            Cette notion de dépendance va être redondante dans l’histoire du droit français. Elle trouve ses origines aussi dans la vision du travail véhiculée par la théologie chrétienne. Dans cette vision, le travail est à la fois la souffrance et la douleur de la femme au moment de l’enfantement. Cette vision théologique va être porteuse des règles de la discipline.

            Progressivement le travail va devenir une peine sociale, une obligation sociale, la connaissance d’un métier, d’une technique et puis l’adhésion à un corps.

            Cette activité va produire des revenus. Puis progressivement au cœur du XIXè siècle par l’effet de la Révolution et de la philosophie des Lumières, le travail se replace dans un rapport de production entre deux individus, dans lequel un individu offre la location de sa force de travail en contrepartie d’un salaire. C’est à partir de ce modèle que le travail se réduit à la relation de dépendance.

 

 

  • Techniquement le droit du travail s’inscrit au sein des facultés de droit au XIXè siècle dans le cours de législation industrielle

 

            Cette étude universitaire comment tôt, en 1844. Elle comprend deux problématiques :

-le corporatisme

-le problème de l’amélioration du sort des classes laborieuses.

 

            Wolowsky est le premier à parler de législation industrielle. Il intègre dans sa réflexion les notions politiques d’organisation du travail et d’émancipation du travail.

            À partir de la IIIème République on parle alternativement de législation industrielle et législation ouvrière. Le cours de législation industrielle est introduit comme un cours à option en 1889 dans le programme de Licence dans les facultés de droit. Ce cours définit les règles relatives à l’exercice du travail industriel et ouvrier.

            Apparaissent aussi des manuels de législation qui intègrent les considérations et les théories économiques. Ce cours de législation traite particulièrement du rapport conflictuel entre l’ouvrier (du commerce ou de l’industrie) et le patron.

 

            La table des matières du cours de législation industrielle se divise en 5 parties :

-les lois qui règlementent les conditions de travail (l’hygiène et la sécurité)

-les dispositions relatives au louage, c’est-à-dire à la formulation du contrat

-les lois qui accordent la création des associations et des syndicats professionnels pour défendre les intérêts de chacun

-les lois qui établissent les juridictions spéciales comme le CPH

-les lois qui prévoient les conditions d’améliorations matérielles et morales de l’existence des travailleurs (sous entendu dépendant et indépendant).

 

            À partir de 1900, les cours vont s’élargir et vont traiter de manière parallèle des règles relatives à la propriété industrielle, mais aussi des questions connexes et conflictuelles. N’a pas été prévu(e) l’absence de travail, le droit à l’apprentissage.

 

 

  • A partir des années 30, le droit du travail va connaître de nouvelles sources juridiques

 

            Il se présente comme un droit moins politique, plus technique ; basé sur une nouvelle jurisprudence sociale. Un nouveau code a été promulgué, un Code qui se détache du C.Civ. Cela veut dire que le droit du travail devient une législation autonome.

            Une nouvelle Chambre sociale est établie au sein de la Cour de Cassation en 1938, sa compétence va se diversifier du fait de l’établissement du système de sécurité sociale en 1945. Désormais la Chambre est compétente en matière de droit du travail et droit social (droit de la sécurité sociale).

            La IVème République va donc finaliser l’œuvre du droit social en reconnaissant par ses institutions l’existence des droits sociaux. C’est le projet constit de 1946 qui intègre comme un principe général du droit la nécessité des droits économiques et sociaux « des droits particulièrement nécessaires à notre temps ».

 

            Deux catégories de droit reconnues en 1946 :

-les droits individuels et collectifs dont l’Etat est débiteur

-les droits au sein de l’entreprise dont le patron est débiteur

 

  1. Définition de la doctrine sociale

 

            L’expression de la doctrine sociale apparaît au début du XXème siècle au sein de la faculté de droit de Paris. Cette doctrine est une réponse au dysfonctionnement de la société libérale, c’est-à-dire que c’est une réponse au postulat théorique de la philosophie individualiste.

            La doctrine sociale va connaître de nombreuses ramifications, elle sera parfois proche du socialisme juridique et elle sera parfois proche du catholicisme social. À partir d’une même doctrine, même expression, il existe plusieurs catégories de penseurs de la doctrine sociale. Ils ont un même but : réduire les dysfonctionnements de la société libérale.

            Elle se décline dans le monde, la doctrine sociale existe une spécificité allemande, française ou encore une spécificité belge de cette doctrine sociale.

 

            Il y a trois figures de la doctrine sociale :

-Paul Pique qui défend le concept de lois sociales, c’est-à-dire il ne défend pas le socialisme, il ne défend pas le libéralisme, ce qu’il défend c’est une forme de solidarisme

-Henri Capitant défend l’esprit social du droit, c’est-à-dire la socialisation du droit. Autrement dit défendre l’intérêt juridique de chaque classe sociale

-Gurvitch défend l’idée de droit social. Seul qui utilise véritablement le terme de droit social.

 

  • Paul Pique

 

            C’est un professeur de droit d’abord à Lyon, puis à l’école de droit d’Alger. Il enseigne la législation industrielle. Il intègre dans sa réflexion juridique des éléments de droit comparé. Il devient titulaire de la chaire de droit international et il y enseigne la législation comparée.

            Il rédige un manuel de législation industrielle dans lequel il développe une doctrine réformiste à tendance solidariste, c’est-à-dire qu’elle revendique la justice sociale sans prôner l’économie dirigée.

            Cela n’empêche pas Paul Pique de regretter l’individualisme du C.Civ. Il doit y avoir une évolution selon Paul Pique par le dialogue entre l’ouvrier et le patron, l’Etat et les personnes privées. Le droit nouveau du travail doit provenir de la concertation de tous les acteurs et doit passer par des institutions.

            Il crée l’association internationale pour la protection légale des travailleurs. Il fonde avec un ami radical avocat en 1900 « La Revue des questions pratiques de législation ouvrière et d’économie sociale ». Il y encourage les échanges entre le monde ouvrier et le monde patronal. Le droit social nécessite l’intervention de l’Etat.

            Ce que critique Paul Pique c’est le dirigisme économique, c’est-à-dire qu’il veut une intervention limitée de l’Etat. Il accuse le socialisme de brider l’individu et de mettre à mal les concertations collectives. Il critique les régimes dictatoriaux comme les régimes socialistes.

Il va se féliciter les principes établis par le Traité de Versailles et demande la création du Code ouvrier.

 

            Paul Pique va considérer le régime de Vichy comme un moyen de suppression des luttes des classes. Par contre il dénonce dans ce régime l’appropriation par les patrons de la concertation sociale, c’est-à-dire le corporatisme. (Il ne se prononce pas sur la collaboration).

 

  • Henri Capitant

 

            C’est un professeur de droit civil qui est né à Grenoble et étudie à Paris. Il étudie particulièrement le droit de la famille et le droit romain. Il est proche de la tradition mais dans la modernité. Il travaille à la fois pour la RTD Civil, mais aussi pour la Revue critique de législation et de jurisprudence. Il publie en 1928 un cours de législation industrielle.

            Il prône la socialisation, il sonde l’idée d’un droit dans lequel l’homme est la cause et le but du droit. Il répond à cette idée du droit par l’esprit social. Cette socialisation du droit implique que le droit objectif détermine les droits qui appartiennent à chaque individu de classe sociale différente. Cet esprit social il amène à rendre le droit plus humain, plus généreux (conception morale), c’est-à-dire plus protecteur.

            Il est antisocialiste, mais il appelle l’action de l’Etat en faveur des défavorisés.

 

            Avec son collègue et ami Paul Kuch, il participe à l’acceptation des conventions collectives de travail qui atténuent le régime individuel du contrat. La L25 mars 1919

            La convention collective est la base du contrat de travail, c’est un droit social car décidé en communauté. Ce droit collectif permet la justice.

 

 

  • Gurvitch

 

            C’est le seul à utiliser le terme de droit social. Elle est prononcée et définie par Gurvitch en 1920.

 

            Gurvitch est juriste, soutient sa thèse en 1932, il a également des influences littéraires, sur l’idée du droit social. C’est un ouvrage très théorique qui va à l’origine du droit social. Il enseigne la philosophie à Strasbourg et aussi à Bordeaux. Il affirme sa pensée socialiste dans sa déclaration des droits sociaux en 1944.

            Après la libération, il est élu à la Sorbonne puis à l’école des Hautes Etudes (en sciences sociales). Dans cette école, il fonde en 1968 le centre d’études sociologiques. Son œuvre est complétée par 2 ouvrages :

-l’expérience juridique et la philosophie pluraliste du droit

-éléments de sociologie juridique.

 

            Le droit social n’est pas une expression figée. C’est un moyen, un argument pour dénoncer l’exclusivité attribuée à l’Etat dans la production du droit. On est dans une autre sphère de réflexion.

            Gurvitch prône l’existence de plusieurs sources du droit c’est-à-dire des foyers autonomes du droit, càd qui n’est pas produit par les personnes publiques. Le droit social est l’alternative au droit étatique. Dans ces nouveaux moyens de création du droit il y a la négociation directe et collective entre les organisations : pas de lois sociales produites par l’Etat. De telle sorte que le droit est issu de la société, sans la médiation de l’Etat.

            Le droit est intégré aux rapports sociaux.

 

Gurvitch reprend une définition ancienne concernant le but du droit social : l’amélioration des conditions sociales.

 

 

Partie 1

 

La conquête du travail libre :

du servage au contrat de travail

 

 

            Pour étudier l’histoire ancienne, il nous faut appliquer un principe scientifique simple, c’est un principe vu en sociologie : on ne peut pas porter un jugement hâtif sur des sociétés dont on ne connait pas la nature, càd des sociétés que l’on n’a pas observé suffisamment. C’est le cas de la société romaine.

            Ce qu’il faut faire dans la démarche scientifique : évaluer le droit de cette société càd évaluer l’état de ces règles, replacer ces règles dans le contexte. Ce contexte est le contexte social càd les mœurs, les coutumes mais aussi les croyances populaires.

 

            En ce qui concerne l’histoire du travail en lui-même, les enquêtes historiques/archéologiques, les études scripturales (classiques basées sur les études des textes), toutes ces recherches scientifiques démontrent que le travail càd l’activité des hommes fonde toutes les sociétés.

            Ce travail est règlementé, donc commandé par des règles. Il induit une classification sociale.

 

            Lorsqu’on décrit l’activité de travail à l’époque romaine, on doit comprendre la structure juridique et sociale inégalitaire, on doit comprendre l’injustice sociale inscrite dans l’histoire romaine. L’histoire romaine est l’histoire de l’inégalité.

            Cette condition servile fait de l’esclave non pas une personne, mais elle fait de l’esclave un bien/une chose que l’on peut utiliser, acheter ou vendre. L’esclave n’est pas un individu, un meuble par destination.

            Cette condition d’esclave va perdurer dans les sociétés contemporaines jusqu’au XIXè s., date de l’abolition européenne de l’esclavage. C’est une longue quête de l’abolition de l’esclavage, qui philosophiquement se combine à l’abolition de la peine de mort.

 

            Le droit romain prouve que le travail est associé à une contrainte forcée, de personne physique à personne physique (maitre à esclave) ou de personnes morales à personnes physiques (l’Etat à ses esclaves). Certains individus sont dépossédés de leur force de travail au profit des intérêts d’une autre personne.

            Ce travail de l’esclave c’est par principe un travail manuel, qu’on laisse à des couches inférieures, qu’on laisse donc à l’homme non libre. C’est souvent un homme condamné judiciairement. C’est un travail qui se caractérise par sa pénibilité. Progressivement ce travail forcé sous l’AR est la possibilité d’être condamné sans être supprimé.

            A l’époque romaine, le travail est une condition sociale inférieure qui lie l’esclave à son maitre. Ce maitre a un droit de vie et de mort sur sa personne, même si considérée comme une chose. La relation entre les individus qui sont des personnes et les esclaves qui sont des choses va être la base du travail.

 

            Dans cette théorie romaine que va puiser la thèse socialiste du XXè s.

 

Chapitre 1

La conquête du travail libre : du servage au contrat de travail

 

La contrainte du travail

dans l’ancien droit

 

 

 

            Cette contrainte est inscrite dans la théorie du droit romain qui est au cœur de notre droit civil. Dans cet esprit romain, le travail n’est pas vecteur de droit, il n’est pas vecteur de richesse. Le travail va incarner surtout la condamnation d’une classe sociale à la pauvreté politique et civile. Celui qui travaille est celui qui n’a pas de droit politique et de capacité civile.

            En parallèle, on distingue le travail intellectuel càd le travail politique, le travail de l’esprit, càd les études libérales. Ce travail est l’apanage de la société supérieure càd de la magistrature et des sénateurs.

 

            Dans les débats romains, le travail est un effort manuel qui exclut le travail intellectuel. Ce n’est qu’à partir de l’ère chrétienne que le rapport au travail va se transformer. Chaque travailleur est considéré comme une personne, même s’il reste un sujet (soit de l’empereur, soit du monarque). Cela veut dire qu’à l’époque romaine on est dans un droit brut, à partir de l’ère chrétienne va se développer la protection de la personne et de chaque travailleur.

            Par conséquent, le travailleur n’est plus perçu comme une marchandise, mais comme une création de dieu avec un corps, une âme et un esprit.

 

            Le moyen-âge va reprendre cette idée de personne, mais il va intégrer aussi une société qui sera divisée de manière naturelle en trois ordres avec des fonctions de travail différentes. Cette société est également basée sur l’inégalité sociale avec répartition fonctionnelle. :

  • ceux qui font la guerre
  • ceux qui prient
  • ceux qui labourent la terre

            Malgré l’humanisme chrétien, la France va connaître la résurgence de la condition servile, particulièrement à l’époque féodale.

 

            Il faut attendre l’aire des Lumières pour voir un mouvement de rejet pour toutes les entraves au travail libre. C’est ici aussi le rejet des structures communautaires qui prétendent un idéal de justice, par le biais de l’absence de liberté et d’égalité.

 

Section 1 : les dépendances romaines et médiévales

 

            Dans l’antiquité romaine, les travailleurs manuels regroupent les ouvriers, les artistes et les artisans, càd ceux qui travaillent par leurs mains. Est inclus dans cette catégorie : le paysan qui travaille la terre.

            Dans cette société on considère qu’on ne peut pas être pleinement homme lorsqu’on travaille pour les autres : on devient l’instrument de quelqu’un. Dans cette théorie romaine, on va dire que celui qui travaille de manière manuelle le fait à cause d’imperfections naturelles. Ces imperfections naturelles sont accrues par le travail manuel : c’est la condition naturelle.

 

            La Rome antique va perpétuer l’utilisation de la main d’œuvre pour l’édification des mouvements antiques comme l’avait fait l’Egypte des pharaons. Le travailleur manuel va devenir le travailleur public de la République ou de l’Empire.

 

  1. La classification du travail à l’époque romaine

 

            Ce qui est important de comprendre dans cette partie c’est que ce travail manuel associé à une tâche servile, pénible, inférieure ne va pas constituer la seule expression du travail.

 

            Le travail manuel est déprécié mais cette main d’œuvre manuel reste rare. On va chercher les travailleurs manuels et on va forcer au travail manuel. Les théories juridiques romaines vont constituer un cadre favorable aux marchands, à l’échange, aux contrats (vente ou société).

 

 

  1. L’esclave comme une chose

 

            L’esclave est un outil de travail, c’est un capital. Il est un instrument, une force de travail.

 

            Plusieurs causes peuvent entrainer la condition servile : au sein de la société romaine, au sein donc de la famille romaine qui est le cœur de la société, on peut devenir esclave par refus du père de reconnaître son enfant né dans le foyer.

            Au sein de l’Etat romain, on peut être esclave par action du créancier contre un débiteur insolvable (droit des obligations : tout le monde doit payer sa dette).

            On peut être esclave par condamnation judiciaire.

 

Hors du territoire romain, deux phénomènes de violences (politiques) peuvent approvisionner en esclaves :

-la guerre

-la piraterie

 

            Le bassin méditerranéen est le lieu d’échange des esclaves : Rome va jouer le rôle de policier de ce trafic d’esclavage. Il y a deux marchés : le marché de Delos et d’Orient.

 

  1. La nature du marché

 

            Le marché des esclaves est le premier marché du travail. C’est de manière matérielle historiquement le maitre qui conduit son esclave à la place du marché, les pieds enduits de blanc comme signe de servitude, ils sont exposés en public comme des animaux dans une cage pour attirer l’attention des clients éventuels. Une couronne précise que l’esclave est un prisonnier, un bonnet précise que c’est un esclave de mauvaise qualité.

            Cette vente est faite par tradition orale, de gré à gré : on distingue les esclaves de travail et les esclaves de plaisir.

 

Le vendeur a des obligations contractuelles, comme dans tout contrat : il doit signaler l’origine de son esclave.

            L’achat de ces esclaves va permettre le recours à de nombreuses activités, ces activités qui naissent de cette main d’œuvre servile : ce sont l’artisanat, les fabriques d’armes, les fabriques de tissu ou encore les exploitations minières. On trouve aussi des professions plus élevées socialement comme les architectes ou les contremaitres.

 

Le travail est productif mais ce n’est pas un travail de subsistance, il ne produit pas de pécule (= plus-value).

 

            Au Ier s. avant JC, on compte en Italie plus de 3 millions d’esclaves (travailleurs non rémunérés). L’esclave qui travaille ne coute que le prix de son investissement productif puisqu’il n’est pas rémunéré. Par contre il coute son prix de son entretien, notamment par la nourriture.

 

            Cette main d’œuvre d’esclave, très présente dans le tissu industriel romain, va empêcher le progrès technique. Pourquoi ? Parce qu’elle est sans intérêt, puisqu’elle est réalisée par le travail de la main, donc le progrès technique est inutile puisque la main d’œuvre est nombreuse.

            Cette économie romaine se présente comme une industrialisation à grande échelle, qui draine des masses énormes de travailleurs non libres. Cette masse de travailleurs fait concurrence aux petites entreprises familiales. Elle entraine aussi une concentration des terres et des fortunes (appropriation des moyens de production) au profit d’un groupe → oligarchie.

            À l’image de la société du XIXè s., l’Etat romain fait face à la paupérisation de son peuple, même sa catégorie servile.

 

            L’Etat va porter l’assistance à la masse libre comme à la masse non libre.

 

  1. La condition sociale et juridique

 

            La condition sociale va évoluer selon la période de l’époque romaine. Du VIIè s. au IIIè s. avant JC, les esclaves sont peu nbx : ils sont inscrits dans la famille comme domestiques. Ce qui distingue les esclaves des enfants du pater familias est qu’ils ne sont pas libres, mais ils jouissent de la même protection du pater.

            Progressivement, avec l’industrialisation, l’esclave est exclu de l’ordre familial, du domus, il est donc sans famille, sans propriété, sans droit et sans patrimoine.

 

            Malgré cette condition, on note qu’il y a peu d’aigreur et de révolte de la masse servile : il n’y pas de conscience de classe développée dans cette population en servage.

            Il y a plusieurs causes à cette absence de conscience de classe :

-les esclaves sont séparés dans différents lieux de production

-différences de religion, d’ethnie, de langue

 

            Juridiquement, et économiquement, c’est Varon qui classe les esclaves dans les outillages indispensables au fonds de commerce et d’industrie. Varon : « les esclaves demeurent des outils munis de la parole, contrairement aux bœufs et aux instruments muets ». C’est la classification de l’esclave dans la société romaine.

            Par conséquent, tous les dommages qui sont des dommages causés à des choses ou des personnes dépendent de la responsabilité du propriétaire. Tout ce qui est produit par l’esclave revient à son propriétaire, qui peut par sa bonté lui accorder un peu de pécule.

 

            L’esclave est une chose qui peut être donnée gratuitement et peut être cédé en usufruit. Il peut être vendu en toute propriété. Il peut être loué, il peut être légué, il peut être cédé en justice en reconnaissance de dette.

 

            Deux remarques pour atténuer cela :

 

  • ce sont les stoïciens qui sont les premiers à affirmer la nature humaine de l’esclave (ils ont beaucoup influencé la tradition chrétienne). Ils reconnaissent le problème morale de l’esclavage et ils mettent l’accent sur les barrières que posent la société romaine à l’affranchissement – qui dit esclave dit libération à un moment donné.

En réalité, la reconnaissance de l’esclave comme personne pose un problème économique, mais surtout politique. L’affranchissement est une menace sur la notion de cité exclusive (citoyenneté exclusive).

Rome va favoriser les possibilités d’affranchissement, surtout quand l’Empire va devenir chrétien. Cet affranchissement est un acte privé (ce n’est pas l’Etat qui décide), dans lequel le maitre exprime sa volonté d’affranchir et de libérer son esclave.

 

  • L’esclave n’est pas le seul instrument d’une personne privée, il est aussi un instrument au service de l’Etat. Il existe donc des esclaves publics qui appartiennent à la collectivité, dans un souci d’intérêt général, utilisés principalement pour les travaux publics.

Leur utilité se fait sentir dans la construction des moyens de communication (aqueducs, ponts, routes, etc…), ils sont aussi parfois des agents de la sécurité de l’Etat (cadre militaire).

Dans ces esclaves publics on va trouver les gladiateurs – ce sont des esclaves formés dans des écoles spéciales voués à mourir dans les jeux publics.

Ces esclaves peuvent à la fois travailler à la campagne comme à la ville. Ils ont également certaines compétences intellectuelles, ils sont souvent copistes dans l’industrie du livre.

 

CCL : Le monde romain du travail est peuplé principalement d’esclaves manuels, mais on trouve aussi des hommes libres. Dans les campagnes il y a des paysans qui sont des propriétaires terriens qui exercent une activité agricole et qui emploient des métayers – à travers un bail rural.

            Il y a dans la ville romaine des corps de métiers, il y a aussi des travailleurs libres – artisans libres. Ces artisans libres vont utiliser les techniques offertes par les droits romains des obligations, ce que l’on appelle le contrat de louage.

 

 

  1. Les corps de métiers romains

 

  1. La nature

 

            La Gaule a subi la conquête romaine et a reçu sur son territoire un mode d’organisation collective du travail (on n’est pas dans la relation du maître à l’esclave). Cette corporation se divise en collèges industriels (charpentier, boulanger) ; le corps de métiers est une personne morale qui cohabite avec l’Etat.

            Le corps de métiers ne concerne pas que l’activité de travail, il perpétue des cérémonies religieuses, des cultes, des rites. Ce corps a un chef, il est dirigé par une assemblée (Etat dans l’Etat) qui prélève des cotisations et qui produit des règlements. L’Histoire de ces corps évolue puisqu’ils deviennent progressivement des clubs politiques (sociétés secrètes). Ce modèle corporatiste va passer le temps va se retrouver à travers toutes les époques.

            Dans un corps de métiers, le travail se vit dans la collectivité, cette association est d’abord libre mais va rapidement devenir un lien forcé.

 

  1. L’organisation des corps de métiers en groupe

 

Ces corporations ou corps de métiers, sont divisés en trois groupes.

            D’abord, les métiers libres (forgerons, charpentiers), on y trouve des artisans libres car ils ne sont pas esclaves d’un maître, mais ils sont eux-mêmes enfermés dans la corporation (tenus par leur engagement).

            Ces métiers libres regroupent le secteur de l’agriculture, le secteur de la banque ou la liberté d’établissement est totale. Dans ces corps de métiers libres, les marchands vont pratiquer le contrat, ce monde des affaires va exiger le secret contractuel, la rapidité et la rigueur des procédures.

            Dans la société rurale au contraire, la vision contractuelle est différente et le contrat est un acte grave qui est longuement débattu dans la famille. Le contrat va conditionner les ventes et aussi les ententes matrimoniales ; le contrat est garanti par la présence de témoins et de cautions. C’est souvent un contrat solennel et par exception, un contrat écrit.

 

            Ensuite, les corps de métiers nécessaires (ils œuvrent à l’intérêt général, ils permettent la subsistance du peuple, ce sont les professions qui permettent de nourrir le peuple).

            Ici le caractère est moins libre, les travailleurs sont sous servitude publique (un peu comme des fonctionnaires), ils produisent leur activité en contrepartie de la mise à disposition des biens publics et d’exonération fiscale.

 

            Enfin, le corps des manufactures impériales ; ce sont les ouvriers impérieux qui sont utilisés dans les mines (travail souterrain, à la fois un travail public et surtout une peine punitive). Ces établissements manufacturiers vont être sous la direction d’un intendant. Les ouvriers sont divisés en quatre catégories :

-On y trouve des Hommes libres

-On y trouve surtout des esclaves

-Des malfaiteurs condamnés

-Des affranchis

            Cette catégorie se rapproche de celle de l’esclave public. Or, on y trouve des Hommes libres indépendants qui désirent encadrer les manufactures impériales. Pour ce faire, ils fournissent un certificat qui atteste de leur caractère libre, ils contractent ainsi avec le gouverneur de la province, ils sont mis à la même condition que les manufacturiers, ils y subissent la même discipline (épuisement). Ils choisissent souvent les ateliers impériaux pour éviter d’aller au front guerrier.

 

            Ce modèle de corps de métiers va être reçu par la Gaule romaine du Ier au Ve siècle ; les ouvriers et artisans vont être répartis selon leur métier et selon leur domaine fiscal. Ces corps de métiers vont transmettre une discipline, une hiérarchie aussi, qui va perdurer dans les futures époques sur le sol français.

 

 

  1. La technique contractuelle : le louage

 

            Le louage est une technique contractuelle qui comprend trois catégories :

 

  • Locatio operis faciendi opus

            Contrat par lequel un professionnel indépendant s’engage à accomplir un travail déterminé pour un client. Le travailleur propose un contrat d’entrepreneur, c’est littéralement la location du travail à faire, c’est donc un louage d’ouvrage. Dans ce contrat, une personne (forcément libre), le locator remet une chose dont elle est propriétaire à une autre personne que l’on appelle le conductor qui va réaliser sur la chose, un travail quelconque. On va confier un vêtement à une personne chargée de le nettoyer ou de le transformer. Ex : dans ce type de louage, c’est le conductor et non le locator qui recevra une rémunération.

            Il s’agit de travailleurs indépendants et souvent des artisans.

 

  • Locatio rei

C’est la location de chose, dans l’Ancien droit romain, ça ne concerne pas les immeubles. Chaque famille romaine possède ses terres (louage d’immeuble inutile). En revanche, on loue les animaux ou les esclaves.

            C’est au IIe siècle av. JC que se développe le louage des choses mobilières et immobilières. La chose va être mise à la disposition du conductor pour qu’il puisse s’en servir un temps déterminé, le bailleur assure la jouissance paisible au conductor pour la durée du bail. En contrepartie, le preneur va verser un loyer au bailleur. Progressivement, on va louer une propriété rurale, c’est l’origine du fermage et du métayage.

            Dès le IIe siècle après JC, le louage est pratiqué surtout du fait de l’afflux des étrangers, on propose surtout des immeubles à louer, des maisons, pour ce que l’on appelle les insulae. Rome développe donc une politique de conquête, elle va favoriser 2 choses, les grandes propriétés foncières rurales qui vont être aussi un Etat dans l’Etat et les locations de parcelles de terre par le bail rural. Si les romains peuvent louer leurs terres, ils peuvent aussi louer des choses incorporelles comme les créances, ils peuvent louer leurs esclaves.

 

  • Locatio Operarum

            C’est l’ancêtre du contrat de travail salarié, le travail se fait par l’opera (énergie). C’est le contrat de l’activité physique déployée. C’est une convention par lequel le locator met sa force de travail à la disposition du conductor de manière volontaire, sous l’autorité du conductor, il va déployer son opera. Il est dirigé par le conductor qui va penser l’ouvrage et qui va diriger la force de travail du locator.

            Ce contrat trouve une origine dans laquelle le chef de famille exige un travail en vertu de sa puissance : sont soumis au travail, la femme, les enfants mais aussi les débiteurs insolvables. Ce contrat apparaît plus tard que les autres, c’est un contrat consensuel, synallagmatique et de bonne-foi.

            Dans ce cas, on appelle le locator, celui qui met à la disposition du conductor, un service, une chose.

 

            Dans ce contrat, la partie qui tire un avantage va payer une rémunération (merces). En réalité, c’est l’ouvrier qui loue sa force de travail, qui met son temps de travail au service d’un employeur, c’est cet ouvrier qui va recevoir une rémunération. On est dans la relation contemporaine de travail. Le conductor est le patron car il dirige la force de travail de l’ouvrier (le travailleur indépendant se dirige lui-même), il verse un salaire qui tient lieu de loyer (de la location de service). Progressivement, ce loyer va donner naissance au terme de mercenaire, pour illustrer ce travail du service militaire (qqn qui met son énergie pour une lutte dont il n’a pas personnellement conscience).

            La locatio operarum concerne des journées de travail futures (supposées se réaliser), ces journées n’existent pas au moment de la signature du contrat (contrairement à la locatio faciendi ou rei). Ainsi, il est difficile de restituer la chose louée puisque c’est du temps de travail, il va donc falloir la mesurer par l’argent. Il va falloir déterminer un salaire versé par le conductor au locator, la question est de savoir, comment dissocier le salaire (merces), de la rémunération versée au titre de la servitude. Dans la société romaine, le mot merces va prendre un sens péjoratif (celui qui travaille pour recevoir un salaire est un homme méprisable car il se met dans une situation contractuelle indigne).

 

            Dans les professions libérales on ne parle pas de rémunération (merces), on parle de service rendu en l’échange de cadeaux qui vont prendre le terme d’honoraires (ce sont des gens d’honneur). Juridiquement, cela veut dire que la rémunération (merces) entraine une infamie, elle porte atteinte à l’honneur de la personne.

            Le droit romain du contrat de louage manque d’une certaine unité puisqu’on compte trois formes contractuelles. Or, toutes ces formes vont posséder des éléments communs de procédure, c’est à dire qu’un certain nombre de règles vont s’appliquer à tous les contrats de louage. Ces règles sont relatives à la nature de la chose louée et au prix de la location. Le contrat doit préciser la nature de la chose (dans la locatio faciendi, les parties doivent se mettre d’accord sur l’ouvrage à réaliser et sur les matières nécessaires). Dans tous les cas, le contrat doit avoir un terme (un moment où le travail s’achève).

 

            En ce qui concerne le salaire (merces) dans la locatio operarum, il est librement fixé par les parties. Il peut être versé en argent ou en nature. Lorsqu’elle est faite en argent, elle est faible (rapprochement avec l’esclave), la valeur de travail n’est pas payée à sa juste valeur (pas de plus-value).            

Le travailleur reçoit un patron qui le loge et le nourrit (raison d’affaiblissement du salaire). Le salaire est versé généralement d’une traite après travail effectué même si l’ouvrier peut toucher des avances ponctuelles au cours de son contrat. Dans le louage d’ouvrage, le prix n’est versé qu’à la fin de la réalisation de l’ouvrage.

 

            L’époque barbare a oublié ses racines romaines et ne reprend pas la technique du louage. Il faut attendre le Moyen Âge pour voir réapparaître l’ouvrage (droit Romano-canonique). Dans les contrats de louage médiévaux, la liberté est la règle, les parties sont libres de décider de toutes les clauses et la coutume n’intervient pas dans la relation contractuelle, les seules interventions que l’on relève est celles des autorités (monarque, seigneur, Eglise) pour surveiller les abus dans les salaires.

            D’une manière générale, la doctrine et a législation se désintéresse du louage, il faut attendre 1789 (ère libérale) pour voir ressurgir la question du contrat. C’est l’Assemblée constituante qui va

Pour la première fois réguler les salaires, c’est la Convention qui va instaurer le minimum salarial ; c’est la Constitution de l’an III qui va règlementer le louage de service et qui dispose qu’on ne peut louer ses services que pour un temps déterminé (pas de manière perpétuelle, esclavage déguisé). Le code civil va règlementer le louage et va consacrer une centaine d’articles au louage.

 

 

  1. La privatisation du travail à l’époque médiévale

 

            La chute de l’Empire romain (476 après JC), la chute aussi de l’Etat Impérial, la représentation de la force publique et centralisée. Cette chute est concomitante avec le début des invasions barbares qui finissent de détériorer l’ordre public. Au niveau des travailleurs, les paysans vont se révolter face aux invasions barbares (qui envahissent les terres), les artisans vont prendre la fuite dans les campagnes Elle va aussi transformer le contenu du droit applicable sur le territoire.

            On va passer d’un droit romain savant, théorique, intellectuel à un droit vulgaire. Les relations de travail vont devenir des relations de dépendances privées.

 

  1. Les relations privées franques

 

            La Gaule Franque débute au Ve siècle on peut la dater jusqu’au IXe siècle. Elle connaît une transformation brusque et violente des relations juridiques et on n’hésite pas à la qualifier de «recul de la civilisation».

            La technique contractuelle de droit romain va disparaître. Ce droit romain des contrats avait déjà commencé à dégénérer sous l’influence du droit vulgaire coutumier.

            On perd donc à cette époque la systématisation de l’écrit (issu du droit savant). On perd aussi la notion de consensualisme ; on retourne aux formes et aux symboles de la période archaïque, c’est le retour du formalisme et au réalisme (possibilité de faire une action obligatoire en transmettant une chose, la réalité du transfert fait le contrat).

 

            Dans ce nouveau cadre archaïque, les individus abandonnent les contrats consensuels pour se rallier aux coutumes et usages de nouveaux maîtres.

            C’est le principe de la personnalité des lois qui va guider les rapports collectifs, et qui va aussi guider les conflits (obligations délictuelles). À cette époque, il n’y a pas de doctrine, pas de magistrats, pas non plus de différence réelle entre le droit public et le droit privé, entre le pénal et le civil. En réalité, le droit romain est trop complexe pour les francs.

 

  • La désorganisation du travail

 

            Elle se manifeste d’abord par une nouvelle répartition des travailleurs sur le territoire, un grand nombre d’artisans sont réduits en esclavage par les germains qui s’emparent du territoire.

            Cette Gaule ne comprend plus différentes catégories d’ouvriers, on voit disparaître les ouvriers de manufacture, les ouvriers nécessaires à la subsistance du peuple. Suppression des catégories, des institutions du travail. Ces artisans vont être soumis au servage, au profit des barbares sur leur domaine, leurs conditions de travail vont être règlementées par la loi germanique et non plus par la loi romaine. Parmi ces travailleurs, on trouve des artisans de tous les métiers et des individus de toutes les ethnies romaines.

 

            Les germains apportent des mœurs et solidarités nouvelles : des guildes (banquets pour les travailleurs). On va rapidement voir les travailleurs comme des personnes isolées dans un ordre de travail privé plutôt que dans un ordre collectif.

            Le travailleur est donc isolé, il est généralement le serf dans le domaine de son maître. Il peut être donc le travailleur du seigneur, il peut être aussi le travailleur au service du monastère. Il existe une disparition de la personne publique de l’Etat mais il existe des personnes publiques (Eglise, seigneuries).

            La propriété des moyens de productions passe entre les mains des hommes de guerre et des hommes de foi (seigneurs et clergé). Les ateliers de travail sont les champs, les fermes, les bâtiments ruraux, qui profitent au seigneur ou à l’abbé.

 

            Il existe une paysannerie indépendante (elle ne dépend ni du seigneur, ni de l’abbé), elle n’est pas engagée par des liens de servitude. Ces paysanneries possèdent en général de petits territoires. De manière étymologique le «paysan» est tout homme libre du pays.

            Les ouvriers sont soumis aux ateliers du seigneur et de l’abbé et sont plus ou moins en servage

 

            La loi romaine continue à s’appliquer dans certaines villes par coutume notamment dans les régions du Midi (Toulouse).

                       

  1. La règle du travail monastique

 

            Le travail reste un travail manuel et agricole à l’époque franque. L’organisation du travail dans les monastères donne un premier modèle de règlementation du travail.

 

            L’organisation de l’Eglise médiévale chrétienne emprunte beaucoup à l’idée romaine de personnalité morale. Cette Eglise est composée elle-même de personnes morales (communautés, diocèses, monastères et institutions de bienfaisance). À la tête de cette Eglise se trouve le Pape (évêque de Rome, le chef de la chrétienté), lui-même va loger dans un Cathédrale dans laquelle vont se dérouler des cérémonies religieuses.

Chaque diocèse va posséder son patrimoine, chaque village va bénéficier d’une paroisse qui sera dirigé par un prêtre. Ces évêques et prêtres constituent le clergé séculier (vivant au milieu des Hommes dans le siècle).

 

            À l’écart du monde, vont vivre des religieux groupés dans des monastères. Chaque moine va suivre une règle sous l’autorité de l’Abbé. Ce clergé régulier fait vœu de chasteté, de pauvreté et d’obéissance et c’est lui qui va construire et diffuser une conception nouvelle, du travail.

Ces moines travaillent dans les abbayes mais emploient des ouvriers pour certaines besognes manuelles. On contrôle à la fois le travail du Moine et aussi ceux exécutés par les ouvriers extérieurs au monastère.

 

            Ce travail est souhaité par la Bible, c’est donc dans la théologie même que l’on trouve l’obligation de travail, reprise notamment par Saint Augustin. Il s’agit de s’exercer manuellement, tous les jours et cette règle est un principe général dans tous les monastères.

            Cette vision monastique va permettre de réhabiliter la notion de travail comparativement à l’image qu’avait donné le droit romain. On impose donc un travail au clergé régulier, mais ce dernier ne peut pas en récolter les fruits. Les biens de consommation seront fabriqués des mains.

 

            Ce travail permet l’autogestion des monastères, la règle autorise la vente des produits à l’extérieur du cloître. Pour améliorer cette commercialisation, le clergé bénéficie de mesures fiscales favorables (exonération de péages et impôts sur les produits laitiers). Ce travail des monastères va permettre de sauvegarder les traditions des arts et de l’industrie romaine (le savoir-faire en architecture, en peinture, en écriture, pour copier les manuscrits).

            Au début du XIe, on fait une distinction claire entre le travail manuel par les moines illettrés et les études libérales par les moines lettrés. C’est la première dichotomie entre travail manuel et travail intellectuel, on réserve donc aux libéraux (se libèrent l’esprit par l’étude des lettres) les exercices pieux, et les besognes sont réservées aux illettrés.

 

  1. Le contrat féodal : une relation foncière

 

            À partir du XXe-XXIe siècle, l’état social de la France va à nouveau se transformer avec une disparition de certaines traditions romaines et germaniques.

            Mettant en avant une relation personnelle, duale, entre le seigneur et son vassal, mais aussi le seigneur et son serf. De manière schématique, la période féodale est l’échec de la restauration de l’Etat, de l’Etat central. C’est donc une situation juridique ou le droit va devenir coutumier, local mais aussi dans une certaine mesure, contractuelle.

            Le seigneur est celui qui est propriétaire de son sol, le souverain absolu sur son territoire. Le vassal va donc dépendre d’un seigneur et le serf va être cet esclave hérité du droit romain. Le principal travailleur manuel est le serf qui est un travailleur agricole ou un domestique qui dépend de manière totale du seigneur.

 

            La personne du monarque n’a pas de véritable autorité, les seigneuries vont donc constituer de multiples points de puissance publique.

            En ce sens, le seigneur a usurpé le pouvoir du monarque et il remplit les fonctions régaliennes qui devraient être attribuées au Roi de France. On dit que le pouvoir émane de la domanialité, c’est un pouvoir foncier qui se base sur la propriété de la terre.

 

  1. Le travail au service et pour le seigneur

 

            Il y a plusieurs degrés de domination. D’abord, les seigneurs ont des vassaux par ce que l’on appelle le lien féodovassalique.

C’est la 1ère hiérarchie, cette relation se matérialise par la concession d’un bien fait par un seigneur à son vassal. Cette concession est le fief. En contrepartie de cette concession, le vassal se charge de services nobles, il va cultiver la terre du seigneur, mais concrètement, ce sont ses serfs qui vont cultiver la terre.

Progressivement, le fief va désigner non pas la concession mais la terre cultivée elle-même. Il va devenir un privilège héréditaire.

  • Le cadre général de la vassalité

 

            Le rapport entre le seigneur et le vassal va e résumer en un devoir de fidélité politique qui comprend une donnée économique de travail avec la croissance agricole. La relation entre le seigneur et son vassal implique l’Hommage envers son seigneur.

            C’est une cérémonie rituelle qui va consacrer la relation juridique entre deux hommes libres qui vont s’unir pour des liens personnels et privés. Il s’agit du contrat vassalique, qui va donner des obligations mutuelles, c’est un contrat synallagmatique. Le vassal va prononcer un serment de fidélité et la cérémonie va se conclure en engageant la foi du vassal et du seigneur.

            Le vassal va devenir l’Homme de bouche et de mains, il va recevoir le baiser du seigneur. Le vassal doit à son seigneur l’obligation de participer aux assemblées seigneuriales (conseil politique) ; il doit au seigneur de rendre la justice en son nom ; il lui doit aide financière et militaire. En échange, le seigneur lui offre sa protection.

 

 

  • Le cadre intérieur de la vassalité

 

            Le seigneur reçoit un domaine pour travailler puisqu’il bénéficie de la concession d’un bien matériel. Sur son domaine, le seigneur possède l’entière maîtrise des travailleurs. Certains artisans vont se soumettre au pouvoir du seigneur et d’autres travailleurs vont être dans une condition servile. Ils travaillent la terre, ils l’exploitent mais ne récoltent pas les fruits, de surcroît, leur capacité juridique est liée à celle du seigneur.

            Le serf est une main d’oeuvre agricole, généralement le domestique, ce qui qualifie le serf est son absence de liberté juridique et aussi le fait qu’il soit attaché à un maître et un domaine.

 

            Le serf est d’abord un ouvrier rural qui perd ses droits individuels mais qui reçoit en échange une sécurité, une garantie de protection de son maître face aux crises politiques et économiques. Il a donc une situation de dépendance mais il bénéficie d’un statut, d’un état civil, d’une famille et d’un patrimoine et aussi d’une possibilité d’affranchissement.

            Le serf n’est pas une chose comme l’esclave à l’époque romaine, c’est une personne qui a consenti à sa propre servitude. Cette condition de dépendance va placer le serf dans une situation inférieure, mais une situation d’association à la propriété et à la production.

            On dit que «le serf est corvéable et taillable à merci», il a aussi l’obligation de demander l’autorisation à son maître pour contracter mariage.

 

            Le pouvoir du maître pèse sur le serf et toute sa famille. Le serf ne peut pas quitter son maître et le domaine de celui-ci. À côté de cette servitude, le seigneur peut avoir des relations avec d’autres individus qui ne sont pas en situation de servitude, il peut faire appel à des tenanciers ou encore à des paysans qui travailleront pour son compte.

            Face à cette domination du seigneur, certains paysans vont constituer des groupes indépendants, unis, des communautés villageoises qui vont résister à la puissance du seigneur.

 

 

  1. La résurgence des corps de métiers

 

            À cette période féodale, réapparaissent des corps de métiers de l’époque romaine. Dès le XIe siècle, se reforment des associations communales, des communes, mais aussi des associations d’artisans.     Ce sont des artisans qui ont perdu ou qui ont gagné leur indépendance face au seigneur. Concrètement, ils proposent une production de différentes natures, fabriquent pour leur compte et vendent aussi pour leur compte sans le contrôle d’un seigneur.

            Ils sont groupés en associations, organisés en métiers, pour résister à la puissance du seigneur. Ces associations vont aussi être motivées non pas que par la production mais par la défense des intérêts communs (corporation romaine).

 

            Cette corporation va défendre ses intérêts et les intérêts de ses membres à la fois contre le seigneur et contre la concurrence étrangère. Ces corporations vont émettre des règles, d’organisation et de création des ateliers. Il faut autorisation du corps de métier pour ouvrir un atelier.

            Ces corporations vont avoir des lois (privilèges) et aura aussi des chefs à sa tête, qui seront des maîtres, des contremaîtres. Elles vont produire une législation économique de protection contre a concurrence extérieure, de préservation contre les abus des officiers du seigneur.

 

            Malgré ce mouvement d’émancipation, le corps de métiers va, comme à l’époque romaine, reproduire des servitudes à l’intérieur du corps. Le plus ancien code de règlement des corporations est le Livre des métiers de Paris de 1258 ; il a été publié par Etienne Boileau. Il réunit toutes les lois du corps dans ce règlement écrit et il exprime les traditions et les usages du métier. Cette codification est recueille par une enquête et est validée par le prévôt et ses conseillers.

            Ce code des métiers va se diffuser sur l’ensemble du territoire déterminé. Il va surtout renseigner sur cette discipline qui permet d’accéder à la maîtrise. Il va définir le cycle du travail et de la maîtrise (apprenti – ouvrier – maître). L’apprentissage est la première phase du travail au sein des corps de métiers. Même si l’apprenti à un maître, on la distingue de la relation maître-élève, plus spirituelle. On commence le travail à 12 ans chez un maître ; le maître est celui qui possède la maîtrise, qui a reçu un titre qui lui permet d’être soit chef d’industrie reconnu, soit chef d’Art, dans tous les cas, il prend la figure du patron.

            Le maître doit avoir aussi une bonne réputation, il ne peut admettre pas plus d’un ou deux apprentis dans son atelier, c’est une relation individuelle, de confiance. Le temps de l’apprentissage va varier selon la nature du métier ; on compte deux ans pour un bon apprentissage. Pour la cuisine, il s’agit de deux années d’apprentissage mais on peut faire évoluer la durée de l’apprentissage d’un commun accord.

 

            L’apprentissage a une dimension lucrative ; le maître va recevoir de la part des parents une indemnité et cette indemnité va être négociée à travers un contrat entre les parents et le maître devant une assemblée qu’on appelle «les jurés des métiers». Relation contractuelle entre les parents et le maître qui va couvrir les frais d’apprentissage et les frais de nourriture.

Les frais doivent être payés pour que commence l’apprentissage ; le maître surveille la conduite et l’emploi du temps de son apprenti, c’est une éducation de l’individu. Il à un droit de correction (avec modération), si l’apprenti s’échappe de son lieu, c‘est une évasion, il peut être corrigé voire expulsé de l’atelier.

            Au terme de l’apprentissage, le jeune apprenti peut, dès le XIIIe siècle, recevoir directement la maîtrise ; il peut décider de rester ouvrier quelques années (avant de diriger son atelier). S’il reste ouvrier, il est valet (sans être domestique), la procédure l’oblige à procéder à des éléments rituels (sacramentels en droit romain), ce sont des formules orales, des serments, il juge devant les Saints, les reliques. Avec deux jurés (témoins), il jure qu’il «fera loyalement son métier». Il jure aussi qu’il va observer les statuts du métier et qu’il va dénoncer les infractions à la loi du métier devant les jurés.

            S’il désire être embauché (plutôt qu’être indépendant), il va présenter son certificat d’apprentissage. Les parties vont se mettre d’accord sur le salaire à attribuer (rémunération du travail), l’emploi du temps est strict : travail de jour qui commence au lever du soleil. On interdit le travail nocturne ; le chômage (absence d’emploi) est courant. Il y a un jour chômé obligatoire (dimanche). Il y a aussi un repos d’une trentaine de jours (Grandes fêtes). Enfin, le travail est partiel tous les samedis.

 

            L’apprenti qui décide de devenir maître (dépasser la qualité d’ouvrier), c’est la capacité de s’établir seul, librement pour diriger son atelier. On devient maître après un interrogatoire qui est subi devant les corps de métiers (jurés).

            Ces jurés sont des magistrats, ils ont la garde du métier, ils sont élus par les membres de la corporation. Ils prêtent serment, donc leur rôle est de surveiller les contrats d’apprentissage, d’examiner les candidats à la maîtrise, mais aussi de percevoir les impôts (redevance exigibles au nouveau maître). Ils président les assemblées corporatives, ils gèrent les finances et contrôlent la fabrication des objets. Ils dressent les procès d’infraction, c’est donc une police de répression professionnelle (des contrefaçons). Ils assurent aussi une certaine idée d’égalité professionnelle.

            Ils sont favorables à la libéralisation des échanges. Ce sont donc ces jurés qui sont des magistrats, qui vont attribuer la maîtrise à l’apprenti, après paiement d’une redevance et serment dans lequel l’apprenti s’oblige à observer les coutumes et usages du métier. En complément, l’apprenti peut parfois devoir payer un droit au Roi lorsque le métier est inféodé.

 

            La maîtrise va devenir un bien incorporel, que l’on va pouvoir transmettre de père en fils. D’abord dans un souci d’enrichissement, puis dans un souci de tradition. L’apprenti et le maître sont des gens de métier (ce ne sont pas des gens de travail), déjà on voit la distinction entre les indépendants et les travailleurs ouvriers qui sont condamnés à être sous la direction de quelqu’un. Les métiers les plus nobles vint former une aristocratie marchande que l’on retrouvera dans les villes, cette bourgeoisie commerciale va prendre de nombreuses charges municipales (ce sera la bourgeoisie du XVIIIe).

 

  1. Les confréries

 

            Il s’agit de la première institution de protection sociale. Elle complète les compétences de la corporation, si le corps de métier organise et règlemente le travail, la fabrication des choses.

            La confrérie va prendre en charge le service religieux et la charité offerte aux travailleurs par la corporation. C’est le lieu où se retrouvent les travailleurs, c’est un lieu d’association, pour communier à travers les prières. 

            Ces confréries vont être progressivement règlementées et autorisées par les monarques. Elles vont avoir un chef élu par les jurés (le bâtonnier), c’est donc l’annexe du corps de métier.

 

            La confrérie est l’association des frères de travail. C’est donc une association de fidèles qui se consacrent à la promotion d’un culte. Le but est la charité pour les travailleurs. La confrérie n’est pas une congrégation (institut monastique) car elle est liée au travail et on ne prononce pas de voeu de pauvreté ou de chasteté. Les fidèles célèbrent la gloire des patrons et font des banquets.

            Cette confrérie va devenir une sorte de société de secours mutuelle dont le budget est alimenté par les amendes infligées à ceux qui contreviennent aux statuts du métier + aux redevances. Les actions de secours se classent par métiers : on utilise aussi les fonds récoltés pour créer des hôtels-dieu pour les pauvres, des hospices (afin de recueillir les indigents et infirmes de la profession).

 

            L’argent est redistribué aux pauvres et aux malades de la corporation (accident de la vie ou du travail) ; on assiste aussi les enfants des travailleurs, les orphelins d’un maître décédé (apprentissage professionnel gratuit).

            Cette confrérie va fonctionner comme une société (affectio societatis) somme déposée pour faire évoluer cette association, chaque membre va payer un droit d’entrée à la confrérie pour financer les oeuvres. En échange de services sociaux.

 

            Le système de la corporation associé à la confrérie est un système de protection et de règlementation qui doit être à l’avantage du travailleur. Dès le XIIIe siècle, cet avantage va se cumuler avec une amélioration de la condition ouvrière et du commerce. Au sein des corps de métiers vont se multiplier des conflits juridiques (plus le corps de métier sera doté d’individus, plus il sera riche car il y a plus de monde). Deux facteurs vont peser sur l’ouvrier, une règlementation trop oppressante et une spoliation financière liée aux tarifs excessifs de la maîtrise.

            Du fait de cet abus, la population ouvrière va se rallier au pouvoir royal pour démanteler les corporations.

 

 

Section 2 : les réformes royales et monarchiques à partir de la Guerre de Cent ans

 

  1. I. Les réformes royales et monarchiques à partir de la guerre de 100 ans

 

A partir de la guerre de 100ans, le schéma politique de l’organisation du travail change. L’entente entre les corps de métiers et le pouvoir royal était bonne puisque cette collaboration était fondée sur la lutte contre la féodalité.

            Or, lorsque la justice féodale s’affaiblit, lorsque la justice municipale s’affaiblit aussi, le monarque va s’attaquer aux pouvoirs des corps de métiers et va tenter de contrôler la justice du travail.

            Alors que les Rois capétiens ont laissé libres bourgeois et artisans ; les Rois Valois vont refuser une justice professionnelle libre du pouvoir du monarque ; ce qu’ils vont faire (dans toutes les matières du droit), c’est rendre la population ouvrière, sujet du Roi de France. Si les ouvriers sont sujets du Roi, ils ne sont plus esclaves de la corporation.

 

            Par l’action des Valois l’ouvrier va être un sujet au service du Roi, l’unité du monarque passe par l’amoindrissement du pouvoir des corporations. Les Valois vont tenter de supprimer les communes, où se situent les artisans et les bourgeois et vont faire cette action avec l’aide de la noblesse féodale. Vont être décidées par le monarque, des règlementations d’utilité G qui vont se substituer aux règlements des ateliers.

            Cette volonté politique va s’associer à une politique fiscale destinée à ruiner les corporations. En parallèle, la France connait une tendance européenne. Cette période voir un regain des Arts au détriment de la valeur de l’argent (Renaissance). Les français vont imiter les italiens dans tous les domaines, peinture notamment, la notion de travail va être rénovée (sens artistique). Les monarques vont d’une part favoriser les arts et d’autre part, réprimer les corporations. François 1er va encourager l’imprimerie, la découverte des autres mondes.

            Retour de la philosophie Antique et des idées de Platon et Aristote.

 

 

  1. Le contrôle règlementaire royal

 

 

            Ordonnance de 1351 va limiter le salaire des orfèvres (indépendants). Elle autorise en même temps un nombre d’apprentis élevés et limite le pouvoir des jurés dans le contrôle de l’apprentissage.

            C’est surtout Charles VII qui va inciter le redressement économique de la France en rénovant les anciens statuts par des règlements publics de 1437 à 1461. Sous couvert de protection des libertés individuelles, le Roi introduit un contrôle des corporations.

            Une partie des amendes vont aller en partie du Roi (deniers publics). Au sein des assemblées de jurés s’introduisent des agents du Roi qui participent aux décisions. L’introduction du contrôle du Roi est contrebalancé par des avantages en faveur des grandes Foires de Lyon et du Languedoc. C’est surtout Louis XI qui va centrer son action sur l’élévation de la bourgeoisie et des classes laborieuses.

Pour ce faire, vont être créées des institutions particulières des compagnies qui vont être en concurrence avec les corps de métiers.

 

            Chaque artisan va appartenir à une compagnie qui aura aussi une confrérie, le Roi va créer un maître dans chaque compagnie qui sera un agent du Roi (compagnonnage).

            En riposte, dès le XVe siècle, les corporations vont transformer leurs réglementations. Pour se protéger eux-mêmes, les corporations imaginent une nouvelle procédure pour devenir maître après l’apprentissage, il faudra passer désormais une épreuve longue et coûteuse : l’épreuve du chef-d’oeuvre.

            Cette épreuve varie selon les métiers. Elle consiste, pour le menuisier de construire une oeuvre en assemblage, à la mode antique, à la mode moderne et à la mode française. Cette épreuve du chef-d’oeuvre est contrôlée par les jurés, peut durer 8 mois. L’apprenti doit faire tout seul son oeuvre, une fois achevée, il présente l’oeuvre devant les jurés qui acceptent ou non l’oeuvre (sinon détruite). Si il échoue, il restera valet, apprenti.

 

            Progressivement, l’épreuve va devenir une épreuve très coûteuse. Ainsi, il va empêcher certains ouvriers d’accéder à la mobilité sociale (devenir maitre), le fonctionnement de la corporation va rester pareil qu’avant hors mis cette épreuve (rapport contractuel à l’apprentissage).

L’apprentissage va connaitre des dérives, durée trop longue, redevances tp lourdes, réprimandes exagérées.

 

 

  1. La division des corporations par le compagnonnage professionnel

 

 

            Le compagnonnage est l’expression d’une tension croissante entre l’ouvrier et le patron. C’est une rupture des compétences et c’est un rapport de force qui va s’exprimer au plan juridique et spirituel ; les compagnons sont des confréries autonomes (francs-maçons) qui s’organise en dehors de celle des parons.

            C’est une association d’ouvriers qui permet l’organisation d’un réseau mutuel, qui est censé aider l’ouvrier dans ses déplacements, elle n’est pas reconnue par la loi, c’est une société secrète. Son but est d’assurer la migration des ouvriers, d’améliorer leurs voyages et leur permettre de trouver un travail par un réseau international.

            Ces compagnons sont reçus dans chaque ville par une personne que l’on nomme «la mère », qui est souvent en chargée d’un cabaret qu offre protection et aide à tout compagnon. La mère trouve un emploi au compagnon. Les confrères vont aider le compagnon en argent, en soin, en cas de détresse ou de maladie.

 

C’est la garantie de faire le tour de la France sans difficultés. Ces associations vont entraîner des excès, mais surtout une conscience de la classe ouvrière qui va se radicaliser notamment à travers des grèves.

            Les francs-maçons ont la particularité d’être une société qui accueille à la fois patrons et ouvriers.

 

            Elle est établie par la volonté des maçons qui construisent les cathédrales du XIIe et du XIIIe.

 

            Cette société est établie de manière définitive en 1459 par Dotzinger (maçons de la cathédrale de Strasbourg). Les statuts des francs-maçons ont un esprit moral et religieux avec des rites initiatiques. Parmi les règles des francs-maçons :

-Obligation pour un ouvrier qui quitte son maître, de payer toutes ses dettes

-Tout le monde à des devoirs : le devoir est la sacrifice de chacun

-C’est un engagement de mettre dans tous ses actes, des sentiments de justice et de charité chrétienne

 

 

 

  1. Les réformes monarchiques de 1598 à 1715

 

            A partir de la période monarchique, période de l’AR, l’organisation du travail va encore être modifiée sous l’effet des changements économiques industriels et sous l’effet du développement artistique qui provient essentiellement de la Renaissance italienne.

            Cette Renaissance italienne marque d’abord le retour des Arts, spécialement le retour des Arts antiques. Cette Renaissance marque aussi l’avènement de la monarchie éclairée (par les Arts et la philosophie) et la diminution du pouvoir de l’argent.

           

            On reçoit en France de nombreux artistes étrangers. L’influence de ces artistes va retentir dans le monde ouvrier. Les monarques français vont adopter de nouvelles réglementations, favorables au développement économique. Ce sont des réglementations qui vont favoriser l’imprimerie, les inventions technologiques, les innovations, etc…

            Les monarques vont aussi offrir des dotations de primes aux artisans, et créer une législation des brevets. Ces brevets ce sont des premières dérogations au droit des corps de métiers, c’est une première manifestation du contrôle royal.

 

            En parallèle la crise monétaire et économique touche le peuple français de manière importante :

-le peuple paysan : une crise agricole

-crise agraire également (répartition de la propriété).

 

            Le petit peuple ouvrier est miné par les abus continuels des corporations, surtout à partir du XVIè s. Ces abus vont se manifester de la façon suivante :

-tout d’abord le monopole économique : un système qui ne souffre d’aucune concurrence, donc aucune concurrence des prix, mais également concurrence des prix de la force de travail (salaire)

-les querelles entre les corps de métiers parce que l’accession à la maitrise n’est accordée qu’aux bonnes familles, c’est-à-dire aux familles fortunées qui présentent parfois un certificat de catholicité.

-Le pouvoir de travail est accaparé par une minorité (oligarchie).

-Au cours de cette période d’industrialisation forte, il y a des distinctions sociales et des distinctions morales qui apparaissent entre les maitres et les ouvriers.

 

            C’est pour cette raison que le peuple ouvrier va s’allier au pouvoir des monarques pour lutter contre les abus des corporations. Les monarques de l’AR vont convaincre le peuple que le pouvoir des corporations par le Roi permettra leur soulagement social.

C’est à partir du XVIè s. cette monarchie absolue va intervenir dans les rapports pros en défendant la position ouvrière car elle va contrôler les règlements et par conséquent contrôler les corporations.

 

  • Les lettres de maitrise

 

            La royauté va créer de nombreux offices de maitres c’est-à-dire des charges qui vont attribuer la maitrise. Elle retire par son pouvoir de création des offices le contrôle de la corporation.

Illustration : les vendeurs de poissons de Paris deviennent des officiers du Roi c’est-à-dire qu’ils ne passent plus par le processus de la maitrise du corps de métiers, ils achètent leur titre au Roi permet au Roi de contrôler la maitrise.

Charles IX va créer dans chaque ville de France des offices de jurés maçons et des offices de jurés charpentiers. Cet artisan va acheter des lettres de maitrise. Il va devenir maitre sans subir les épreuves ordinaires et sans payer les frais de la maitrise à la corporation, mais au monarque.

            Ce système d’acquisition des lettres de maitrise va entrainer des tensions entre les anciennes corporations et les nouveaux maitres par lettre du Roi. Ces anciennes corporations vont forcer les nouveaux venus, c’est-à-dire les nouveaux maitres, au paiement d’un impôt qui permettra de les intégrer dans le corps de métier.

 

            Le Roi désire détruire le pouvoir de contrôle des corporations, mais également récupérer des sommes d’argent pour le fonctionnement du Royaume.

            À partir du XVIè s., on voit apparaître une inflation des lettres de maitrise.

 

            La seconde action est d’attaquer les confréries qui sont dénoncées par le Roi comme des lieux de débauche. C’est d’abord François Ier qui déclare les confréries dissoutes parce qu’elles troublent l’ordre public. Sont autorisées seulement les assemblées religieuses des confréries.

            C’est l’Ordonnance de Blois qui va finir de purifier la confrérie en donnant une définition de l’affectation des sommes acquises par la confrérie.

            La Royauté réglemente le corps de métier et son accessoire, c’est-à-dire la confrérie. L’action du Roi va aussi réduire la cupidité des jurés, c’est-à-dire avides d’argent. Cette action royale va aussi permettre de récupérer une masse de travailleurs au service de l’Etat, un peu comme à l’époque romaine.

 

            Le monarque va supprimer les corporations anciennes pour en créer des nouvelles en 1581 → un nouveau système est établi sous le contrôle du Roi. Cette ordonnance de 1581 permet d’organiser le travail sous le contrôle de l’Etat et non plus sous le contrôle des organismes privés.

            C’est la première étape de rénovation du travail : première fois qu’il y a un contrôle de l’Etat.

 

            Cette ordonnance ne connaître une réforme que sous le règne d’Henri IV.

 

 

  1. Les réformes d’Henri IV

 

            Henri IV va hériter d’une situation éco, voir catastrophique. Il a une éducation calviniste, qui a son importance pour l’analyse de sa vision économique, notamment en raison de la position du protestantisme.

 

            Il doit d’abord faire face à une industrie décadente et un commerce en difficulté au niveau national et international. La balance commerciale de la France est négative puisque le pays avait beaucoup importé de produit pendant les troubles de la ligue.

            Au niveau intérieur, le travail s’est ralenti et la consommation aussi. Henri IV va tenter de restaurer cette croissance économique à l’intérieur du pays.

 

            Il va d’avoir y avoir une amélioration des espaces urbains : politique structurelle un peu keynésienne. Pour ce faire, il prend les moyens pour embellir les villes et notamment les villes de province par une politique de grands travaux.

            Il va protéger les arts et relancer les industries de luxe. Il crée l’industrie de la soie, et la manufacture des Gobelins.

            Il y a une volonté très calviniste de faire repartir l’économie par le travail et de remettre le travail au centre du pays.

 

            Cela s’accompagne d’une volonté réitérée de contrôle des corps des métiers. Il y a une poursuite ici de la politique antérieure. Se dessine aussi derrière cette politique économique : il y a une volonté de protectionnisme douanier en faveur des produits nationaux. Cette mesure est demandée de manière ancienne par les artisans et par les corps de métiers.

            Henri IV va répondre à cette demande ancienne, c’est une demande qui remonte au MA. C’est un protectionnisme de pays à pays et un protectionnisme de ville à ville. Il va reprendre ce schéma protectionniste et va l’agrandir à l’échelle du royaume : un protectionnisme de royaume à royaume.

 

            En bon protestant, il va favoriser les alliances diplomatiques économiques. Il va signer de nombreux traités en faveur de la France, notamment un traité avec l’Espagne.

 

 

            En parallèle de ce mouvement économique, les contestations vont s’élever au niveau populaire : le peuple demande la suppression des réglementations qui les obligent à se soumettre aux corporations.

            Pour voir cette demande réalisée, il faut attendre une action de Richelieu qui va créer des monopoles royaux dont le principe va à l’encontre des corps de métiers indépendants.

 

            À cette même période reste favorisée le commerce extérieur, associé à une politique protectionniste (surtout pour les compagnies françaises maritimes).

            Persistent encore les conflits entre les corporations et le Roi à savoir entre les corps de métiers et leur processus d’apprentissage, et la politique royal des lettres de maitrise.

 

  1. Les réformes de Colbert

 

            C’est l’avant dernière phase avant la période révolutionnaire de transformations des structures économiques. Chacun des personnages cités va représenter un courant des idées économiques qui émergent. Il y a un lien presque inévitable à l’époque moderne entre l’histoire des idées économiques et les décisions de politiques qui ont été prises par les gouvernements et les monarques français.

 

            C’est Louis XIV qui va instituer Colbert ; qui est un penseur, un homme politique de ce que l’on appelle le mercantilisme. Il est issu de la bourgeoisie marchant : il ne fait pas partie de la classe noble des privilégiés. C’est Colbert qui va inspirer une nouvelle méthode économique, le colbertisme appliquant les principes mercantilistes.

            Parmi ces principes nouveaux, au niveau macro-économique :

-accroitre la réserve royale en métaux précieux, c’est-à-dire l’argent qui n’est pas scripturale

-réfléchir le stock monétaire, c’est-à-dire réguler l’économie par la monnaie

-augmenter les exportations

-réduire les importations

 

            Au niveau micro-économique, Colbert favorise les manufactures royales, d’Etat ; mais aussi les manufactures privées.

            Ces industries contrôlées par l’Etat seront protégées par la fiscalité, c’est-à-dire par des mesures douanières. C’est donc une politique que l’on dit dirigiste, une politique protectionniste que l’on dit favorable aux infrastructures intérieures.

            Colbert intègre une réglementation du travail, qui sera un point fondamental de son projet. Pour ce faire, en bon sociologue, il va d’abord observer l’état du travail sur le terrain. Il envoie sur le territoire ce que l’on appelle des commissaires (qui ont une mission exceptionnelle, et quand la mission s’éteint ils ne sont plus agents du roi) pour étudier les R- en vigueur. A partir de ces enquêtes de terrain, avoir observé la réalité, il va dresser des projets de statuts qu’il va faire approuver par les maitres et par les ouvriers.

            Cette approbation par les maitres et les ouvriers se fait par les assemblées générales de chaque métier. A ce moment là, une partie des corps de métiers acceptent la procédure et une grosse partie (artisans indépendants) vont refuser le dictat du Roi.

            Colbert va produire une réglementation, c’est-à-dire des statuts du travail. Par exemple pour des drapiers et on compte au minimum 150 règlements par Colbert.

 

            Par son action, Colbert veut renforcer la légitimité du Roi : il ne veut pas tuer les corporations, il veut les mettre sous le contrôle et au service du Roi.

            Pour ce faire, il va aussi opérer des modifications au sein des procédures des corps de métiers par sa réglementation. Colbert règle :

-l’élection des jurés,

-les règles de convocations des assemblées,

-les procédures internes des corps de métiers,

-la visite des ateliers c’est-à-dire l’inspection,

-les conditions d’apprentissage,

-les épreuves du chef d’œuvre,

-surtout les devoirs et les droits des maitres.

 

            Le travail de Colbert va payer car ses Edits vont être adoptés, ils vont être appliqués comme statut des métiers. Il va opérer un changement le paysage des corporations puisqu’il va créer de nouvelles corporations sous le contrôle du Roi. Deux conséquences politiques :

 

-crainte des corporations de voir leur structure disparaître

 

-les ouvriers vont être satisfaits du contrôle du Roi sur les corporations (plus de justice), mais certains ouvriers vont aussi être contraints d’adhérer aux nouvelles corporations de manière forcée, sans être libres (sans consentir, sans contrat).

Les ouvriers vont reprocher à la réglementation royale d’être trop rigide, de desservir l’innovation et progressivement vont se manifester des plaintes, des révoltes contre une réglementation trop sévère.

 

            Colbert va mettre en place une inspection qui sera chargée de contrôler le respect des règles.

 

 

  1. Les initiatives libérales et révolutionnaires du XVIIIè siècle

 

            Nous allons étudier les révolutions qui ont été portées en France par les libéraux mais aussi par les constituants (c’est-à-dire les révolutionnaires). On associe les deux parce que les deux sont liés philosophiquement parlant. La révolution française ne réalise que la philosophie libérale du XVIIIè siècle : elle est une poursuite des réformateurs du XVIIIè siècle.

 

L’état de la France à la mort de Colbert

            Colbert a laissé une grande industrie fondée principalement sur la manufacture royale. Le principe de la manufacture royale est le contrôle de l’économie par l’Etat, c’est-à-dire la création d’institutions au but industriel, mais sans jurés et sans syndics.

            Il n’y a pas de représentation extérieure au contrôle de l’Etat.

 

            Colbert avait finalisé son système par une ordonnance de 1673 dans laquelle il réglemente la maitrise, les livres des métiers mais aussi les juridictions consulaires. Malgré cette organisation institutionnelle et juridictionnelle, l’état économique de la France va se dégrader par des conditions de vie du monde ouvrier difficiles, mais aussi du monde rural.

            La discipline des ateliers va être plus stricte, plus totalitaire avec une répression des fautes très dures, qui va créer un rapport de force entre les ouvriers et les patrons. Un fossé se creuse entre ceux qui offrent leur force de travail et ceux qui utilisent leur force de travail. Les maitres sont devenus des patrons, des industriels c’est-à-dire des patrons de la masse de travail, des propriétaires d’usine, ou encore des riches négociants, des financiers, qui ne réalisent pas les conditions matérielles de travail (pb de communication).

 

            Il y a donc une exploitation de l’ouvrier à outrance, comme une machine. Cette transformation du travail est dénoncée par le peuple qui souffre à la fois des mauvaises conditions de travail (salaire) mais aussi d’un rapport de hiérarchie poussé à l’extrême avec le patron (rapport de dépendance). L’apprenti est devenu l’esclave de la corporation ou de la manufacture, il ne peut pas quitter son patron. Il rentre donc dans un travail perpétuel. Ce travail perpétuel va se réaliser par l’impossibilité d’acquérir la maitrise :

-à la fois l’impossibilité de payer des lettres de maitrise (c’est-à-dire par rapport au Roi)

-mais aussi l’impossibilité d’accueillir la maitrise dans le corps de métiers.

            Il va dessiner une troisième voie : la voie libérale.

 

  1. Les réformes de Turgot

 

            Avant Turgot, la monarchie va s’efforcer de construire des règlements et de les faire appliquer par les corporations. Au XVIIIè s., la politique royale va être influencée par la philosophie libérale, philosophie naissante qui va interroger les questions industrielles et sociales.

            Ces penseurs libéraux vont rechercher de nouvelles lois de production des richesses c’est-à-dire des lois qui seraient différentes des principes mercantilistes. Par ces théories libérales, les réformateurs vont réfuter l’efficacité des monopoles, c’est-à-dire des manufactures royales et des corporations. Ces penseurs modernes vont également réfuter le système des corporations et dans ces corporations le système règlementaire. On parle donc des avantages de libre fabrication et de la libre circulation.

 

            Turgot fait partie de ces penseurs modernes et fréquent le club des économistes. C’est lui qui va offrir de nouvelles perspectives de politiques économiques à la monarchie. Il publie d’abord un ouvrage intitulé « Réflexions sur la formation et la distribution des richesses », en 1769. C’est un ouvrage dit d’économie politique, et c’est un ouvrage qui à son époque est très novateur parce qu’il proclame la liberté entière du commerce et de l’industrie.

            Turgot va confirmer l’opposition royale aux corporations c’est-à-dire à des corps de métiers privés. Mais il va aller plus loin : il va contester le privilège (lois particulières attribuées par le Roi) des corps constitués par la monarchie.

 

            En tant que physiocrate, il est convaincu qu’il existe un ordre naturel qui engendre un laisser faire et un laisser-aller, qui régule l’économie. C’est cet ordre naturel, c’est-à-dire naturaliste (des lois naturelles sans que les hommes n’aient à les construire), engendre une société vertueuse, prospère, parfaite. C’est le principe de l’économie classique.

            Contrairement aux mercantiles, Turgot va prôner la vraie richesse de la nation : c’est la terre. L’activité principale à développer est l’agriculture et cette activité est favoriser en faveur de l’homme mais ce n’est pas le centre.

            Par conséquent, la seule classe utile c’est la classe paysanne. Mais, puisque la richesse vient de la terre, même si la classe sociale productive est la classe paysanne, il existe d’autres classes qui vont venir développer l’économie. Cette deuxième classe est là pour distribuer la richesse produite par la terre.

            Au niveau économique, ces physiocrates (pré-libéraux, fondateurs de l’école pré-classique) ne jurent que par la propriété rurale et propriété foncière. Il faut quand même savoir que poser la question de la propriété rurale au XVIIIè s. est révolutionnaire : cf. révolution agraire.

Ce que pose Turgot c’est qu’à un moment, il faut que les gens puissent être propriétaires de leur terre.

 

            Au niveau politique, l’individu dispose des droits naturels qui sont la propriété et la liberté, qui pré-existent avant l’Etat. Ainsi donc, par la définition physiocrate, il ne peut y avoir qu’une liberté du travail parce qu’il ne peut y avoir qu’une liberté dans l’économie politique.

            Cela suppose qu’on donne la propriété, mais aussi qu’on donne le droit au travail à tout homme, sans le rattacher à un groupement de personnes. Le droit au travail est le droit au travail libre, càd dirigé soi-même son propre travail.

 

 

L’action politique de Turgot

            Turgot est un intendant établi dans la généralité de Limoges depuis 1761. Au sein de cette généralité il va appliquer au niveau local la politique qu’il a conçu avec ses amis de la société des économistes. C’est l’idée d’abolir les monopoles des corporations, qui constituent des entraves à l’exercice du droit individuel du travail.

            Fort de sa longue expérience d’intendant dans le Limousin, Turgot va être repéré par le pouvoir monarchique du fait de cette politique locale novatrice. Il va gravir les échelons de la monarchie et devenir contrôleur général des finances (1774). Il devient le fer de lance de la politique de Louis XVI, c’est-à-dire son ministre principal. C’est dire la vocation libérale que donnait Louis XVI aux réformes en France.

            Turgot va prôner la liberté entière d’industrie et de commerce, ceci par une première publication d’Edit de 1774 qui libère le commerce du grain. Ce sont les Edits qui vont réformer l’économie au niveau macro-économique. C’est une première étape vers le rejet du corporatisme, c’est-à-dire l’emprise d’une minorité sur le travail.

            Turgot va plus loin, il veut dit-il « supprimer les gouvernements de bon plaisir et de privilèges ». Malgré les contestations qui s’opposent à l’action de Turgot et les émeutes (qui ne viennent pas du milieu ouvrier), il va poursuivre sa politique. Comme pour le commerce du grain, il va établir des mesures de libéralisation en février 1776 au profit de la vente et de la fabrication du vin et des autres boissons. Le même mois, Turgot publie des Edits qui libèrent les paysans de la corvée des routes (mesures fiscales). Il remplace cette corvée par un impôt foncier, plus égal. Il s’attaque définitivement aux jurandes, càd au corps de métiers. Pour ce faire, il précise une argumentation : c’est une critique implacable du corps de métier.

 

            Pour Turgot, dans son analyse éco, le corps de métier est un monopole néfaste qui provoque la hausse des prix, qui nuit à la qualité de la prod, et qui prive les Hommes du droit de travailler librement.

            Il développe une conception du travail libérale et individuelle. Il présente le droit de travailler comme une propriété, c’est une propriété qui appartient à tout Homme quel que soit son sexe ou son origine. Le droit de travailler est donc un droit qui est associé à la personne et on peut penser que Turgot est un lecteur du droit romain : parce qu’il est attaché à la personne c’est un droit sacré. Puisque c’est un droit sacré, c’est un droit imprescriptible auquel on ne peut pas déroger, même par la loi.

 

            La législation produite par Turgot (Edits) pose le droit de travailler comme un droit naturel, comme un droit de l’Homme qui existe avant l’Etat. Le monarque, c’est-à-dire la fontaine de justice, a pour devoir de libérer ses sujets – qui ne sont toujours pas des individus, de toute atteinte à ce droit inaliénable parce que c’est un droit de l’humanité.

            Par conséquent, et sur le motif de ce droit, Turgot demande l’abrogation de tous les corps privilégiés. Ces corps sont condamnés parce qu’ils s’opposent à la condition du travail libre, c’est-à-dire qu’ils s’opposent au fait que tout le monde puisse travailler librement, quelle que soit sa condition sociale. Le système qui doit remplacer le système des corporations est le système des lois du marché c’est-à-dire un système libérale – voir pré-capitaliste.

 

            Cette réforme que Turgot établit par la voie législative va s’étendre sur tout le pays, en province et à Paris ; mais elle va connaître des entraves par l’action des parlements. On peut dire que le parlement est réactionnaire, dans le sens où il réagit à la réforme.

            C’est surtout le Parlement de Paris qui va se faire le défenseur des privilèges et va opposer aux Edits de Turgot des remontrances sévères qui rendent légitimes le système des corporations et donc l’inégalité du travail. Pour le Parlement de Paris, le système des corporations est un système vertueux, qui crée des avantages. Il permet de tenir les ouvriers (tenir la masse) et de créer des solidarités collectives.

            Louis XVI va d’abord soutenir son ministre en refusant de recevoir les remontrances. Il fait enregistrer les Edits en lit de justice. Mais les oppositions parlementaires vont subsister et cela va pousser Louis XVI à renonce aux Edits de Turgot.

            Le travail de Tugot est donc mis à mal par l’opposition parlementaire, et il est lui-même renvoyé en mai 1776. Cela veut dire concrètement que les corporations sont sauvées de la réforme libérale. Cela veut dire aussi que n’est pas consacrée la liberté du commerce et de l’industrie. Il faudra attendre la Révolution pour que cette liberté soit consacrée.

 

            Cet élan de réformation qui vient d’un économiste libérale apporte quand même une mesure importante qui sera prise 3 ans après l’œuvre de Turgot : en 1779 un Edit proclame l’abolition du servage dans le domaine royal.

            Cette mesure a une portée mineure : le servage avait décliné depuis de nombreuses années. C’est une mesure symbolique parce qu’elle rénove la capacité juridique des individus. Cet Edit permet la transmission de l’héritage des anciens serfs, c’est-à-dire qu’elle supprime l’institution de la main mortecette institution évitait que les biens d’une personne sortent des murs de la seigneurie. Durant sa vie, le serf pouvait jouir de ses biens personnels, il pouvait en disposer avec l’autorisation du seigneur, mais il était privé de la faculté de transmettre à ses héritiers ses biens puisque ses biens revenaient en principe au seigneur (« le serf mort, saisi le vif son seigneur »).

            Cette suppression de la main morte est très importante parce qu’elle supprime une situation d’imperfection économique. Elle permet à ce que tout individu puisse profiter des fruits de son travail et de tous les démembrements de la propriété, autrement dit elle rend la propriété plus libre.

 

            L’oeuvre de Turgot, même si elle est abandonnée, a laissé des traces dans les esprits notamment dans l’esprit des révolutionnaires. Ces traces, ce sont la possibilité d’adhérer librement à un métier (ou à plusieurs corps de métiers) mais aussi la réhabilitation du travail libre et du travail des femmes.

            Cette impossibilité de réformer l’Etat monarchique va entrainer une crise financière grave, qui sera la cause principale de la Révolution.

 

 

  1. Les apports révolutionnaires

 

            Ces périodes révolutionnaires débutent au moment de la réunion des Etats généraux. Acteurs importants de la philosophie des Lumières : Montesquieu, Rousseau.

            La Révolution débute sous la réunion des états généraux le 5 mai 1989. Le Tiers Etat contraint les autres ordres à savoir le clergé et la noblesse à l’Assemblée constituante nationale. Ce rassemblement au sein de l’Assemblée constituante, qui n’est pas divisée en ordre mais qui ne contient que des citoyens, est autorisé par Louis XVI (dont on perçoit la tendance libérale).

            De ce fait, la France devient une monarchie constitutionnelle, c’est-à-dire une monarchie libérale dans laquelle il y a un transfert de souveraineté du Roi à la nation. Le Roi accepte d’être le Roi – pouvoir exécutif et renonce à sa souveraineté de droit divin.

 

            C’est la DDHC du 26 août 1789 qui va réitérer les principes individualistes de la Révolution, c’est-à-dire que l’homme devient un individu (un sujet de droit) et non plus un sujet du Roi. Dans cette société libérale, il n’existe en théorie plus de hiérarchie sociale.

            C’est l’art. 3 de la DDHC qui pose le principe de toute souveraineté. Ce principe de toute souveraineté réside principalement dans la Nation, dans son essence. Cela veut dire que nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’émane expressément de la nation. Le Roi renonce à sa confusion des pouvoirs et ne représente plus la monarchie absolue. Cela veut dire aussi que par la souveraineté nationale, qui n’est pas la souveraineté populaire (pas la souveraineté de chacun – pas une démocratie) : le peuple renonce dans un souci d’intérêt commun à son intérêt particulier, à sa souveraineté personnelle pour l’attribuer à la nation. La nation est une fiction juridique, et c’est au nom de la nation que les députés vont représenter le peuple.

            La modernité révolutionnaire, libérale supprime l’ordre et la société d’AR.

 

Les causes de la révolution

            Les causes de la Révolution sont multiples et sont principalement économiques et financières. Est principalement remis en cause : la pression fiscale inégale, insoutenable et lourde pour le peuple causée par la survivance des privilèges fiscaux. L’initiative de la Révolution est à attribuer au Tiers Etats et à une partie du Clergé (et une partie de la Noblesse).

            Dans l’ordre du Tiers Etat, c’est la bourgeoisie qui prend la tête de la revendication libérale. C’est une bourgeoisie puissante, qui a considérablement augmenté son pouvoir politique par l’achat des offices. La bourgeoisie marchande, commerçante, industrielle, financière devient une classe économique dirigeante, qui aspire à avoir une direction politique de l’Etat. Cette bourgeoisie a gravi les échelons par son pouvoir économique et elle demande maintenant à pouvoir décider de la législation, et particulièrement la législation fiscale car c’est une population lourdement imposée.

            En dessous de la bourgeoisie se trouve le travailleur traditionnelle – càd le petit patron, l’ouvrier, le compagnon, l’artisan, etc…, ces personnes vivent du travail indépendant ou dans les corporations. Elles survivent, donc vivent mal du fait de l’insuffisance du salaire, de l’insuffisance des conditions de vie (par rapport aux conditions luxueuses de la noblesse).

 

            Deux questions sociales vont se distinguer, celles qui concernent le monde agricole : les paysans sont une population qui produit la majorité de la croissance française. Mais cette population connait une crise agraire par la mauvaise distribution de la propriété.

            Le servage, qui est une condition juridique privée (qui se distingue de la vassalité qui est publique) a presque disparu, mais les paysans sont en réalité soumis à des contrats de fermage ou métayage, c’est-à-dire qu’ils cultivent des terres dont ils ne sont pas propriétaires et dont ils ne récoltent pas tous les fruits. Pour certains, le fait est de rendre au seigneur (propriétaire de la terre) une partie de la récolte ; ou donner une partie du fruit de la récolte (produit financier ; et certains louent leur force de travail (rien à donner en échange).

            Les ouvriers agricoles demandent à obtenir des terres (base de toutes les révolutions) et désirent ne plus payer des droits féodaux.

 

La modification de l’ordre social va se faire en plusieurs étapes :

-la déclaration de principe politique en 1789

-l’œuvre de la Constituante

 

  • La DDHC du 26 août 1789

 

            C’est une déclaration des droits votée le 26 août 1789 votée par l’Assemblée. C’est une déclaration de principe, une déclaration solennelle qui sera d’ailleurs associée à chaque constitution ou presque. C’est parce qu’elle est attachée à la Constitution que la DDHC a force de loi.

 

            C’est une déclaration qui trouve ses fondements dans la philosophie libérale, dans le droit naturel. C’est une déclaration qui est placée sous l’autorité de l’être suprême d’où la volonté de détacher la volonté humaine et la volonté divine.

            C’est aussi le premier acte constitutionnel de l’Assemblée constituante. Dans ce climat révolutionnaire, c’est une déclaration de sûreté, c’est-à-dire de sécurité publique. Elle a pour but de garantir la protection des droits, des individus face à l’Etat.

 

            Elle a pour but de détruire la société d’AR fondée sur l’inégalité. Ce principe se résume dans la déclaration suivante « les hommes naissent libres et égaux en droit ». S’ils naissent libres, ils disposent du libre arbitre et trouvent leurs droits dans la nature.

            Ces droits naturels sont attachés à un homme fictif : l’Homme universel. Ces droits sont des droits politiques, plus que des droits sociaux.

 

Appartiennent à tous les Hommes :

-droit de propriété

-liberté

-droit à l’égalité

 

En parallèle, tous les hommes possèdent des droits communs, peu importe leur sexe ou leur race. Ces droits sont des facultés, ce sont des capacités :

-la raison,

-la moralité,

-et le désir du bonheur

 

            En pratique tous les Hommes sont égaux devant la loi et les impôts. De manière concrète, cad que la DDHC ouvre toutes les carrières à l’individu : carrière publique ou privée. Principalement, tous les Hommes ont la possibilité d’exercer une dignité càd un travail public, un honneur ; sans paiement de l’office.

La DDHC établit aussi la liberté de conscience et la liberté de culte. Elle autorise les cultes non catholiques.

            Au niveau matrimonial, la DDHC supprime le droit d’ainesse et les titres de noblesse.

 

  1. L’œuvre de la Constituante de 1789 à 1792

 

            Le terme de Constituante est un terme qui n’est pas spécifique à la France : à partir du moment où il y a une Révolution, on reconstruit une constitution et on convoque une constituante. C’est la constituante par la négociation qui va développer une constitution.

 

  • Définition de la constituante

 

            Elle a pour objectif de faire un compromis, c’est-à-dire elle voulait une monarchie constitutionnelle basée sur la tradition et le libéralisme.

 

            Elle veut d’abord faire du monarque un Roi des français, càd un Roi au service des citoyens.

Elle impose à l’Eglise une soumission par la constitution civile du clergé du 12 juillet 1790. Elle impose le serment civique (respect des lois civiles) aux fonctionnaires de la nation et au clergé. Elle va aussi mettre en pratique les principes développés par Turgot à savoir la suppression des privilèges, déclarée dans la nuit du 4 août 1789.

 

            La constituante va achever son acte constitutionnel le 3 septembre 1791. Cet acte constitutionnel va être sanctionné par le Roi le 13 septembre et va entrainer la création de l’Assemblée législative qui va opérer les réformes.

 

            Dans son action, la constituante va trouver plusieurs hostilités :

 

-la noblesse c’est-à-dire l’ancienne classe privilégiée, qui va manifester des violences à l’égard des décisions de la Constituante. C’est du fait des intimidations de la milice de la noblesse que va se développer la Grande peur, et c’est suite à cela que vont se décider la suppression des privilèges et des droits féodaux. Une partie de la noblesse était cpdt partisane de la Révolution.

 

-Le peuple : d’abord le peuple de Paris. C’est lui qui a pris à la Bastille et qui s’est attaqué à l’absolutisme du monarque. C’est également lui qui s’est organisé en club (notamment le club des cordeliers) guidé par des démagogues.Ce peuple revendique le droit de vote, et le contrôle du prix du grain. Il est surtout attaché au clan des patriotes.

 

-L’Eglise : Eglise qui est dépossédée de ses biens (spirituels et matériels) mais aussi de ses ressources – notamment la dime qui a été abolie. Alors même que le clergé misérable était un soutien de la Révolution. Or la Révolution et la constituante par son œuvre, posent clairement la question de la place de l’Eglise dans l’Etat.Cela veut dire que d’une part la constituante oblige l’Eglise à se soumettre à la constitution civile, et oblige l’Eglise de France à renoncer au lien qui l’unit avec la papauté. Elle impose aux prêtres un serment à la Nation, aux lois, au Roi ; ce qui va créer la première tension entre l’Eglise et l’Etat mais aussi une dépendance de l’Eglise à une autorité autre que l’autorité théologique.

 

            La constituante est obligée de créer une nouvelle solidarité, parce l’Eglise était le ciment idéologique de la nation française. C’est une lourde tâche que de récréer la solidarité.

 

  • Les réformes de la constituante

 

            La constituante va relever plusieurs défis, qui seront d’ailleurs des échecs :

-construire une monarchie constitutionnelle : échec

-séparer les églises de l’Etat : échec (il y a la Restauration après)

-répondre aux doléances populaires. Ces doléances populaires se sont manifestées au cours de la réunion des Etats généraux (donc avant la Révolution).

La convocation des Etats G avait généré la consultation des maitres, ces consultations n’avaient pas été faites auprès des ouvriers et des compagnons (ouvrier n’avait pas de droit de parole dans la communauté). Ainsi les cahiers de doléances n’avaient proposé que des aménagements. La constituante va plus loin et va demander la fin du régime féodale, la fin des privilèges, fin des corporations (consacrée en 1791).

 

            Dans la nuit du 4 août 1789 est décidée l’abolition de tous les privilèges, de tous les corps de l’AR. La volonté de la Constituante est de supprimer la rigidité de la société d’AR et de supprimer par conséquence les corporations sur un motif politique celui de l’Etat nation, sur un motif économique que l’on a déjà précisé auparavant et qui est l’empêchement de l’innovation économique que constituent les corporations et aussi l’atteinte à la libre concurrence, c’est-à-dire la concurrence libre et parfaite.

            Les corporations empêchent aussi la modification des prix, donc la modification aussi des salaires ; puisque le salaire est le prix du travail.

            Cette nuit du 4 août ne va pas réaliser totalement la fin des corporations : elle est surtout une réponse de l’Etat aux mouvements de peur qui s’est développé dans la société paysanne. Cette peur est fondée sur la menace d’un coup d’Etat par la noblesse féodale, par les milices féodales.

            C’est pour éviter cette réaction féodale, on décide de la fin des droits seigneuriaux.

 

            À partir de cette nuit d’abolition des privilèges vont être demandées d’autres libertés corollaires, des libertés publiques comme :

-la liberté de culte, c’est-à-dire la liberté de conscience,

-la liberté politique qui est celle de tenir des réunions politiques qui est finalement une liberté d’expression, une liberté de pouvoir s’opposer à l’Etat.

 

            Ce qui nous intéresse ce sont les libertés matérielles, qui sont principalement des libertés liées au travail : comme le droit de travailler sans corporation, et le droit de trouver un travail (droit social). Cette liberté du travail marque la fin du monopole industriel et commercial des corporations.

            Cette liberté va être matérialisée par des textes réglementaires et législatifs en 1791.

 

 

  • a. Le décret d’Allarde du 2 et 17 mars 1791

 

            C’est une réforme de la Constituante, mais une réforme de type réglementaire. C’est le décret d’Allarde, ou plutôt les décrets d’Allarde car il y a deux phases d’adoption, qui va représenter cette liberté de travail souhaitée par la Constituante et qui va marquer aussi la fin du corporatisme.

            C’est aussi la bourgeoisie, c’est-à-dire la classe qui a fait la Révolution, qui parvient à imposer sa volonté libérale. Le décret d’Allarde n’est pas un décret de nature social, il ne donne pas un travail aux indigents ou aide les personnes en difficultés.

 

            Il est pris lors de la discussion sur la patente, c’est-à-dire l’impôt sur le travail. Cette initiative est celle du rapporteur, du comité, des contributions publiques. Ce rapporteur, Pierre Leroy d’Allarde, entend régler la question des corporations, des jurandes (les jurés sont les individus qui contrôlent les corporations), des maitrises (son accès à la maitrise) et les manufactures à privilèges.

            Il a pour souhait de supprimer toute réglementation étatique sur la production.

 

Dès sa promulgation en mars 1791, toute personne est libre de faire n’importe quel négoce, et d’exercer n’importe quelle profession. Libre d’exercer une profession, un art ou un métier qu’il trouvera bon.

            En réalité il s’agit, par cette mesure de libéralisation du travail, de donner un élan au capitalisme, de renforcer la libre concurrence, de renforcer la libre production. Tout cela rentre dans les idées de Turgot, école libérale classique du XVIIIè s. Il s’agit surtout de faire prévaloir l’offre et la demande, tout en supprimant les corps intermédiaires.

 

            Par l’effet du décret d’Allarde, le principe qui empêchait les nobles et les clercs de travailler disparaît. Si tout le monde a la liberté de travailler, tout travailleur doit payer un impôt sur le travail. Le travailleur est donc tenu de payer une patente.

            Cette contribution des patentes ne repose plus sur la catégorie sociale, elle repose sur la production d’une activité industrielle et commerciale. Cela veut dire que l’activité de production est fiscalisée.

            Cette nouvelle imposition ne s’applique pas à certains travailleurs et certaines activités. Ne sont pas tenus de régler la patente :

-les fonctionnaires publics, car le fonctionnaire public travaille pour le service de l’Etat et c’est donc un dévouement à l’intérêt G. Or en 1789, l’Etat est l’expression de l’intérêt général

-les apprentis et les compagnons

-les ouvriers à gage, qui sont soumis à d’autres patentes.

 

            L’idée maitresse du décret d’Allarde est de proposer une liberté totale de l’activité professionnelle, et cette activité correspond non pas à des données sociales, mais à des données individuelles. L’individu choisira un travail qui est conforme à ses talents personnels et choisira également une activité qui sera utile à la société et à ses affaires → utilitarité.

 

            Pour Allarde, il s’agit d’instituer un premier droit de l’homme. Ce premier droit est le droit de travailler librement, ce n’est pas le droit d’avoir un travail.

            Le droit de travailler est un droit et une propriété de l’individu, c’est une propriété imprescriptible. Càd que chaque citoyen porte en lui la propriété de sa force de travail. Il y a une différence certaine avec la législation de l’AR.

 

  • b. La loi Le Chapelier du 22 mai et 14 juin 1791

 

            Il s’agit d’un texte législatif, expression de la souveraineté nationale. La loi le Chapelier va poursuivre cette volonté de libéralisation dans le sens classique, mais elle va aussi exprimer d’abord un contexte éco en crise, du fait du conflit entre les patrons et les ouvriers mais aussi de l’abolition des corporations.

 

            Cette loi montre le désire de contrôler les revendications des ouvriers, c’est-à-dire les contestations sociales qui s’opposent au libre marché, c’est-à-dire au jeu de l’offre et de la demande. En réalité, depuis le décret d’Allarde, les ouvriers n’ont pas vu une amélioration de leurs conditions travail (juridiques et sociale – prix du travail c’est-à-dire salaire).

            Ainsi de nombreuses coalitions ouvrières vont inquiéter les intérêts de la bourgeoisie dominante. Les ouvriers demandent la défense de leur travail, c’est-à-dire la possibilité de travailler réellement et souhaitent aussi un juste salaire, c’est-à-dire conforme à la force de travail produite.

            Ces ouvriers vont utiliser le contenu du décret d’Allarde, et de manière générale les règles établies par la Constituante :

  • ils vont d’abord se constituer en coalition
  • puis ils vont interpréter les règles juridiques des relations collectives
  • ils vont revendiquer la possibilité d’imposer certaines règles à leur patron, càd ancien maitre.

 

            Cette interprétation est considérée comme fausse et hasardeuse, tout d’abord en haut de l’Etat mais aussi au niveau local. Les municipalités vont donc préciser par décrets le contenu des règles du travail.

            Ainsi ouvriers et patrons profitent de la liberté du travail, mais ceci entraine l’absence de domination du patron mais aussi de l’ouvrier. L’ouvrier ne peut pas imposer ses règles au patron. Il s’agit ici du respect du rapport contractuel.

            Malgré les précisions des municipalités, les ouvriers continuent de former des coalitions, organisent des manifestations et des grèves pour demander une augmentation de salaire. Un premier décret est pris par la municipalité parisienne qui interdit, du fait de la protection de l’OP, les coalitions ouvrières du fait de leur débordement (à cause de l’application des décrets).

 

            C’est en raison de cette résistance, revendication ouvrière que le député le Chapelier, impose sa loi du 14 juin 1791 qui a pour fonction de prohiber et d’interdire toutes les coalitions et particulièrement les coalitions ouvrières. C’est une démarche législative et non pas réglementaire.

            Le Chapelier est un ancien magistrat du Parlement de Rennes, président de l’assemblée constituante, qui a œuvré aux réformes du 4 août 1789. Il est un défenseur du capitalisme libéral.

 

            Par son texte, toutes les associations d’ouvriers sont interdites sous peine d’amende et de prison : c’est une législation pénale.

            Le Chapelier considère que les ouvriers n’ont pas respecté les nouvelles règles libérales du travail, càd le principe contractuel par lequel on n’impose pas une volonté à quelqu’un d’autre. Il considère qu’on a le droit de s’assembler dans la cité, mais il n’est pas permis aux citoyens, autrement dit à chaque individu, qui appartient à une profession, c’est-à-dire à un corps, de s’assembler avec un autre membre de sa profession pour défendre les mêmes intérêts → assez curieux pour un libéral. Il s’agit d’une interdiction perso.

            Il y a également une interdiction matérielle, car le but de la coalition est la défense des intérêts communs. Or depuis que l’on est constitué en nation, il n’y a pas d’autres intérêts que celui de la nation.

 

            Dans la philosophie politique, pour le Chapelier, il ne peut pas y avoir de corps dans l’Etat. Le seul corps politique c’est la nation. Dans la nation il y a deux intérêts :

-l’intérêt particulier c’est-à-dire l’intérêt privé de droit subjectif

-l’intérêt général.

            Cela veut dire que deux intérêts particuliers ne peuvent pas créer un intérêt corporatif. Au niveau politique sous la Constituante, on ne pourra pas faire une pétition collective.

 

            Il n’est pas permis aux personnes, selon le Chapelier, de créer entre eux un corps intermédiaire. « Il n’est pas permis de séparer la chose publique (res publica) par un esprit de corporation ».

            Le 1er article de la loi le Chapelier est écrit au nom des principes généraux politiques, ceux contenus dans la DDHC par exemple : « l’anéantissement de toutes les espèces de corporations des citoyens de la même profession étant une des bases fondamentales de la Constitution française, il est défendu de les rétablir sous quelque prétexte et quelque forme que ce soit ».

 

            La loi comprend 8 articles qui interdisent toutes les formes d’actions collectives (qui intéressent plusieurs citoyens). Cette action collective dite occasionnelle ou permanente, c’est une interdiction qui s’adresse aux ouvriers et aux entrepreneurs.

            Ce texte va principalement isoler les ouvriers qui perdent ici le droit de grève, et le droit de se constituer en syndic. Ce droit sera récupéré sous la IIIème République en 1884.

 

            La coalition englobe la grève, la pétition, la nomination de représentants syndicaux. Toutes les délibérations et toutes les conventions entre citoyens d’une même profession en vue de fixer de concert le prix de leurs travaux. Toutes ces délibérations sont déclarées inconstitutionnelles, attentatoires à la liberté, attentatoires à la DDHC. Par conséquence, toutes ces dispositions sont nulles de droit.

            Ces interdictions s’appliquent aux ouvriers agricoles, puisque c’est la population la plus importante, mais aussi aux professions judiciaires : pour éviter la reconstitution du corps de la magistrature. Cela s’applique aussi aux clubs politiques. En réalité la législation le Chapelier tend à protéger le libre fonctionnement des marchés et des services contre tte action intéressée des salariés comme des employeurs.

            Cette loi n’est pas bien reçue par les ouvriers qui vont continuer leur action et vont se placer dans l’illégalité parce que la législation le Chapelier repose sur des principes politiques fictifs, et ne prend pas en compte la réalité c’est-à-dire la misère dans laquelle vivent les ouvriers.

            Le Chapelier dit qu’il est conscient que les salaires ne sont pas assez élevés par rapport à la force de travail fournie. Le juste salaire permet de garantir la véritable indépendance du travailleur, c’est-à-dire sa liberté. Mais ce juste salaire ne peut pas être imposée par une partie, il ne peut pas être imposé par l’Etat : il est imposé par le contrat c’est-à-dire par l’échange de consentements. Pour les révolutionnaires, il n’y a que le contrat qui compte : c’est la liberté de chacun.

 

  • c. L’action sociale des constituants

 

            Il n’y a pas exactement de texte relatif à la nécessité d’une politique sociale, comme on l’entend au niveau contemporain. Mais à partir de la Révolution, ce qui compte ce n’est plus l’Etat royal, mais l’Etat social c’est-à-dire conçu à travers les conventions sociales et à travers ces conventions on peut tout décider : on ne se réfère plus aux lois naturelles, au droit divin.

            Cette politique sociale s’exprime par la création de nouveaux droits théoriques que la société apporte aux individus :

-le droit à l’instruction

-le droit à l’assistance. Sous l’AR, l’assistance était attribuée à l’Eglise dans une vocation de charité, que l’on appelait la miséricorde. Ce système d’assistance repose sur l’idée de l’hôpital qui sera repris au XIXème s.

La Constituante va transformer l’idée du secours chrétien en assistance publique. Elle va créer une politique de charité publique et non traditionnelle, ce que l’on appelle aussi la bienfaisance nationale. La révolution va déposséder l’Eglise de ses biens matériels pour assurer l’assistance, mais aussi de ses biens spirituels (puisque désormais c’est l’Etat qui assure la charité).

 

            Il y a également la disparition des congrégations et des collèges c’est-à-dire les lieux d’enseignements religieux.

 

            L’Etat va surtout mettre en place ce que l’on appelle des ateliers de secours pour la survie des populations. C’est un projet qui est attribué à la Rochefoucault-Léancourt. Il conçoit un système où le travail va permettre aux mendiants de revenir dans la société.

            Les ouvriers sont contraints de travailler au service de l’Etat lorsqu’ils sont en condition de misère sociale. C’est un peu un travail forcé.

A noter que ces ateliers de secours sont associés aux dépôts de mendicité et ce système a très mal fonctionné.

 

            Dans ces politiques, à la fois des dépôts de mendicité et des ateliers de secours, il y a l’idée que l’Etat doit une assistance aux nécessiteux en leur procurant du travail et en assurant leur subsistance.

 

  • d. L’extension politique de l’interdiction de coalition

 

            L’interdiction de coalition des citoyens s’ajoutent à l’abolition des corporations. Le projet politique de ces législations est de créer une société qui deviendrait l’unique corporation, vidée de tout esprit et de toute passion contraire à la nation. Ici ne compte seulement que les citoyens actifs, ceux qui ont le droit de vote, ceux qui ont le droit de se réunir de manière paisible sans armes en assemblée particulière pour rédiger des adresses et des pétitions destinées au pouvoir.  

            Par conséquent, le droit de pétition ne peut être intitulé au nom d’une assemblée ou au nom d’une section. La pétition ne peut pas être présentée à titre collectif. La société est donc une agrégation d’individus. Cette société est une simple réunion d’individus, ce n’est pas une personne morale.

            Par conséquent, au niveau même commercial, les sociétés (commerciales ou civiles) sont tolérées par le Chapelier à condition qu’elles ne s’érigent pas en corporations. La société ne peut pas s’emparer des droits individuels qui la composent, la société ne peut pas défendre un intérêt collectif. Est-ce qu’un syndicat est une personne morale qui peut aller devant la justice pour représenter un intérêt collectif ? A la période révolutionnaire, ce n’est pas possible, la personne morale ne peut pas défendre les intérêts collectifs mais uniquement aller devant la justice pour défendre un intérêt particulier. C’est une Révolution qui ne veut pas de contre-révolution.

 

            Le décret du 29 septembre 1791 pose que nulle société, nulle association de citoyens ne peut avoir une existence politique, ni exercer une action, ni une inspection sur les actes des pouvoirs constitués. Il y a la volonté de démanteler tous les clubs politiques, tout groupement politique qui porterait atteinte à l’ordre révolutionnaire. Cela peut être un mouvement d’aspiration social, mais également un mouvement politique comme les royalistes.

 

            C’est une loi de juillet-août 1791, relative à la police municipale, qui sanctionne ce que l’on appelle les attroupements séditieux contre la liberté absolue du travail et de l’industrie. Dans cette législation, il y a une volonté de supprimer la liberté avant qu’elle ne se réalise : politique de prévention car la liberté ne peut pas se réaliser. La politique de répression permet la liberté et permet ensuite la répression.

 

 

Chapitre 2

La conquête du travail libre : du servage au contrat de travail

 

La liberté du travail, du commerce et de l’industrie : du Consulat à la IIIème République

 

 

 

 

            Au moment de la prise de pouvoir de la Convention en 1792, la liberté du travail est instituée par des lois et des décrets. La situation économique et industrielle se détériore.

            Les conventionnels vont poursuivre tout de même les réformes libérales, en atténuant pourtant l’importance de la propriété.

 

            La Convention est une assemblée représentative nationale et va prendre des mesures radicales :

-La suppression de la propriété féodale, sans indemnités

-la confiscation des biens des immigrés nobles

-la poursuite de la confiscation des biens du clergé

 

            Pendant la Convention, le système monétaire est déstabilisé par la dépréciation des assignats. L’économie est aussi déclarée comme déficitaire et la Convention va prévoir des emprunts forcés pour renflouer les caisses de l’Etat. Le Gouvernement se veut dirigiste, et il va procéder à la taxation des prix et des salaires.

            Du fait de la dépréciation des assignats et de la hausse des prix, la Convention va être obligée de ramener le prix des denrées les plus consommées à un niveau supérieur. La convention va aussi procéder à des réquisitions comme des expropriations publiques.

 

            Elle favorise aussi l’enseignement et les œuvres de bienfaisance. Cette politique sociale s’accompagne d’une politique humaine comme l’abrogation définitive des traces du régime seigneuriale, et surtout un décret du 4 février 1794 qui abolit l’esclavage dans les colonies et qui fait donc de tous les hommes domiciliés dans les colonies (sans distinction de couleur) des citoyens français – mesure qui sera supprimée par Napoléon.

            La Convention poursuit le mot d’ordre de la liberté du travail, elle poursuit également une politique de rupture avec l’ordre religieux en faisant disparaître de nbx jours fériés dans le calendrier et en faisant apparaître aussi de nouveaux mois et de nouveaux jours liés au travail agricole, aux idées physiocrates.

 

 

            Le gouvernement qui suit la Convention est établi en 1795 : il s’agit du Directoire, institué par la Constitution de l’an III. Le Directoire entend parachever la régénération de la France, c’est-à-dire la libération vis-à-vis de l’archaïsme de l’AR. Ce Directoire composé d’un exécutif de 5 membres, càd d’anciens conventionnels comme Lazard Carnot.

            Il va être confronté à une grave crise économique et financière. Mais il va également être confronté à des finances en déficit, et à des courants politiques comme le club des égaux qui revendique le communisme social.

            En parallèle la société ouvrière demande à la fois un meilleur niveau de vie, mais aussi une meilleure sécurité du fait de la transformation de la révolution industrielle. Dans sa constitution, le Directoire impose des critères de capacité à la citoyenneté (art. 16) : le citoyen est celui qui est capable de lire, d’écrire mais également capable d’exercer une profession mécanique ou des opérations manuelles d’agriculture. Finalement le citoyen est celui qui a une fonction sociale, fonction sociale parce qu’il travaille.

 

            Il faut attendre le Consulat et le Ier Empire pour la consécration d’un nouvel ordre intérieur du travail à travers la codification et la réglementation.

 

Section 1 : la nouvelle loi du travail individuel

 

 

A partir du Consulat, les relations de travail vont recevoir une réglementation à travers la codification :

-la codification de type économique

-la codification de type juridique

 

            C’est d’abord la promulgation du C. de commerce qui a une influence sur le développement des échanges économiques. Mais l’essentiel des règles relatives au travail est curieusement suscité par des codifications antérieures à celle du C. de commerce :

-la codification civile de 1804

-la codification pénale de 1810 : il y a plusieurs compilations et plusieurs œuvres théoriques.

 

            Ces nouvelles règles du travail sont également suscitées par la législation qui vient compléter la codification napoléonienne.

            Que ce soit la législation ou la codification, elle est établie dans un esprit de suspicion de la classe ouvrière qui prolonge les réglementations de la Constituante (décret d’Allarde et la loi Le Chapelier).

 

            Cette codification va régler non pas le comportement du travailleur, mais les rapports juridiques individuels donc le droit privé. Pour ce faire, le Code va regrouper de manière théorique, de manière raisonnable (raison scientifique) l’ensemble des textes juridiques par ordre chronologique ou par ordre systématique. Il s’agit de l’ensemble du droit qui est applicable à une matière.

            D’autres codes vont se présenter comme des compilations, comme le C. Administratif, sans ordonnancement théorique.

 

  1. La codification napoléonienne

 

            Sous l’Empire, deux codes établissent l’ordre juridique qui influencera l’état du travail : le code civil et le code pénal. Ces deux codes encadrent la liberté individuelle du travail. Ils incarnent aussi le respect de l’ordre post-révolutionnaire.

 

  1. Le Code civil de 1804

 

            Au XIXème siècle comme dans les périodes anciennes, la relation de travail est une question de droit civil, c’est une question d’obligation.

 

            Le C.Civ est une œuvre de transaction entre l’ancien droit et le droit post-révolutionnaire. Il est le reflet d’une tradition romaine, qui sera transmise par Domat et Pothier. Cette tradition romaine est corrigée par la morale chrétienne. Elle est également corrigée par les principes de droit naturel, hérité de l’époque ancienne française.

            Le C.Civ affirme une liberté simple qui est la liberté contractuelle et il offre une théorie du droit qui est supportée par 400 articles. Le C.Civ ne définit pas simplement l’obligation contractuelle, il définit les règles relatives au droit de la famille, les règles relatives au droit de propriété. Ce code donne aussi une définition des choses, des biens, des personnes. Ne sont pas traitées les obligations délictuelles, c’est-à-dire le droit pénal.

 

  • La reprise de la notion du contrat de louage

 

L‘art. 1709 du C.Civ qui renoue avec les notions de droit romain : contrat de louage, de choses et d’ouvrage.

            L’art. 1781 du C.Civ qualifie lui le contrat de louage de services dans lequel le travailleur loue contre un salaire sa force de travail. On retrouve la locatio operarum. Il s’agit de considérer ici le travail comme une marchandise, travail intégré dans un marché et mesuré par un prix. Or ici, le louage de services emprunte les caractères libéraux du droit post-révolutionnaire et ce contrat de louage va se distinguer de son ancêtre operarum par ses intentions égalitaires.

            Le C.Civ pose aussi une règle prohibitive et cette interdiction va faire la différence avec la période ancienne : la location de services ne peut avoir lieu qu’à temps, c’est-à-dire que pour une durée déterminée et pour une entreprise déterminée. L’engagement dans le travail ne peut pas être un engagement à vie, c’est-à-dire un engagement perpétuel qui serait la reconstitution d’une forme d’esclavage ou de servage. Dans la forme il y a un contrat de louage, mais ce qui va intéresser le droit post-révolutionnaire et le juge, c’est le fond puisqu’un engagement perpétuel serait requalifié sous la forme d’esclavage ou servage.

            Le contrat de louage implique donc une dépendance du travailleur manuel, mais cette fois pour une durée déterminée.

            Le louage moderne intègre aussi une nécessaire rémunération du travail.

 

            À côté des travailleurs manuels, les autres activités et notamment les activités de type intellectuel, vont bénéficier de la théorie du mandat. C’est le contrat de représentation d’une personne par une autre. La notion de travail va perdre son caractère dévalorisant, contenu dans le droit romain ancien. La relation de travail perd sa dimension communautaire puisque c’est une relation individuelle.

 

            L’ouvrier loue toujours sa force de travail mais la prohibition de l’engagement perpétuel lui permet de se détacher des obligations prises (il peut par exemple rompre le contrat, après il s’agit de savoir s’il peut ou non avoir une indemnité).

            Cette prohibition va être complétée par des réglementations relatives aux manufactures impériales, ces réglementations précisent que l’engagement d’un ouvrier ne peut excéder une année à moins qu’il ne passe contremaitre.

            La prohibition de l’engagement perpétuel est aussi réitérée par les usages mais également par la jurisprudence qui va contrôler le contentieux des contrats précaires.

           

 

  • 2. L’omnipotence de la parole du patron dans la relation juridique du travail

 

            Le C.Civ va établir une relation individuelle et contractuelle, mais il va donner une supériorité juridique à la parole du maître, c’est-à-dire du patron. Par son art. 1781, le C.Civ pose que le maître est cru sur parole en ce qui concerne la quotité des gages, en ce qui concerne le paiement du salaire mais aussi des acomptes donnés au cours de l’année. Il y a bien une relation inégalitaire dans le cas du contentieux.

            Le C.Civ va plus loin puisqu’il pose qu’en cas de litige sur le salaire, c’est la parole du maître qui va l’emporter devant la justice.

            Cet article sera aboli au moment de la création des prud’hommes.

 

            Cette supériorité va à l’encontre de l’égalité prônée depuis 1789. L’égalité va consister surtout au redressement des situations juridiques inférieures comme celles des domestiques.

 

 

  • 3. Le retour au consensualisme : du principe consensualiste à l’autonomie de la volonté

 

            A côté de l’égalité individuelle contenue dans les règles post-révolutionnaires se dégage l’idée de consentir aux règles auxquelles on se soumet.

            Ce retour au droit romain, particulièrement le droit romain classique, révèle l’importance de la volonté, de l’accord, mais aussi l’importance de la forme écrite.

 

            L’instrument qui sera utilisé par le juge est l’expression de la bonne foi des parties. Relève donc du consensualisme toute obligation qui est basée sur un sentiment mutuel (consensus) et un accord des cocontractants. C’est cet accord qui fondera le contrat, notamment le contrat de travail, et c’est cet accord qui sera contrôlé par le juge en cas de contentieux.

 

            La première conséquence de la vision consensualiste du C.Civ est la nécessité de contrôler la validité du consentement à un contrat. Comme dans le droit romain, le juge ne sera plus lié au formalisme du contrat : il aura l’obligation de contrôler le fond c’est-à-dire le contenu, qui a été pré-consenti par les cocontractants. En parallèle, le juge devra vérifier les conditions nécessaires à la validité de la convention. S’ajoute donc au consentement qui oblige les parties : d’abord la capacité de contracter, l’objet certain de l’obligation, et la cause licite de l’obligation.

            L’art. 1134 du C.Civ pose enfin que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi entre les parties, c’est-à-dire à ceux qui les ont faites. Cela signifie par conséquence que ces conventions ne peuvent être révoquées que par le consentement mutuel, c’est un principe de réciprocité des conventions, ou pour les causes que la loi autorise.

Le consensualisme s’exprime enfin par la bonne exécution du contrat càd par son exécution de bonne foi.

 

            Le C.Civ autorise certaines exceptions au principe consensualiste. Mais ce consensualisme va être exacerbé par la théorie de l’autonomie de la volonté.

            L’autonomie de la volonté s’impose tardivement, vers la fin du XIXème siècle. Elle exprime un volontarisme si fort, que la volonté même des cocontractants peut se donner sa propre loi. Cette loi peut être supérieure à la loi commune. C’est donc la loi des parties qui prend le pas sur la loi générale, or cela est contraire à l’ordre public.

 

            Cette vision contractuelle est une doctrine développée dans la première partie du XIXème s., particulièrement en droit international privé. L’expression même de l’autonomie de la volonté est transcrite en France en 1843 : elle apparaît dans les traités élémentaires de droit international sous la IIIème République et très présente dans les œuvres de Geny.

            Dans cette doctrine, la volonté càd le vouloir, s’impose comme force obligatoire des conventions, comme force unique des conventions càd comme force égale à la loi générale. Elle interprète de manière abusive le contenu de l’art. 1134 du C.Civ en assimilant la force obligatoire des conventions à la loi. Mais en réalité, la loi particulière des parties est toujours inférieure puisqu’elle doit toujours respecter l’ordre public. C’est une loi qui oblige les deux parties mutuellement, c’est une micro société, mais qui est obligatoirement en-dessous de la loi commune et surtout en dessous de la loi pénale.

 

            Le C.Civ en réalité comprend des véritables impératifs d’ordre public (y compris l’ordre pénal). Ainsi donc cette expression des volontés individuelles ne peut pas être contre l’ordre public, la tranquillité, la paix sociale. Les contrats ne peuvent pas déformer les textes impératifs de la loi. , puisque la loi dite commune depuis 1789 est une loi sacrée qui s’impose à l’individu.

            Pour les révolutionnaires, et ce n’est pas tout à fait le cas du C.Civ, la loi est toujours égale autrement dit elle est toujours source d’égalité et source de justice ; alors que la volonté des parties peut être source d’inégalité, d’arbitraire et même source d’immoralité.

 

            À l’inverse, les impérialistes de l’autonomie de la volonté pensent que ce qui est contractuel est toujours juste parce que ce qui est contractuel est un compromis entre les individus. Or, pour que le compromis entre les individus soit juste, il faut que les hommes soient justes ; or on considère que les hommes ont des intérêts qui ne permettent pas d’accéder à la justice.

            Les autonomistes prônent la liberté absolue de la volonté et elle implique de réduire l’ordre public au minimum. Le droit est ici l’autonomie de la volonté, et la loi c’est un mal parce qu’il réduit la liberté du cocontractant.

            Ces impérialistes souhaitent l’abrogation pure et simple de l’art. 6 du C.Civ qui impose le respect de l’ordre public et des bonnes mœurs dans la création contractuelle. Ils réclament également la suppression de la rescision pour lésion, en particulier la rescision de la vente, car ils considèrent que le juste prix dépend uniquement de la volonté des parties. Il suffit donc que les parties au contrat décident du tarif pour que le prix soit parfait. Il est parfait car il est fait par les cocontractants.

            De la même façon, ils sont pour l’abrogation de toute législation sociale càd de toute législation du travail qui permettrait d’imposer le prix d’un travail juste (qui correspondrait à la réalité du travail fourni). Pour les autonomistes, seul le prix défini par les cocontractants est juste. Les rapports du travail ne peuvent pas être des rapports collectifs : il est exclusivement un rapport individuel càd dans lequel les parties aménagent leurs rapports libres.

 

            La rencontre de ces volontés libres pose le problème de l’égalité. En réalité, pendant tout le XIXème s., c’est-à-dire jusqu’à la IIIème République, la relation de travail est une relation d’égalité irréelle c’est-à-dire fictive. L’ouvrier est placé en situation inférieure dans la décision contractuelle.

            En l’absence de l’intervention de l’Etat, et plus particulièrement de l’Etat social, et en l’absence de corps (c’est-à-dire de réglementation), le taux du travail est en réalité défini par le maître/patron. Le contrat de travail va se résumer à un contrat d’adhésion par lequel l’employeur impose les conditions de travail et la rémunération du travail.

            Cette position dominante se poursuit dans le cadre de la rupture du contrat, supposée soumise également au principe d’égalité. Mais dans la réalité, le patron recrute qui il désire et licencie quand il le veut sans l’accord du salarié selon les usages c’est-à-dire selon les coutumes du métier. Ainsi donc, pendant la première moitié du XIXème s., très peu de D&I sont accordés par les tribunaux civils pour rupture du contrat, sans observation des règles légales (alors que dans les règles légales il y a le consentement).

 

            Cette théorie de l’autonomie de la volonté pousse à son paroxysme les principes théorique de la révolution de l’égalité. La Révolution a établi l’égalité civile, mais elle n’a pas établi l’égalité sociale et encore moins l’égalité dans le travail.

            Les critiques sociales vont donc s’élever à la fin du XIXème s., dès le début de l’industrialisation. Le contrat va être redéfini par la pensée d’inspiration sociale, par la pensée chrétienne. Cette doctrine sociale et socialiste, voire socialisante, va émettre des critiques théoriques à la volonté contractuelle. Ces critiques vont se matérialiser par la création de législation comme la limitation des heures de travail, la protection de certaines personnes, l’aménagement des conditions de travail en matière notamment de salaires, en matière de responsabilité (c’est-à-dire accidents du travail).

            Cette critique de l’autonomie de la volonté va surtout se matérialiser par l’intervention de l’Etat dans le rapport contractuel.

 

            Va également se distinguer une action institutionnelle, à savoir celle de l’Eglise catholique qui va revendiquer en 1891, en la personne du Pape Léon XIII, la dimension sociale dans le travail. C’est l’encyclique Rerum novarum, : dans ce texte le souverain pontife réclame que le justice naturelle se situe au-dessus de la justice contractuelle càd au-dessus de la liberté contractuelle.

            Cette critique qui vient de la haute sphère de la papauté va également être relayée au sein des Universités au début du XXème s. : d’abord par Duguit, puis Hauriou. Ces auteurs affirment que la volonté doit être au service du droit et non l’inverse. Ils proclament aussi que la seule force et utilité du contrat c’est son but, son objectif qui est le bien commun. 

 

            Le bien commun est donc une présomption de justice, qui fait que la liberté de l’individu doit être limitée : non pas parce qu’on est dans Etat totalitaire mais limitée parce qu’elle ne doit pas devenir un moyen d’oppression sociale et politique.

            Cela veut dire dans le fond qu’une action juridique n’est juste que quand elle sert le bien commun.

 

            C’est pour ces raisons que le dogme de l’autonomie de la volonté va être combattu durant tout le XXème s. La doctrine civiliste va donc opérer un équilibrage entre la force contractuelle et la force légale. La volonté sera donc admise comme force obligatoire dans le contrat mais dans les limites de l’OP.

 

 

  1. Le Code Pénal de 1810

 

            Il a fallu attendre la Révolution française pour que soit mise en place une véritable législation pénale, voire même une codification pénale. Elle permet la synthèse et l’harmonisation des peines sur le territoire. Dans sa codification pénale est également inscrite une purification, une centralisation des crimes et des délits que l’Etat peut réprimer par la violence publique.

            C’est le C. Pénal de 1810 qui va réaliser le projet d’un texte unique et ce texte unique répond à l’ambition de Napoléon de faire de la pénalité un accessoire à son Empire. Ce Code est écrit par les anciens avocats du Parlement de Paris (alors que le C.Civ rédigé par les magistrats). C’est un code rigoureux c’est-à-dire qu’il reprend une politique répressive (bien que toute pénalité soit répressive) et reprend un arsenal des peines très archaïques. Au centre de la pénalité s’érige l’emprisonnement.

 

 

  • Le principe philosophique du libre arbitre : instrument de la répression des fautes

 

            Il est nécessaire de comprendre le principe qui fonde le C. de 1810. Le Code va imposer un principe de nature libérale, colorée de quelques inspirations conservatrices et traditionnelles. C’est un droit du compromis entre la liberté proclamée en 1789 et la pensée pénale chrétienne.

            En matière pénale, ce code définit le libre arbitre comme l’a fait auparavant Aristote, Saint Augustin et Saint Thomas d’Aquin. Le libre arbitre est un pouvoir, juridiquement une capacité relative à la personne humaine. Cette capacité, relative à une personne humaine, permet d’entreprendre une action, prendre une décision sans être soumise à des restrictions soumises par des causes extérieures.

            Ce libre arbitre présuppose l’absence de détermination (pas de déterminisme). Dans cette question centrale du libre arbitre, l’homme va être titulaire de droits naturels et de libertés publiques mais également responsable de ses actes devant la loi (c’est-à-dire responsable de sa connaissance de la loi).

            Le citoyen devra répondre au Code de l’ordre pénal, se conformer aux règles c’est-à-dire s’imposer une règle de conduite qui ne nuit pas à lui-même, ni à autrui.

 

            Cette limite imposée par l’Etat, il y a une référence à des règles d’ordres supérieurs (comme la Constitution) mais également référence à des conventions sociales (il y a la relation de travail). Il y a bien évidemment dans ce libre arbitre, la nécessité d’une conscience morale, c’est-à-dire de valeur morale.

            Dans cet ensemble de valeurs morales, qui ne sont pas définies par le C. Pénal, ces valeurs vont évoluer tout au long du XIXème siècle. Le C. Pénal suppose comme faute pénale l’absence de travail, càd l’absence d’une activité professionnelle volontaire plus ou moins rémunérée.

            L’irresponsabilité pénale est une irresponsabilité morale, c’est celle de ne pas travailler. C’est ce qui est lié au libre arbitre : si la personne ne peut pas travailler, c’est parce qu’elle n’a pas suscité suffisamment de choses pour qu’elle travaille et non pas parce que sa condition ne lui permet pas.

 

            Le Code pénal va réprimer ceux qui ne travaillent pas et qui se mettent de par leur volonté, parce qu’ils sont libres, contre le système social. Sont donc visés les malfaiteurs, mais aussi les vagabonds, les mendiants, associés aux ouvriers en coalition.

 

  1. La lutte contre le non travail

 

            Cette lutte va passer par une police particulière qui est la police administrative, avant de passer par la police judiciaire.

 

            Les agents de la police administrative c’est-à-dire les fonctionnaires de l’Etat, vont être garants sous le contrôle du Préfet, de la tranquillité, de la moralité et de la salubrité publique (c’est la définition de la police, qui est une des fonctions de l’Etat et une fonction d’intérêt général).

            Le préfet va contrôler, de par sa compétence personnelle, les dépôts de mendicité qui ont été établis après la Révolution. Il va contrôler ces dépôts de manière conjointe avec le contrôle des prisons. Cela signifie que la mendicité s’associe au traitement de la population misérable que l’on appelle aussi à l’époque les classes dangereuses.

            Cette assistance de la mendicité est une politique sociale et hygiéniste.

 

            Ce phénomène juridique de la mendicité, ce phénomène social de la mendicité se distingue du vagabondage qui est une attitude revendiquée (contrairement à la mendicité qui est subie) et parce qu’elle est revendiquée va épouser le caractère délictueux.

           

  • La police de la mendicité

 

            C’est une reprise de politique ancienne, déjà installée sous l’Antiquité, mais aussi durant le Moyen-Age, époques où la mendicité et le vagabondage sont réprimés de manière commune dans un but précis : éradiquer la pauvreté.

            Ici la mendicité et le vagabondage vont constituer plus des causes que des conséquences de la misère.

 

            Ce sont les ordonnances de l’AR et la jurisprudence des Parlements qui consacrent la politique d’enfermement à la fois des mendiants et des vagabonds. Cet enfermement va influencer l’établissement des hôpitaux généraux et des dépôts de mendicité après 1789.

 

            En ce qui concerne la mendicité à l’époque napoléonienne, ce sont les départements à savoir les autorités locales qui sont investies par le décret du 2 septembre 1807, de la gestion des dépôts de mendicité. Le décret impose que soi(en)t établi(s) dans chaque département un ou deux établissement(s) de charité.

            C’est à ce moment-là que la mendicité se détache du vagabondage, qui s’intègre lui directement dans la politique criminelle, c’est-à-dire dans une logique répressive.

            On définit la mendicité de manière matérielle/théorique/juridique en puisant notamment dans le dogme, la théologie, le droit canonique. Cette mendicité est un état social d’indigence, où une personne (un sujet de droit) est réduite à demander l’aumône.

 

            Le concept de mendicité partage pourtant avec le vagabondage le concept d’oisiveté.

 

            Sous la monarchie de Juillet, la mendicité est transformée dans son contenu. La monarchie de Juillet est un régime libéral de restauration de la monarchie, mais associé avec l’affirmation de l’institution parlementaire, au renforcement de l’institution parlementaire. Cela signifie donc une politique libérale qui met au cœur de l’économie le travail des personnes.

            On entend par mendiant, non pas le pauvre qui par infirmité ou vieillesse va souffrir dans ses besoins. La mendicité va devenir l’état personnel (social) d’une personne valide, qui préfère à une vie de travail ordinaire une vie d’errance.

 

 

  • La lutte contre le vagabondage

 

            Le vagabondage constitue un délit par déclaration du C. Pénal dans son art. 269. C’est l’art. 270 du C. Pénal qui détermine les éléments constitutifs du délit de vagabondage.

 

            Celui qui est vagabond c’est celui qui a :

-une absence de domicile certain,

-c’est celui qui ne peut pas faire la preuve de moyens d’existence,

-également l’absence d’un exercice habituel de métier ou d’une profession.

 

 

 

            Si tous les indices sont constatés de manière simultanée (conditions cumulatives), on peut prononcer la répression du vagabondage. Ce sont des éléments matériels ; qui sont agrémentés par une 4ème condition qui est l’élément intentionnel ; cette intention est la volonté de se mettre dans l’état de vagabondage (volonté consciente de se mettre dans l’état de vagabondage, bien qu’elle ne soit pas expressément prononcée).

 

            Cette règle contenue dans le Code va trouver des illustrations rapides : celle de l’ouvrier contrôlé par la police et qui ne pourra pas faire la preuve de son livret ouvrier. Même si un ouvrier possède un passeport en règle, s’il ne présente pas son livret ouvrier, il est considéré comme vagabond.

            De ce fait il peut subir une peine d’emprisonnement de 1 à 3 mois, qui peut être accompagnée d’une amende pécuniaire mais aussi d’une transportation (= déportation politique, déportation anglaise, relégation des récidivistes, transportation pénale qui est le bagne coloniale différent du bagne maritime).

            Cette pénalité laisse une empreinte dans la réputation de l’individu, surtout de l’individu emprisonné et transporté. Cette trace dans la réputation fait que l’on appelle cette peine afflictive et infamante.

 

 

  1. La lutte pénale contre la coalition

 

            Ce C. Pénal va réitérer l’interdiction implicite de la grève, donc l’interdiction du rassemblement temporaire des ouvriers pour défendre une cause commune. Cette interdiction de 1810 avait déjà été promulguée dans la législation de réglementation des manufactures et des ateliers, législation qui datait de 1803. Les art. 414 et 415 du C. Pénal répriment les coalitions particulièrement ouvrières, celles qui visent la grève des ouvriers. Cette interdiction est répressive, puisque toute coalition doit être réprimée. Elle est aussi préventive, puisqu’elle soumet des associations de plus de 20 membres (qui ne sont pas nécessairement des associations ouvrières) à une autorisation préalable.

 

            Napoléon va admettre une situation beaucoup plus flexible pour les patrons : il admet les ententes entre patrons (ce ne sont pas des coalitions, ce sont des ententes), si cette entente n’entend pas forcer de manière injuste et abusive un abaissement des salaires ; autrement dit si cette action n’est pas déloyale.

            Les incriminations liées au travail ne sont pas établies de manière juste, càd au même pied d’égalité entre les ententes ouvrières et les ententes patronales.

 

On dénonce une entente naturelle, autrement dit une entente déloyale entre l’Etat napoléonien et les patrons. Napoléon autorise les patrons à se retrouver ensemble dans une demeure « privée et amicale » si cette entente ne crée pas des abus de droits et si cette entente ne crée pas de manifestations extérieures.

Cela veut dire clairement que l’entente des patrons est une discussion cordiale, mais elle n’a pas de manifestation extérieure : il n’y a pas de réalisation juridique de la discussion des patrons.

 

La disproportion du Code va se manifester également dans les oblis que peut imposer le patron aux ouvriers. Un patron peut fermer son entreprise pour obliger ses salariés à accepter de nouvelles conditions de travail.

            Elle s’exprime aussi dans les sanctions infligées aux ouvriers et aux patrons. Les sanctions applicables aux ouvriers sont plus lourdes que celles applicables aux patrons : c’est la persistance d’inégalité juridique.

 

            En marge, le C. Pénal va contourner l’interdiction en autorisant la création d’association et la création de société à but politique, religieux et littéraire.

            Dans ses associations on va compter : les sociétés de secours, déjà croisées chez les compagnons et les corporations. Mais ces sociétés de secours vont s’établir comme des sociétés de secours mutuel c’est-à-dire des sociétés mutualistes, ces associations ont pour but d’assurer le secours des membres d’une même profession en matière de maladie, d’accidents du travail, d’infirmité et en matière de vieillesse.

            Cette solidarité est possible de par un principe économique qui s’appelle l’assurance, la prévoyance càd l’anticipation du risque, avant même qu’il ne se réalise. Cette mécanique éco exige que le sociétaire verse un droit d’entrée, et une cotisation mutuelle pour assurer la prise en charge d’un éventuel risque réalisé (pour lui ou pour les autres membres de la société mutuelle). On est dans un système de solidarité.

            C’est une société civile, car elle ne dégage pas de plus-value sur le risque, sur les cotisations qu’elle reçoit : elle n’a pas de but lucratif.

 

            Sous le Ier Empire, la société de secours doit recevoir un agrément de l’autorité publique. Cet agrément permet à l’Etat de contrôler le but moral de la société de secours puisqu’elle n’a pas de but lucratif. Elle a un but moral, un but spirituel (qui n’est pas matériel). Ce but moral n’est que le soulagement de ses frères càd des frères professionnels.

Cette société de secours mutuel s’engage à ne pas être ni une coalition contre la nation, ni une corporation qui renouerait avec l’AR.

 

  1. La réglementation industrielle

 

            Bonaparte va doter la France d’une administration centrale. A partir de 1870, il y a une séparation entre le pouvoir judiciaire et pouvoir administratif : l’administration gère les affaires de l’Etat. Napoléon va établir l’ordre libéral, associé à l’ordre conservateur par ses codes ; mais il n’établit pas un code industriel afin de ne pas figer le droit mais aussi parce que les principales contestations se situent dans la sphère économique et sphère du travail.

            Économiquement, le premier consul va rétablir le crédit de l’Etat c’est-à-dire l’Empereur, il va favoriser des politiques structurelles (routes, voies de communication). Au niveau micro économique, Bonaparte doit répondre aux contestations des patrons qui regrettent l’organisation des corporations. De nombreuses pétitions ont été adressées au Gouvernement et qui réclament le retour au corps de métier.

            Au contraire les ouvriers réclament une libération totale du travail, une amélioration des conditions de vie et une meilleure sécurité des ateliers.

 

            Bonaparte va faire un compromis au niveau des idées juridiques et politiques : il dit vouloir ramener la paix dans les ateliers. Il est surtout dans un esprit de concorde républicaine : il refuse de céder à la pression d’un retour de l’AR du travail, il défend donc le principe de la liberté du commerce et de l’industrie. Mais il propose d’imposer des réglementations à l’intérieur des ateliers, à l’intérieur des manufactures. Il soumet aussi, en toute égalité, certains métiers à des réglementations comme les professions libérales et littéraires. Dans les métiers réglementés, les avoués/huissiers/avocats/notaires ou encore les pharmaciens : contrôler le rapport entre le patron et le salarié.

 

  1. Le livret ouvrier

 

  • Les raisons de son institution

 

  • Contexte politique

 

            Le contexte politique explique tout d’abord l’institution du livre ouvrier. Au niveau local les patrons et les municipalités vont œuvrer au retour des idées mercantilistes et au retour d’un contrôle des ouvriers par des maitres supérieurs.

            Cette revendication se justifie par les difficultés conséquentes aux éléments révolutionnaires eux-mêmes. On regrette donc une corporation, qui était source de police du travail, qui était source de discipline (mais aussi d’asservissement). Les patrons sont aussi face à un moment de pénurie de la main d’œuvre (on utilise alors la main d’œuvre pénale). Cette pénurie s’explique par le recrutement militaire obligatoire et surtout par le laisser-aller des ouvriers après la libéralisation du travail.

 

            Napoléon va alors proposer une nouvelle institution juridique : le livret ouvrier. Elle trouve ses origines dans une politique plus ancienne qui est la politique traditionnelle des billets de congé, qui étaient délivrés par le maitre aux compagnons à partir du XVIIè s. Ces billets étaient rendus obligatoires, du fait d’un arrêt du Conseil du Roi d’octobre 1740« aucun des ouvriers occupés en qualité d’apprenti ou compagnon ne peut quitter le maitre sous lequel il travaille sans un billet de congé de lui et qu’aucun des autres maitres (des) ouvriers ne peut le recevoir ni lui donner du travail sans qu’il n’ait présenté ledit billet de congé ou une permission par écrit des juges des manufactures ». Il y reprise d’une tradition de l’AR, contraire au principe de liberté du commerce et de l’industrie. C’est un congé unilatéral.

 

            Les premières dispositions réglementaires datent du 2 janvier 1749 par lettre patente du Roi. Ces dispositions ne visent que les ouvriers et compagnons des manufactures. Elle exclut donc ceux des maitres.

            Art. 40 de l’Edit de Turgot, avril 1776 : dispositions reprises par lettre patente à la vieille de la Révolution, le 12 septembre 1781. Dans le préambule : « rien n’est plus capable de faire fleurir les manufactures que de maintenir le bon ordre entre les fabricants et les ouvriers » « les précautions étant capables d’entretenir la police, et la subordination parmi les ouvriers ».

 

            Cela veut dire que le préambule des textes et lettres patentes vont être repris par Napoléon. Il y a une incohérence entre les principes de 1789 et le livret ouvrier.

La subordination (déf du salariat) va être à la fois la subordination juridique (sous la garde d’un maitre) et la subordination matérielle (H. Capitant, « une personne qui ne survit que par la réception d’un salaire »).

            Au XIXè s., la seule personne qui peut recevoir une aide est une personne qui a une subordination juridique à l’égard de quelqu’un. C’est le livret ouvrier qui crée la relation de dépendance, et c’est parce que cette personne est subordonnée que l’on va l’autoriser à avoir une assurance publique de l’Etat. Si de par son travail elle n’a pas les moyens de subvenir à ses besoins elle a le droit d’avoir une assurance.

 

            Le livret ouvrier est un acte juridique en ce sens qu’il est un document écrit généralement par le patron c’est-à-dire le maître et dont le patron garde la possession. Par cet acte juridique l’ouvrier est mis sous la direction complète du patron sous sa discrétion.

            Au même moment de l’établissement du livret, les règlements de police de bureaux de placement de travail mettent aussi les artisans dans une situation de soumission juridique. Comme les règlements de police, le livret ouvrier va incarner une police de travail particulière qui n’est pas la police de l’Etat basée sur la loi du 12 avril 1803 qui institue le livret ouvrier.

            Dans son article 12 « nul patron ne pourra recevoir un ouvrier si ce dernier n’est pas porteur d’un livret ouvrier, un livret dit on portant le certificat d’acquittement de ses engagements. Ce certificat est délivré par l’autorité qui dirigeait l’ouvrier avent son départ. » La loi renvoie à un règlement d’administration publique en décembre 1803 sous la forme d’un arrêté.

 

 

  • Les fonctions du livret ouvrier

 

            Dans l’esprit du législateur, le livret possède une dimension publique de contrainte, de contrôle de déplacement de l’ouvrier au sein du territoire. Il va se présenter comme une forme de passeport du travail permettant de contrôler la main d’œuvre urbaine ce qui sous-entend le contrôle des revendications ouvrières et revendications.

            L’ouvrier est considéré comme libre de travailler, il est nomade c’est-à-dire qu’il peut changer de métier et libre de changer de patron. Mais pour cela il faut d’abord une autorisation de celui qui l’emploie homologuée par l’autorité publique.

 

            Le livret est un instrument de discipline contractuelle du travail dans un sens technique. C’est un brevet de capacité, une attestation de l’expérience du travailleur dans son secteur de travail.

            C’est surtout de par sa valeur juridique que le livret se présente comme un sacrifice des droits des ouvriers en faveur du droit des patrons. C’est une faveur imaginée dans l’intérêt du patron, avec un but principal qui est celui d’assurer le paiement par l’ouvrier débiteur de sa dette de travail.

 

            Le mécanisme du livret autorise aussi le patron à attaquer l’ouvrier qui a contracté des dettes par des avances de salaire. Il permet de forcer l’engagement contractuel pris par l’ouvrier. Cette dimension de protection des intérêts des patrons et de l’engagement du salarié est exposée ds les motifs de la loi de 1803.

            Il s’agit d’une loi qui garantit la protection des engagements entre les ouvriers et les employeurs, qui garantie la discipline dans les ateliers et qui prévient d’abord de la désertion des ouvrier et aussi de la désertion du contrat de travail. Cela amène certains commentateurs du droit en 1803 notamment le ministre de l’intérieur, Chaptal a dénoncé la mécanique vicieuse du livret ouvrier qui empêche, par sa nature, l’ouvrier d’être un véritable cocontractant au contrat de travail.

            Le livret est un élément de servitude de l’ouvrier et non pas de libération. C’est un instrument de surveillance, de police plus qu’un certificat honorable de moralité et de capacité.

 

 

  • La mécanique de ce livret ouvrier

 

            Il est délivré par les autorités locales. Ce n’est pas un répertoire national. Sont compétents pour délivrer un livret les maires en vertu de leur pouvoir de police mais aussi les commissaires de police dans les grandes villes.

            Le livret ouvrier constitue un Etat civil :

-il comprend un 1er feuillet qui contient le nom de l’ouvrier, son prénom, son âge, son lieu de naissance, sa profession, sa résidence et le nom du maitre chez qui il travaille.

-Au-delà de l’identification sociologique le livret c’est un document qui permet d’avoir des informations complètes pour des investigations policières.

 

            La compétence attribuée au maire et au commissaire permet de faire une comptabilisation des ouvriers, permet de faire un classement par ouvriers et régions. Ces livrets ouvriers font l’objet d’un enregistrement local qui sert à effectuer un état statistique de nature annuelle adressé au préfet et accompagné d’un rapport soit du commissaire soit du maire. Cette statistique est envoyée ensuite à la préfecture qui se charge de la transmettre elle-même au ministre de l’agriculture et du commerce.

            C’est l’ouvrier qui va lui être dans l’obligation de se diriger vers les autorités publiques pour faire viser son livret ouvrier dans le but principal de quitter son lieu de résidence, son lieu de travail pour en rejoindre un autre. À Paris plusieurs ordonnances du préfet vont renforcer la surveillance des déplacements en exigeant un visa d’entrée dans le département de la Seine.

 

  • La valeur juridique du livret

 

            Le document juridique sert de preuve à l’obligation contractuelle et permet aussi d’être un moyen de sureté qui assure l’exécution du contrat de travail. C’est une exécution forcée ou volontaire.

            La contrainte contractuelle consiste en la reconnaissance écrite des avances sur salaire contractés au cours de l’engagement. Le livret permet aussi de contrôler la délivrance d’un congé après avoir acquitter ses dettes de travail consigné dans le livret ouvrier. Le travailleur a la possibilité de quitter son employeur avec son autorisation, son aval exprimé sur la conformité du livret ouvrier. De la même façon les employeurs n’ont pas le droit d’embaucher un salarié qui ne possède pas un livret ouvrier conforme càd avec la forme. Cette conformité consiste à l’existence d’un certificat visé par le dernier patron.

 

            Ce livret est comme un instrument de spoliation. Il force au respect des engagements et force aussi le remboursement des avances faite par l’employeur. L’employeur, en pratique, va abuser de cette possibilité d’avance en offrant une quantité importante d’avance sur salaire qui va lier l’ouvrier à son patron presque de manière perpétuelle or la perpétuité, ne permet pas la liberté, de sortir de l’engagement contractuel.

            L’ouvrier sera donc débiteur de son patron du fait des avances accordées. Ces avances de pratiques courantes peuvent être cédées à un autre employeur. Ces ouvriers endettés vont perdre la liberté, la liberté contractuelle, de changer d’employeur, perdre la possibilité de réclamer une meilleure rémunération.

 

  1. De la Restauration à la Monarchie de juillet

 

            Le livret ouvrier c’est devenu à partir de 1803 un véritable passeport du travail contrôlé par le patron en faveur donc du patronat et en défaveur de celui qui se soumet à la subordination de l’employeur.

            Cette politique s’accorde à des réformes plus larges qu’entreprend Bonaparte notamment dans les manufactures où l’ordre est en faveur des maîtres sur les ouvriers. Cette politique va être poursuivie sous la restauration et sous la Monarchie de Juillet.

 

  • Sous la Restauration

 

            La Restauration poursuit la politique de subordination. Le gouvernement de la Restauration qui marque le retour des bourbons. L’intention est de rétablir l’ordre de l’Ancien régime.

            Ces intentions se retrouvent dans la Charte de 1814 et s’expriment en matière de travail par un retour de la protection traditionnelle des travailleurs sous couvert de rechristianisation dans l’Etat.

 

            La loi du 18 novembre 1814 va rendre obligatoire dans les manufactures, l’observation du dimanche comme un jour chômé. La restauration ne cède pas aux demandes réitérées des royalistes au retour des corporations car ce retour aux corporations supprimerait la liberté du travail or les Bourbons s’ils veulent rester sur le trône sont obligés de faire un compromis.

            Les chambres de commerce et d’industrie s’opposent aux réclamations de l’ancien élites des industrielles et aussi aux vœux des conseillers généraux.

            Il y a un retour à l’ordre moral, à l’ordre conservateur qui s’exprime par le maintien du livret ouvrier. Le pouvoir monarchique va poursuivre l’autoritarisme du pouvoir impérial, il va appliquer de manière sévère les règlements du marché. Il va poursuivre la lutte contre la coalition en 1789. Le pouvoir monarchique, comme c’est un pouvoir traditionnel, va réserver ses faveurs aux grands propriétaires fonciers et aux manufacturiers de l’Etat.

            Le régime de la Restauration va réorganiser les institutions du commerce et de l’industrie, en instituant un CG des commerces et un CG des manufactures.

           

            Les priorités de la monarchie constitutionnelle sont d’instruire le peuple par l’éducation morale et l’éducation élémentaire. La Restauration ouvre aussi les portes du régime parlementaire, constitutionnelle ; mais elle oublie de répondre aux revendications de la classe ouvrière, qui est désireuse elle, de législation protectrice du travail. C’est cette classe laborieuse va s’allier à la bourgeoisie, d’aspiration socialiste, pour mener la Révolution de Juillet de 1830.

 

Dans la Révolution du 1830, il n’y a pas comme en 1789 une inspiration bourgeoise, mais ici des revendications purement ouvrières d’inspiration sociale qui vont être remises au gouv de Louis Philippe.

 

  • Sous la monarchie de Juillet

 

            Sur le plan matériel, Louis Philippe donne l’avantage à la bourgeoisie : il s’agit de la République bourgeoise. Il donne l’avantage à la moyenne propriété, la classe bourgeoise : il satisfait les intérêts de la bourgeoisie (banquier, petits patrons, etc…)

            Il continue cependant à exiger l’application du livret ouvrier en laissant tout de même des voies, des espaces de libertés aux salariés. Louis Philippe cherche toujours à améliorer la condition des classes laborieuses et va susciter l’idée d’une économie sociale, et l’idée de prévoyance sociale. Par sa législation du 5 juin 1835, il va créer les premières caisses d’épargne, qui vont fonctionner financièrement et techniquement avec le livret ouvrier (un peu comme un livret d’épargne). Le Gouvernement de Juillet va pourtant se détacher des masses populaires en acceptant le lobby des patrons, en renonçant à réformer, voir à abolir le livret ouvrier. C’est une politique sociale mais qui maintient la subordination inégale.

 

 

  • 3. De la 2ème République (1848) au IInd Empire

 

            C’est le désespoir et l’insatisfaction des ouvriers qui entrainent la révolution de 1848. La République de 1848 va mettre au cœur de sa politique la classe ouvrière. Le gouvernement provisoire, composé de personnes peu expérimentées, va devoir faire face aux impatiences populaires. Ce gouvernement va s’associer à de grands penseurs : des penseurs socialistes comme Louis Blanc mais aussi à des penseurs réformateurs comme Alexis de Tocqueville.

            La République va prendre l’engagement d’assurer un travail à tous les citoyens. C’est la première révolution sociale. Le Gouvernement annonce :

-la création des ateliers nationaux,

-la reconnaissance du droit d’association

-établissement d’une commission des travailleurs qui propose une nouvelle organisation du travail : on rentre dans l’ère de l’étude matérialiste et non plus du rapport économique entre l’employeur et le travailleur. On pose les questions suivantes :

-celle du salaire

-du capital

-la question du profit et sous-jacente celle de la plus-value

-la validité, la légalité du contrat de travail

 

            La République se veut donc égalitaire. Les avancées de la République vont être mal reçues par la classe bourgeoise mais aussi par une partie des économistes qui voient d’un mauvais œil la modification du régime ouvrier.

 

  • Les modifications juridiques apportées par la IIème République au livret ouvrier

 

            Les modifications vont être celles apposées au livret ouvrier, notamment concernant les avances de salaires. La commission réfléchit aussi à la suppression du droit de rétention du livret ouvrier en cas de non remboursement des avances.

 

 

  • L’oeuvre du IInd Empire

 

            Ces modifications inspirées par la IIème République vont être concrétisées par le IInd Empire. Bonaparte arrive au pouvoir en 1851 et réitère d’abord l’existence obligatoire du livret ouvrier par la loi du 22 juin 1854. Il rend obligatoire le livret des ouvriers des deux sexes, il étend donc le dispositif aux femmes, aux travailleurs à domicile et aux ouvriers en chambre. En parallèle la L 1854 supprime le droit de rétention et interdit les annotations favorables et défavorables relatives aux ouvriers. La loi ordonne que le livret soit remis à son propriétaire après inscription.

            Il y a également un renforcement des sanctions pénales : l’empire met en place une contravention punie d’une amende et d’emprisonnement pour les ouvriers sans livret, mais aussi les patrons qui emploient les ouvriers sans livret.

            Les ouvriers doivent également être contrôlés dans la tenue des livrets par un registre spécial transmis aux maires et aux commissaires de police.

            En 1868, durant l’ère libérale, l’empereur met en place une commission d’enquête chargée de faire un état des lieux des livrets ouvriers mais aussi de la compétence des CPH. La commission d’enquête va présenter un projet devant l’institution parlementaire, qui ne sera jamais votée ; mais ces travaux vont contribuer à donner une mauvaise image du livret ouvrier.

 

            Ce que souligne la Commission d’enquête, c’est que l’obligation du livret ouvrier semble de moins en moins respectée depuis 1854. Les ouvriers se dispensent de la possession d’un livret, les patrons n’utilisent pas les actions civiles en dommages-intérêts et les parquets ne mettent pas en œuvre l’action publique en cas de manquement à la législation. Dans les campagnes, mais aussi dans les villes, beaucoup d’ouvriers possèdent un, deux ou trois livrets ouvriers. Certains ouvriers récupèrent les livrets d’ouvriers décédés au front. Il est aussi facile de se procurer un livret neuf sur le motif de la perte ou du vol. Dans les petites villes, l’obligation du livret est négligée pour conserver une main d’oeuvre susceptible d’exode rural. Enfin, les patrons négligent l’obligation du livret par soucis de compétitivité. En effet, les patrons sont conscients que certains ouvriers, insoumis, sont reçus par des concurrents. Au niveau statistique, à Cherbourg en 1868, sur 416 patrons on en compte 296 qui n’ont pas de registre de livrets. Sur 2111 ouvriers, on compte 1737 ouvriers qui n’ont pas de livrets.

            Ces travaux de la commission permettent de réformer la pratique du livret ouvrier. Elle va se réaliser non pas sous le second Empire, mais sous la IIIème République.

 

 

  • 4. La IIIème République

 

            Elle débute par les lois constitutionnelles de 1875. C’est un régime parlementaire, qui va réaliser une véritable réforme sociale, et un plan complet de réorganisation du travail et de la législation du travail.

            La IIIème République défend donc une législation du travail à la fois dans un esprit républicain (dans un esprit national), mais aussi dans un esprit démocratique (participation du peuple aux affaires de l’Etat). La défense des intérêts de la nation se transforme dans le régime républicain, se confond à la baisse de la police du travail. C’est ainsi que le projet de suppression, d’abrogation du livret ouvrier, élaboré sous le second Empire, va renaitre de ses cendres sous la IIIème République avec une proposition de L 11 nov 1881.

            La discussion entre les deux Chambres vont durer 8 ans, le Sénat (plutôt conservateur) va retarder l’abrogation par la proposition d’un maintien d’un livret facultatif mais aussi en réclamant en faveur de l’ouvrier des facilités d’obtention du crédit. L’abrogation est votée le 2 juillet 1890. Le livret ouvrier se transforme en simple certificat de travail : ne subsiste que des livrets particuliers pour le compte des travailleurs à domicile et pour les enfants.

            Dans la pratique, le livret ouvrier va prendre plusieurs années pour disparaître, de telle sorte que certains règlements intérieurs vont demander la présentation d’un livret ouvrier alors même que la loi l’a abrogé. Le livret continue à être un certificat valable.

 

 

  1. Les règlements d’ateliers

 

            Ils posent la question centrale de la réglementation du travail des ouvriers au sein des ateliers. Le règlement intérieur c’est la question de savoir si un acte obligatoire, unilatéral peut être imposé à l’ouvrier ; mais également de savoir si le règlement du travail droit être de négociation collective.

            La Constituante avait envisagé un règlement intérieur des ateliers prononcé par l’Etat.

 

            Le projet de C. industriel va être envisagé dès le premier Empire, et c’est finalement Bonaparte qui repousse la création du Code industriel parce que Bonaparte ne veut pas choisir entre un code patronal et un code ouvrier. Bonaparte va publier des règlements de discipline pour les ateliers et il va distinguer la réglementation des métiers et la réglementation intérieure des ateliers. Le règlement d’atelier est un acte unilatéral qui prévoit une discipline applicable au personnel. Ce personnel est soumis à une nouvelle organisation de la production, à une nouvelle organisation technique du travail centrée sur les machines à vapeur et les progrès technique.

            Ce règlement intérieur impose aussi une assiduité et une discipline, il oblige à l’instauration d’horloge et la surveillance par des gardiens, le respect de l’ordre par des répressions spéciales liées au travail mais également des préoccupations d’ordre morale (pas d’insultes), d’ordre hygiénique ou encore des réglementations d’ordre sécuritaire. Parmi les interdictions, il y a des interdictions de grève, d’incitation à la débauche et de l’état d’ivresse, sanction contre l’insubordination et contre le retard, l’absentéisme, contre le sabotage industriel.

 

            Il y a donc des retenues de salaire, qui sont les sanctions les plus communes mais aussi un contrôle de ces sanctions par le maire ou le préfet. Il faudra attendre le IInd Empire pour voir les CPH contrôler les règlements intérieurs.

 

 

Section 2 : les institutions judiciaires et consulaires liées au travail

 

            Les institutions judiciaires sont des juges ayant pour tâche de régler les conflits personnels et les conflits collectifs liés au travail. Ces juges ont une compétence d’exception, de juridiction et cette compétence se replace mal dans l’organisation judiciaire post révolutionnaire.

            Les tribunaux du travail ne relèvent de l’organisation judiciaire stricte ni de l’organisation administrative. Cela signifie qu’il ne rentre pas directement dans les éléments de la séparation des pouvoirs administratifs et judiciaires décrétés en 1790.

 

            Ce juge des relations professionnelles qu’on appelle le juge des prud’hommes est établit de manière législative en 1806. À côté de ce pouvoir juridictionnel se distingue des chambres consulaires, représentative qui s’assimile à des Assemblés professionnels doté d’un pouvoir de décision. Elles sont donc des Assemblées exécutives et des Assemblées dites législatives car elles ont le pouvoir de proposer des lois au niveau professionnel.

            Ces chambres consulaires sont surtout destinées à conseiller et à influencer le législateur, le gouvernement dans la politique économique et commerciale. Ces juridictions et ces chambres deviennent des acteurs de la défense du droit social et aussi de la défense de la liberté du commerce et de l’industrie.

 

  1. Le Conseil des Prud’hommes

 

 

  1. L’origine théorique romaine

 

            Le juge des Prud’hommes correspond à la notion de juge citoyen. Notion définie dès l’époque romaine, le juge étant le citoyen qui tranche un conflit de fait et le magistrat c’est-à-dire le prêteur est celui qui donne la solution de droit et celui qui possède la science du droit.

            L’Etat va donc donner au juge de juridiccio càd le pouvoir de rendre des jugements pour résoudre des conflits individuels. Le magistrat va lui posséder l’imperio qui est le pouvoir de donner des ordres et de disposer de la force publique pour exécuter une décision judiciaire. Ce magistrat, est doté de magistère car il représente l’autorité du peuple alors que le juge citoyen ne représente qu’un arbitre pour les individus.

 

            Le juge des Prud’hommes incarne la vision du juge citoyen. Celui qui est investi de la juridicio et pas de l’imperio ce juge va décider par rapport à ses propres paires (membres d’une même profession), son but c’est de régler des questions d’ordre matériel et progressivement de faire naître un nouveau droit. C’est plus qu’un droit professionnel ça va être un droit social car il va œuvrer ce droit à la reconnaissance de droit matériel c’est-à-dire de droits collectifs et sociaux.

            Le Conseil des Prud’hommes va dépasser la fonction strictement règlementaire pour s’intéresser à des causes politiques comme le droit de grève la suppression du délit de coalition ou encore l’arbitrage des conflits sur le salaire des travailleurs.

 

 

  1. L’origine en droit ancien

 

            Le terme de Conseil des Prud’hommes est emprunté aux vieilles traditions françaises qui désignaient pour ces causes matérielles des officiers municipaux et des experts qui étaient entendus eux en cours de procès. C’est d’abord la ville de Paris qui établit en 1236 un conseil des Prud’hommes chargés de traité des conflits, une délégation faite par les pouvoirs publics.

            La véritable création des Conseils des prud’hommes remonte à un édit de Louis 11 du 25 Avril 1484. Cet édit permet de constituer une instance chargée de juger les litiges qui opposent els marchés de la foire de Lyon. Il faut attendre la loi de 1791 pour voir disparaître tous les tribunaux préexistants suite à l’abolition des maîtrises et des jurandes. L’institution arrive par le biais du consulat. La nécessité d’établir des conseils est due aux difficultés d’arbitrage professionnel lié à la disparition des corporations.

 

            L’établissement de ces conseils est demandé pour des causes techniques. Les ouvriers et les patrons réclament des instances pour contrôler les risques auxquels sont soumis les ouvriers. La création des Conseils des Prud’hommes va rentrer dans une perspective de contrôle règlementaire.

            L’institution va se présenter comme une institution de police du travail. La première institution des prud’hommes n’a pas pour but la défense des droits s ouvriers mais plutôt le contrôle de l’ordre industriel post révolutionnaire.

 

 

  1. L’organisation d’une police des rapport professionnels 1803-1848

 

Du consulat jusqu’à la IIème République, ce Conseil des Prud’homme va être le lieu de contrôle des relations.

 

            Ce conseil n’est pas composés de magistrats professionnels car les magistrats classiques sont mal préparés et ne peuvent pas trancher les conflits économiques et techniques. Ils ne sont pas compétents pour apprécier les faits sociaux : les faits liés au travail.

             On fait donc appel à des juges citoyens qui connaissent le milieu professionnel c’est-à-dire les juges qui n’ignorent pas les usages, les coutumes mais aussi les éléments techniques de la profession.

 

 

  • La législation d’Avril 1803

 

            Elle respecte dans son principe la notion libérale du travail établie en 1789 mais elle incite à une régularisation à un contrôle du travail dans les manufactures.

            C’est en ce sens qu’elle crée une justice qui va régler les différends entre fabricants et ouvriers. Cette institution est donc une juridiction spéciale et particulière. Les affaires de simples polices sont portées devant le préfet de police devant les commissaires généraux de police, devant le pouvoir municipal c’est-à-dire le maire ou ses adjoints.

 

            Selon le code municipal, les magistrats ou les fonctionnaires prononcent les sanctions applicables. Toutes les autres contestations sont portés devant la juridiction spéciale particulière et cette juridiction est vite contestée d’abord parce que ces résultats sont médiocres et parce qu’elle est suspectée de partialité dans ses sentences en défaveur des ouvriers.

 

 

  • 2. La loi du 18 mars 1806

 

            La loi est suscitée par l’appel des fabricants de soie de Lyon au moment du passage de Napoléon dans la ville, les fabricants regrettent les insuffisances et les inconvénients de la loi.

            Napoléon va réagir en proposant l’établissement d’un Conseil des prud’hommes à Lyon par acte législatif. Cette autorisation locale législative elle pose dans son art. 34 la possibilité pour le gouvernement d’étendre le principe d’une juridiction professionnelle au profit de toutes les villes de France celle qui comprend des fabriques et manufactures. Ce texte est complété par 2 décrets:

-11 juin 1809

-3 août 1810 qui vient compléter la législation des Prud’hommes et qui vent ajouter des règles à la compétence juridictionnelle.

 

            Par ces texte les prud’hommes sont invités à concilier au jour le jour les patrons et les ouvriers d’une même ville qui se « connaissent personnellement » et qui acceptent de vider leurs querelles à l’écart des tribunaux civil et des « hommes de loi ».

Il s’agit d’une juridiction arbitrale. Il y a la volonté de ne pas mettre le conflit au contentieux des tbx civils.

 

Ces juridictions prud’homales vont mettre fin aux conflits entre les ouvriers chef d’atelier, les ouvriers compagnon et les ouvriers apprentis. Vont être compris dans les personnes susceptible d’élever un conflit les ouvriers patenté= ouvriers qui travaillant chez eux à domicile pour des fabricants et payant une patente.

            Le Conseil se présente comme un organe disciplinaire. Il est une juridiction où doivent toujours être respectés les droits de la défense. Les Conseils vont sanctionner le trouble à l’ordre et la discipline des ateliers. Les Conseils vont sanctionner aussi les manquements graves des apprentis envers leur maître. Les Conseil contrôlent les livrets des travailleurs à domicile, inspectent les ateliers et possèdent le pouvoir de faire des enquêtes sur la condition des travailleurs.

 

            C’est l’article 1er de la loi de 1806 qui consacre la loi du bipartisme. Cette règle du bipartisme s’applique à la composition du conseil. Ces tribunaux vont accueillir des représentants du patronat, des représentants des chefs d’atelier mais ces tribunaux n’accueillent pas des représentants d’ouvrier et donc les ouvriers quel que soit leur nature peut demander une décision au tribunal mais ne peuvent pas faire partie de sa composition.

            Il s’agit d’une institution d’arbitrage professionnel dans laquelle les ouvriers sont exclus. En réalité ce sont les patrons qui dominent la juridiction car le conseil n’est pas basé sur un fonctionnement ou une composition paritaire. Les juges comprennent des marchands de fabricants, des chefs d’atelier et des ouvriers patentés.

 

            Les ouvriers non patentés sont écartés des élections prud’homales ils sont donc justiciables de ces juridictions mais ils ne peuvent pas en être les juges ou même les électeurs. Chaque conseil va être composé de 9 membres 5 marchands fabricants et 4 chefs d’atelier.

            Tous les conseillers doivent avoir au moins 30 ans et 6 ans d’ancienneté. Ils sont élus par les gens de métier. Ces conseils sont qualifiés de tribunaux de maître, ils produisent pourtant une justice rapide de conciliation et une justice efficace car elle est peu onéreuse.

 

            La réforme qui est souhaitée c’est l’intégration des ouvriers non patentés dans la composition même du conseil. Cette réforme était souhaitée par Louis Philippe, donc par le gouvernement de juillet mais c’est une réforme qui n’aboutit pas du fait de la pression de la bourgeoisie.

            De nombreuses commissions vont être formées pour être nommés au conseil des prud’hommes malgré le résultat positif que la juridiction amène. De 1830 à 1842 on compte 184 500 affaires portées devant la juridiction et parmi ces affaires on compte 174 400 affaires conciliées.

            Les principales villes de France possèdent des conseils Prud’hommes. Seule la ville de Paris ne bénéficie pas d’une juridiction Prud’homale du fait de l’instabilité que pourrait une telle juridiction mais aussi du fait des revendications ouvrières de la population parisienne. C’est la ch du commerce l’établissement d’une institution des prud’hommes dans la capitale. C’est chose faite le 20 déc 1844. Paris obtient une expérience juridictionnelle pour certains métiers.

 

            Est établi un conseil des métaux et sont créés à la suite de cela 3 conseils des Prud’hommes par une ordonnance du 9 juin 1845. Paris va avoir un conseil pour les tissus, produits chimiques et un dernier conseil regroupant plusieurs professions: imprimeurs, menuisiers, sculpteur…

 

            À la veille de 1848 75villes possèdent un conseil des Prud’hommes.

 

 

  1. De 1848 à 1905: la Constitution d’organe paritaire

 

  • 3. La révolution de 1848

 

            Premier acte est de réorganiser le conseil des Prud’hommes dans son principe. La République va supprimer les inégalités contenues dans la composition de la juridiction. Elle favorise le principe de la parité c’est-à-dire légal équilibre entre la représentation patronale et la représentation ouvrière.             Désormais les décisions du conseil seront prises ensemble entre employeurs et salariés. La loi va déclarer électeur pour les conseils tous les patrons tous les chefs d’atelier et tous les ouvriers. Compris les compagnons.

Ces électeurs doivent être âgés de 21 ans et doivent aussi résider 6 mois dans la circonscription du Conseil.

 

            Si ajoute une compétence d’écriture et de lecture. Vont se ranger dans la classe: les patrons contre maître et les chefs d’ateliers plus tous les travailleurs qui paient une patente.

            Entrent aussi les patrons qui emploient. La présidence du conseil des Prud’homme car elle a voie prépondérante. Cette présidence dure 3 mois et elle est attribuée de manière alternative à un patron ou à un ouvrier. Le Président est élu par son propre collège: collège des ouvriers ou collège des patrons.

Cette égalité se retrouve aussi dans les audiences de conciliation qui doivent être tenus par 2 membres:

-patrons

-ouvriers

 

            Ces deux membres on les retrouve dans la composition du bureau du jugement. La loi spécifie aussi que le nombre des prud’hommes ouvriers doit toujours être égal au nombre des Prud’homme patrons. Selon les territoires les conseils comprendront entre 6 et 26 membres.

On procèdera à deux élections :

-les ouvriers et les patrons nomment un nombre de candidat supérieur à ce qu’il faut en réalité.

-dans la seconde phase les ouvriers choisissent parmi les candidats patrons les futurs Prud’homme patrons et de la même manière les patrons vont choisir dans la liste des candidats d’ouvriers les Prud’homme ouvriers qui vont constituer le collège. Cette méthode permet un contrôle de la nature des juges mais elle évince parfois les véritables personnalités. Dans tous les cas il y a eu une alternance obligatoire entre le groupe patron et le groupe ouvrier.

 

            Cette législation est suivie par la loi du 7 aout 1850 qui dispense l’ouvrier de toutes avances d’argent pour la suite de l’affaire. Ces frais ne sont payés qu’après jugement par la partie qui perd le procès.

 

  • 4. Le IInd Empire

 

 

            L’Empereur va apporter un frein à l’évolution démocratique et égalitaire du conseil des Prud’hommes. Napoléon va d’abord préparer une enquête en 1853 au cours de laquelle il tente de relever les moyens de l’extinction du paupérisme. Il se penche sur les questions sociales il tente de créer un programme économique censé pallier les difficultés économiques sensés séduire la masse populaire. Sur la composition du conseil il conserve les acquis démocratiques de 1848 avec la possible l’élection des ouvriers; il permet aussi de favoriser les sergents de l’industrie càd les patrons opérant des limitations implicites.

            L’Empereur va désigner les présidents et vices présidents du conseil à savoir ceux qui ont des voies prépondérantes. Il permet aussi que les notables soient à la tête des conseils des prud’hommes.

 

            Au cours de la transformation de cette institution on remarque la naissance d’une jurisprudence progressiste. Le règlement des litiges qui se fait à huis clos permet l’apprentissage collectif des nouvelles règles de disciplines industrielles.

            Ces conseils vont devenir une juridiction spéciale du rapport salariale avec une diminution des autres compétences notamment avec la compétence de police.

 

            La possibilité pour les conseils de sonder les règlements des ateliers qui avait une nature purement conventionnelle. Cette jurisprudence des conseils des prud’hommes va tenter de contrôler les abus et les dispositions imposées par la puissance patronale.

            Au terme de certaines jurisprudences le règlement n’est plus considéré comme une convention mais comme un acte unilatéral. Certains prud’hommes vont estimer que les règlements d’atelier doivent être homologués par leur compétences c’est-à-dire par eux-mêmes. Le juge va se donner lui-même une compétence qui n’est pas définit par la loi.

            Certains conseils vont considérer que la loi doit protéger ceux dont la position c’est-à-dire la position d’esprit et de fortune mais à la merci des patrons.

 

            Ces conseils vont donc prendre des sentences défavorables à l’employeur. Ces arrêts seront censurés par les cours de cassation établit en faveur des ouvrier et la C.Cass va considérer que le règlement a un caractère strictement contractuel.

            L’ouvrier par la simple connaissance du règlement intérieur adhère au contrat. Seul l’employeur et son employé sont juges des conditions disciplinaires des ateliers.

 

 

  • 5.La IIIème République

 

 

            En février 1880 la loi vient apporter une modification au fonctionnement des conseils des Prud’hommes en rétablissant l’élection des présidents et vices présidents au conseil. La situation des conseils des prud’hommes est liée à la puissance des syndicats.

            Les transformations postérieures sont donc dues à des pressions syndicales. Les réformes principales se réalisent en juillet 1905. La loi de juillet 1905 reprend les grands traits de la juridiction, elle supprime la domination du président et sa voix prépondérante elle intègre aussi au sein de la juridiction le juge paix. La réforme de 1905 définit l’appel des décisions prud’homales qui n’est plus attribué aux tribunaux de commerce mais aux tribunaux civils.

            Les prud’hommes sont désormais rattachés au Ministre de la justice et plus au Ministère de la justice.

 

            Loi du 27 mars 1907: législation qui codifie et reprend l’ensemble des dispositions anciennes facilitant la création des conseils et étend leurs compétences au commerce.

            Elle va aussi élargir l’électorat en abaissant certains critères comme celui de l’ancienneté, de la résidence et va permettre aux femmes d’être électeur au conseil.

            Le conseil est compétent pour tous les différents liés au contrat de louage d’ouvrage sous la surveillance de magistrats.

 

 

  1. II. Les Chambres consulaires et les Chambres de travail

 

            L’origine des chambres de commerce remonte au XVème et XVIème s., période de renaissance politique mais aussi économique et industrielle. En réalité ce sont les corps de métiers urbains qui remplissent d’abord les fonctions de contrôle et de surveillance du commerce et de l’artisanat.

            Plus progressivement la monarchie établit un Conseil de Gouvernement chargé des affaires commerciales qui sera composé en grande partie de négociants parisiens. C’est à la suite de la création de ce Conseil que vont apparaître les chambres de commerce. Ces chambres vont contenir des représentants, représentants qui seront eux-mêmes en contact avec le Conseil de Gouvernement. C’est une série d’institutions qui se rejoignent.

            Dans le Royaume, il n’y a pas une mise en place généralisée de chambres de commerce. Paris n’a pas sa chambre de commerce.

 

            Au moment de la Révolution, la disparition des corporations n’entraine pas la création de nouvelles chambres. Il faut attendre l’oeuvre de Napoléon qui crée le 24 déc 1803, 22 chambres de commerce et d’industrie. La création des CCI est une mesure éco qui est sensée stabiliser la France post révolutionnaire.

            Ces CCI remplacent en quelque sorte les anciennes corporations. Elles sont donc composées parfois de membres de l’ancien corps mais elles n’ont pas le même but puisque la politique est inspirée par une libéralisation du travail. Les CCI vont œuvrer à l’amélioration des conditions de travail dans les ateliers et les manufactures, elles vont influencer la réflexion sur la police des ateliers.

            Ces chambres sont surtout destinées à créer un lien entre le pouvoir et la direction (les patrons).

 

            Louis Philippe par son O 16 juin 1832 va poser le principe de l’élection des membres des CCI à la principe du cooptation qui était d’usage. On parle aussi de démocratisation.

 

 

  • Distinction des CCI des chambres de métiers

 

            Les chambres de métiers sont celles relatives à l’artisanat. Or, le XIXème s ne connait pas d’institution particulière et propre à l’artisanat. L’artisanat comprend les entreprises individuelles, des entreprises manuelles.

            Ces artisans demandent depuis le XIXème s par leur vœu la création d’institutions spécifiques. Ce sera chose faite à Strasbourg notamment à travers la constitution d’une corporation des boulangers sous l’influence allemande. Le droit allemand a eu une influence sur le droit du travail, mais surtout sur l’assurance sociale. L’artisanat allemand ne s’est jamais privé d’une représentation de ses intérêts et le Code industriel allemand va favoriser un régime spécifique juridique artisanal qui va aboutir à la loi de 1897.

            En France il faut attendre 1924 pour voir la création de chambres de métiers sous l’impulsion de Courtier, député de la Haute Marne, qui demandera donc une loi de création des chambres de métiers.

 

 

  • Les chambres de Travail

 

            Ce sont des institutions expérimentales de la IIIème République. Cette proposition est faite par les ouvriers eux-mêmes qui demandent à avoir une représentation analogue à celle des chambres de commerce et d’industrie.

            Ce projet ne va pas aboutir, même si on peut considérer que les syndicats vont jouer le rôle de représentants des salariés.

 

            Il s’agissait de chambres créées par la Présidence de la République, après rapport du ministre du commerce et de l’industrie et les chambres auraient pu être consultées par le Gouvernement sur toutes les questions économiques.

            Ces chambres pouvaient aussi être appelées à créer des établissements dans l’intérêt du travail sous leur direction.

 

 

 

Laisser un commentaire