Histoire et actualité du droit des contrats administratifs

HISTOIRE ET TENDANCE ACTUELLES DU DROIT DES CONTRATS ADMINISTRATIFS

Le droit des contrats administratifs a une importance considérable sur le plan pratique mais aussi juridique. C’est devenu un instrument essentiel et courant de conduite des politiques publiques. En droit français, les contrats administratifs font 10% du PIB national. On est à 15% au niveau de l’échelle européenne. Sur le plan juridique, le droit des contrats administratifs est une des branches du droit public la plus évolutive.

La tendance la plus nette est l’intégration et l’omniprésence du droit de l’UE en droit interne. C’est un droit très dynamique et a bouleversé le droit interne mais aussi est très tinté d’économie. Une réforme des directives de marchés publics est à avenir. Le seuil des passations de contrats publics vient d’être relevé par un décret du 27 décembre 2013. Le régime des concessions d’aménagement a fait en droit interne l’objet d’une réformer en 2009 après un arrêt de la cour de Luxembourg. La dynamique européenne peut aussi être conflictuelle car on constate de mauvaises transpositions en droit interne car les délais de transpositions ne sont pas respectés ou la transposition n’est pas correcte. Le droit interne peut déformer les choses en considérant comme normal une pratique administrative alors qu’elle est marginale en droit de l’UE.

Ces difficultés tiennent à l’autonomie des qualifications en droit de l’UE. Par exemple, on a l’indifférence du droit de l’UE vis-à-vis de la notion de maitrise de l’ouvrage public. Or, cette indifférence déstabilise la catégorie de marchés publics en droit interne. Ces difficultés s’expliquent aussi par des différences idéologiques. Notamment, cela est lié au fait que le droit de l’UE ne s’appuie pas sur un Etat alors qu’en France le rôle de l’Etat est reconnu comme particulièrement fort en France.

Le droit des contrats administratifs français traduit les grandes évolutions récentes de l’administration et des pratiques administratives. Cela se traduit aujourd’hui par la réforme de l’Etat qui est moins un objectif qu’on processus. Il y a une connexion entre le droit des contrats administratifs et l’émergence d’un management public.

Le droit des contrats administratifs est marqué par une instabilité de ses sources, en particulier les sources écrites. Cela s’explique par le fait que c’est un droit dynamique et vivant car il est politiquement sensible. Il fait l’objet d’un chantier constant et donc on a pas de stabilité et sécurité juridique.

Résultat de recherche d'images pour "DROIT DES CONTRATS ADMINISTRATIFS"

A- L’idée du contrat administratif

La doctrine s’est longuement interrogée sur le point de savoir si un contrat pouvait être administratif. Pour comprendre ce débat qui existe encore aujourd’hui, il faut considérer la raison d’être du droit administratif lui même et derrière du droit public entier. S’il existe un droit public c’est parce que dans la culture juridique française on estime que les règles s’imposant au commerce juridique des gouvernants peuvent être difficilement assimilées aux règles applicables au commerce juridique privé. Il y a une inégalité fondamentale de l’administration vis-à-vis des administrés car l’administration est l’expression de la doctrine française de l’intérêt général. Cette inégalité s’explique par le fait que l’intérêt général n’est pas assimilable à la somme des intérêts privés. Dans la plupart du temps, le contrat a été présenté comme le royaume du consensualisme où les parties jouent à égalité alors que l’exemple même de l’exorbitance est l’unilatéralité des actes administratifs.

Le contrat administratif serait donc anormal. Il ne serait pas dans l’ordre administratif des choses que la puissance publique puisse négocier avec des partenaires, d’autant plus que ces partenaires sont assujettis à l’intérêt général. Si le contrat est administratif, la doctrine considérait que c’était un contrat de type particulier. Pour les autres, c’est un faux contrat ou un contrat suspicieux car l’administration est une partie. La loi des parties est supplantée par la volonté de la personne publique. Ainsi, si le contrat est un accord de volonté destiné à produire des obligations et droits en droit civil, les volontés qui s’accordent dans un contrat administratif ne sont pas de même nature. En cas d’intérêt général, l’administration est en droit de commander à son cocontractant.

Tout cela explique la profonde difficulté du droit positif à clarifier l’opération essentielle : la qualification du contrat administratif. L’unitéralité dans l’acte n’est jamais très loin. Notamment, il s’agit de la théorie des actes détachables : Conseil d’Etat. 4 août 1905. Martin. Le problème demeure en droit administratif car le fondement du contrat est censé être l’autonomie des volontés mais on retrouve un problème en cas de contrat administratif. On peut prendre comme fondement l’objet du contrat. On peut aussi se fonder sur la finalité du contrat et donc dans ce cas on accepte automatiquement l’unilatéralité. On a aussi essayé de fonder le contrat administratif sur l’idée de justice. Il s’agit de l’idée d’un équilibre qui connait des développements inédits, le principe de loyauté des relations contractuelles notamment. Cette interrogation sur le fondement du contrat pose aussi l’interrogation de sa nature qui est plutôt théorique.

Le contrat administratif est tout de même une réalité incontestable qui n’a rien de problématique en lui même. Il existe car il répond à des besoins et nécessités. Le contrat de l’administration ne peut pas être toujours régit par le droit privé.

B- Le droit applicable aux contrats de l’administration

Le droit administratif n’est qu’une des modalités par lesquelles l’administration s’engage conventionnellement. L’administration peut appliquer le droit privé pour ses actions et peut donc conclure des contrats de droit privé, notamment pour la gestion du domaine privé. Le contrat administratif concerne les contrats de l’administration qui sont régis par le droit administratif au sens large du terme.

La notion de contrat public ne parait pas satisfaisante car elle n’a pas le même sens pour tous les auteurs. Parfois l’expression est utilisée comme synonyme de contrat administratif. Parfois, cela désigne tous les contrats pris par l’administration donc y compris ceux de droit privé. Dans ce cas, ce qui compte est juste la présence de l’administration au contrat. Pour d’autres auteurs encore, la notion de contrat public vise les contrats de l’administration soumis à un régime juridique plus ou moins particulier avec une idée de degré de spécificité de ce droit. Dans ce cas, le contrat public permet de mettre en avant l’absence des coïncidences entre les catégories internes et les catégories de droit externe. Du fait du droit de l’UE, le critère organique notamment serait fortement relativisé et donc un contrat passé entre deux personnes privées peut être soumis à un droit spécifique selon le droit de l’UE. La notion de contrat public est donc censée prendre acte du bouleversement entrainé par le droit de l’UE sur les catégories internes.

Plusieurs raisons empêchent de prendre en compte cette nomination. D’abord, le fait que l’UE utilise un raisonnement différent de celui du droit interne ne doit pas empêcher le raisonnement interne d’exister. Ensuite, la notion de contrat public n’a pas de définition nette. De plus, cette notion n’est pas utilisée par le droit de l’UE. Aussi, elle ne permet pas de déterminer les règles de compétence entre le juge administratif et le juge judiciaire alors que le contrat administratif le permet. Enfin, la notion de contrat public n’exclue pas le débordement des catégories internes. Si les personnes privées sont soumises à un régime spécifique en droit de l’UE c’est parce qu’elles ne sont pas assimilables à des personnes privées « normales » car elles agissent au moins au nom et/ou pour le compte d’une collectivité publique. Même s’il est de plus en plus confronté au droit de l’UE, le droit des contrats administratifs reste autonome et particulier car il repose sur l’idée d’un régime juridique propre à certains contrats passés par l’administration en raison des finalités de l’action administrative menée par ce contrat.

Si l’existence du contrat administratif est constante à travers l’histoire, celle de son régime juridique ne l’est pas. L’usage par l’administration du procédé contractuel remonte essentiellement au Moyen Age où l’Etat a eu besoin de recourir à des personnes privées pour assurer par des délégations des missions qu’il ne pouvait assumer directement. On retrouve ainsi des contrats de prélèvement d’impôt et des contrats de marchés publics notamment. La Révolution de 1789 n’a pas favorisé la forme contractuelle pour l’administration mais elle ne l’a cependant pas fait disparaitre. Au XIXe siècle, le libéralisme a conduit à de nombreux partenariats contractuels. On a ainsi des contrats de concessions de chemins de fer, de constructions de points, d’éclairage public,… Ces contrats étaient marqués par une forte présence de la personne publique. Au XIXe siècle, la doctrine libérale a tenté de distinguer les actes de gestion des actes d’autorité. C’est une doctrine profondément libérale qui estime que le recours au droit privé est possible pour l’administration mais surtout souhaitable temps que cette administration ne fait pas une mission régalienne. Seuls les actes d’autorité relèvent du droit public, les actes de gestion relèvent seulement du droit commun. Cette théorie a été remise en cause avec l’apparition de la notion de service public à la fin du XIXe siècle en tant qu’acte de gestion qui n’est pourtant pas une activité purement privée.

La jurisprudence administrative a élaboré l’essentiel des solutions permettant de qualifier les contrats administratifs et donc déterminer quels contrats de l’administration sont des contrats administratifs et relèvent donc d’un droit spécifique et d’un juge spécifique. A cette époque, le droit des contrats administratifs est donc jurisprudentiel. Il s’agit donc du critère organique (présence de la personne publique) et des critères matériels (service public et prérogatives de puissance publique/clause d’exorbitance du droit commun : Conseil d’Etat. Société des granits porphyroïdes des Vosges. 31 juillet 1912). Jusque ces dernières années, la jurisprudence était claire mais des interventions écrites sont apparues et donc on s’est demandé s’il existait encore un droit des contrats administratifs. Des textes législatifs ont administrativisé certaines catégories de contrats, nonobstant les critères jurisprudentiels. C’est notamment le cas de la loi MURCEF du 11 décembre 2001 pour les contrats de marché public. Aussi, l’ordonnance du 17 juin 2004 a administrativisé les contrats de partenariat public/privé. Une ordonnance du 15 juillet 2009 a qualifié de contrat administratif une partie des concessions de travaux publics alors que ces contrats peuvent être conclus par des personnes de droit privé et donc être des contrats de droit privé au seul regard de la jurisprudence du Conseil d’Etat. Le critère organique a été mit de côté en raison de la pensée de l’UE à son sujet. Tout cela permet d’étendre l’application du droit administratif et la compétence du juge administratif. Le juge administratif peut laisser une place au droit privé y compris dans le droit des contrats administratifs car la matière des contrats permet de s’inspirer du droit privé donc du droit des obligations. Le juge administratif dégage un PGD souvent à partir de la base d’une règle posée dans le code civil. Le PGD est infra législatif mais supra réglementaire et est une règle posée par le juge administratif. Aussi, le juge administratif peut viser le droit privé et notamment sanctionner une clause d’un contrat administratif contraire à la législation de droit privé sur les clauses abusives.

Au regard du droit de l’UE, il est indifférent aux qualifications internes. Inversement, il est vigilent vis-à-vis de l’administration contractante en lui imposant notamment le respect d’une certaine transparence par des règles de publicité notamment ou de mise en concurrence. Le droit de l’UE n’impose rien en matière de qualification des contrats passés. C’est un facteur de l’atténuation de la distinction entre droit privé et droit privé.

Autre facteur, on a le droit comparé. L’idée de soumettre des contrats de l’administration à un droit spécifique n’est pas une évidence sur ce plan là. Dans le système de Common Law, l’administration qui passe des contrats est soumise au droit privé. La soumission des contrats administratifs à un droit spécifique présente des atouts du point de vue du droit comparé. Gaston Jèze dit que « celui qui conclut un contrat administratif prend l’obligation non seulement de ne pas gêner le fonctionnement du service public mais encore de faciliter le fonctionnement du service public ». Le cocontractant de l’administration n’est pas seulement en situation de faiblesse mais aussi le garant de l’action publique selon Jèze et donc il peut se voir octroyer des prérogatives nécessaires au bon accomplissement de ses missions.

C- Les catégories de contrats administratifs

C’est une typologie difficile à établir car pendant longtemps il n’y a pas eu de théorie générale du contrat administratif donc une présentation raisonnée de la logique générale de la matière. Pendant longtemps, il n’a été question que d’une théorie de chaque contrat spécial. Cela s’explique par l’absence d’abstraction et la domination du juge administratif dans l’élaboration des règles. Or, comme c’est un droit largement jurisprudentiel, le juge ne s’est pas soucié de construire un système général, ce qui ne veut pas dire qu’il n’a pas crée un droit cohérent. Rivero disait que « le droit administratif est un cœur à deux voies », la voie du juge et la voie de la doctrine. Le juge traitait les litiges et la doctrine systématisait les décisions par une vue d’ensemble.

D’un point de vue doctrinal, on peut distinguer 3 grands types de contrats administratifs. Cette doctrine s’inspire d’un avis de 2008 du Conseil d’Etat. On a d’abord les contrats d’échange permettant à l’administration d’obtenir les moyens de son action grâce à une contrepartie. Il peut s’agir des moyens matériels (marché, travaux, fournitures, services), des moyens en personnels (contrats de recrutement). Ensuite, on a les contrats d’externalisation qui offrent à l’administration la possibilité de se décharger de certaines activités qu’elle ne peut pas ou veut pas assurer elle-même (délégation de service public, exploitation du domaine public avec les conventions d’occupation du domaine public, pour des actions propres courantes comme la gestion d’un système informatique). Enfin, il y a les contrats de régulation qui sont le signe d’une nouvelle façon de penser et d’exercer le pouvoir administratif ou la relation hiérarchique typique de la relation administrative publique qui tente de laisser place à une relation contractuelle ou pseudo contractuelle et qui se traduit par la fixation d’objectifs (généralement chiffrés et donc à atteindre) permettant la réalisation du contrat (ex : systèmes d’incitations par des primes). Il n’est pas certain que ces contrats de régulation soient toujours des contrats aujourd’hui.

D- Les dynamiques actuelles du droit des contrats administratifs

La première dynamique, la plus générale, réside dans l’essor du contrat lui même comme technique ou modèle de l’action publique. Il faut avoir conscience des ressors de cette évolution qui s’explique par différents facteurs dont le principal est le contexte du libéralisme qui permet la généralisation du modèle du marché et donc le contrat est la technique privilégiée de régulation sociale. Dans ce cas, le contrat administratif peut prendre la forme de contrats consentis et négociés. Il s’agit alors de se faire respecter par l’administration et donc de légitimer sa volonté.

La deuxième dynamique est l’hyper profit juridique car le droit des contrats administratifs est encore et toujours en chantier. Il court après un droit positif qui multiplie les contrats selon les besoins et sans se soucier d’une cohérence. Par exemple, les BEA existent en quantité et pour le moment on reste avec cette diversité. De ce point de vue, les contrats spéciaux administratifs l’emporte sur la forme unitaire de contrat administratif et donc on a pas d’unité du droit des contrats administratifs. On a des principes généraux avec une dynamique propre. Certains produisent des effets qui ne sont pas encore contrôlés, notamment le principe de loyauté contractuelle. Pendant longtemps, la doctrine a préconisé un code des contrats de la commande publique. Le gouvernement a tenté cela deux fois mais ça n’a pas fonctionné. De plus, la commande publique ne vise pas toutes les hypothèses de l’administration contractuelle. L’enjeu d’avoir une théorie générale est pratique car le Droit a toujours besoin d’une logique et d’une rationalité. En matière de contrats, Yolka dénonçait une impuissance probablement durable à articuler une vision d’ensemble dans cette matière.

La troisième dynamique est l’omniprésence du juge qui n’est pas sans lien avec l’hyper profit de ce droit. L’omniprésence du juge s’explique par le fait que les règles de droit ne parviennent pas à éviter les conflits. Concernant le droit interne, l’omniprésence du juge administratif se traduit par des évolutions structurelles de la juridiction administrative comme la création de nouvelles procédures comme les référés.

La quatrième dynamique réside dans l’hybridation du droit des contrats administratifs car il doit s’adapter aux évolutions et besoins. Le droit a besoin d’une réalité pour son effectivité. Le contexte de la mondialisation et la comparaison des droits impliquent une relativité des modèles retenus, une perméabilité à des techniques juridiques étrangères considérées comme plus efficaces. Par exemple, le partenariat public privé introduit en 2004 s’est inspiré d’un montage anglais qui lui même a été construit par l’influence d’entreprises privées anglaises. On a aussi une hybridation du droit avec d’autres logiques comme la rationalité économique. Ainsi, le principe fondamental est le respect de la parole donnée (pacte sunt servanda). Mais le contrat peut être maintenu même en cas de non respect de la parole donnée si la rationalité économique l’exige.