Histoire de la filiation légitime, naturelle et adoptive

HISTOIRE DE LA FILIATION

  • Seront évoqués ici la filiation légitime, la filiation naturelle (enfant issu de relation hors mariage) et la filiation fictive (adoption, affiliation)
  • I) La filiation légitime

L’enfant légitime, né d’un mariage valide, c’est à dire un mariage sans vice du consentement ni empêchement. S’il y a un empêchement, ou vice du consentement, le mariage est nul et les enfants sont considérés comme naturels. Pour ne pas léser l’enfant, le droit canonique va admettre deux moyens permettant d’accorer à l’enfant la qualité de légitime :

  • La dispense de mariage. En présence d’un empêchement, les autorités religieuses peuvent délivrer une dispense même après célébration du mariage, le mariage va être validé rétroactivement, on considère que le mariage est guéri à la racine. L’enfant issu d’un mariage validé va être considéré comme légitime.

A partir du 14ème, ces dispenses post mariage sont de plus en plus rares. A partir du 16ème, elles deviennent exceptionnelles, les parents doivent prouver qu’ils ne pouvaient demander la dispense avant le mariage.

  • Le mariage putatif. C’est une fiction grâce à laquelle s’il y a annulation du mariage, la nullité de va pas produire d’effet à l’égard du conjoint de bonne foi, ni à l’égard des enfants.

L’enfant pouvait voir sa légitimité contestée, même après la rédaction de registres paroissiaux. Quand c’est le cas, l’enfant dispose de 2 moyens pour faire reconnaitre sa légitimité :

  • La possession d’état: faisceau d’éléments qui permettent de présumer que l’enfant est légitime, qu’il est bien l’enfant du mari. Cette présomption se fonde essentiellement sur 3 éléments :
  • Le NOMEN ou NOMINATIO : le mari donne son nom à l’enfant et il l’appelle son fils ou sa fille.
  • Le TRACTATUS : le mari a toujours traité l’enfant comme le sien.
  • La FAMA : la réputation, la renommée. L’enfant est considéré par les proches comme étant celui du mari.

Le concours de ces 3 éléments permet à l’enfant de se fonder sur la possession d’état.

  • La présomption de paternité: les juristes vont se fonder sur le droit romain pour adopter une présomption de paternité. Les juristes vont chercher la règle de «pater is est» c’est à dire que le père est prouvé par les noces. L’enfant né entre 180 jours après la conclusion de l’union et 300 jours après sa dissolution est considéré comme légitime.

La mise en œuvre de cette règle : l’ancien régime se caractérise par un souci d’ordre, c’est à dire qu’il faut assurer l’ordre et notamment l’ordre au sein des familles d’où l’intérêt de conserver les apparences, de nier les possibles désordres affectifs, pour cette raison les parlementaires vont appliquer de façon extensive le délai de présomption de paternité. Par ex l’enfant né 12 mois après la séparation des époux est néanmoins légitime. L’intérêt des parlements c’est de reconnaitre à l’enfant la qualité de légitime pour éviter que l’enfant soit considérer comme un bâtard, et pour éviter la prolifération des enfants naturels qui sont considérés comme un désordre social.

Le père ou un tiers ayant intérêt à l’action, peut renverser cette présomption en se fondant sur :

  • l’adultère de sa femme. Même si l’adultère est prouvé, l’enfant n’est pas systématiquement considéré comme naturel. S’il y a eut cohabitation des époux, il y a un doute, ce doute doit profiter à l’enfant.
  • Sa longue absence ou son impuissance.

La justice veille à éviter les suppositions de parte, c’est à dire que l’épouse suppose un enfant, elle prétend être enceinte et va se procurer un enfant. La femme qui agit ainsi commet un crime, même si elle agit sur l’ordre de son mari. La femme qui se fait faire un enfant par un autre que son mari est aussi coupable de supposition de parte, elle commet également un adultère. Les peines étaient très lourdes, jusqu’à la condamnation à mort.

 

  • I) La filiation naturelle

Dans ce domaine, initialement c’est l’église qui était compétente car l’église réprime les relations hors mariage. A partir du 16ème, cette compétence va être récupérée par les parlements. Pour l’église, l’homme qui connait une femme hors mariage commet un péché, une faute, dont il devra assumer les csq. C’est l’homme qui st coupable. L’homme et la femme qui ont des apports sexuels après les fiançailles sont considérés comme mariés. Au moyen-âge va mettre au point une théorie du mariage présumé : la femme séduite se présente devant l’officialité et elle cite à comparaitre son séducteur, si elle peut prouver les fiançailles, les concubins seront considérés comme des époux. Cette théorie est protectrice de la femme. Même quand les fiançailles ne peuvent être prouvées, la femme dispose de 3 actions contre son séducteur quelque soit le statut de celui-ci (même si c’est un homme marié, un homme d’église).

  • L’action de dote: ouverte à la jeune fille qui a perdu sa virginité. L’action laisse le choix au séducteur, soit il dote la jeune fille, soit il doit l’épouser. Le montant de la dote était calculé en fonction de la condition de la jeune fille. Au regard de l’église, toute femme bénéficie d’une présomption de virginité, cette présomption peut être renversée.
  • L’action en frais de gésine: ouverte à la femme enceinte. Grâce à cette action, le séducteur doit subvenir aux besoins de la femme durant sa grossesse et quelque semaines après son accouchement. La paternité du séducteur n’a pas été établie, mais des relations sexuelles ont été prouvées, pour cette raison, le séducteur devra subvenir aux besoins de la femme.
  • L’ACTIO CAPTIONIS: ouverte à la femme enceinte. L’enfant sera pris en charge par le séducteur, la paternité a été établie. Dès que la femme rapporte la preuve de relations sexuelles elle a droit à une provision. Pour obtenir la prise en charge de son enfant, la mère doit prouver la paternité du séducteur. Au moyen-âge, l’aveu de paternité était relativement fréquent. Sous la pression de son entourage, l’homme va avouer l’enfant, il reconnait sa faute. La sage-femme après l’accouchement déposait l’enfant devant le domicile du père présumé, s’il le prenait sans ses bras, il le reconnaissait publiquement. S’il n’avoue pas, il peut être convaincu de sa paternité, notamment grâce au serment prêté par la mère dans les douleurs de l’enfantement. On peut se fonder sur d’autres éléments, tel que le lien entre l’homme et la femme. Le père présumé peut être libéré de cette présomption en rapportant la preuve d’une autre liaison de la mère.

  • L’établissement de la filiation naturelle

Quand la filiation naturelle est établie, l’enfant se voit reconnaitre un droit aux aliments à l’encontre de ses père et mère, selon LOISEL « celui qui fait l’enfant, doit le nourrir » les aliments = nourriture et tout ce dont l’enfant a besoin jusqu’à ce qu’il soit en âge de subvenir à ses besoins ( ex frais d’apprentissage). Tout enfant a droit à de aliments, qu’il soit naturel simple, adultérin ou incestueux. Jusqu’au 15ème ces frais sont partagé entre père et mère en fonction de leur capacités respectives. Dès le 15ème, la charge d’entretien est mise à la charge exclusive du père sauf circonstances exceptionnelles (quand l’enfant a ses deux parents). Le père peut recevoir l’enfant chez lui ou le confier à un tiers auquel il payera une pension.

La situation change radicalement au 16ème, à l’époque où les parlements vont connaitre des actions relatives à la filiation naturelle.

Les parlements rejettent la théorie des mariages présumés car ils ne tiennent pas compte du consentement des parents. Dès le 17ème, grâce à l’appel comme d’abus les parlements vont déclarés nuls de tels mariages. Du point de vue de l’église les individus sont toujours considérés comme mari et femme, du point de vue de l’état ils sont de simples concubins, ce qui pouvait avoir de graves csq.

Les parlements n’accueillent que très rarement les actions intentées par la fille-mère pour survivre pendant sa grossesse et pour faire reconnaitre la paternité de l’enfant. Pour les parlements, la recherche de paternité et scandaleuse, elle encouragerait les relations hors mariage. Les parlements interdisent aux sages-femmes de déposer l’enfant devant le domicile du père présumé.

Ils interdisent aux curés d’inscrire le nom du père sur simple déclaration de la sage-femme ou de la mère. Alors que l’incapacité juridique de la femme est reconnue, paradoxalement, c’est elle qui va être tenue pour responsable de la grossesse hors mariage. Il y a un renversement de la situation. La femme qui est enceinte est considérée comme fautive, sauf en cas de viol. Les moyens de preuves qui étaient admis avant sont écartés, seul l’aveu volontaire du père permet d’établir un lien entre lui et l’enfant.

La filiation naturelle concerne surtout le père, l‘accouchement suffit à établir un lien entre la mère et l’enfant. La filiation maternelle ne pose pas de difficulté sauf en cas d’abandon, il y avait environ 3000 abandons par an au 16ème, ce chiffre va augmenter car les autorités publiques favorisent l’abandon pour éviter l’infanticide ou l’avortement. L’enfant abandonné est élevé aux frais du seigneur ou de la ville qui doit financer un hospice pour les enfants abandonnés. Le refus de maternité pose le problème de l’infanticide et celui de l’avortement, la femme peut être tentée de faire disparaitre l’enfant, surtout à partir du moment où les parlements lui refuse tout secours. La femme coupable d’un tel acte est passible de la peine de mort mais elle pouvait solliciter une lettre de rémission.

Pour éviter qu’à la suite d’une grossesse non voulue la femme tue son enfant en 1556 une ordonnance interdit aux femmes célibataires de cacher leur grossesse et leur accouchement. Elle doit faire une déclaration de grossesse et une déclaration d’accouchement. A défaut de ces formalités, une présomption d’infanticide ou d’avortement pèse sur elle. Quand on découvre le corps sans vie d’un nouveau-né, la femme à laquelle l’enfant est rattaché est déclarée coupable d’homicide. Celui/celle qui a permit l’avortement est déclaré coupable et encours la même peine. L’avortement est sanctionné dans le code pénal de 1791 et celui de 1810. Le législateur punit comme homicide celui qui par les coups portés à une femme enceinte est responsable de l’avortement.

Il existe une autre mesure de protection de la fille-mère et de l’enfant : attestée uniquement dans le nord de la France et au 18ème, c’est le séquestre : initialement celui auquel le juge confie un champ qui fait l’objet d’un litige pour que la récolte ne soit pas perdue. Situation transposée à la situation de la fille-mère, le séquestre est la personne à laquelle le juge va confier le soin de veiller au bon déroulement de la grossesse et de l’accouchement. Le juge pouvait demander à la fille-mère où elle comptait accoucher, et le juge pouvait ordonner à ses parents de la recevoir et à lui accorder des frais de couches. Le juge pouvait demander à la mère de présenter l’enfant 6 mois après l’accouchement pour s’assurer qu’il est e bonne santé.

  • Les incapacités des bâtards

L’enfant né hors mariage est frappé par certaines incapacités : il ne peut jouir d’aucun bénéfice ecclésiastique, il ne peut exercer de charge publique, dans certains ressorts il e peut même pas être témoin.

L’enfant naturel ne peut succéder à ses parents. La vocation successorale est réservé à la filiation légitime. Sur le plan juridique, l’enfant naturel est un étranger, il n’est pas rattaché juridiquement à ses géniteurs. Jusqu’au 16ème, l’enfant naturel d’un noble devient noble, à partir du 16ème l’enfant naturel sera roturier car la tolérance jusque alors avait été admise pour les grandes familles disparait, et car le noble joui d’un privilège fiscal, l’intérêt du roi c’est de limiter le nombre de nobles.

L’enfant naturel ne peut être institué héritier, le testament qui désignerait l’enfant naturel come héritier est nul. Il peut bénéficier de donations ou legs à condition qu’ils ne soient pas trop important et à condition que le disposant n’ait pas d’enfant légitime. Même quand il ‘y a pas d’enfant légitime, les collatéraux peuvent attaquer les donations/legs faits aux enfants naturels.

L’enfant adultérin ou incestueux, il ne peut être institué héritier, il ne peut être reconnu et il ne peut pas non plus recevoir de donation/legs.

Les enfants naturels étaient frappés du droit de bâtardise. Ce droit concerne les biens laissés par eux après leur mort. S’ils se sont mariés et ont eut des enfants, ils peuvent leur transmettre leur patrimoine, si ce n’est pas le cas, comme l’enfant naturel n’a pas de famille, tous ses biens sont dévolus au roi ou au seigneur. Ce droit de bâtardise peut être comparé au droit d’aubaine qui concerne les étrangers, si ‘aubain n’a pas de descendant, le roi hérite de lui.

Cs règles vont être appliquées jusqu’à la révolution. Il faut attendre la loi de novembre 1793 pour que les enfants naturels se voient reconnaitre les mêmes droits successoraux que les enfants légitimes. Puis le code civil reviendra sur cette générosité. Il établira une différence entre enfants naturels et légitimes.

  • La légitimation

Dans l’ancien droit, la légitimation pouvait revêtir 2 formes :

  • La légitimation par mariage subséquent

Est une création du droit canonique, s’inspire du droit romain. Les concubins peuvent se marier et leur enfant rétroactivement va devenir légitime du jour de sa naissance à condition qu’aucun empêchement n’est existé au moment présumé de la conception. Le mariage est suivi d’un rite, on place l’enfant sous le poêle et de la sorte il va être légitimé.

  • La légitimation par lettre

Est une création du droit canonique qui apparait au 13ème. Dès le 14ème, la légitimation est demandée au roi, seul l’enfant peut la demander, pour cela, il doit s’adresser à une chancellerie, il va acheter les lettres de légitimations qui parfois ne mentionnent pas e nom des géniteurs. L’intérêt pour l’enfant ce n’est pas d’établir sa filiation, c’est d’être traité comme un enfant légitime. Ce procédé c’est un moyen qui permet à des enfants adultérins ou incestueux d’être tenus pour légitimes.

Ces lettres représentent un avantage financier pour le roi car il faut les payer, et c’est un moyen pour le roi de légitimer ses propres enfants.

Cette 2nde forme de légitimation ne conduit pas à une assimilation parfaite du légitimé au légitime. Dès le 16ème, le légitimé par lettre ne peut succéder à son père que si les héritiers de celui-ci reconnaissent la légitimation, à défaut, le légitimé n’a droit qu’à des legs.

  • II) La filiation fictive

Les historiens du droit ont pendant longtemps considérés que la filiation adoptive disparait après les invasions germaniques pour ne réapparaitre qu’avec la Révolution. On sait aujourd’hui que l’affatomie (c’est à dire le moyen qui permet à un homme qui n’a pas d’héritier de s’en procurer un) va perdurer même si elle se marginalise. La filiation adoptive a évolué durant l’ancien régime et a revêtue deux formes différentes : adoption proprement dite et la filiation.

  • L’adoption

L’adoption proprement dite est pratiquée en France dès la renaissance du droit romain, fin 11ème, début 12ème. Cette adoption a un but humanitaire, contrairement à l’affatomie, grâce à l’adoption un couple stérile peut avoir un enfant et un orphelin peut trouver un foyer. L’adoption correspond à un acte de charité. Mais c’est aussi un moyen commode de se fournir de la main d’œuvre à bon marché.

Le plus souvent l’enfant est recueilli par un couple, mais il n’est pas adopté selon les formes requises. L’enfant adopté peut revendiquer une part de la succession, or la doctrine dès l 13ème va se montrer hostile aux droits successoraux des enfants adoptés car il n’est pas lié par le sang. L’enfant adopté n’est pas exclu de la succession ab intestat mais ses droits sont limités. Ex l’enfant adopté ne peut recueillir un fief.

Fin 18ème, l’adoption est surtout le fait d’établissement religieux. Il existe une adoption spécifique qui est propre à la noblesse : l’adoption de nom et d‘armes. Celle-ci permet à une famille noble de survivre en l’absence de descendants mâles légitimes. L’adopté est le plus souvent un proche parent qui est institué héritier, à charge pour lui de porter le nom et les armes des parents adoptifs.

L’adoption ne correspond pas à l’intégration d’un étranger dans la famille, il n’en va pas de même pour la filiation.

  • L’affiliation

C’est une sorte d’adoption qui caractérise le monde rural. Elle répond à un besoin concret : trouver de nouveaux bras pour les travaux des champs.

A l’occasion d’un mariage, les parents de l’un des conjoint, le plus souvent ceux de la femme déclarent leur intention de traiter le nouveau venu come l’un de leur enfants, donc la filiation correspond à l’intégration du gendre dans la famille de l’épouse. La filiation transforme une simple alliance en un lien de filiation. Le gendre se voit reconnaitre les mêmes droits successoraux que ceux des enfants légitimes. A priori cette filiation serait un danger pour le patrimoine de la famille. Elle rajoute un intéressé au partage des biens. Or, ce n’est pas le cas. La filiation permet surtout d’augmenter la capacité de travail d’une famille. Les familles de paysans vivent sous le régime de la communauté taisible c’est à dire que les biens sont transmis de génération en génération sans de succession officielle. Tous les membres de la famille vivent en communauté sans que les biens ne soient partagés. Il n’y aura de partage que quand un enfant quitte le domicile parental. Le plus souvent le partage va être évité, l’enfant renonce à ses droits successoraux en échange de quelque meubles, une somme d’argent lui permettant de s’établir.

La filiation va de paire avec les pratiques communautaires et celles-ci deviennent de plus en plus rares, ces pratiques se raréfient à la fin du 18ème où l’individualisme tend à s’imposer.

Seule la filiation légitime est concernée par la puissance paternelle.