Histoire des infractions pénales au Moyen-âge

Histoire des infractions pénales au Moyen-age

 

A) Le vocabulaire

Le mot « crime » est apparu au 12ème siècle. Il s’écrit alors « crimne » qui est un héritage du latin « crimen ». Il ne désigne pas au départ l’infraction mais l’accusation, le grief. Ainsi, par exemple le « crimen adulteri » est l’accusation d’adultère. Le sens du mot va ensuite évoluer pour désigner la faute, le manquement à la loi, une infraction punie d’une peine afflictive ou infamante. Cette évolution est consacrée par les ordonnances royales du 14ème siècle qui évoquent par exemple les crimes et excès, les crimes capitaux également. On utilisait jusque-là d’autres termes pour désigner les infractions comme le terme de forfait qui vient du latin « foris factum » qui relevait du vocabulaire féodal. Cela désignait en fait la trahison du vassal envers son seigneur. On utilise également d’autres termes comme méfait, maléfice, malfaçon qui ont une connotation morale ou religieuse. On utilise encore des expressions comme « vilain œuvre ». On emploie encore les mots délit, excès ou injure pour désigner les infractions. En fait, il n’y a aucune rigueur dans l’utilisation de ce vocabulaire mais le terme de crime permet de distinguer entre les causes qui relèvent de la haute justice criminelle (justice du sang) et les infractions qui relèvent de la Basse justice criminelle ou civile. Les traités criminels réservent le terme de « crime » aux grandes causes (les causes majeures) et parmi lesquelles figurent les ravissements de femme (rapt), les meurtres, les bouteurs de feux (incendiaires), les espieurs de chemin, les faux monnayeurs. Les textes littéraires et religieux classent les crimes parmi les horribles cas, les péchés mortels : on y trouve le vol, l’homicide, le sacrilège, les incendies, péchés contre nature (homosexualité, zoophilie, sodomie), la défloration de femmes vierges, le concubinage avec des personnes du clergé, les incestes, les coups portés contre les parents mais également la négligence des parents qui perdent leurs enfants, le sortilège, le parjure, la simonie, l’adultère, l’hérésie, l’apostasie (renier sa religion) ou encore les grands blasphèmes.

B) Les critères de gravité

  • La préméditation

Cela permet de distinguer entre les différentes actions qui entrainent la mort et donc de les qualifier soit d’homicide volontaire, de meurtre de guet-apens (assassinat aujourd’hui) ou de simple homicide voire l’homicide accidentel. Dans ce dernier cas, les coutumes prévoient un adoucissement de la peine qui consiste en des amendes ou des compositions pécuniaires. Le principe de classement des crimes de violences réside davantage dans les motivations de l’acte que dans le résultat obtenu. La préméditation reste le critère essentiel pour évaluer la gravité d’un acte criminel. Les crimes qui se caractérisent par la préméditation (comme le vol, le viol, la fausse monnaie) figurent parmi les crimes de Haute justice.

  • L’acharnement et l’excès

En matière de violences, c’est la quantité de sang versé qui permet de classer l’infraction, soit parmi les crimes soit parmi les simples délits. C’est pour cela que les procédures évoquent la quantité de sang versé avec plus ou moins de précision. En général, on utilise les formules « petite », « moyenne » ou « grosse » effusion de sang. Cela permet d’évaluer les dommages subis mais aussi de cerner davantage la personnalité de l’agresseur qui aura révélé, par son acte de violence, sa nature plus ou moins perverse, son acharnement dans le mal. Ce critère de la gravité sert aussi en matière d’injure verbale, également en matière de blasphème. En matière de vol, on distingue également le furtum (le vol furtif) et la rapine (vol commis publiquement et avec violence dont fait partie le vol avec effraction).

  • L’irrévérence

Ce critère consiste dans l’appréciation du crime au regard de ce qu’il révèle : un irrespect pour la hiérarchie notamment sociale et de ce que l’infraction constitue, à savoir un scandale (le mauvais exemple qu’on donne). Ainsi, par exemple, au sein de la famille, la soumission requise de la part des domestiques, des valets, servantes, épouses et enfants envers le chef de famille, justifie le droit de correction du chef de famille, ce qui constitue également des injures réelles (atteintes physiques). On exige la même soumission de la part des administrés et des sujets envers les autorités publiques. Certaines infractions sont ainsi considérées comme des actes de rébellion contre les autorités municipales ou contre le Roi et peuvent prendre une dimension politique, jusqu’à atteindre le crime de lèse-majesté. Des paroles, critiques prononcées sous le coup de la colère peuvent être considérées comme des actes de sédition (trouble à l’ordre public), comme des remises en cause de l’ordre établi (politico-religieux), ce qui permet de les qualifier de crime de lèse-majesté, de blasphème et de les sanctionner durement.

  • Le dommage causé

Au cours des enquêtes, on s’intéresse à l’âge, à la condition sociale et au statut de la victime ainsi qu’à l’ensemble des dommages qu’elle a subi. Cela permet de sanctionner plus sévèrement les coups portés à un enfant, une femme enceinte, un vieillard, un noble, un clerc. Le patrimoine de la victime de même que l’écart social entre le délinquant et la victime sont également pris en compte. L’exercice d’une fonction, la détention d’un titre qui symbolise l’autorité locale donnent une dimension politique aux infractions.

Le crime de lèse-majesté regroupe à lui tout seul tous les critères de gravité. Cependant, sa gravité est telle qu’il constitue une infraction particulière, un cas à part, on ne cherche pas à démontrer que tous ces critères sont remplis. Le simple fait de s’en prendre à l’autorité royale est suffisant pour appliquer la peine capitale, quelles que soit les motivations de l’acte.