L’histoire de la juridiction administrative française

La conception française de la juridiction administrative :

L’historique de la juridiction administrative : elle apparaît à la révolution française. C’est la Constitution de l’an VIII qui rétablira le CE.

Sous l’Ancien Régime, ces notions de séparation des pouvoirs, d’ordre judiciaire sont floues et ses institutions (celles de l’Ancien Régime pour ceux qui n’aurait pas compris!) vont faire apparaître la nécessité de contrôler ce que fait le pouvoir souverain et de contrôler les finances du royaume. Sous la période antérieure à Philippe le bel (Etat moderne), il existe la Cour des pairs puis Cour du roi qui est une autorité politique et religieuse. Fin XIIIe, apparaissent deux institutions : les parlements de l’Ancien Régime (nos CAA actuelles) et la chambre des comptes en 1803 (la rédaction décline toute responsabilité quant à cette erreur manifeste de chronologie ou d’anachronisme !).

Jusqu’au XVIIe, c’est le Conseil d’Etat privé qui conseille le souverain, qui règle les litiges d’ordre privé. Il est composé en grande partie par de légistes et il tient le rôle de nos actuels Cour de cassation, CE, TC et Cour des comptes réunis. Il a un rôle consultatif.

Les parlements de l’Ancien Régime ont fait l’objet, lors de la convocation des Etats Généraux, de nombreuses critiques sur l’existence des arrêts de règlements (actes par lesquels ils font acte de véritable législateur) et sur le refus d’enregistrer les édits royaux. Cette fronde des parlements de l’Ancien Régime va aboutir à la dissolution de l’Ancien Régime.

Il faudra attendre l’an VIII de la révolution pour que soit rétabli le Conseil d’Etat nouveau, disposant d’une double fonction : conseil (avis sur les projets de lois et décrets) et une fonction juridictionnelle.

Le principe applicable à la justice est relativement simple. Un litige qui apparaît est porté directement devant le ministre (théorie du ministre juge) qui confie la demande au CE qui quant à lui va élaborer un projet de décision qui sera ensuite soumis à la signature du ministre.

Le CE va se structurer en effectif de manière progressive. L’expression conseiller d’Etat sera rétablie dès 1799, et celle d’auditeur du Conseil d’Etat à la veille de la restauration. 1809 marque un tournant avec la création au sein du Conseil d’Etat de la section du contentieux, institution du monopole des avocats en 1806. A la restauration on assiste à la diminution du rôle du Conseil d’Etat par rupture au régime antérieur. C’est l’époque aussi de la création du Commissaire du gouvernement qui est l’œil du gouvernement sur les décisions du CE.

En 1848 est créé le TC chargé de manière officielle de régler les litiges entre deux ordres de juridiction. Pendant une période très courte (la révolution de 1848) il va profiter de la justice déléguée.

Le second empire est divisé en deux périodes :

  • -l’Empire autoritaire. Mise au pas du CE, remontrance par le président sur un litige mettant en cause un membre de la famille de Napoléon ce qui sera la dernière interférence de l’exécutif sur le CE.
  • -l’Empire libéral. C’est l’époque des grandes lois sociales : loi du 24 mai 1872 qui donne au CE la justice déléguée et qui renforce son indépendance. La première fois qu’il l’exerce se sera en 1899 par un recours direct (arrêt CADOT), cet arrêt marque l’abandon définitif de la justice retenue.

Début III République la justice est rendue au nom du peuple français et la configuration du Conseil d’Etat restera la même jusqu’en 1945. Cette époque est marquée par la création de grands principes jurisprudentiels, par de grand Commissaire du gouvernement…

Au moment de la Révolution française il est apparu la nécessité de doter les départements de conseils de préfecture qui ont un double rôle, un rôle consistant à donner des conseils à l’exécutif local et une fonction juridictionnelle. Ils sont chargés des petits litiges qui concernent le contentieux local, ils seront peuplés pendant longtemps par des notables. Ces conseils de préfecture exerçaient leurs fonctions jusqu’en 1926 (Poincaré). On décide à cette date de supprimer les plus petits et de les regrouper : conseils de préfecture intergouvernementaux. Ils vont en 1953 être transformés en TA.

Pour la France coloniale il est nécessaire de régler le contentieux local localement et en 1898 les colonies françaises seront dotées d’un conseil du contentieux administratif, ce ne sont pas des juridictions permanentes et ne traitent que de contentieux locaux.

Fin de la III République c’est le régime de Vichy qui prend le relais. Durant cette période le Conseil d’Etat est maintenu. En 1941, Pétain exigera des Hauts fonctionnaires de la République qu’ils prêtent serment devant lui, à sa personne. Les conseillers d’Etat sont des Hauts fonctionnaires et certains d’entre eux refusent de prêter serment, ils sont radiés tandis que les conseillers d’Etat israélites ont déjà été exclus dont le plus connu René Cassin. Pourtant malgré tout cela la jurisprudence du Conseil d’Etat n’est pas marqué idéologiquement, cette période voit même quelques grands arrêts (MONPEURT).

En 1945 rétablissement de la légalité républicaine, le Conseil d’Etat est doté d’un statut par une ordonnance de 1945 sur ses membres et un embryon de codification de la procédure est fait. le Conseil d’Etat va se trouver entre 1945 et 1950 débordé de recours car pendant la période de Vichy il avait peu de travail et car désormais après la guerre l’Etat fait preuve d’un interventionnisme poussé. De plus le contentieux de l’épuration est très important, en effet la plupart des fonctionnaires collaborateurs ont été révoqués. Ce contentieux de l’épuration va durer jusqu’en 1955.

Le CE suscite une réforme qui consiste à créer un juge de premier ressort, le Conseil d’Etat se réservant le droit de statuer en appel. Pendant la IV République pas de modifications majeures.

En 1958 le Conseil d’Etat entre dans la Constitution en ce qui concerne sa fonction consultative. le Conseil d’Etat va de 1958 à 1962 améliorer son contrôle en ce sens qu’il s’autorisera à contrôler les ordonnances (ce sont des actes administratifs tant qu’ils ne sont pas validés par une loi) et les actes réglementaires issus de l’art. 37 (Jp syndicat des ingénieurs français 1959).

En 1962 le général De Gaulle va créer un tribunal spécial pour juger les généraux de la guerre d’Algérie. Ce tribunal va décider de la condamnation à mort de CANAL, ROBIN et GODOT. le Conseil d’Etat la veille de l’exécution de CANAL annulera l’ordonnance créant ce tribunal. De Gaulle le vit très mal et il fait une réforme ou plutôt une réformette en 1963 pour se venger. Les membres du Conseil d’Etat devront désormais au cours de leur carrière exercer dans les sections administratives et dans la section du contentieux.

En 1986 le Conseil d’Etat est à nouveau asphyxier par l’explosion du contentieux administratif, le délai raisonnable ne peut plus être tenu, une réforme va naître : création d’une juridiction administrative à trois niveaux, les TA, les CAA (nouvelles) et le Conseil d’Etat devient juge de cassation plus quelques compétences propres. Cette réforme s’accompagne d’un contrôle de l’accès au juge de cassation, un filtre d’entrée est créé qui consiste à examiner l’admission de chaque pourvoi.

La loi du 15 décembre 1999 entrée en vigueur le 1er janvier 2000 institue en faveur du Juge Administratif des procédures d’urgence pour lui donner les mêmes pouvoirs que ceux du juge judiciaire, on l’appelle la réforme des référés.

Le statut constitutionnel de la juridiction administrative en France :

La juridiction administrative naît avec la Constitution de l’an VIII. le Conseil d’Etat ne figure pas dans la constitution en tant qu’organe juridictionnel. Il faudra attendre les années 1980 pour que le Csl Constitutionnel soit saisi et qu’il décide enfin de préciser quelle est la place selon lui du Conseil d’Etat dans la hiérarchie juridique (DC 22 juillet 1981, loi de validation), (29 déc.1986, loi de finance rectificative pour 1986) et (23 janvier 1987, conseil de la concurrence). Sur cette dernière décision : le législateur créait par la loi un organe que l’on qualifie aujourd’hui d’autorité administrative indépendante et qui se voit doté d’une double fonction, règlementaire mais surtout administrative dans le but d’assurer le respect des lois nationales et communautaires sur la concurrence entre les partenaires privés. Cet organe dispose notamment de pouvoir de police en matière de concurrence. On sait que toutes les décisions administratives doivent être susceptibles d’être portées devant le juge. La loi prévoyait donc que le contentieux serait porté devant la CA de Paris. Mais comme les Parigos ont une tête de veau (oui oui de veau !), la loi a été contesté devant le Csl Constitutionnel qui en a profité pour consacrer l’existence de la juridiction administrative en disant que cette existence de la juridiction administrative était un PFRLR.

Selon lui, la répartition des compétences entre les deux ordres de juridictions relève de la loi ordinaire. Il a donc très logiquement validé la loi créant le Csl de la concurrence mais en fixant un domaine incompressible de la compétence du Juge Administratif qu’il a ainsi définie : la juridiction administrative est compétente pour l’annulation des décisions prises par les autorités dans l’exercice de leurs PPP (Prérogatives de Puissance Publique, je précise au cas où il y aurait des descendants de Gengis khan parmi nous, on ne sait jamais !).

Par la suite le Csl Constitutionnel a réaffirmé, de manière occasionnelle, ces principes et il a ancré de manière définitive la juridiction administrative dans le préambule.

Mais une question nous taraude : aujourd’hui la juridiction administrative peut-elle être remise en cause ?

On constate que le justiciable de base (en ce qui me concerne je préfère l’expression « justiciable profane », enfin moi je dis ça, je dis rien…) est un peu perdu quand il recherche son juge. A la Réunion, 20% des requêtes sont déposées devant le mauvais juge. Certes, on a tenté de simplifier la chose mais ce n’est pas encore ça. Par exemple, on a créé des blocs de compétence en faveur de l’une ou l’autre juridiction, mais c’est une fausse bonne idée (ndlr : Crégut n’a pas précisé pourquoi mais je pense que c’est parce que cela fait autant d’exceptions à ajouter à un principe, ce qui perd d’autant plus le justiciable, et je pense notamment ici au bloc de compétence du juge judiciaire pour les SPIC, en effet dans ce cas là le bloc de compétence en faveur du juge judiciaire pour les SPIC vient grever le bloc, plus important, du Juge Administratif en matière de service public). Exemple d’attribution d’un bloc de compétence : la loi du 31 décembre 1957 sur les accidents causés par des véhicules administratifs qui attribue ce contentieux au juge judiciaire (ndlr : même remarque pour cette loi, les dommages de travaux publics sont de la compétence du Juge Administratif mais ceux des véhicules administratifs sont de la compétence du juge judiciaire même lors d’un travail public, normal que les profanes s’égarent…)

D’autres font remarquer que finalement le justiciable finit toujours par trouver son juge, et qu’en plus, en cas de litige, le TC est là pour les régler. On peut par ailleurs constater que le législateur, et c’est tout à son honneur, prend soin de plus en plus de préciser quel juge est compétent dans tel domaine (on l’a vu par exemple dans la décision Conseil de la concurrence).

Mais on peut on se demander pourquoi ne pas se satisfaire d’un seul juge, comme le font de nombreux pays. Il serait aisé de concevoir l’application, par un juge uniquement, de droits différents (administratif et privé). Sachons simplement que cette question du maintien de deux ordres de juridiction constitue un véritable débat.

La conception française de la séparation des pouvoirs et de la dualité de juridiction.

Seul le Juge Administratif a fait preuve d’une séparation exigeante des deux juridictions. Il s’est interdit de se substituer à l’administration et de lui adresser es injonctions, si il a aujourd’hui revu son comportement ce n’est pas de son propre chef mais du fait d’une loi. Le Juge Administratif conserve cette idée qu’il est placé au sein de l’administration mais qu’il se démarque de la fonction d’administrer.

A l’inverse, lorsque le juge judiciaire est compétent en matière administrative, il n’a jamais hésité à substituer sa décision à celle de l’administration. Protégé par son statut constitutionnel, il s’est immiscé dans la gestion administrative.