Histoire de la procédure pénale (moyen-age tardif)

La procédure pénale à la fin du moyen-age (moyen-age tardif du XIIIème au XVème siècle)

Le Moyen Âge est la période de l’histoire s’étendant de la fin du Vesiècle à la fin du XVe siècle, Cette période débute avec le déclin de l’Empire romain d’Occident et se termine par la Renaissance et les Grandes découvertes. On distingue : le haut Moyen Âge (Ve à Xesiècle), le Moyen Âge central (XIeXIIIesiècle) et le Moyen Âge tardif (XIVeXVe siècle). Ici, nous traitons de la procédure pénale au Moyen-age tardif.

A) Les aspects inquisitoires introduits aux XIIIème et XIVème siècles

1) L’enquête de St Louis

  • Le principe

Saint Louis a officiellement prohibé le duel en matière pénale dans une ordonnance de 1258 alors que c’était le mode de preuve le plus répandu. Il souhaitait remplacer « la procédure par bataille » par une procédure d’enquête imitant la procédure suivie devant les Cours d’église. Cette enquête de Saint Louis était une procédure d’office, (le juge peut donc se saisir lui-même) reposant sur l’audition des témoins et pouvait conduire à une condamnation sur la seule foi des témoignages, sans que cette procédure ait été acceptée par le suspect. Saint Louis a fixé la forme des témoignages et du procès. En principe, au cours de ce procès, c’était les parties qui devaient désigner des témoins qui prêtaient serment en présence des parties qui pouvaient leur adresser des reproches. Les reproches dont il s’agit sont des reproches personnels. Ces témoins ne vont pas comparaitre en pleine audience, ils vont déposer séparément, en l’absence des parties et en général devant des enquêteurs désignés par le juge. Les dépositions sont enregistrées par écrit et on procède ensuite à la publication des témoignages, c’est-à-dire qu’ils sont transmis, communiqués aux parties. Un débat contradictoire peut alors avoir lieu entre les parties et leurs représentants. Le jugement sera rendu à terme en audience publique.

  • La pratique

Cette procédure n’a pas été appliquée en matière criminelle jusqu’au XIVème siècle. Les juges ont continué à utiliser la procédure de duel. On proposait seulement aux personnes jugées de se soumettre à une information, « de se coucher en l’enquête », c’est-à-dire accepter la procédure sans accusateur. Mêmes les juges royaux et les Parlements de Paris ont continué à pratiquer la torture, concurremment avec l’enquête de Saint Louis.

2) Les caractères inquisitoires nouveaux

  • La dénonciation

Elle permet de signaler des faits délictueux à l’autorité judiciaire ou publique et d’abandonner ensuite le soin de la poursuite au juge ou à l’autorité publique (aux Seigneurs). Elle sera facilitée et va se développer parce qu’apparait le ministère public. Elle s’est également développée du fait de la crainte du duel judiciaire et de l’emprisonnement.

  • L’institution du ministère public

La première ordonnance royale qui évoque « les gens du roi » date de 1302. Auparavant, au XIIIème siècle, on sait qu’il existe des auxiliaires de justice, des procureurs qui représentent les parties, sauf pour le lancement des poursuites criminelles. C’est par exception que le Roi et les seigneurs peuvent « demander par procureur » (lancer des poursuites par l’intermédiaire d’un avocat ou d’un procureur). Les avocats, procureurs seigneuriaux ou royaux sont spécialisés dans la défense des droits des seigneurs ou du Roi et surtout ils assurent le recouvrement des amendes et des profits de justice. Puis, ils ont été chargés de dénoncer les crimes pour provoquer une saisine d’office du juge. Leurs prérogatives ont évolué en fonction des besoins de la justice. Au milieu du XIVème siècle, l’institution est bien établie. Ils dénoncent tous les crimes et délits et interviennent dans tous les procès comme partie principale ou partie jointe. En tant que partie jointe, ils veillent alors au bon déroulement du procès. Ils sont devenus des « fonctionnaires » lorsque leurs missions sont devenues nombreuses et permanentes. Ce ministère public reste cependant dans une position secondaire parce qu’il est contrôlé par le juge dans ses actions et parce qu’il est concurrencé par le juge lorsqu’il s’agit de lancer des poursuites (« Tout juge est procureur général ») ainsi que par les dénonciateurs privés ou les accusateurs.

  • Le recours à la torture

La torture a été introduite dans le droit pénal pour rendre la répression plus efficace, notamment en l’absence d’accusateurs car pendant longtemps, le refus du suspect de subir l’enquête a paralysé la justice. Aussi, au XIIIème siècle, pour obtenir un aveu, les juges ont utilisé la contrainte physique. Au XIVème siècle, l’enquête ne sera plus proposée, elle commencera à être imposée et intègrera la torture. Les interventions royales qui ont pour but de limiter le recours à la torture se multiplient à partir du XIIIème siècle. Une ordonnance de 1254 défend de soumettre à la torture des personnes honnêtes, de bonne renommée, sur la déposition d’un seul témoin. Cette torture va se généraliser au XIVème siècle, en même temps que la procédure inquisitoire. Au Châtelet à Paris, elle est quasi automatique au XIVème siècle et indéfiniment réitérée.

B) La fixation de la procédure aux XIVème et XVème siècle

1) La saisine du juge

De manière générale, il y a quatre types de saisine du juge pénal :

L’accusation de partie formée : Elle demeure parce que lorsque le juge est saisi par un accusateur, il est obligé de poursuivre l’accusé. Elle tombera en désuétude au cours du 16ème siècle parce qu’une autre technique se répand, à savoir la dénonciation.

La dénonciation ou complainte : Elle ne peut émaner que de la victime ou d’un proche qui va mentionner les témoins. Ici, le juge n’est pas obligé de poursuivre car il doit vérifier le crédit à accorder à la plainte, dénonciation. En principe, elle doit être réitérée au moment du procès en audience publique.

La saisine d’office : Le juge peut se saisir d’office en cas de flagrant délit, elle permet au juge d’infliger une peine sans information préalable. La saisine par commune renommée ou prise par soupçon : Elle est assez fréquente. C’est par exemple le cas lorsque des sergents royaux arrêtent un individu suspect au regard de sa conduite ou de la situation dans laquelle il se trouve.

2) L’instruction de la sentence

En principe, les captures et les emprisonnements ont lieu après une information qui porte sur deux choses : la première porte sur l’avis, la renommée et l’état du suspect ; la deuxième porte sur les circonstances et dépendances du fait et accusation. Le juge procède ou fait procéder à une information secrète, aux vues de laquelle il va ensuite adopter un décret de prise de corps. Dès lors, deux voies s’ouvrent à lui : la voie ordinaire et la voie extraordinaire.

  • a) La procédure ordinaire

C’est tout simplement la procédure civile, c’est-à-dire l’enquête, c’est une audience publique où chacune des parties produit ses preuves, fournit la liste des témoins etc. Cette procédure est suivie en matière pénale dans deux types d’hypothèses :

-La première situation concerne les infractions légères c’est-à-dire celles qui n’emportent pas de peines afflictives, notamment lorsque la vie de la victime est sauve. Le procès est donc plaidé civilement, même si l’auteur du procès est condamné à une amende. C’est ce que l’on appelle une « civilisation du procès ».

La deuxième situation concerne le cas où en cas d’accusation, deux parties formées ou de poursuite d’office, le suspect se soumet volontairement à l’enquête, ce qui est impossible lorsque le crime est grave.

  • b) La procédure extraordinaire
    • L’introduction du secret

A l’origine, les témoignages n’étaient pas secrets, ils devaient être publiés. Le secret s’est introduit dans la procédure laïque après s’être introduit dans la procédure canonique. Au début du XVème siècle, le secret apparait. Désormais, le suspect ne connait plus que le nom des témoins et pas le contenu des dépositions. L’enquête lui est totalement dissimulée.

Finalement, comme l’information et l’enquête sont toutes deux secrètes, la distinction entre les deux disparait. Tous les actes sont secrets, l’enquête est en fait absorbée par l’information. Cette fusion entraine deux usages nouveaux :

– Le premier est le récolement des témoins, il consiste pour le juge à entendre des témoins qui ont déjà déposé au cours de l’information. Il intervient parce que l’information est menée par des enquêteurs et que le témoin ne comparait plus à l’audience et le juge veut et doit l’entendre. Il va donc le faire déposer à nouveau.

– Le deuxième est la confrontation qui résulte du fait que le suspect ne reçoit plus de copies des témoignages et qu’il faut le confronter aux témoins, qui ne déposent pas en audience, pour qu’il adresse ses reproches.

  • Le recours à la torture

Presque aucun suspect n’échappe à la torture, pour obtenir son aveu, la confession d’éventuels autres crimes et la dénonciation des complices. Le juge la justifie par des variations, des hésitations ou encore par la condition sociale ou la renommée. Elle est réitérée jusqu’à cinq fois au XVème siècle. L’aveu extorqué doit être réitéré. A défaut d’aveu, l’accusation peut se trouver purgée. Le juge ne pourra alors que bannir le suspect.

3) L’appel

Les jurisconsultes du Moyen Age affirment que l’on ne peut fausser les sentences capitales dans le cadre d’une poursuite d’office ou d’une aprise car ce ne serait finalement qu’une mesure dilatoire. L’avocat Jean Lecoq explique que l’appel n’est pas reçu en matière criminelle dans les procès extraordinaires. C’est une doctrine conforme à la jurisprudence. Philippe IV va dans une ordonnance de 1286, autoriser les appels en matière criminelle pour les sentences de condamnation ou d’acquittement, sauf lorsque le coupable a été condamné sur son aveu ou lorsqu’il a été pris en flagrant délit. Or, une condamnation ne peut intervenir qu’en cas d’aveu voire d’aveu extorqué, ce qui interdit l’appel contre les sentences de condamnation. L’appel hiérarchique est réapparu dans la pratique judiciaire, d’abord dans les pays de droit écrit puis dans les pays de coutume, sous l’influence du droit Romain et de la pratique canonique. Finalement, c’est au XVème siècle que le Parlement de Paris devient juge d’appel des sentences définitives de condamnation, ce que confirmera l’ordonnance Montils-lès-Tours en 1453.