L’indépendance des époux dans le régime matrimonial

le respect de l’indépendance des époux DANS LE CADRE DU REGIME PRIMAIRE MATRIMONIAL

Le régime primaire a un autre souci, assurer une autonomie suffisante à chaque époux dans le cadre du mariage.. L’article 216 affirme la pleine capacité de chaque époux.

Le texte ajoute que les droits et pouvoirs de chacun peuvent être limités par le régime matrimonial. Il faut donc veiller à ce que le régime matrimonial ne bride pas excessivement la capacité naturelle de chaque époux.

Il a fallu renforcer l’autonomie de chaque époux par des présomptions de pouvoir. Il y a un minimum d’indépendance que le régime matrimonial ne saurait diminuer.

Section I
intangibilité des pouvoirs d’un époux sur ses biens personnels

Maîtrise par chacun de ses propres

Toute clause qui … serait nulle.

Cela condamne une clause prévue par la loi de 1965 : la clause d’unité d’administration par laquelle la femme confiait irrévocablement la gestion de ses biens propres à son mari. Ce la traduisait une sorte d’emprise d’un époux sur l’autre et a été contraire à la maîtrise que chacun doit avoir de son patrimoine personnel. On peut seulement confier à son conjoint la gestion de ses propres par un mandat librement révocable.

C’est la combinaison des articles …

Cette autonomie est renforcée par le fait que chaque époux est seul à pouvoir engager ses biens propres par ses dettes.

Au passage, l’article 225 illustre cette tendance du régime primaire à rendre intangibles certaines dispositions du régime matrimonial pouvant assurer soir l’indépendance soit l’égalité des époux. Cela constitue une limitation de la liberté des conventions matrimoniales.

Section II
indépendance professionnelle des époux

Principe d’autonomie professionnelle des époux et suppression de règles particulières à la femme et notamment sur les biens réservés.

I Principe d’autonomie professionnelle des époux

L’indépendance est souvent économique ce qui se traduit par une indépendance professionnelle et une liberté dans l’exercice de la profession.

Le régime primaire contient deux éléments :

affirmation que chaque époux peut librement exercer la profession de son choix

libre perception et disposition des biens et salaires.

A Libre exercice d’une profession

L’article 223 dit que chaque époux peut librement exercer une profession.

Cela résulte d’une réécriture en 1965 puisque le mari pouvait s’opposer à l’exercice d’une profession par sa femme. En 1965, on dit que la femme a le droit d’exercer une profession sans le consentement de son mari.

En 1985, on n’a pas modifié le fond mais la forme : chaque époux peut librement exercer une profession.

Cette liberté est-elle complète ? Certains auteurs estiment qu’un époux pourrait encore aujourd’hui, utilisant une intervention du juge sur la base de l’article 220-1 obtenir qu’il interdise à un époux l’exercice d’une profession contraire à l’intérêt de la famille. Pas de jurisprudence sur cette question.

On peut s’interroger sur l’efficacité pratique de la mesure. L’article 220-1 ne semble pas pouvoir vraiment limiter la liberté professionnelle d’un époux.

La liberté d’exercer une profession ne connaît donc pas de limite particulière.

B La libre disposition des gains et salaires

L’article 223 dit que peut librement percevoir ses gains et salaires et en disposer après s’être acquitté des charges du mariage.

Chaque époux perçoit directement la rémunération de son travail et en dispose librement. On remarque qu’il s’agit de toute forme de rémunération.

Pour le mari, cette liberté de percevoir ses revenus est une règle de toujours. Pour la femme, cela remonte à la loi du 13 juillet 1907 sur le libre salaire de la femme mariée.

Intérêt de cette règle actuellement ?

L’intérêt du texte est son caractère impératif.

La liberté d’indépendance repose sur l’article 223. De plus, ce texte peut limiter la portée de certaines clauses licites du fait de son caractère impératif : comme stipuler la cogestion, de main commune qui est sans effet sur les gains et salaires. La liberté de l’article 223 prime.

Dans le régime de la communauté légale, la gestion des biens communs est en principe une gestion concurrente. Les gains et salaires se rangent dans la catégorie des biens communs. L’article 223 impose ici une gestion exclusive des gains et salaires.

L’indépendance professionnelle est donc posé par l’article 223.

II Disparition des règles particulières à la femme

En matière d’indépendance professionnelle, il y avait jusqu’en 1985 des règles propres à la femme qui venaient contrebalancer la prépondérance du mari en lui assurant un minimum de crédit et en réservant à son administration certains biens.

Biens réservés à la femme : c’étaient des biens communs, mais administrés par la femme.

L’article 57 de la loi de 1985 prévoit qu’exceptionnellement on peut encore s’y référer.

Ce sont les biens acquis par la femme avec ses revenus professionnels. L’intérêt était dans le régime de la communauté puisqu’au lieu d’être administrés par le mari, ils l’étaient par la femme. Cette institution a buté sur un problème de preuve.

Pour exercer les pouvoirs attachés à cette qualification, il fallait montrer que c’était un bien réservé. Après la loi de 1965, il y a eu une controverse pour savoir comment la femme pouvait prouver le caractère réservé du bien.

On pouvait dire que la nature devait être prouvée comme était rapportée la preuve des biens propres (un écrit) ce qui en pratique était assez difficile à réaliser.

Autre thèse = présomption de biens réservés, ainsi, tout bien qu’elle acquérrait serait présumée un bien réservé. On présume que c’est forcément un bien réservé.

Cette thèse novatrice a été condamnée par la Cour de cassation dans un arrêt du 6 juillet 1976 et la Cour de cassation a décidé qu’il n’y avait pas de présomption de bien réservé. Prise de position confortée ultérieurement qui a été l’une des causes de la réforme de 1985.

Lorsqu’un créancier de la femme (créance née avant le 1er juillet 1986) voudra saisir un bien réservé de la femme, il devra prouver le caractère réservé du bien et inversement si la femme veut faire échapper un bien à des poursuites sur les biens du mari, elle devra prouver que c’est un bien réservé.

Finalement cette institution disparaîtra en 1985 : il n’y a plus lieu de réserver l’administration de biens communs à la femme par dérogation à un principe de prépondérance du mari qui n’existe plus.

Section III
les présomptions de pouvoir

Ces présomptions sont au nombre de deux et sont prévues par les articles 221 et 222. L’un a un domaine d’application plus large, c’est l’article 222 (biens meubles en général) alors que l’article 221 vise les comptes en banque.

Sous section I
la présomption de l’article 222 = légale de pouvoir relative aux meubles

Cette présomption a été introduite dans le Code civil par la loi du 13 juillet 1965. Idée que la loi de 1965 conférait des pouvoirs nouveaux à la femme sur ses biens propres et ses biens réservés. On voulait que les pouvoirs de la femme soient effectifs, sans difficulté de preuve.

Pour rassurer les tiers, il fallait présumer le pouvoir de la femme dans des conditions qui ne risquent pas d’annuler l’acte.

Cette présomption permettait aussi à la femme d’accomplir sur des biens meubles communs des opérations que normalement son régime matrimonial ne lui permettait pas de faire.

Es textes d’OP garantissent un minimum d’indépendance notamment dans les opérations mobilières. La réforme de 85, sans traduction directe sur ces textes les a tout de même modifiés car ils s’intègrent dans un contexte nouveau.

S’agissant de l’article 222, nous verrons son domaine et ses conditions d’application.

I Domaine et conditions d’application de la présomption

Sil ‘un des époux se présente seul, il est réputé à l’égard des tiers de bonne foi avoir le pouvoir de faire seul cet acte. L’époux est réputé à l’égard des tiers de bonne foi avoir tout pouvoir de faire des actes juridiques. Ce pouvoir est présumé même s’il n’existe pas réellement.

Par exemple un époux qui dispose ainsi de meubles propres de son conjoint, la vente ne sera pas menacée.

A Biens auxquels ils s’appliquent

Il s’agit de biens meubles susceptibles de détention individuelle. La détention implique une maîtrise matérielle du bien, elle peut s’exercer par l’intermédiaire d’un tiers. Par exemple des objets déposés par un époux dans le coffre d’une banque sont détenus par lui individuellement.

On admet les meubles corporels, un mobilier, les titres au porteur, un véhicule automobile. Cette détention doit être individuelle ce qui s’oppose à une détention commune ou équivoque.

La loi présume le pouvoir quand il y a une apparence de pouvoir.

Cela concerne essentiellement les meubles corporels, mais on peut l’étendre à certains meubles incorporels dans la mesure où la détention peut être individualisée : c’est pourquoi on estimait que les titres nominatifs et à ordre pouvaient se voir appliquer l’article 222.

Il y a des exceptions, certains meubles notamment corporels ne relèvent pas de l’article 222 : deux dérogations (al 2) :

exclusion de meubles meublants visés à l’article 215 al 3 (mobilier qui garnit le logement de la famille), la détention n’est alors en général pas individuelle mais commune.

Les meubles corporels dont la nature fait présumer la propriété de l’autre conjoint. C’est ce qu’on appelle les propres par nature. Par exemple, les vêtements, les instruments de travail. On estime que l’affectation du bien à l’un des époux est évidente et ne peut être contredite.

Troisième catégorie non formellement prévue par les textes = meubles corporels dont l’aliénation est sujette à publicité = meubles immatriculés. Ce sont des biens comme les navires, les aéronefs…

Dans le régime de la communauté, ces meubles, lorsqu’ils sont communs, sont soumis à la cogestion du fait de leur valeur économique, il serait donc anormal de permettre à un époux de les vendre seuls. En réalité, ce sont des meubles particuliers dont le statut se rapproche de celui des immeubles par plusieurs côtés. La jurisprudence n’a jamais eu l’occasion de trancher cette question.

B Actes auxquels d’applique la présomption

L’article 222 vise largement les actes d’administration, de jouissance et de disposition. Cela permet à un époux de vendre un meuble, de l’aliéner à titre onéreux et même de les aliéner à titre gratuit (mais la condition de bonne foi des tiers doit être appréciée rigoureusement).

L’intérêt du texte est que lorsque ses conditions d’application sont réunies, l’acte est valable à l’égard du cocontractant qui ne risque par de voir annuler cet acte par une invocation du régime matrimonial. Dans les rapports entre époux la présomption ne joue pas.

Quels sont les tiers qui bénéficient de la présomption ?

Seulement les tiers de bonne foi qui ont pu légitimement croire que l’époux avait les pouvoirs nécessaires pour accomplir l’acte. Si le tiers savait que le tiers n’avait pas les pouvoirs, il ne pourra pas être de bonne foi. La bonne foi est présumée = article 2268 et c’est celui qui prétend que le tiers est de mauvaise foi qui doit en apporter la preuve.

Jurisprudence : cette mauvaise foi est assez difficile à établir. Idée est que le tiers n’a pas de vérification particulière à opérer lorsqu’il n’y a pas d’anomalie apparente.

II Portée et utilité de l’article 222

Vis-à-vis des tiers de bonne foi, la présomption de pouvoir de l’article 222 a un caractère irréfragable. Le conjoint est réputé avoir le pouvoir. Il s’agit d’une règle de fond impérative destinée à assurer les tiers. Cette règle confère pour les opérations mobilières courantes une large faculté d’action individuelle aux époux. Le tiers n’aura pas de justification à demander, l’époux qui agit est présumé avoir le pouvoir.

Cet article 222 a des incidences variables selon le régime matrimonial des époux.

Ex = si les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens, la présomption de l’article 222 peut aller dans le même sens de la présomption conventionnelle qui devient alors irréfragable. Si l’article 222 contredit une présomption de propriété, c’est la présomption du contrat de mariage qui sera écartée.

Dans le régime de la communauté, l’article 222 peut renforcer la présomption de communauté en rendant irréfragable le pouvoir de l’époux qui agit.

On peut noter que l’article 222 peut parfois contraindre des règles du régime de communauté : l’article 222 permet l’aliénation de meubles appartenant au conjoint ou l’aliénation de meubles affectés à la profession du conjoint qu’en principe il était seul habilité à vendre.

Quand cela contredit la règle, dans les rapports entre époux, l’article 222 ne s’applique pas. Il a pour but d’empêcher l’annulation d’un acte qui serait défavorable au tiers.

Si un époux a aliéné irrégulièrement un meuble, l’acte ne sera pas remis en question au détriment du tiers. Mais ne revanche, dans les rapports entre époux, il peut y avoir des compensations, indemnisations, récompenses. Ce sont de sanctions imparfaites et parfois tardives, ce sont les seules possibles.

Ce souci d’indépendance est encore plus net en ce qui concerne l’article 221 qui est la présomption qui concerne les comptes en banque.

Sous section I
présomptions de pouvoir relatives aux comptes bancaires

Résultent des articles 222 et 221.

C’est un texte important, innovation de la loi du 13 juillet 1965.

Ce texte a été adopté pour supprimer les difficultés que rencontrait la femme mariée pour ouvrir un compte en banque et le faire fonctionner.

La loi de 1942 permettait à la femme de se faire ouvrir un compte ménager pour les dépenses courantes mais elle représentait son mari qui pouvait faire opposition. Elle pouvait se faire ouvrir un compte personnel si elle avait l’administration ou la jouissance de certains biens, mais il fallait des justifications du régime matrimonial, de l’exercice d’une profession et que les titres qu’elle déposait étaient des biens personnels à elle ou réservés dans le régime de la communauté.

La loi du 13 juillet 1965 a simplifié les choses et a voulu assurer la liberté de chaque époux de se faire ouvrir et de faire fonctionner un compte en banque. Ce texte assure l’autonomie financière et boursière des époux. C’était plus facile pour les banquiers car ils étaient dispensés de toute responsabilité en cas de non respect du régime matrimonial.

Ce principe a été renforcé en 1985, sans changement d’orientation.

I Ouverture du compte

Liberté pour chaque époux de se faire ouvrir un compte sans le consentement de l’autre époux.

La loi vise les comptes de dépôt (chèque, courant, à terme, spéciaux sur livret) et les comptes titres. Aujourd’hui, depuis la dématérialisation en 1981 des valeurs mobilières, cela vise tous les titres qu’ils soient au porteur ou nominatifs puisque l’inscription en compte est devenu le seul mode de détention.

Cette liberté signifie que le dépositaire des fonds (la banquier) n’a pas de justification à demander ni quant au régime matrimonial ni quant au caractère juridique des fonds ou des titres qu’un époux vient déposer chez lui. C’est même une obligation pour le banquier ne de pas demander de justification. Un refus d’ouverture de compte pour un tel motif serait abusif.

Le banquier doit refuser le dépôt si en raison de circonstances particulières le dépôt est manifestement suspect.

De même, l’ouverture d’un compte en banque peut être soumis à l’intuitu personae et le banquier peut vouloir s’assurer de la solvabilité de son client et alors il peut demander des justifications y compris tirées du régime matrimonial (notamment pour permettre que le compte soit débiteur).

Sous ces réserves, liberté complète pour chaque époux d’ouvrir n’importe quel compte en banque.

Cette liberté pourra conduire à l’occasion à des dérogations aux règles de preuve ou de fond du régime matrimonial, il pourra arriver qu’un époux dépose des fonds qui sont en réalité des biens propres ou personnels de son conjoint alors que dans le régime de la communauté, ces fonds devraient être gérés par l’époux qui exerce la profession qui en est la cause.

II Le fonctionnement du compte

La liberté de faire fonctionner le compte résulte de l’al 2 du texte qui dit qu’à l’égard du dépositaire des fonds ou des titres, le déposant est toujours réputé avoir la libre disposition des fonds ou des titres.

L’utilisation du compte par le déposant intéresse en réalité trois catégories de personnes, le dépositaire, la banque, le conjoint et éventuellement les tiers.

Il faut donc mesurer la portée de la règle vis-à-vis de ces personnes.

A Rapports entre les époux et le dépositaire = la banque

L’article 220 al 2 consacre une présomption de pouvoir du déposant à l’égard du dépositaire. L’époux déposant peut librement créditer ou débiter son compte, donner l’ordre de vendre des titres déposés, remettre des effets de commerce, alimenter son compte, en conséquence de quoi le banquier doit exécuter les ordres.

À l’occasion de ces opérations, la banque ne peut ni ne doit demander des justifications. Il y a donc une grande facilité de gestion et une garantie pour le banquier qui ne risque pas de voir engager sa responsabilité.

On peut penser que la présomption de pouvoir de l’article 221 ressemble à celle de l’article 222. Cependant, il faut affirmer que l’article 221 n’est pas un simple doublet de l’article 222. En réalité, l’article 221 renforce l’article 222 et va plus loin. L’article 221 apporte un différence non négligeable : l’article 222 ne protège que les contractants de bonne foi, formule non retrouvée dans l’article 221. Il n’est pas exigé que le banquier soit de bonne foi. La responsabilité du banquier pourrait être engagée si sa mauvaise foi était manifeste, certes, mais la mauvaise foi est ici entendue beaucoup plus restrictivement et elle est plus difficile à prouver, elle ne peut résulter d’une simple négligence. Dans l’article 222, une opposition du conjoint notifiée au tiers suffit en principe à rendre ce tiers de mauvaise foi s’il ne vérifie pas les pouvoirs de l’époux avec qui il contracte. Au contraire, une telle opposition est inefficace quand il s’agit de l’article 221. Une opposition du conjoint ne saurait obliger le banquier à bloquer le compte.

Cela ne veut pas dire que si dans certains cas l’autre époux a été victime d’utilisation de fonds ou de titres lui appartenant en propre il serait démuni de tout recours, mais il devrait recourir aux voies judiciaires de droit commun. Il doit par exemple saisir le juge et établir qu’il a un pouvoir personnel de disposition sur tel ou tel fonds et que son conjoint méconnaît ce pouvoir. Tant que la procédure judiciaire n’a pas abouti, le banquier doit continuer à exécuter les ordres de l’époux dépositaire.

Il ressort ainsi qu’il y a des différences sensibles entre les articles 221 et 222 : l’autonomie financière est plus accusée que pour les opérations mobilières courantes.

Question sérieuse sur la durée de cette présomption dans les temps ?

La présomption de l’article 221 joue pendant toute la durée du mariage. Mais quid au jour de la dissolution par divorce ou décès ?

En cas de décès d’un époux, son compte sera sans doute bloqué pour le règlement de la communauté et du régime matrimonial et de la succession, le problème est pour le compte personnel de l’époux survivant lorsqu’il s’agit d’un régime de communauté.

On risque de se heurter à ce raisonnement : les fonds déposés étaient présumés communs. Au jour de la dissolution du régime par décès, la communauté est remplacée par une indivision post communautaire (entre l’époux survivant et les héritiers de l’époux prédécédé). Il faut alors l’accord de tous les indivisaires. Le compte du conjoint survivant ne peut plus fonctionner librement. Il y a un risque pratique de blocage du compte.

On s’est demandé s’il ne fallait pas faire survivre la présomption de pouvoir de l’article 221. Affaire Edberg. 1980, la Cour de cassation décide que la présomption de l’article 221 cesse de produire ses effets au moment de la dissolution. La Cour d’appel de Reims (renvoi) a refusé de s’incliner et l’APlénière le 4 juillet 1985 a approuvé la résistance de la CA et a dit que l’absence de vérification des pouvoirs de l’origine des fonds ne pouvait pas être remise en cause après le décès : la banque devait continuer à faire fonctionner le compte aussi longtemps qu’il n’y avait pas de manifestation de héritiers. La jurisprudence s’est fixée en ce sens et la solution a été consacrée par la loi du 23 décembre 1985 qui a ajouté une incidente dans l’alinéa 2 = à l’égard du dépositaire, le déposant est toujours réputé, même après la dissolution du mariage, avoir la libre disposition des fonds et des titres en dépôt.

Le régime primaire conforte donc l’autonomie des époux.

Le compte personnel du conjoint survivant ne peut plus être bloqué inopinément.

La formule de l’article 221 invite à se demander si le texte ne va pas plus loin que l’arrêt de 1985 et si l’opposition des héritiers serait efficace pour s’opposer au fonctionnement de ce compte, autrement que par une opposition judiciaire.

La réforme montre aussi que les effets du mariage peuvent parfois se prolonger au-delà du décès.

B Les rapports entre les époux

Ce que l’on vient de voir montre que l’article 221 rend inopposable au banquier le régime matrimonial des époux en quelque sorte. Un auteur a dit, chaque époux est célibataire à l’égard de son banquier.

Naturellement, lorsque la question ne concerne que les époux, il n’en va pas de même et il faut appliquer les règles du régime matrimonial.

Si les époux sont en désaccord sur la propriété des fonds ou des titres déposés sur un compte, la propriété du compte sera attribuée selon les règles du régime matrimonial.

De même, les titres qu’un époux acquiert en utilisant son compte titre sont des biens communs dans le régime de la communauté et sont compris dans la base commune au moment du partage. Même dans les cas exceptionnels où un époux aurait pu dissiper ou détourner des titres appartenant en propre à son conjoint, on ne peut remettre en cause le transfert opéré par le banquier, mais il peut y avoir des compensations ou récompenses.

C Rapports entre les époux et les tiers autre que le dépositaire

Rapports des époux avec les bénéficiaires des chèques émis, les acquéreurs de titres…

Le bénéficiaire du chèque est-il protégé, peut-il invoquer la présomption de pouvoir de l’article 221 al 2 ? Certains, au lendemain de la loi de 1965, avaient pensé qu’il fallait étendre l’application de l’article 221. Cette thèse n’a pas prospéré.

Aujourd’hui, on pense que ces tiers ne peuvent invoquer l’article 221 : lettre du texte (dépositaire, donc, a contrario, pas les tiers), de plus, les tiers peuvent trouver une protection dans l’article 222 s’il est de bonne foi. La mauvaise foi est difficile paraît très rarement établie. Pour le chèque il faudrait établir la mauvaise foi au moment de l’émission.

On ne voit pas pourquoi celui qui est payé par chèque serait mieux protégé que celui qui est payé en espèces ?

Donc l’article 221 ne peut pas être invoqué par ces tiers qui sont suffisamment protégés par ailleurs.

Pour terminer, on a raisonné sur des comptes personnels des époux, mais il y a souvent des comptes joints et l’article 221 s’applique aux comptes joints, chaque époux peut le faire fonctionner en invoquant la présomption de pouvoir de l’article 221. Cette règle est renforcée par le principe de solidarité active : chacun est en quelque sorte cocréancier dans un compte joint.

Il y a parfois des périodes de tension, des situations de crise : parfois, le juge intervient.