L’indépendance de la Justice

Les garanties de l’indépendance de la Justice

Pour qu’un procès soit équitable, les juges doivent pouvoir travailler, décider, juger sans ordres ou pressions de l’extérieur. La justice doit être indépendante. Depuis la Révolution française, on accorde de plus en plus d’indépendance à la puissance judiciaire et donc à ses membres. Aujourd’hui encore, on hésite à reconnaître une souveraineté aux juges, la preuve même en est le titre VIII de la Constitution de 1958 : « de l’autorité judiciaire » et non du « pouvoir judiciaire ». L’indépendance et l’impartialité constituent les deux principes fondamentaux de tout système judiciaire. Consacrée en France par la Constitution de la Ve République, l’indépendance judiciaire résulte de la séparation des pouvoirs et des garanties statutaires qui mettent les magistrats à l’abri de toute pression ou menace.

On distingue l’indépendance des magistrats de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif :

  • Les juges judiciaires l’ensemble des magistrats qui forment l’unité du corps judiciaire. Ce sont, d’une part, les magistrats du siège qui exercent la fonction même de juger et, d’autre part, les magistrats du parquet dont la fonction est de requérir, c’est-à-dire de demander l’application de la loi.
  • Les juges administratifs

* I ) L’indépendance des magistrats de l’ordre judiciaire

Elle donne lieu à de multiples controverses, et ce notamment en raison des affaires politico financières. D’un côté l’opinion publique a l’impression que certaines affaires sont étouffées par la justice (proximité trop importante entre magistrats et politique) et de l’autre côté un certain nombre d’affaire judiciaire ont fait scandale (ex : Outreau) et ont laissé penser que les magistrats ont trop de pouvoir et ne sont pas suffisamment contrôlés.

  1. A) La distinction entre magistrat du siège et magistrat du parquet

Les magistrats du siège sont ceux qui sont chargés de dire le droit = trancher les litiges. Ils sont appelés ainsi car ils exercent leur fonction en position assise. Les magistrats du parquet sont chargés de veiller à la bonne application de la loi. Ils prennent la parole debout à l’audience.

Les magistrats du parquet ou du ministère public ont pour charge de défendre les intérêts de la société. Lors d’une audience ils sont les avocats de la société. Ces magistrats sont les procureurs de la République (procureurs généraux au niveau (= près) des cours d’appel). Le rôle le plus important des magistrats du parquet s’effectue en matière pénale : ce sont aux qui déclenchent et exercent les poursuites. Ils exercent l’action publique. Ce sont les procureurs qui demandent aux juges du siège de condamner le délinquant au nom de la société. En matière civile, le parquet joue un rôle moindre, leur rôle étant de requérir ce qui leur paraît être conforme à la loi. Ils font donc des observations, lorsque c’est nécessaire, à l’audience.

Ces deux types de magistrats ne présentent pas les mêmes garanties en termes d’indépendance : parquetiers plus proches du pouvoir exécutif.

  1. 1) Les garanties de l’indépendance des magistrats du siège

Puisque ce sont eux qui rendent les décisions ils doivent être protégés des pressions ou à l’inverse d’éventuelles faveurs. La règle qui garantit le mieux leur indépendance est le principe d’inamovibilité: le pouvoir exécutif ne peut pas prendre à leur encontre de mesures individuelles de révocation, de suspension et même de déplacement en dehors des cas prévus par la loi. Ce principe figure dans deux articles : art. 64 de la constitution et article 4 ord. Du 22 décembre 1958. Les magistrats ne restent pas pour autant en poste dans les mêmes fonctions toute leur vie. La fonction des magistrats est limitée dans sa durée. Principe essentiel : mobilité des magistrats > un magistrat ne peut pas occuper dans un même tribunal les mêmes fonctions toute sa vie.

Les magistrats n’ont à recevoir d’ordre de personne > pas de supérieur hiérarchique.

  1. 2) La dépendance hiérarchique des magistrats du ministère public

Ils doivent respecter les ordres de leurs supérieurs hiérarchiques. Le ministre de la justice en France dirige le parquet et peut donner des ordres aux magistrats du ministère public. Ils reçoivent donc des instructions du pouvoir exécutif. En théorie le ministre de la justice peut exiger du parquet qu’il poursuive mais ne peut pas l’obliger à classer une affaire. Les instructions doivent être écrites et figurer au dossier.

Le procureur garde une petite marge de manœuvre, en théorie toujours du moins, car il doit prendre des réquisitions écrites conformes aux instructions de son supérieur, par contre à l’audience il peut requérir la peine qu’il souhaite. Ces règles remettent en cause leur indépendance vis à vis du pouvoir > on peut craindre qu’un certain nombre d’affaires soient enterrées.

Depuis quelques années, le parquet français subit des attaques, au niveau européen notamment.

  1. B) Le Conseil supérieur de la magistrature

Mission : s’interposer entre les magistrats et le gouvernement pour les décisions les plus importantes de leur carrière, notamment en matière d’avancement et de discipline. Conseil créé par la constitution de 1946 et réformé de nombreuses fois (dernière révision : révisions constitutionnelle de juillet 2008)

  1. 1) La composition du CSM

Pour que la réforme entre en vigueur il faut une loi organique, chargée de préciser les nouvelles dispositions constitutionnelles. La loi n’ayant pas été adoptée, la réforme n’est pas encore en vigueur.

  • composition actuelle: le CSM est présidé par le président de la République et le ministre de la Justice en est le vice-président. Le CSM se compose de 16 membres : 4 qui ne sont pas des magistrats de l’ordre judiciaire (un conseiller de l’Etat et trois personnalités nommées respectivement par le président de la république, le président de l’assemblée nationale, le président du sénat) et 12 de l’ordre judiciaire (magistrats du parquet et du siège). Le CSM se scinde en 2 formations : l’une pour les magistrats du siège, l’autre pour les magistrats du parquet. Chacune comprend 12 membres : celle des magistrats du siège comprend le président de la République, le garde des sceaux, 5 magistrats du siège, 1 magistrat du parquet et les 4 membres qui ne sont pas de l’ordre judiciaire. Celle des magistrats du parquet comprend les mêmes membres mais le nombre de magistrats parquets/sièges est inversé.
  • Composition future: Le président ne sera plus le président de la république, chaque formation aura son président. Celle du siège sera présidée par le premier président de la cour de cassation, celle du parquet par le procureur général près de la cour de cassation. La composition changera aussi : il y aura toujours 6 magistrats dans chaque formation, mais le CSM se composera d’un avocat et de 6 personnalités qualifiées au lieu de 3 (cela pour éviter que le CSM ne fonctionne de manière corporative).

On peut y voir une indépendance augmentée du CSM vis à vis de la République, mais en réalité c’est plutôt l’inverse. Les personnalités extérieures sont en fait nommées par le pouvoir exécutif.

La réforme est critiquée par les magistrats (union syndicale de la magistrature USM et syndicat de la magistrature SM).

Un projet de loi organique a été déposé par le gouvernement en juin 2009.

  1. 2) Les attributions du CSM

Il intervient en matière de nomination des magistrats et en matière disciplinaire.

 Concernant les magistrats du siège, il faut pour nommer un magistrat l’avis conforme de la formation compétente du CSM. Le gouvernement propose des noms au CSM qui donne son aval. Pour certaines fonctions, comme celles de président de tribunal de grande instance, de président de cour d’appel, de magistrat du siège de la cour de cassation, c’est le CSM qui propose des noms. En matière disciplinaire, les décisions du CSM s’imposent au garde des sceaux. Le CSM est dans cette hypothèse une vraie juridiction.

Pour les magistrats du parquet, le CSM ne donne que des avis en terme de nomination et le garde des sceaux n’est absolument pas obligé de les suivre. En matière de discipline le garde des sceaux a à nouveau tous les pouvoirs > simple avis donnés par le CSM. Problèmes d’indépendance posés : le garde des sceaux peut sanctionner sans motif un parquetier qui irait à l’encontre de ses instructions.

Le CSM ne peut pour l’instant être saisi que par le garde des sceaux ou par le président de juridiction. Suite à la révision constitutionnelle de 2008 les justiciables pourront saisir eux mêmes le CSM.

* II ) L’indépendance des juges de l’ordre administratif

Pendant très longtemps leur indépendance n’était garantie par aucun texte, on les considérait comme des fonctionnaires et non comme des magistrats.

Petit à petit leur indépendance a été davantage garantie, même si leur protection est moindre. Il n’y a aucun texte qui garantit cette inamovibilité sauf pour ce qui concerne les magistrats de la cour des comptes. Les membres du conseil d’Etat bénéficient d’une inamovibilité de fait car même s’il n’y a pas de texte, aucun politique n’a osé muter d’office un conseiller d’Etat.

Les juges des tribunaux administratifs et des cours d’appel ne bénéficiaient pas, eux, de cette inamovibilité de fait. D’où l’introduction en 1986 de l’art. L 231-3 du Code de justice administrative qui prévoit désormais cette inamovibilité. Les juges administratifs connaissent un conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel : protège les juges administratifs contre toute mesure arbitraire de l’Etat à leur encontre. Il se compose de juges administratifs (juges, tribunaux, cours…) et de 3 personnalités extérieures nommées par le Président de la République, le président de l’assemblée nationale et le président du sénat. Pour les nominations et la discipline il a un rôle consultatif, doit donner son avis mais celui-ci peut être non écouté par le gouvernement.