Le droit européen et les contrats administratifs

L’INFLUENCE DES SOURCES EUROPÉENNES ET DES PRINCIPES FONDAMENTAUX EUROPÉENS SUR LES CONTRATS ADMINISTRATIFS

Le droit européen influe sur le droit des contrats administratifs. Les sources européennes du droit des contrats sont le droit primaire de l’Union Européenne et le droit dérivé. D’autre part; les principes fondamentaux européens, comme le principe de transparence, auront des conséquences sur le droit des contrats de l’administration.

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CHAPITRE I – LES SOURCES FORMELLES DU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE

Section 1- Le droit primaire de l’Union européenne

Ce droit primaire ne contient aucune règle précise sur les contrats mais il énonce des principes s’imposant à toute activité économique et donc aux contrats concernés. Parmi ces principes on a : principe de non discrimination, grandes libertés économiques. Au delà de ces principes écrits, la jurisprudence les a utilisé pour pouvoir créer le marché commun en imposant des obligations positives aux Etats membres. Ce dynamisme normatif a permit à la CJUE de dégager des principes secondaires applicables aux contrats publics. Il faut y voir la démonstration éclatante de la grande force juridique des principes en droit.

Section 2- Le droit dérivé de l’Union européenne

P1- Les catégories de normes

Les trois normes sont :

  • ·le règlement qui est obligatoire dans tous ses éléments, applicable directement mais rarement utilisé en droit des contrats
  • ·les décisions qui sont obligatoires directement et visent les destinataires en les identifiant
  • ·les directives qui définissent les objectifs de l’UE et lient les Etats mais les laisse libres dans la détermination des moyens.

Il faut distinguer les directives générales et les directives spécifiques. Les directives générales visent tous les contrats et posent des règles transversales, notamment en matière de clause abusive, délai de paiement,… Les directives spécifiques sont relatives à un domaine précis et sont notamment relatives aux marchés publics et concessions de travaux. La première directive est la directive 2004-18 du 31 mars 2004 appelée secteurs classiques et est relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, fournitures et services. La directive 2004-17 du 31 mars 2004 aussi est appelée secteurs spéciaux et concerne les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux. La directive 2009-81 du 13 juillet 2009 concerne certains marchés publics comme le secteur de la défense et de la sécurité. Le Parlement européen vient d’adopter une réforme des contrats publics qui notamment introduit pour la première fois en UE une réglementation formelle des concessions de service. La directive 2007-66 du 11 décembre 2007 concerne l’amélioration de l’efficacité des procédures de recours, en matière de passation des marchés publics. Le référé précontractuel a été transposé le 14 juillet 1992 mais cette loi a été modifiée par une ordonnance du 7 mai 2009 qui en a profité pour introduire aussi le référé précontractuel créé par la directive de 2007 dans le droit de l’UE. Dès 2007, le Conseil d’Etat avait anticipé la transposition du référé contractuel en créant un nouveau recours en invalidation d’un contrat administratif : Conseil d’Etat. Société Tropique Travaux Signalisation. 2007.

P2- L’intégration au droit national

Ce caractère d’intégration suppose une transposition en matière de directive. Cette transposition a posé problème pendant longtemps mais cela est aujourd’hui réglé : Conseil d’Etat. Perreux. 30 octobre 2009 et Conseil d’Etat. Arcelor. 8 février 2007. Depuis, la transposition des directives est une exigence européenne mais aussi une exigence constitutionnelle en vertu de l’article 88-1 de la constitution. Le juge national est le juge de droit commun de l’application du droit de l’UE. Cela n’empêche pas le juge interne d’être en désaccord avec le droit de l’UE. Il y a des désaccords qui demeurent comme le refus catégorique de soumettre la passation des conventions d’occupation du domaine public à des règles même minimales de publicité et de mise en concurrence : Conseil d’Etat. Jean Bouin. 3 décembre 2010.

CHAPITRE II – LES PRINCIPES FONDAMENTAUX DU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE

Sur le plan substantiel, les normes du droit de l’UE s’expliquent par les finalités de l’UE elle même. Il ne faut pas perdre de vue que cette finalité permet de comprendre les innovations de la CJUE par rapport aux textes de l’UE, la raison est la raison d’être de l’UE : la construction d’un marché commun. La CJUE impose le respect d’un principe de primauté du droit de l’UE et un principe d’effectivité du droit de l’UE qui est entrain d’être repris en droit interne, notamment par le Tribunal des Conflits. Ces deux principes, couplés à la finalité de l’UE, sont des puissants moteurs de lutte contre les réticences des droits internes.

Le champ d’application du droit de l’UE n’est pas illimité. D’abord, eu égard à la logique de l’ensemble du processus, seules les activités marchandes sont susceptibles d’être soumise au droit de l’UE. Seulement, le droit de l’UE a une définition propre des activités marchandes, pas forcément en accord avec celle de notre droit interne. Les textes de l’UE s’appliquent en principe uniquement dans certains cas, notamment lorsque certains seuils sont dépassés et que ce dépassement confère une dimension communautaire à l’activité visée. Seul le franchissement de ces seuils impose le respect des règles européennes. Il en reste pas moins que des principes généraux existent par la CJUE avec une application générale donc au delà de la règle du texte. Il ne faut pas négliger non plus une dimension persuasive du droit de l’UE. Même si une règle de droit ne s’applique pas formellement dans les droits internes, elle peut être prise volontairement en droit interne et donc on a une extension du champ de l’UE par la volonté de l’Etat. Aussi, le champ d’application peut encore ne pas avoir fait l’objet d’une clarification en droit interne et donc les choses ne sont pas certaines et pour éviter des censures les Etats vont faire une extension de la jurisprudence, cela a notamment était le cas avec les concessions d’aménagement : CAA de Bordeaux. 9 novembre 2004 et CJUE. 18 janvier 2007. Auroux.

Les interactions entre le droit des contrats administratifs et le droit de l’UE se font par les règles de transparence qui n’ont pas encore produit tous les effets en droit interne et plus généralement par les solutions de la logique générale du droit de l’UE tendant à faire respecter la rationalité économique.

Section 1- Le principe de transparence

C’est CJUE. Telaustria. 7 décembre 2000 dans lequel la CJUE considère que les textes s’inspirent d’une raison d’être des institutions de l’UE à travers laquelle on peut dégager un principe de transparence. Dans cette affaire, un contrat de concession de service public est contesté or ce type de contrat ne relève pas des directives sur le marché public. Donc, le contrat n’est pas soumis au droit dérivé en l’espèce. L’avocat général a pourtant précisé que le respect matériel du principe de non discrimination fondé sur la nationalité exige que l’octroi d’une concession respecte un degré minimal de publicité et de transparence. Il convient d’éviter à tout prix selon lui que l’octroi de concessions soit enveloppé de secrets et d’opacité. Il précise que la transparence vise donc à assurer l’impartialité et l’accessibilité fondamentale des procédures d’adjudication particulièrement à l’égard des sous missionnaires potentiels qui ne sont pas établis dans l’Etat membre de l’entité adjudicatrice. D’après la CJUE, l’exclusion de la concession de service public du champ d’application des directives n’empêche pas que les pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices soient « tenus de respecter les règles fondamentales du traité en général » et le principe de non discrimination en raison de la nationalité en particulier. Cette exigence implique notamment, selon la Cour, une obligation de transparence qui incombe aux pouvoirs adjudicateurs et qui consiste à garantir en faveur de tout sous missionnaire potentiel un degré de publicité adéquate permettant une ouverture du marchés des services à la concurrence ainsi que le contrôle de l’impartialité des procédures d’adjudication.

Le propos de la Cour est donc général et permet au juge de créer par voie prétorienne une obligation s’imposant à tout acte, contrat ou acte unilatéral, passé par un pouvoir adjudicateur, y compris lorsque la valeur de la prestation n’atteint pas le seuil des directives ou si le contrat n’est pas réglementé par le droit de l’UE. Dans un arrêt Coname du 21 juillet 2005, la CJUE a appliqué la jurisprudence précédente en matière de concession de service public du gaz en Italie. Elle indique que dans la mesure où cette concession de service est susceptible d’intéresser également une entreprise située dans un Etat membre autre que l’Etat italien, l’attribution en l’absence de toute transparence de cette concession à une entreprise située dans ce dernier Etat membre, constitutive d’une différence de traitement au détriment de l’entreprise située dans l’autre Etat membre.

En dépit d’un champ d’application large, le droit de l’UE admet certaines limites. D’abord, l’arrêt Telaustria parle d’un degré de publicité adéquate, ce qui laisse entendre que la Cour laisse une certaine place à l’adaptation des solutions et procédures en fonction des circonstances. Aussi, il faut démontrer que cette transparence n’était pas possible. Il faut donc apporter la justification de cette restriction. Seconde limite, les prestations intégrées échappent au droit de l’UE car tout est interne.

L’arrêt Jean Bouin témoigne d’un point de friction entre le droit de l’UE et le droit interne. Il estime qu’il n’y a pas d’obligation de publicité et de mise en concurrence en l’état actuel du droit français en matière d’autorisation et de convention d’occupation du domaine public. Si un contrat a un projet exclusivement et purement domanial, il n’est pas pertinent que le contrat soit soumis à un principe de transparence. Deux hypothèses fragilisent cette jurisprudence :

·si la convention est associée à une opération de prestation de travaux ou de service au bénéficie du propriétaire du domaine public, le fait qu’il y ait une prestation marchande, le contrat entre dans le champ d’application du principe de transparence

·si la convention a pour objet ou effet de donner au titulaire de l’autorisation un avantage concurrentiel sur le marché, le domaine public devient le siège de l’activité économique et donc la teneur économique du montage sera également de nature à imposer le respect du principe de transparence

Section 2- Le respect de la rationalité économique

Au delà du principe de transparence, les fondations idéologiques de l’UE expliquent l’ensemble des règles européennes en matière de contrats publics.

P1- Le caractère ancien de la réglementation de la commande publique

L’exigence d’une certaine transparence et donc le respect de certaines procédures ne sont certes pas nouveaux en droit français. Cela remonte à un décret du 18 novembre 1882 qui imposait déjà lors de la passation des marchés de l’Etat le respect d’une procédure d’adjudication. Cette réglementation française avait deux grandes raisons d’être : optimisation des dépenses publiques & moralisation de l’achat public. Le premier permet à une collectivité publique d’acheter à moindre coût et donc de sauvegarder les intérêts financiers de l’Etat. Le second s’est diffusé au delà des marchés publics et est à l’origine notamment de la loi Sapin du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et la transparence de la vie économique et des procédures publiques. Cette loi a opéré une sorte de transposition de la logique de la réglementation des conventions de marchés publics vers les délégations de service public, ce qui a contribué à encadrer assez fortement.

P2- La nouveauté du droit de l’Union européenne

Même si la transparence n’est pas une nouveauté totale, le droit de l’UE en matière de réglementation des contrats publics présente une raison d’être assez différente. Cette réglementation s’appui sur une méfiance différente car elle est en grande partie d’une autre nature : elle est destinée à protéger la concurrence. Selon une jurisprudence constante, « l’objectif principal des règles européennes en matière de marchés publics est d’assurer la libre circulation des services et l’ouverture à la concurrence non faussée dans tous les Etats membres ». Cependant, les règles du droit de l’UE s’expliquent par le fait qu’il est nécessaire de surveiller le comportement d’un acteur dès lors qu’il est dans la sphère d’influence des pouvoirs publics. L’UE a la crainte que les pouvoirs publics n’agissent pas sur le seul fondement de la rationalité économique alors même qu’ils ont un comportement économique. Il faut exclure que l’organisme se laisse guider par des considérations autres qu’économiques. De plus, l’objectif de procédure de passation des marchés publics est de garantir aux sous missionnaires l’accès au marché public qui l’intéresse. Le principe d’égalité est lui même la résultante du principe de libre prestation de service pour permettre la construction d’un marché commun.

La réglementation de la passation des marchés publics a toujours pour but aussi la bonne gestion des deniers publics. Cela est exact la plupart du temps mais il faut voir que ce qu’on appelle la bonne gestion des deniers publics coïncide avec la gestion rationnelle des deniers publics. La rationalité existe selon le droit de l’UE que si la gestion est économiquement rationnelle. Le meilleur moyen serait d’avoir des marchés publics qui ne posent aucun enjeu en matière de deniers publics. On a des exemples, notamment dans des arrêts où la Cour admet qu’un contrat soit qualifié de contrat public alors même que le pouvoir adjudicateur ne verse lui-même aucun prix en échange de la prestation fournie. Il suffit qu’une prestation soit fournie dans le cadre de contrats à titre onéreux pour relever du droit des marchés publics et la Cour précise qu’il n’est pas indispensable que le pouvoir adjudicateur supporte lui même le poids économique de la prestation pécuniaire. On a donc un marché public alors qu’on n’a pas de bonne gestion des deniers publics et il s’agit donc d’une question subsidiaire.

La logique économique explique la définition de l’organisme de droit public en droit de l’UE qui permet d’identifier un pouvoir adjudicateur. Le droit interne reprend cette notion et cela bouleverse les catégories traditionnelles. En droit de l’UE, cela va permettre d’identifier un acheteur public et donc d’appliquer une logique de méfiance. Un organisme de droit public est une personne morale sous contrôle public qui est crée pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général autres qu’industriels et commerciaux. Parfois, la jurisprudence précise que c’est une personne qui n’assume pas le risque économique de son activité. En effet, on présume que l’intérêt économique impose à la personne de suivre les exigences de la rationalité économique et donc de respecter la concurrence. Pour éviter que l’organisme de droit public n’agisse irrationnellement, il y a lieu de lui imposer le respect de règles économiquement rationnelles. Cela va permettre de ne pas fausser le jeu de la concurrence et de favoriser un meilleur usage des fonds publics.

P3- L’introduction de considérations environnementales et sociales

C’est un enjeu qui passe inaperçu en droit de l’UE et il y a une discordance entre le droit interne et le droit de l’UE par rapport à la logique propre de l’UE. La rationalité économique est de moins en moins exclusive d’autres considérations tel que l’environnement ou les conditions sociales, le développement durable,… Il faut les prendre en compte dans la réglementation de la commande publique car ce sont des considérations importantes, notamment en période de crise économique. Les conditions de définition d’un marché doivent être définies et peuvent comporter des considérations environnementales ou sociales, qui prennent en compte les objectifs du développement durable en conciliant développement économique, protection et mise en valeur de l’environnement et progrès social (article 14 du code des marchés publics). C’est donc une possibilité ouverte mais ces considérations doivent avoir un lien avec l’objet du marché, cela étant entendu de façon restrictive en jurisprudence.

CJUE. 2012 : c’est un contrat de fourniture de machines à café soumis à la directive 2004-18 pour lequel le pouvoir adjudicateur attachait de l’importance aux conditions équitables de production des ingrédients et notamment d’un sucre labélisé. En l’espèce, avec cet attachement qui n’est pas purement économique, le pouvoir adjudicateur attache une importance à des considérations environnementales mais il a considéré que les ingrédients devaient bénéficier du label sans préciser ce que cela signifiait en pratique. La logique consiste à sanctionner un pouvoir adjudicateur qui s’est limité à affirmer cela sans expliquer. La Cour a estimé que la référence au label ne suffisait pas et qu’il fallait clarifier les spécifications des ingrédients en cause. Elle a condamné pour défaut de transparence. Il faut donc dans tous les cas permettre une évaluation précise du rapport qualité prix afin de respecter une concurrence effective.

Le droit français est plus sensible à l’introduction de ces considérations. Dans une première décision du 15 février 2013. Société de Derichebourg Poly Urbaine, le Conseil d’Etat a affirmé que si le code des marchés publics permet de retenir différents critères d’évaluation des offres, ces critères d’attribution des marchés doivent être justifiés par l’objet du marché et permettent d’identifier l’offre économiquement la plus avantageuse. En l’espèce, le Conseil d’Etat censure la référence à la politique sociale d’une entreprise. Dans Conseil d’Etat. 25 mars 2013. Département de Lisère, il a estimé que, dans le cadre d’une procédure d’attribution d’un marché qui eu égard à son objet est susceptible d’être exécuté au moins en partie par des personnels engagés dans une démarche d’insertion, le pouvoir adjudicateur peut légalement prévoir d’apprécier les offres au regard du critère d’insertion professionnelle des publics en difficulté dès lors que ce critère n’est pas discriminatoire et lui permet d’apprécier objectivement ces offres.

P4- Passation et exécution des contrats

Pendant plusieurs décennies, le droit de l’UE ne s’intéressait qu’à la passation des contrats et non pas à leur exécution. Les choses n’ont jamais été aussi nettes et le droit de l’UE est de moins en moins indifférent à l’exécution du contrat. La modification d’un contrat peut masquer une volonté de bouleverser l’économie générale du contrat, notamment par une modification de l’objet du contrat. La modification du contrat de marché ne doit pas donner des caractéristiques substantiellement différentes au contrat initial : CJUE. Commission c/ France. 5 octobre 2010. Dans un arrêt CJUE. Prestext. 19 juin 2008, il est dit que la modification d’un contrat de marché public est substantielle dans 3 hypothèses :

·lorsque la modification introduit des conditions que, si elles avaient figurées dans la procédure de passation initiale, elles auraient permis l’admission de sous missionnaires autres que ceux initialement admis ou auraient permis de retenir une offre autre que celle initialement retenue

·lorsque la modification étend le marché dans une mesure importante à des prestations non initialement prévues

·lorsque la modification change l’équilibre économique du contrat en faveur de l’adjudicataire du marché d’une manière qui n’était pas prévue dans les termes du marché initial

La CJUE dit que la substitution d’un nouveau cocontractant à celui auquel le pouvoir adjudicateur avait donné le marché doit être considéré comme constituant un changement de l’un des termes essentiels du marché public en cause à moins que cette substitution ait été prévue dans les termes du marché initial. Dans CJUE. Woll AG. 13 avril 2010, la CJUE a considéré que même si la sous-traitance a été prévue dans le contrat initial, il peut y avoir modification substantielle tout de même. Il faut donc regarder les conditions dans lesquelles le contrat est modifié pour savoir si la modification est substantielle et donc savoir si on doit refaire une passation.

D’autre part, on a une réglementation formelle de l’exécution des contrats qui est entrain d’émerger au sein de l’UE. Il s’agit de codifier la jurisprudence précédente en la modifiant.

P5- Externalisation et liberté d’organisation des pouvoirs publics

L’UE est indifférente aux modalités d’exercice par une personne publique des missions dont elle a la charge. Cette indifférence ne doit pas être surestimée car il y a deux hypothèses.

D’abord, on a le choix fait par une personne publique d’exercer l’activité par ses propres moyens que par une externalisation. Ensuite, on a le choix d’externaliser par voie contractuelle ou par voie unilatérale.

A- L’absence d’obligation d’externaliser

En droit de l’UE, le principe est l’indifférence entre le choix du mode de gestion direct ou délégué d’une activité de service public. Une jurisprudence constante est à signaler : une autorité publique a la possibilité d’accomplir les taches d’intérêt public qui lui incombent par ses propres moyens (administratifs, techniques et autres) sans être obligé de faire appel à des entités externes n’appartenant pas à ses services. Cela est reprit par la nouvelle directive européenne sur les concessions à venir qui prévoit un article intitulé « principe de libre administration par les pouvoirs publics » qui dit : « Les autorités sont libres de décider du mode de gestion qu’elles jugent le plus approprié pour l’exécution de travaux ou la prestation de services. Elles peuvent choisir d’exécuter leurs missions d’intérêt public en utilisant leurs propres ressources ou en coopération avec d’autres autorités ou de déléguer ces missions à des opérateurs économiques ».

En dépit de cette absence d’obligation, le droit de l’UE est vigilent quant aux modes d’organisation d’une activité économique par une structure publique. En réalité, les règles de l’UE s’appliquent dans tous les cas où une autorité publique confie la prestation d’activités économiques à un tiers. Il existe deux exceptions :

·la prestation économique ne soit pas confié à un véritable tiers (exception d’interprétation stricte) et cela vise la création par plusieurs personnes publiques ou une seule d’une entité interne chargée d’exercer une activité économique déterminée que si les relations entre l’entité et la personne publique sont extrêmement fortes (CJUE. 18 novembre 1999. Teckal)

·la coopération entre personnes publiques et donc hypothèse dans laquelle une relation contractuelle est engagée entre personnes publiques pour mutualiser leurs efforts pour l’exercice d’une mission commune de service public qui leur incombe (CJUE. 9 juin 2009. Commission c/ Allemagne : la coopération ne doit viser qu’une coopération économique et ne doit pas placer une personne publique dans une position avantageuse par rapport à ses concurrents)

L’activité économique peut déroger aux règles de la concurrence pour des raisons d’intérêt général et donc une personne publique pourra confier une activité économique à un tiers en faisant bénéficier à ce tiers des avantages économiques dans la stricte mesure où cela répond à un intérêt général clairement identifiable et identifié.

B- Le principe de l’externalisation par voie contractuelle

Dès lors que la personne publique externalise, elle est limitée dans son choix de gestion d’externalisation. En droit français, le principe était la liberté de choix en matière de délégation de service public. En vertu de cette grande liberté de choix, on pouvait choisir la voie contractuelle ou la voie unilatérale. Or, tout le problème est que le droit de l’UE ne connaît pas cette distinction française. Selon elle, il faut supprimer la réglementation interne qui permet ce choix car l’essentiel pour elle est que son droit s’applique dès lors qu’il y a un acte ayant une incidence sur l’économie par son objet ou ses effets indépendamment de cette qualification unilatérale ou contractuelle : CJUE. 2005. Parking Brixen.

La délégation ne peut se faire par voie unilatérale qu’en vertu de textes explicites qui semblent devoir être de nature législatif : avis du Conseil d’Etat du 9 mars 1995 en Assemblée. Lorsque les collectivités publiques sont responsables d’un service public, elles peuvent, dès lors que la nature de ce service n’y fait pas obstacle, décider de confier la gestion à un tiers. A cette fin, sauf si un texte en dispose autrement, elles doivent en principe conclure avec un opérateur un contrat de délégation de service public ou un marché public de service : CAA d’Aix en Provence. 6 avril 2007. Inversement, si la délégation se fait par voie unilatérale, le Conseil d’Etat a précisé que la loi Sapin ne s’applique pas car elle ne vise que les délégations par voie contractuelle et pas les actes unilatéraux : Conseil d’Etat. 3 mai 2004. Fondation assistance aux animaux. Il faut attendre une évolution du droit car il est difficile d’utiliser la voie unilatérale car le risque de contournement de la loi Sapin est simple.