Les infractions en matière de chèque au Sénégal

LES INFRACTIONS EN MATIÈRES DE CHÈQUES EN DROIT PÉNAL SENEGALAIS

Au sens du règlement numéro 15-2002 de l’UEMOA, (relatif aux systèmes de paiement dans les Etats membres de l’UEMOA), le chèque est un écrit par lequel une personne appelée tireur donne l’ordre a une autre personne appelée tiré (qui doit être une banque ou un comptable d’une entreprise ou d’un établissement financier) de payer une somme d’argent déterminée a une personne appelée bénéficiaire ou porteur.

Le droit pénal des instruments de paiement était réglementé par la loi uniforme numéro 96-13 du 28 aout 1993. Cette loi va être abrogée par la loi numéro 2008-48 (en ses articles 83 a 93 et 106 à 108) relative à la répression des infractions en matière de chèque, de carte bancaire et autres instruments et procédés électroniques de paiement.


L’innovation majeure de cette nouvelle réglementation a été de supprimer le délit d’émission de chèque sans provision qui était l’élément central du dispositif répressif tout en mettant l’accent sur d’autres infractions plus sévèrement réprimées.

Section 1 : Les différentes infractions en matière de chèque

Dans la panoplie des actes incriminés dans l’utilisation du chèque, certaines infraction sont liées à l’usage de la provision alors que d’autres correspondent à l’altération ou une violation des règles d’utilisation du chèque.


I- Les infractions liées à l’usage de la provision


Ses infractions prévues par l’article 2 de la loi de 2008 correspondent à un comportement de l’émetteur d’un chèque consistant à faire croire faussement à l’existence d’une provision ou à porter atteinte au droit des tiers en procédant au retrait ou au blocage de la provision.

1. L’émission d’un chèque sur un compte clôturé et l’acceptation d’un chèque sans provision

La clôture du compte correspond en principe à la disparation des relations entre le banquier et son client qui avait à sa disposition une certaine somme d’argent mobilisable pour des paiements éventuels, soit à travers des dépôts de fonds soit à travers les découverts bancaires. Lorsque le compte est clôturé, il y a une disparition de l’ordre de paiement dont disposait le client à l’égard de la banque. Cet événement est toujours porté à la connaissance du titulaire du compte et suppose même l’accomplissement d’une formalité. Cela expose ainsi le titulaire du compte à répondre pénalement de son acte lorsque tout en étant certifié de cette clôture, il continue d’émettre des chèques au profit des tiers.

Cette situation se différencie nettement de l’émission du chèque sans provision. Dans cette dernière situation, le compte est en état de fonctionnement mais seulement, il y a une difficulté liée à la provision. Soit celle-ci est insuffisante voire inexistante soit elle n’était pas disponible au moment de l’émission du chèque.

L’interdiction qui est faite actuellement au banquier de rejeter un chèque sous prétexte que la provision est insuffisante ou indisponible (à moins qu’il y ait une interdiction d’émettre un chèque) semble justifier la suppression du délit d’émission de chèque sans provision.

On observera que la suppression n’est pas totale. Si l’émission en tant que telle n’est plus un délit, l’acceptation par contre en connaissance de cause d’un chèque sans provision reste un délit dans la loi de 2008.

Il s’agit dans cette situation de condamner l’attitude du bénéficiaire qui fait collision avec l’émetteur afin d’obtenir irrégulièrement le paiement d’une somme d’argent non disponible auprès du tiré. Ce délit consiste concrètement d’accepter de recevoir un chèque tout en sachant que la provision est insuffisante ou que la provision a été retirée ou bloquée. L’acceptation d’un chèque sans provision n’est pas considéré comme une forme de complicité de l’émission du chèque désormais non punissable même comme une infraction distincte.

La loi exige toutefois que l’individu soit de mauvaise foi. La connaissance du défaut de provision est présumée selon la jurisprudence en cas de défaut de date.

Par ailleurs, le fait d’avoir présenté immédiatement le chèque au paiement bien que les parties par un accord verbal soient convenues d’un délai de quelques jours laisse subsister un doute à l’égard du bénéficiaire.

 


2. Le retrait de le provision et la défense faite au tiré

L’article 2 de la loi de 2008 dans son second alinéa puni le tireur qui après l’émission d’un chèque retire tout ou partie de la provision par transfert, virement, ou quelque moyen que ce soit dans l’intention de porter atteinte au droit d’autrui. Le retrait de la provision est réalisé selon la chambre criminelle de la Cour de Cassation française lorsque le tireur d’un compte régulièrement provisionné à l’origine, procède après l’émission d’un chèque à une opération de débit de son compte ayant pour effet de ne laisser au crédit de ce compte qu’une somme insuffisante pour payer le chèque ou du moins ayant pour effet de solder le compte

La nature de l’opération importe peu, il peut s’agir d’un virement, d’un retrait d’espèces, d’une émission d’autres chèques etc.

En exigeant que le tireur soit animé d’une intention de porter atteinte au droit d’autrui, le législateur met l’accent sur la mauvaise foi du tireur. C’est en ce sens qu’il procède au retrait de la provision tout en sachant que le chèque qu’il a émis n’a pas encore été payé.

Il y a blocage ou opposition au paiement lorsque le tireur fait défense à son banquier e payer un chèque. L’opposition n’est possible en vertu de l’article 84 du règlement UEMOA de 2002 qu’en cas de chèque perdu ou volé ou en cas de redressement judiciaire ou de liquidation des biens du porteur.

En revanche, sont répréhensible toutes les oppositions de complaisance et les blocages de provisions faites de mauvaise foi.

II- Les conditions liées a la violation d’une règle d’interdiction bancaire ou judiciaire et l’altération du chèque.


1. L’émission d’un chèque en violation d’une interdiction bancaire ou judiciaire


L’article 6 de la loi de 2008 prévoit que dans tous les cas prévus aux articles 2 et 3 la juridiction compétente en application de l’article 113 du Règlement UEMOA de 2002 interdit au condamné pour une durée allant de 1 à 5 ans d’émettre des chèques autres que ceux qui permettent exclusivement le retrait des fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés. L’incrimination englobe ici des situations diverses:

· Le banquier qui défend à son client d’émettre un chèque par suite de délits excessifs.

· ou encore une décision de justice qui doit prononcer cette interdiction comme une peine complémentaire lorsqu’un certain nombres d’actes ont été commis.

· Il peut également s’agir d’une interdiction consécutive à l’ouverture d’une procédure collective, si l’on sait que l’ouverture d’une procédure collective entraine automatiquement une interdiction pour le débiteur d’émettre un chèque soit sur son compte soit sur le compte de la société.

Cette interdiction bancaire ou judiciaire est également étendue aux mandataires du titulaire du compte et aux autres capitulaires du compte lorsqu’il s’agit d’un compte collectif souscrit avec ou sans solidarité.
L’infraction est réalisée même si le compte est provisionné, des lors que la création et la mise en circulation du chèque ayant lieu au moment de l’interdiction. La seule possibilité qui est offerte au tireur d’émettre un chèque concerne l’émission de chèques destinés seulement au retrait des fonds par le tireur lui-même auprès du tiré ou auprès des banques désignées par ce dernier.
Par ailleurs, tout banquier informé par la banque centrale doit s’abstenir de lui délivrer ou à ses mandataires des formules de chèques autres que celles autorisées. Et s’il était en possession de formules de chèques une injonction lui est faite de les restituer à son banquier.


2. les infractions liées à l’altération du chèque.


Elles correspondent à la contrefaçon et à la falsification du chèque ainsi que l’usage et l’acceptation du chèque contrefait ou falsifie.


A / la contrefaçon et la falsification du chèque


Ces délits sont prévus par l’article 3 de la loi 2008.
La contrefaçon consiste à imiter l’écriture et la signature du titulaire du compte sur un formulaire trouvé ou dérobé. Elle peut être le fait du tireur lui-même qui volontairement appose une signature fantaisiste sur un chèque qu’il émet après avoir avisé faussement sa banque de la perte de son chéquier.
L’infraction demeure même si le banquier qui a payé le chèque a été remboursé.
Pour renforcer le cadre de la répression, l’article 2 prévoit déjà une infraction à l’égard de toute personne qui en connaissance de cause fait usage d’un chèque volé.
Concernant la falsification, elle consiste à modifier les mentions inscrites sur un chèque régulièrement émis en changeant la somme ou le nom du bénéficiaire.
Soulignons que le titre appelé chèque de voyage n’est pas considéré par la jurisprudence comme un chèque au sens stricte du terme et par conséquent son altération ne peut pas être réprimé au titre de la contrefaçon ou de la falsification mais au titre de l’incrimination plus générale de faux prévu par l’article 130 du Code Pénal.
Pour ces infractions la loi n’insiste pas sur l’élément moral, on peut donc considérer qu’il s’agit d’infraction matérielle réprimé comme telle indépendamment de la bonne ou mauvaise foi du prévenu.


B / L’usage et l’acceptation d’un chèque contrefait ou falsifié


L’usage consiste en l’utilisation du chèque par son émission et sa mise en circulation soit par la présentation au paiement du tireur lui-même ou pour son endossement au profit d’un tiers.
Comme en matière de faux, de droit commun, la personne qui fait usage d’un chèque peut être une personne autre que celui qui a contrefait ou falsifié le chèque.
Il faut par ailleurs que l’utilisateur soit de mauvaise foi car la loi parle de l’usage du chèque en connaissance de cause.

Quant-à l’acceptation, il s’agit d’un délit qui ne peut être réalisé que par un porteur qui après avoir pris connaissance de la contrefaçon ou de la falsification reçoit le chèque avec une intention délictueuse.

Par ailleurs, et dans le souci d’atteindre tous ceux qui ont collaboré à la réalisation de ces infractions distinctes, les personnes qui en connaissance de cause fabriquent, acquièrent, détiennent, cèdent, offrent, ou mettent à disposition des matériaux, machines, ou toutes données conçues ou spécialement adaptées pour commettre la contrefaçon ou la falsification.

 

SECTION 2: SANCTION DES INFRACTIONS EN MATIÈRE DE CHÈQUES

L’article 2 de la loi de 2008 prévoit que l’émission d’un chèque sur un compte clôturé, le retrait de la provision , la défense faite au tiré de payer, l’acceptation de mauvaise foi d’un chèque sans provision de même que l’usage en connaissance de cause d’un chèque volé sont punis d’un emprisonnement fixe de 3 ans et une amende de 2 000 000 de francs.

La tentative de ces différents délits est puni au même titre que l’infraction consommée.

L’amende prévue pourra même être portée à 5 000 000 si le tireur est un commerçant ou s’il s’agit d’un récidiviste.

La loi apparait plus sévère lorsqu’il s’agit de la contrefaçon, de la falsification, de l’usage d’un chèque contrefait ou falsifié de même que l’acceptation d’un tel chèque. La peine d’emprisonnement prévue est de 5 ans et l’amende est portée à 10 000 000 de francs.