Comment se déroule l’instance d’un recours administratif ?

 L’INSTANCE (contentieux adminstratif)

L’instance, est l’appellation donnée au développement procédural découlant de la saisine du juge par la personne qui en a pris l’initiative.

I) les éléments constitutifs de l’instance.

A) Les parties.

 On distingue le demandeur du défendeur. L’administration peut également être demandeur, ce qui est assez courant.

 

  1. les parties originaires.

 Il peut y avoir un demandeur et un défendeur ou plusieurs demandeurs et/ou plusieurs défendeurs. Parfois il arrive qu’il soit assez difficile de savoir qui est le défendeur : pour les retraites c’est le ministère des finances…

 

  1. les intervenants.

 Ils sont reconnus dans le contentieux administratif de la même façon qu’ils le sont en matière civile. Ils peuvent prendre parti pour le demandeur ou pour le défendeur. Il leur faut la capacité à agir et un intérêt à agir. Leurs interventions doivent être faites par requête séparée, il n’y a aucune limite de délai.

Il y a trois catégories d’intervenants :

  • les intervenants accessoires : ceux-là se contentent d’appuyer le demandeur ou le défendeur mais ils ne font valoir aucuns droit propre. C’est souvent le cas des syndicats s’agissant d’une décision individuelle contestée par un fonctionnaire.

Section 15 juillet 1957 Ville de Royan : le requérant doit justifier que la décision juridictionnelle à intervenir est susceptible de porter préjudice à un droit défendu par cet intervenant.

L’intervenant devient une partie à l’instance si son intervention est acceptée ce qui lui permettra le cas échéant de faire appel seul.

  •  les interventions principales : situation dans laquelle l’intervenant développe des moyens propres et éventuellement des conclusions spécifiques. L’intervenant appuie le demandeur ou le défendeur mais avec des arguments distincts. L’intervention principal est une intervention « innovatoire » (ce mot n’existe pas) car elle est spécifique au demandeur et au défendeur : ce sont des prétentions propres et originales. En ce sens CE 6 novembre 1959 Dame POMAR. En général, ces interventions se situent surtout dans l cadre du RPC car dans le Recours en excès de Pouvoir on ne peut rien demander de plus que l’annulation.
  •  les interventions forcées : le juge ou une partie demande la mise en cause de quelqu’un d’autre dans le débat. Exemple : dans les accidents de travaux publics mettant en cause un fonctionnaire, une victime peut être l’administration qui emploi l’agent public, les organismes de sécurité sociale. En dehors de ces interventions, le juge peut de lui-même procéder à un appel en cause afin de rendre le jugement à intervenir commun à ne partie qui n’a pas été mise en cause ni par le défendeur ni par le demandeur. Le juge peut aussi mais uniquement dans le contentieux de l’excès de pouvoir mettre en cause une partie pour obtenir d’elle ses observations sur les conditions matérielles ou juridique du litige. Dans le contentieux de pleine juridiction, le juge ne peut pas mettre en cause une partie qui n’a pas été mis en cause, par le requérant par exemple.

 

B) Les conclusions.

 Ce sont les prétentions soumises au juge. Il y en a deux grandes catégories : l’annulation dans le cadre du Recours en excès de Pouvoir et la réformation d’une décision dans le RPC. On peut ajouter les conclusions à fin de fixation d’une amende dans le contentieux répressif. Dans le contentieux de l’interprétation on peut demander au juge d’interpréter et/ou d’apprécier la légalité d’un acte administratif. Toutes les autres conclusions sont considérées comme irrecevables. Il y a des conclusions principales et des conclusions subsidiaires, il y a même place pour des conclusions conditionnelles : par exemple si votre adversaire se désiste ou conclut à ce qu’il soit donné droit à ce désistement. Les conclusions reconventionnelles ne se trouvent que dans le RPC et non dans le Recours en excès de Pouvoir où l’on ne peut demander autre chose que l’annulation de l’acte.

 

C) Les moyens.

 Ce sont les arguments juridiques soumis au juge en vue d’obtenir un effet juridique portant sur l’annulation ou la réformation d’une décision. Ils peuvent être de fait ou de droit. De fait, ce sera la description la plus objective possible de la situation de fait, sans mensonge et sans omission. De droit, tout ce qui tient au bloc de normativité. On parle de moyens seulement pour le défendeur, pour le défenseur on parle d’observations.

Il existe aussi les moyens dits d’ordre public : ils appartiennent au juge.

 

  1. les moyens de légalité.

 Ce ne sont que les moyens tirés du bloc de normativité. Donc on ne peut pas invoquer devant le juge de l’excès de pouvoir des moyens tirés de stipulations contractuelles.

Deux arrêts sont importants : Ass, 8 janvier 1988 communauté urbaine de Strasbourg, le Juge Administratif considère que dans le contrat de concession de service public il y a à la fois des stipulations contractuelles (celles qui sont poursuivies) mais également des dispositions règlementaire qui s’opposent aux stipulations contractuelles et qui elles peuvent faire l’objet d’une demande d’annulation car règlementaires (CE Cayzeeles 10 juillet 1996). En dehors de cette situation, on peut invoquer des moyens de légalité externe et interne.

 

  1. les moyens voués au rejet.

Il y a trois cas :

  • Les moyens manquent en fait, c’est-à-dire que vous invoquez un moyen qui se révèle être matériellement inexact.
  • Les moyens irrecevables : soit parce qu’ils manquent de précision soit car il n’est pas de la compétence (exemple : vérifier la conformité d’une loi à la constitution).
  • Les moyens inopérants : le juge n’est jamais tenu d’y répondre. Ce sont des moyens qui même si ils étaient fondés seraient sans influence sur la décision du juge ; par exemple, soulever un moyen tiré de la violation de la CEDH, un moyen qui se heurte à une disposition législative, ou encore lorsque l’administration est dans un cas de compétence liée les moyens tirés de l’incompétence de l’auteur de l’acte et les moyens tirés d’un vice de forme.

 

  1. les moyens d’ordre public.
  •     leur nature :

 Le juge peut les constater à la condition que ces moyens ressortent des pièces du dossier, il ne peut pas ordonner de mesures d’instruction en vue de mettre en évidence un moyen d’ordre public : 21 octobre 1959 KORSEC.

En revanche, le demandeur et le défendeur peuvent les invoquer à tout moment de la procédure, même pour la première fois en appel.

Ils sont très nombreux, on peut les classer en deux catégories.

  • Ceux tirés de l’incompétence de l’auteur de l’acte. Ils sont toujours vérifiés par le juge, tandis que les vices de procédure ne le sont pas tout le temps. Lorsque le texte doit être soumis pour avis au CE et que ça n’a pas été fait, le Conseil d’Etat considère que l’illégalité est tirée de l’incompétence et non du vice de forme ! le Conseil d’Etat dans son narcissisme d’Empire et sa suffisance Enarquale se considère comme le véritable co-auteur.
  • Ceux tirés du champ d’application de la loi, entendu dans son sens large, c’est-à-dire bloc de normativité. Par exemple, le juge doit se poser la question
  •     la procédure :

 Le juge est tenu de soumettre au débat contradictoire le moyen d’ordre public qu’il soulève. Il doit en informer les parties, l’expliciter et les inviter à leur faire part de leurs observations. Cette obligation s’impose dans tous les cas, aucune exception. En l’absence de notification aux parties le juge ne peut soulever seul ces moyens d’ordre public. L’origine de cette procédure est la CEDH. Il y a une partie sur les exemples dans le plan : nous ne la verrons pas.

 

II ) l’instruction du recours.

Tous les recours doivent faire l’objet d’une instruction sauf si leur irrecevabilité est manifeste et insusceptible d’être couverte en cours d’instance.

 

A) Caractères généraux de la procédure

  1. Elle est écrite.

 Tous les actes de la procédure doivent faire l’objet d’un écrit. Ce caractère n’est pas exclusif d’une part de procédure orale. Les audiences permettent aux parties de compléter leur écriture, d’expliquer oralement un point particulier. Au niveau de la procédure d’urgence, le juge peut autoriser à développer un moyen mal ou insuffisamment formulé (par ex, dans le contentieux de la reconduite aux frontières).

La procédure est donc principalement écrite mais pas exclusivement. Le juge n’est pas tenu par les moyens développés exclusivement à l’oral.

 

  1. Elle est inquisitoriale.

 Le juge conduit et dirige l’instruction. A ce titre, il lui est possible de demander aux parties des compléments d’information, des éléments de fait ou de droit complémentaires, des pièces de la procédures… le juge peut se faire communiquer l’ensemble d’un dossier administratif.

Le juge utilise le procédé le plus simple, il n’est jamais tenu d’utiliser une voie juridictionnelle (lettre…). Dès l’enregistrement d’une requête, il est procédé à la désignation d’un rapporteur chargé de conduire l’instruction.

 

  1. Elle est contradictoire.

 Tous les éléments qu’une partie fournit doivent être communiqués aux autres parties : principe de l’égalité des armes. Il y a une exception : c’est la situation dans laquelle l’acte soumis au juge est un document pour lequel se pose la question de savoir si il est communicable ou non (arrêt du 16 juillet 1978). Dans ce cas le juge se fait porter le document.

La procédure du Conseil d’Etat est critiquable car elle pose comme principe que si une pièce ou un mémoire n’apporte rien de plus (selon l’avis du rapporteur), il n’est pas nécessaire de le communiquer aux adversaires.

Le rapport établi par le rapporteur n’est pas soumis au débat contradictoire de même que pour les conclusions du commissaire du gouvernement.

Récemment il y a eu une affaire étrange au CE : un avocat a consulté un dossier au greffe du TA. Figurait dans ce dossier avant l’audience, un projet e jugement avant de juger. Il l’a fait constaté par huissier et quand le jugement a été rendu il l’a contesté. le Conseil d’Etat n’a rien trouvé à redire !

Puisqu’il n’est pas possible de répliquer aux conclusions du commissaire du gouvernement, il est admis que les parties peuvent déposer, après l’audience et sous respect de la règle du contradictoire, une note en délibéré qui doit être communiquée aux autres parties.

B) Le déroulement de la procédure.

  1. La communication du mémoire.

 Dès l’enregistrement de la requête au TA, celle-ci est communiquée par le greffe sous contrôle du magistrat instructeur aux autres parties ainsi que les pièces qui elles le sont par LRAR (recommandé avec accusé réception). La communication est faite avec un certain nombre de précision, notamment le délai accordé au défendeur pour produire ses observations en défense. Ce délai dépend de chaque affaire (par exemple à la Réunion, quand le défendeur habite en métropole le délai est de deux mois).

Dans la procédure en urgence, le délai est de quelques jours voire même quelques heures. Lorsque le défenseur n’a pas produit ses observations dans le délai, le juge lui adresse une lettre de rappel. Si cette lettre ne donne aucun effet, il y aura mise en demeure avec un nouveau délai assortie d’une date limite pour le dépôt des observations en défense. Si ce délai et sa limite n’ont pas été respectés le juge statue sur la base des simples éléments fournis par le demandeur. Le juge considère qu’en ne répondant pas à la mise en demeure, le défendeur (qui il faut le remarquer porte dans ce cas mal son nom, parce qu’il défend pas grand-chose !) a acquiescé aux fins de la cause.

Aujourd’hui tous les greffes sont informatisés et l’on peut avec un code d’accès connaître l’état d’avancement de la procédure.

 

  1. Les mesures d’instructions.

 Elles sont en général, un complément de la preuve en droit administratif qui il faut le rappeler est libre. On peut en effet prouver par tout moyen, et il n’y a aucun formalisme. Le devoir du juge est d’obtenir si les preuves sont insuffisantes, des éléments supplémentaires pour asseoir sa décision. Le juge a parfaitement conscience qu’il y a une inégalité absolue dans les moyens dont disposent le requérant et ceux de l’administration en ce qui concerne la charge de la preuve. C’est une inégalité intrinsèque du requérant c’est pourquoi beaucoup de mesures d’instruction ont été prises pour l’aider. Comment prouver par exemple une faute médicale si il n’a pas accès au dossier de l’hôpital ?

Bien sûr les pièces qui sont rapportées par le requérant doivent suffire pour pouvoir déclencher des mesures d’instruction complémentaires. Toutes les mesures d’instruction sont possibles, elles sont seulement limitées par le caractère frustratoire de la mesure d’instruction. C’est-à-dire qu’on ne prendra pas de mesure qui seront inutile pour le débat et qui en plus porte préjudice : par exemple l’exhumation d’un corps.

L’arrêt Barel du Conseil d’Etat est important, 28 mai 1954 (GAJA) : si l’administration refuse de répondre à une mesure d’instruction le juge en tire les conséquences.

Quelles peuvent être ces mesures d’instruction ?

  • La vérification des documents administratif : le tribunal va désigner l’un de ses membres pour aller vérifier l’existence de certain documents administratifs et leur contenu.
  • La visite des lieux : utile lorsque sont en cause des points portant sur l’application des contrats d’urbanisme, exemple en cas de site remarquable ou a préserver. CE 1968 lotissement de la plage de Pampelone à Saint-Tropez. Il fallait savoir si ce site portait atteinte au caractère des lieux.
  • L’enquête à la barre : consiste à faire venir des témoins personnes physiques pour répondre à un certain nombre de questions. Elle nécessite un PV rédigé par le magistrat.

Il peut également y avoir des mesures d’instruction qui sont confiées à un technicien. Le tribunal en désigne un pour répondre à des questions comme la vérification d’écriture par un graphologue. Ces mesures d’instruction peuvent également être confiées à un expert avant tout jugement, la décision peut dépendre de l’expertise. Elles peuvent également être ordonnées aux termes de l’instruction au titre d’un jugement avant dire droit, dans ce cas elle porte sur des questions de faits. Elle peuvent être ordonnées par le juge même si les paries ne les ont pas demandées.

C’est le tribunal qui fixe la mission de l’expert. Ce cadre ne peut être dépassé par l’expert sans qu’il n’y ait un complément au titre de sa mission. Il est choisi par le tribunal. En général, le Tribunal Administratif utilise la liste dressée par la CAA des experts locaux, la Cour de cassation a quant à elle une liste d’experts nationaux.

Le Tribunal Administratif peut désigner toute autre personne qui donne des garanties scientifiques et d’indépendance en qualité d’expert. Il peut refuser la mission à lui dévolue, lorsqu’il connaît une partie au procès. En général, il accepte et prête serment de faire une expertise indépendante et impartiale.

Toutes ces opérations sont conduites selon le principe du contradictoire. L’expert entend les parties, pose les questions nécessaires. Il peut être assisté d’un sapiteur (c’est celui qui a une connaissance précise d’un domaine bien particulier), c’est l’expert de l’expert.

Une fois les opérations d’expertise achevées, l’expert rend un rapport qu’il adresse au juge et ce document est ensuite soumis au débat contradictoire pour faire l’objet de contestation. L’expert sera payé pour sa mission, c’est le président du tribunal qui fixe sa rémunération en fonction des frais qu’il a engagé. En fin d’expertise les frais suivront le sort des dépens. Il arrive que le tribunal demande à l’expert son avis sur un partage des responsabilités mais cet élément de l’expertise ne lie pas le juge. L’expertise existe dans de nombreux domaines : construction, domaine médical…on peut tout imaginer.

 

III ) La fin de l’instruction.

A) La clôture de l’instruction.

 Quand le juge estime que les parties ont suffisamment débattu, qu’il n’y a plus d’éléments nouveaux, il clôture l’instruction. Il y a deux régimes de clôture de l’instruction :

  • la clôture expresse : le juge prend par ordonnance insusceptible de recours la date de la clôture de l’instruction, cette ordonnance est notifiée aux parties.
  • La clôture automatique : trois jours avant l’audition l’instruction est stipulée close. En conséquence les parties ne peuvent plus ajouter ni mémoires ni pièces complémentaires mais jusqu’à l’ultime délai on peut déposer des pièces.

Il n’y a pas de caractère définitif de la clôture : si il apparaît des éléments nouveaux le juge peut prononcer la réouverture de l’instruction. Il déclare nulle et non avenue son ordonnance et en prendra une autre. Même lorsque l’affaire est évoquée à l’audition publique, le juge peut parfaitement différer la sortie du jugement et ordonner une mesure d’instruction complémentaire. Il n’y a jamais de clôture d’instruction dans les procédures d’urgence, on peut jusqu’à l’audition apporter des éléments complémentaires.

 

B) La convocation à l’audition.

  Elle est adressée par les Tribunaux Administratifs et les CAA par écrit et par lettre recommandée à la fois aux parties et aux avocats. C’est un formulaire obligatoire pour le Conseil d’Etat où la convocation n’est adressée qu’aux avocats. Ce dernier point est critiquable vis-à-vis de la CEDH.

Le délai normal est de sept jours pour le Tribunal Administratif et CAA et de quatre jours pour le Conseil d’Etat. Il n’y a aucune place pour un quelconque report d’audience pour quelques motifs que ce soit.

 

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