INSTITUTIONS ADMINISTRATIVES COMPARÉES
Pourquoi comparer ? Le juriste doit connaître les lois, la jurisprudence etc. Il n’a pas besoin de connaître les autres systèmes juridiques. En réalité, c’est une matière qui est plus utile qu’elle n’en a l’air.
La comparaison c’est sans doute l’une des conditions nécessaires pour que le Droit puisse être non seulement un ensemble de normes mais aussi une science.
On a toujours fait des comparaisons. On décrivait autrefois les voyages des législateurs de l’Antiquité qui voyageaient pour connaître les institutions du Monde.
Introduction
1. Pourquoi comparer ?
Fonction instrumentale : pour légitimer une position, soutenir une réforme
Deux sortes d’exemples :
1) La comparaison a été utilisée dans un sens apologétique. Au XVe siècle, John Fortescue écrit The governance of England pour opposer deux types de gouvernement :
– le gouvernement politique : on gouverne avec l’assentiment du peuple (Chambre des Communes). Cette gouvernance sous-tend des accords, des rapports complexes.
– le gouvernement tyrannique (le mode de gouvernement du roi de France)
2) Albert V. Dicey, dans An introduction to the study of the law of the constitution, étudie les droits français et anglais et les oppose.
Montesquieu (admirateur de la Constitution anglaise) publie en 1748 De l’esprit des lois, et livre la description de sa Constitution idéale. Dans le livre XI, Des lois qui forment la liberté politique dans son rapport avec la constitution, chapitre VI, De la constitution d’Angleterre. Montesquieu décrit un régime fondé sur la séparation des pouvoirs qu’il compara à la Turquie, à Venise, à la Hollande et dit que ce régime peut conserver la liberté politique mais il ne cite aucun élément anglais.
Il suffirait aujourd’hui de lire des essais, des déclarations politiques, pour s’apercevoir que très souvent ces références ne sont ni complètes ni exactes.
La comparaison comme instrument pour légitimer une proposition est courant. Cela peut viser à éclairer un processus réel de réforme.
Exemple : l’institution suédoise de l’ombudsman remonte à la Constitution suédoise de 1809. C’est une autorité désignée par le Parlement pour contrôler l’action royale. Il peut être saisi de plainte de manière non formalisée. Cette absence de formalisme explique qu’aujourd’hui sur 193 Etats, peu ne l’ont pas adopter sous une forme ou sous une autre.
Autrefois, la comparaison était utilisée dans le sens d’accélération de la modernisation d’un pays. Les gouvernants cherchaient les institutions dans le Monde celle dont la transposition pourrait leur être utile.
Exemple : La République turque a introduit le Code civil suisse dans les années 1920 car on pensait que c’était le Code le plus moderne. Le Japon a emprunté le Code civil français.
Ces transplantations marchent plus ou moins bien (Turquie). Mais dans certains pays, cela a pu aboutir à des résultats très négatifs : il y un droit officiel qu’on fait semblant d’appliquer et un droit appliqué réellement.
Fonction expérimentale
Dans le domaine du Droit et des institutions, il n’est pas facile d’expérimenter (même si on l’a inscrit dans la Constitution). C’est la raison pour laquelle l’Histoire ou la comparaison ont été utilisés comme substitut à l’expérimentation.
Cette démarche était celle de Tocqueville lorsqu’il s’est embarqué pour les Etats-Unis : il devait y examiner les établissements pénitentiaires. Quand il revient en 1835, il publie De la démocratie en Amérique. Dans son premier volume, il s’inspire de l’œuvre de Montesquieu et répertorie les lois, les mœurs et la géographie qui font la particularité des États-Unis. Puis dans le second, il détache une sorte « d’idéal-type » qui lui permet de comparer le fonctionnement américain avec ce qui se passe dans la société et la vie politique françaises.
Il est parti d’un constat : l’inexorable égalisation des conditions qu’il a vu se développer en Europe appelle selon lui une plus grande liberté politique. La démocratie doit donc remplacer la monarchie. Mais un problème demeure : l’égalité des conditions est-elle compatible avec l’exercice de la liberté ? Cette comparaison avec la société américaine permet à Tocqueville de révéler la tension qui se joue entre l’égalité et la liberté et d’avertir ses contemporains des dangers qui guettent la démocratie.
Pour Tocqueville, il ne s’agit pas de transposer aux institutions. Il s’agit d’apprendre et de comprendre : « Ne tournons pas nos regards vers l’Amérique pour copier servilement les institutions qu’elle s’est donné mais pour mieux comprendre celles qui nous conviennent. »
Si la comparaison est utile, c’est parce qu’au travers de la comparaison, nous sommes amenés à voir les aspects de notre système que nous ne voyons pas parce que nous sommes à l’intérieur.
La comparaison permet de dégager le savoir juridique des particularismes propres au contexte dans lequel chaque système juridique s’est formé.
2. Questions de méthode
Les lois des sciences de la nature sont les mêmes en Chine ou en Europe.
En revanche, on fait des comparaisons dans le domaine du Droit, des institutions, de la politique. On voit ainsi que dans notre domaine, le savoir n’est pas universel. La comparaison permet de faire apparaître des principes universels mais ils n’apparaissent pas sans elle.
Il en est ainsi car le Droit n’existe que dans des systèmes juridiques singuliers qui peuvent être observés dans des pays déterminés. Il est difficile de dégager le concept de ses manifestations observables d’autant plus que dans chaque pays on a naturellement tendance à considérer comme naturel et évident ce que l’on a à pratiquer de manière courante et habituelle.
Ceci appelle une remarque sur les institutions. La comparaison du Droit et la comparaison des institutions relève-t-elle de la même démarche ou y a-t-il des différences ?
Il y a deux façons d’envisager le Droit :
– Soit comme un système de normes que l’on étudie dans sa dogmatique. Selon cette approche, tout système se définit par une logique de concepts qui donne aux règles juridiques une certaine autonomie par rapport aux institutions, aux usages et aux enjeux socio-politiques. Dans ce cas, il est évident que la comparaison en Droit et celle en sciences politiques diffèrent. En sciences politiques, on doit prendre des facteurs exogènes (état de la société, Histoire etc.).
– Soit, on considère que le Droit ne peut être compris sans prendre en considération son Histoire, les circonstances dans lesquelles certaines normes, certaines institutions se sont imposées. Dans ce cas, la comparaison en Droit se rapproche de la comparaison en science politique.
En réalité, la définition de Droit comme simple système de concept rend impossible la comparaison et entretient l’idée d’une certaine naturalisation du Droit (fixation du Droit sur lui-même). La comparaison implique de prendre en considération les normes et des données historiques. Beaucoup d’institutions ne peuvent être éclairés qu’en recherchant leurs origines.
A partir du moment où on admet que la comparaison suppose de prendre en compte l’ « écologie » d’un système alors ce qu’apporte la comparaison c’est le « contrôle ». Quand on compare, on est en mesure de vérifier si les généralisations auxquelles on procède tiennent la route. C’est un outil critique, indispensable, si le Droit veut accéder à la qualité de discipline scientifique.
3. La comparaison dans l’étude du droit et des institutions : mise en perspective historique
Le Droit comparé est apparu comme une discipline savante au début du XXe siècle.
L’expression-même soulève une question. Elle entre en conflit avec la notion-même de Droit. Le Droit comparé ne s’applique à rien. C’est en fait la comparaison des droits.
Néanmoins, l’expression n’est pas venue par hasard. L’expression surgit en 1900 lors du Premier Congrès Mondial de Droit Comparé qui se tient à Paris. Le Droit comparé s’est développé dans un ensemble culturel et politique extrêmement restreint (Europe, Amérique du Nord, un peu Amérique du Sud). Il paraît improbable de comparer avec d’autres systèmes car on pensait que le Droit était étroitement lié au religieux (civilisation chrétienne occidentale). Il est né d’un regret et d’un effort de reconstruction d’une unité perdue.
Dans son ouvrage Histoire du Droit privée européen, Helmut Coing explique que pendant des siècles, la science du Droit s’était confondu avec l’étude du Droit romain et du Droit canon : c’était le Droit commun, le jus commune. Le Droit romain a contribué à la formation des juristes de toute l’Europe sauf ceux d’Angleterre. Il y avait donc une culture juridique commune d’autant plus qu’il était basé sur une langue commune : le latin.
A partir du XVe, mais d’avantage au XVIIIe siècle, ce jus comune recule pour deux raisons.
– D’une part, la doctrine du Droit romain est concurrencée par celle du Droit naturel.
– D’autre part, les Etats commencent à se former. Ils commencent à intervenir sur le Droit. Commence alors un processus de nationalisation du Droit : c’est le jus patrium.
Cette évolution se cristallise en Europe vers le milieu du XIXe siècle au moment de la Révolution industrielle et au début de ce que l’on appelle la mondialisation. Ces différents droits nationaux se séparent au moment où il y a d’avantage d’intérêt que les règles soient communes : Convention de Bern de 1914 sur les droits d’auteurs etc.
C’est dans ce contexte que beaucoup de juristes se fixent pour objet d’œuvrer à la reconstruction d’un Droit commun qui leur paraît plus qu’indispensable. Le Congrès Mondial de Droit Comparé de Paris de 1900, réuni par Raymond Saleilles et Edouard Lambert, a l’ambition d’œuvrer à cette reconstruction.
Le Droit comparé a toutefois deux limites :
– c’est le Droit commun des nations dites civilisées
– on n’envisage que le Droit civil, commercial or il y a l’émergence d’une autre forme du jus patrium : les Etats se dotent d’une Constitution, d’une administration. Cette nouvelle forme est absente des réflexions des fondateurs du Droit comparé même s’ils s’y intéressaient de par ailleurs.
Exemple :
Sous la Monarchie de Juillet, on a envoyé plusieurs missions en Bavière et dans le Wurtemberg pour étudier comment la fonction publique était organisée. A l’issue de la guerre de 1870, les trois départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle sont rattachés à l’Empire allemand. Strasbourg a une université de Droit allemande où Otto Mayer a enseigné. Il a étudié le Droit français qu’il jugeait plus libéral. Son premier livre de 1886 s’appelle Théorie du Droit administratif français. Il faut attendre 10 ans pour qu’il publie Droit administratif allemand. Dans cet ouvrage, il s’inspire des catégories du Droit administratif français et jusqu’à aujourd’hui, le Droit administratif allemand a conservé une notion étroite à l’acte administratif français.
L’Italie a été un pays de concurrence entre les juristes français et les juristes allemand et autrichien. Cette époque a donné lieu à des échanges importants entre les auteurs de cette époque (il suffit d’ouvrir un ouvrage de Duguit pour voir qu’il cite des auteurs allemands).
L’Histoire a connu des hauts et des bas dans ce domaine. Le contraste entre les années de 1920 et 1950 est saisissant. Les références entre auteurs dans les ouvrages en 1920 sont fréquentes. En temps de guerre, ce n’est plus le cas : c’est comme si chaque doctrine se repliait sur elle-même.
Aujourd’hui, lorsque la Cour de Justice rend une décision, elle compare car elle doit trouver une solution acceptable dans les systèmes des Etats membres. Il en va de même pour la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Idem pour l’élaboration des règles de Droit européennes.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le développement du Droit de l’union européenne ne conduit pas vraiment à une uniformisation. D’abord parce qu’il ne couvre pas tous les domaines. Ensuite et surtout, parce que, lorsqu’il est appliqué, il l’est souvent à la lumière du contexte juridique local. On ne peut pas se satisfaire de Droit de l’Union pour connaître le Droit applicable dans tous les pays membres.
En outre, si on consulte différentes versions linguistes, on peut être assez étonné. Par exemple, dans les directives concernant l’énergie, il est prévu que les Etats mettent en place des « autorités de régulation » alors que dans les directives concernent les communications électroniques, il est prévu que les Etats mettent en place des « autorités de réglementation ». Dans la version anglaise, il est question d’une seule expression « national regularity authorities ».
Les méthodes en Droit comparé
Deux approches :
– l’approche universaliste : celle de Saleilles et Lambert (Congrès Mondial de Droit Comparé de Paris de 1900), elle est aussi illustrée par les auteurs du Traité de Droit comparé parue en 1950.
– l’approche anthropologique, dans le prolongement de Montesquieu.
Chez Montesquieu, on trouve la méthode comparative moderne.
« La loi, en général, est la raison humaine, en tant qu’elle gouverne tous les peuples de la terre ; et les lois politiques et civiles de chaque nation ne doivent être que les cas particuliers où s’applique cette raison humaine.
Elles doivent être tellement propres au peuple pour lequel elles sont faites, que c’est un très grand hasard si celles d’une nation peuvent convenir à une autre.
Il faut qu’elles se rapportent à la nature et au principe du gouvernement qui est établi, ou qu’on veut établir ; soit qu’elles le forment, comme font les lois politiques ; soit qu’elles le maintiennent, comme font les lois civiles.
Elles doivent être relatives au physique du pays ; au climat glacé, brûlant ou tempéré ; à la qualité du terrain, à sa situation, à sa grandeur ; au genre de vie des peuples, laboureurs, chasseurs ou pasteurs ; elles doivent se rapporter au degré de liberté que la constitution peut souffrir ; à la religion des habitants, à leurs inclinations, à leurs richesses, à leur nombre, à leur commerce, à leurs mœurs, à leurs manières. Enfin elles ont des rapports entre elles ; elles en ont avec leur origine, avec l’objet du législateur, avec l’ordre des choses sur lesquelles elles sont établies. C’est dans toutes ces vues qu’il faut les considérer.
C’est ce que j’entreprends de faire dans cet ouvrage. J’examinerai tous ces rapports : ils forment tous ensemble ce que l’on appelle l’Esprit des lois. »
Montesquieu a conscience du fait que les lois ont des rapports entre elles avec leur origine. On ne peut pas comprendre une loi de manière isolée. C’est l’Esprit des lois. Montesquieu met à jour certains des problèmes permanents du contenu de la méthode. Il faut aller au delà des apparences lorsque l’on compare.
Montesquieu écrit au début de la formation des droits nationaux, du jus patrium mais l’ambition universaliste des comparatistes de la fin du XIXe siècle a fait quelque peu oublier les enseignements de Montesquieu.
Arapajon (?) distingue système juridique (oublié par Montesquieu) et Etat : « ensemble de personnes unies par qui ordonne soit tous les éléments soit au moins les principaux éléments de leur vie sociale et souvent aussi par des institutions juridictionnelles et administratives communes. » Elles doivent être suffisamment complètes pour que les hommes auxquelles elles s’appliquent soient reliés entre eux par une communauté de Droit.
Deux observations :
– la part du Droit pour régler leur vie sociale peut varier considérablement d’un Droit à l’autre. Il y a des sociétés qui fonctionnent moins au Droit, d’autre plus.
– une société se définit aussi par la communauté de Droit qui lie entre eux les membres de cette communauté. La communauté de Droit européenne ne fait pas disparaître les Droits nationaux : cela lie les membres de la société.
Les auteurs relèvent que les systèmes juridiques peuvent être plus nombreux que les Etats (ex : l’article 79 de la Constitution prévoit la possibilité d’adopter une loi de statut personnelle ; au Royaume-Uni le Droit d’Ecosse a des particularités notables par rapport au Droit anglais notamment en matière de propriété (Ecosse a une conception romaine, l’Angleterre de Common Law)).
« La diversité résulte surtout d’évènements accidentels, historiques. Elle n’est ni fatale ni inévitable. Les faits démontent les allégations de Montesquieu. » Les auteurs prennent pour exemple l’évolution des lois dans les pays faisant partie de l’Empire colonial français ou britannique pour faire valoir que la législation appliquée au Maroc ou en Inde est plus avancée que celle que l’on applique sur le territoire de la puissance dominante. Ce qui compte c’est la législation non le degré de civilisation, et que par la raison on peut produire des droits modernes.
La pratique de la comparaison
Elle comporte de nombreuses difficultés :
– la première est d’ordre linguistique. En économie, les notions sont la plupart anglaises. Les juristes n’ont pas cette chance : ils doivent lire dans la langue d’origine car la traduction dénature. Derrière des mots, il y a des concepts propres à un système.
– la deuxième consiste en une acculturation et une imprégnation du système juridique étranger. Il faut toujours, en effet, être attentif aux équivalents fonctionnels, aux effets de système, à l’histoire des institutions juridiques.
4. Champ de la comparaison : le choix d’une comparaison thématique fondée sur des cas exemplaires
Deux possibilités :
– prendre un certain nombre de pays et comparer de manière systématique (France, Allemagne, Espagne, Italie, Etats-Unis etc.)
– choisir des sujets et voir quels sont les pays pour lesquels il y a des solutions intéressantes à étudier.
5. Les variables prises en compte dans la comparaison : leur influence sur les institutions varie selon les thèmes et les pays
5.1 La dimension historique : la formation de l’Etat et les représentants de l’Etat
Le Droit administratif est absolument solidaire de la formation de l’Etat (jus patrium). Certains évoquent toutefois l’existence d’un Droit administratif sans Etat.
La part de l’Histoire a été bien démontré dans les écrits de Max Weber La vocation d’homme politique : « Toute entreprise de domination qui réclame une continuité administrative a besoin d’un état major administratif et d’autre part de moyens de gestion administrative ».
Il faut aussi tenir compte que les institutions qui se perpétuent peuvent changer de sens et de portée avec l’évolution de l’Etat (ex : Conseil d’Etat napoléonien n’était pas vraiment une institution inspirée par un esprit démocratique. C’est pourtant de cette institution qu’est sortie la justice administrative. A partir de la IIIe République, il détient la plénitude de juridiction bien qu’il ait conservé sa compétence consultative pour le gouvernement).
Enfin, il faut prêter attention aux conceptualisations du Droit qui sont liés à la formation de l’Etat et donc à des idéologies politiques. Les différences de conceptualisations peuvent néanmoins masquer des réalités très semblables (ex : au Royaume-Uni, lorsqu’on parle du Droit administratif, on ne parle jamais d’Etat (state est simplement utilisé en Droit international). En Droit interne, on parle de la couronne qui est titulaire de prérogatives qui sont au Parlement ou au gouvernement. On ne devrait pas en déduire qu’il existe des différences complètement radicales avec le Droit français. Au contraire, si on regarde ce qu’on entend par acte d’administratif dans la jurisprudence française et quelles conséquences s’y attachent, on remarque que les notions sont très proches).
Par la comparaison, on peut définir des notions pour comprendre, lire et interpréter des systèmes juridiques différents.
5.2 Le régime politique et le système des partis
Une fois reconnu cette évidence, il est difficile de caractériser l’influence de ces parties sur les institutions et leur fonctionnement. Au delà des hypothèses simple de parti unique ou de système bipartisan, il est difficile d’élucider. Et une fois ce travail fait, ce n’est encore pas suffisant.
5.3 La dimension économique : niveau de développement, niveau des prélèvements publics, formes et modes de la redistribution et de la solidarité sociale
Le niveau de développement, la force ou la faiblesse de l’économie. Celui-ci a une incidence sur le Droit. Si de la population sont issues des élites bien formées, on peut penser que l’Administration fonctionnera mieux. Problème de la corruption : souvent la population et pauvre et la seule source de richesses, c’est l’Etat.
5.4 La structure sociale : force ou faiblesse du capitalisme et des modes traditionnels d’organisation sociale
La dimension démographique, la densité de la population (la Chine ne s’administrera jamais comme la Suisse).
5.5 La dimension internationale : colonisation/décolonisation, l’intégration européenne, le rôle des grandes organisations internationales (FMI, Banque mondiale…)
L’Etat est le standard communément admis. Des Etats dictatoriaux donnent quand même à voir une Constitution, des élections, un Parlement etc.
Jusqu’au milieu du XXe siècle, le principal canal de diffusion était la colonisation ou l’imitation volontaire de pays qui se sentaient menacés et voulaient se moderniser.
Exemple : en l’espace de 30 ans, le Japon s’est complètement modifié : industrie forte, système juridique semblable aux pays européens, Constitution.
A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, les questions que se posent les européens et le dépeçage de l’Empire Ottoman. La politique turque (Mustafa Kemal) a consisté à rompre avec l’héritage ottoman et à importer des institutions (législation, création d’un Conseil d’Etat, mesures sur la tenue vestimentaire, alphabet latin) pour européaniser la Turquie.
Il y aussi des échecs comme en Iran. En 1906, une révolution a conduit à l’adoption d’une Constitution et la mise en place de conseils pour doter une administration élective l’ensemble du pays. Cette révolution a échoué et, tout en gardant l’apparence d’une Constitution, on a repris le sillage de l’ancienne Perse.
Les organisations internationales sont des facteurs de diffusion et d’unification : ONU mais aussi une série d’institutions spécialisés qui ont une influence beaucoup plus grande comme le FMI, la Banque Centrale, l’OCDE… Ils promeuvent des réformes administratives censées améliorer l’efficacité de l’Etat essentiellement en Afrique, Amérique Latine et Asie. Ces réformes administratives accompagnent souvent l’octroi de crédits et conditionnent dans une large mesure les crédits qui sont accordés (cf. les plans d’ajustement structurel). L’Union Européenne a joué un rôle semblable vis-à-vis des pays issus de l’ancien bloc soviétique via des accords de coopération. Une certaine unification s’est donc opérée qui concerne essentiellement l’administration économique, la gestion publique et le Droit des organisations bancaires et financières.
Le problème qui se pose dans les pays concernés est la façon dont toutes ces dispositions se mêlent : héritage de la tradition, Droit introduit par l’ancienne puissance coloniale ou hégémonique, institutions imposées par les organisations internationales.
Dans les années 1960, Fred Riggs s’intéresse à ce phénomène dans son livre Contributions to the Study of Comparative Public Administration. Il propose une interprétation globale des sociétés confrontées à un processus de modernisation. Son analyse est fondée sur la sociologie fonctionnaliste américaine (fondée sur deux principes essentiels : la différenciation et les facteurs d’intégration).
La conclusion est que cette société est une société faiblement différenciée et mal intégrée. Dans les sociétés occidentales, le processus de différenciation s’est accompagné de mécanismes d’intégration ce qui a permis aux institutions politiques de lier des sous-systèmes différents qu’il s’agisse de la vie économique, des sociétés rurales… Dans ces pays, le phénomène de différenciation ne s’est pas complètement développée et ne s’est pas accompagné de mécanismes d’intégration et c’est pourquoi il parle de société prismatique. Il prend le phénomène de diffraction du rayon lumineux qui traverse un prisme. Cette société est l’intérieur du prisme : la lumière ne se décompose pas ; les choses restent floues.
Il montre que dans ces sociétés, les structures qui se forment cumulent des fonctions qui se sont davantage différenciées dans des pays européens ou d’Amérique du Nord. Selon Riggs, la situation prismatique découle de l’imposition de modèles nouveaux sur des sociétés traditionnelles. En apparence, ces modèles fonctionnent de façon autonome, mais derrière eux, la logique des anciennes structures domine, donnant lieu à une société prismatique. Par exemple, les structures familiales, les organisations religieuses continuent d’assumer des fonctions économiques qui rendent plus difficile le fonctionnement pur de mécanismes de marché ou encore influencent le fonctionnement des institutions administratives en pesant sur le recrutement des fonctionnaires ou sur les processus de décision.
Il arrive à la conclusion que ces systèmes ne sont pas amenés à quitter ce stade de société prismatique.
Cet auteur a été très critiqué car dans les années 1960, il y a une autre doctrine qui est celle des stades successifs du développement (économie rural -> économie industrielle -> économie tertiaire). C’est l’époque du Plan pour l’Amérique latine lancé par Kennedy.
On voit bien aujourd’hui, un demi siècle après, que malgré la volonté d’affirmer l’universalisme de certaines valeurs humaines, le fonctionnement des sociétés reste hétérogène. Néanmoins, il y a des contre-exemples à la théorie de Riggs, dans les pays qu’il a étudiés : le Brésil d’aujourd’hui n’a rien à voir avec ce qu’il était.
Un autre facteur d’analyse est le patrimonialisme, élaboré par Max Weber : « la logique de domination domestique s’étend au-delà de la maison » et par conséquent à ce qu’on pourrait appeler un espace politique. Il désigne la confusion chez le titulaire du pouvoir de la sphère du droit public avec la sphère privé. Le patrimonialisme n’est pas quelque chose réservé aux pays du Tiers Monde. Il caractérise aussi la formation des Etats européens (Au début de la dynastie capétienne, le roi de France se comportait vis-à-vis de son domaine comme un seigneur puis principe d’inaliénabilité du domaine royal notamment affirmé dans l’Edit de Moulins de 1566).
Première partie
Le gouvernement et l’Administration
Nous allons nous intéresser à deux problèmes :
– l’organisation gouvernementale
– les appareils administratifs
L’Administration et le gouvernement sont étroitement liés (le gouvernement ne peut assurer sa mission sans l’Administration ; l’Administration participe à la fonction gouvernementale).
La façon dont la fonction gouvernementale est organisé varie considérablement en fonction de deux facteurs principaux : d’une part le régime constitutionnel et d’autre part le régime des partis politiques. Dans tous les cas, l’un des problèmes que l’on cherche à résoudre est d’assurer la subordination de l’Administration au pouvoir politique.
Nous allons également étudier comment est organisé l’Administration centrale, quels sont les moyens mis à disposition pour remplir les missions qui lui sont assignées. Si le modèle de base, c’est l’administration ministérielle, ce mode d’organisation a été fortement concurrencé. On assiste à une diversification qui vise à parvenir à une meilleure efficacité de l’action.
Chapitre I – L’organisation gouvernementale
Dans tous les pays, les régimes constitutionnel et des partis ont une influence. Il est plus difficile de connaître leur influence précise.
Section I – L’influence du régime constitutionnel
On va tout d’abord s’intéresser au système américain puis généraliser.
Etats-Unis
Qu’est-ce qu’un régime présidentiel ? Ce n’est pas un régime dans lequel le président est élu au suffrage universel direct. C’est un régime dans lequel il y a un président qui cumule des fonctions de chef d’Etat et de chef de gouvernement. Il est élu pour un mandat fixe c’est-à-dire qu’il n’y a aucune procédure de type constitutionnelle qui permette de mettre un terme au mandat avant son terme.
Il n’a pas d’avantage de moyens d’actions pour mettre fin au mandat du pouvoir législatif.
Il s’agit d’un système rigide de séparation des pouvoirs.
Ce système a été introduit aux Etats-Unis par analogie avec la façon dont fonctionnait à l’époque la Monarchie britannique. Le président était une sorte de monarque élu par un corps électoral restreint, qui était chargé du pouvoir exécutif sous le contrôle d’un Congrès, également élu.
Ce qui caractérise les Etats-Unis, c’est qu’ils ont la même Constitution depuis 1787 c’est-à-dire plus de deux siècles. Elle a connu des amendements mineurs (un des plus gros changement : limitation à deux mandats pour le président).
Le paradoxe des Etats-Unis se situe à plusieurs niveaux.
1° D’abord, c’est un régime constitutionnel qui ne donne aucun moyen pour résoudre les crises entre exécutif et législatif. En effet, de nombreux régimes présidentiels dans le Monde ont donné lieu à des coups d’Etat. Entre 1946 et 1984, Riggs a fait le total : deux en Corée du Sud, cinq au Pérou etc.
2° Ensuite, le président des Etats-Unis est tout puissant en apparence. Dans le système américain, il y a beaucoup de dispositifs et de pratiques qui limitent considérablement les pouvoirs du président au moins sur le plan intérieur.
L’augmentation du plafond d’emprunt de l’Etat fédéral a ainsi conduit à une grave crise entre l’exécutif et le législatif avant qu’un compromis ne soit finalement trouvé. Néanmoins, un certain nombre de dispositifs aboutissent à réduire les tensions et à prévenir les crises.
E ce qui concerne la présidence, le fédéralisme, l’essentiels des décisions de politique intérieure sont prises par les Etats membres. La réforme de l’assurance médicale obligatoire représente une exception par rapport à l’activité courante du président. Les enjeux de politique intérieure sont donc moins forts aux Etats-Unis que dans d’autres pays où davantage de politiques sont décidées au niveau central.
La plupart des autres régimes présidentiels correspondent à des Etats beaucoup plus centralisés.
Dans la politique intérieure, le Congrès dispose de pouvoirs très importants qui dérivent de son pouvoir de faire la loi et de son pouvoir budgétaire. En outre, le président a des pouvoirs limités.
La principale caractéristique du Congrès, c’est que s’il y a des oppositions violentes entre démocrates et républicains, il s’agit des deux seuls partis qui dominent. Ces partis sont eux-mêmes assez hétérogènes de sorte qu’il peut arriver que des accords puissent se passer avec des personnes du camp adverse. Pour négocier, on dispose de moyens budgétaires et de postes.
En outre, les américains votent peu. La participation électorale se situe à un niveau relativement bas. Pour Obama, moins de 60 % des électeurs ont vote et habituellement, c’est moins ! En outre, ce sont surtout les classes moyennes qui votent. Les classes pauvres votent beaucoup moins. Par voie de conséquence, le Congrès n’est jamais la Chambre d’échos de mouvement populiste, des mouvements sociaux.
Le président n’est pas élu directement. Les électeurs élisent les grands électeurs qui élisent le président. Dans les autres pays de régime présidentiel, il est élu directement. On fait du président un personnage porté par un mouvement populaire : le risque de conflit a plus de chance de se présenter.
Concernant le fonctionnement, il y a des dispositions qui aboutissent à amoindrir les pouvoirs du président. Ces pouvoirs sont définis lapidairement par l’article 1er de la Constitution des Etats-Unis : le président exerce le pouvoir exécutif. Il est le chef de l’Administration. A ce titre, il nomme des secrétaires (nos ministres) lesquelles ne forment pas un cabinet : ils n’ont pas la possibilité d’adopter une décision collégiale. Le choix du président est quand même limité car ces secrétaires, comme les juges fédéraux, sont subordonnés à l’accord du Sénat. Un conflit avec le Sénat conduirait à le mettre en difficulté politique.
Ensuite, le président dispose d’un assez large réglementaire puisqu’il est chargé l’exécution des lois. La Constitution ne fixe pas de limites aux pouvoirs du président. C’est seulement dans l’article consacré au Congrès que l’on trouve les matières sur lesquelles le Congrès légifère mais cela délimite simplement les compétences de l’Etat fédéral et des Etats fédérés. Le président peut ainsi prendre des mesures dans des matières où le Congrès n’a pas légiféré.
En revanche, traditionnellement, le président n’avait pas de moyens administratifs propres. Le président n’avait pas non plus l’initiative des lois. Cela a changé en plusieurs étapes. Une étape décisive a été le New Deal. Après la guerre, la présidence de Johnson a également augmenté les moyens.
Ces moyens ont été regroupés dans le White House Office. Ce bureau n’a cessé de se diversifier et de gagner en importance avec des mesures qui ont officialise le rôle de deux groupes d’organes qui n’avaient même pas d’existence officielle.
Aujourd’hui les éléments les plus importants sont le bureau exécutif du président, le Conseil des conseillers économiques (principal organe de politique économique générale), le Conseil de la qualité de l’Environnement, le Conseil National de sécurité, le bureau de l’Administration (chargée de l’amélioration du fonctionnement de l’Administration fédérale), … chargé de la préparation du budget. En outre, il y a un bureau chargé de la politique des stupéfiants etc.
Le bureau exécutif du président peut donner naissance à de nouvelles structures administratives en son sein.
Il arrive que de tels services quittent le bureau exécutif et soient rattachés à l’Administration ordinaire.
Le nombre de personnes employées est de 1870 agents au niveau de personnel de conception.
Le gonflement de la présidence a été peu à peu officialisé. Depuis les années 1970, le Congrès a imposé que les principaux responsables de ces structures soient nommés avec l’accord du Sénat comme les secrétaires. Le Congrès a ainsi repris un certain contrôle sur le développement de cette Administration présidentielle.
Cette Administration est loin de pouvoir décider de tout car en matière de politique intérieure, le pouvoir doit être partagée.
Le fonctionnement du Congrès repose dans une large mesure sur des commissions et des sous-commissions spécialisées. Elles se caractérisent par le fait que l’on est nommé président à l’ancienneté. Ceci a deux conséquences :
– très forte spécialisation des membres du Congrès (dans le domaine de la commission à laquelle ils appartiennent)
– ils ont intérêt à rester dans la même commission
Cela doit assurer l’indépendance du président or plus un membre est ancien, plus les lobbies ont intérêt de travailler avec lui, de le soutenir, d’assurer sa réélection.
Ce système aboutit ainsi à une sorte de mécanisme triangulaire qui met en relation une commission ou une sous-commission, une Administration fédérale ou une partie de cette Administration et les groupes d’intérêt qui sont directement concernés par le domaine d’action.
Ce système se forme car chaque Administration dépendent pour leur objet du vote du Congrès. Elles ont intérêt d’avoir de bonnes relations avec les groupes d’intérêt qui sont en contact avec les membres du Congrès qui votent le budget pour qu’ils prennent les décisions les moins défavorables à leur sujet.
L’essentiel de la politique intérieure se fait pour l’essentiel au sein du congrès entre les commissions, les lobbies et les Administrations fédérale. Lorsque le président intervient, c’est sur des sujets qui présent un caractère fédéral (raz-de-marée en Louisiane) ou car il a voulu promouvoir une grande réforme comme l’assurance maladie.
Si on considère la masse des décisions importantes, tout cela se décide sans intervention directe du président.
Ceci contribue à éviter les tensions qu’en principe le régime présidentiel nourrit.
En définitive, la stabilité du pouvoir américain tient à des facteurs exogènes par rapport au régime lui-même : (partage entre Congrès et Administration ; partage entre Etat fédéral et Etats fédérés).
En définitive, les Etats-Unis qui sont présentés comme l’archétype du régime présidentiel, font figure d’exception. Les pays qui ont un régime présidentiel sont caractérisés par une centralisation et une certaine instabilité.
Pays d’Amérique latine
Les pays qui doivent retenir l’attention sont d’abord des pays d’Amérique latine.
Grande différence :
– économique : accéder à la présidence, c’est disposer des ressources alors qu’aux Etats-Unis ce n’est pas dans le pouvoir fédéral mais dans les banques et les entreprises.
– le pouvoir est plus centralisé, même lorsque l’on a un régime fédéral (Brésil, Argentine, Mexique). Il contrôle davantage de ressources, davantage de pouvoirs législatifs. De ce fait, très tôt, l’idée s’est imposée que le président élu ne peut pas être réélu (moyen d’éviter que le chef de l’exécutif ne s’arroge tous les pouvoirs). Avec le temps, on a fait voter des modifications constitutionnelles permettant la réélection du président (ex : Uribe en Colombie). Un seul pays n’a pas révisé : le Costa-Rica. Cela a eu pour conséquence des manœuvres inconstitutionnelles ou des coups d’Etat pour rester au pouvoir.
– on a essayé d’instaurer des relations institutionnelles entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. On a ainsi donné une certaine consistance au cabinet. Par exemple, la Constitution de l’Argentine prévoit que le président dispose d’un gouvernement et le chef du cabinet a le pouvoir de contresigner les actes du président et assume une responsabilité politique devant le Congrès (élément du régime parlementaire).
– on retrouve des partis politiques nombreux et très disciplinés mais il n’y a pas d’opposition idéologique évidente.
Brésil
Le pays qui a le plus évolué est le Brésil. C’est un Etat fédéral qui a un régime présidentiel. La Constitution adopté en 1988 a été modifiée à plusieurs reprises.
Le président est élu pour 4 ans au suffrage universel direct avec la possibilité d’une seule réélection (révision en 1997). Il assure la direction e la politique nationale. Il participe à la procédure législative (différence avec les Etats-Unis). Il dirige l’Administration fédérale. Il nomme et révoque les ministres. Les ministres ne sont pas responsables devant le pouvoir législatif. En revanche ils peuvent être interrogés par l’une ou l’autre chambre du pouvoir législatif. Ils sont tenus de ratifier les décrets. Il peut prendre l’initiative des lois et opposer son veto aux lois.
Sur le plan des pouvoirs propres, il a sur certain point des pouvoirs plus importants, sur d’autres plus étroits . Dans certains cas, il peut exercer directement la procédure législative. C’est le cas lorsque le Congrès charge le président d’élaborer la loi.
Dans les années 2000, la fonction législative a été très utilisé et renforcé par la technique des décrets-législatifs. En cas d’urgence, le président peut prendre un décret ayant force de loi qui doit être ensuite confirmé par le Congrès. On l’a qualifié d’arbitraire. Dans le système brésilien, le Congrès est très indépendant, et dans une large mesure aujourd’hui l’expression politique des grands Etats.
En ce qui concerne le pouvoir réglementaire, les pouvoirs sont beaucoup plus restreints. Il ne peut faire de règlement que sur la base d’un texte (article 84). Il ne peut faire que ce que la loi lui autorise de faire.
Le problème du Brésil a été l’instabilité et des conflits institutionnels entre le président et le Congrès. Parce que les présidents ne pouvaient pas contourner l’opposition du Congrès, ils ont souvent démissionné ou fait un coup d’Etat (Vargas après les élections de 1930 ; et en 1964).
Les conflits institutionnels sont encore très forts et mènent à la corruption. Il est impossible de faire autrement pour adopter certains textes (Marcou).
Russie
La Russie est l’une des quinze républiques qui formaient l’union soviétique (territoires avaient des statuts particulier : région autonome etc.) Après la dislocation de l’URSS, le régime fédéral a été le moyen de reconstruire l’unité de la Russie. Il y a d’abord eu un traité fédéral en 1992.
La Constitution de 1993 établit un régime hybride qui ressemble à un régime présidentiel mais emprunte aussi à la Constitution française.
D’un côté, on a l’élection du président au suffrage universel direct pour 6 ans. Il peut être réélu une fois.
D’un autre côté, la Constitution ne qualifie pas la fonction du président du point de vue de la conception classique des pouvoirs. Elle confie le pouvoir exécutif à un gouvernement présidé par un premier ministre et qui est responsable devant la Chambre basse. La Douma peut renverser le gouvernement mais les conditions sont assez exigeantes pour que le cas ne se soit jamais produit pendant la période d’instabilité qui a caractérise la présidence de Boris Eltsine.
Formellement, on a les éléments d’un régime parlementaire. Mais en réalité, il ne peut guère s’appliquer.
En revanche, une partie du gouvernement relève de l’autorité directe du président.
Le premier ministre dirige le gouvernement et est nommé par le président. Le président nomme les ministres fédéraux. Il préside les réunions du conseil des ministres.
La Constitution prévoit qu’un certain nombre de domaines d’activités sont placés sous les pouvoirs du président : Défense, sécurité, affaires intérieures, Justice, ministère des situations d’urgence (catastrophe naturelle ou technologique). De ce fait, un certain nombre de ministres sont placés directement sous l’autorité du président.
Après l’élection de Medvedev en 2008 à la présidence et la nomination de Poutine comme chef du gouvernement, il y a eu quelques adaptations qui reflètent que l’homme fort du système restait Poutine. A été créé un présidium dans lequel siège sous la présidence du premier ministre, tous les ministres y compris ceux placés sous l’autorité directe du président.
Le président dispose d’un appareil administratif très important composé de fonctionnaires et d’experts qui pilotent l’ensemble de la politique au niveau fédéral. Elle est dirigée par un chef nommé par le président. C’est une sorte de super premier ministre.
Il se distingue du système américain car il est plus centralisé. C’est le pays fédéral dan le Monde qui contient le nombre le plus importants d’unités fédérés (85). Les gouverneurs sont élus par la Douma, et non au suffrage universel, sur la proposition du président lequel doit présenter une personne qui a la majorité à l’assemblée régionale mais le partie Russie unie domine la plupart des assemblées régionales.
En outre, le pays est divisé en huit districts fédéraux à la tête desquels il y a un plénipotentiaire nommé par le président.
Section II – L’influence du régime de partis
Le régime parlementaire se caractérise par le fait que le pouvoir exécutif dépend au moins en principe du pouvoir législatif puisque le gouvernement doit disposer d’une majorité au Parlement. Sans cette majorité, il est exposé au risque de voir sa responsabilité politique mis en jeu.
Il y a donc séparation entre la fonction de chef de l’Etat (pouvoirs dépendant de considération d’ordre historique) et de chef du gouvernement (chef de l’exécutif).
Dans les monarchies, le chef d’Etat n’a plus qu’un rôle cérémonial : Royaume-Uni, Suède. Au Danemark, il n’a même aucun pouvoir.
En revanche, dans les Républiques, il peut avoir un rôle important même si ce n’est pas lui qui conduit la politique de l’Etat. Par exemple, en Italie, le président est important dans la mesure où la formation de gouvernement est toujours compliquée.
Le chef de l’Etat a un rôle plus important dans les Républiques que dans les monarchies.
Les partis politiques ont presque mécaniquement un rôle direct important dans le fonctionnement de l’Etat. Ce sont eux qui dégagent des majorités sur lesquelles un gouvernement peut s’appuyer.
On peut distinguer plusieurs systèmes parlementaires :
Un premier élément de qualification : les pouvoirs propres dont dispose le chef du gouvernement par rapport aux autres membres du gouvernement. Dans certains pays, il dispose d’une autorité générale de fonctionnement sur le gouvernement (1°). Dans d’autre, son rôle consiste essentiellement à assurer l’exécution d’un accord politique de coalition (2°).
1° Là où ils sont le plus important : Royaume-Uni, France, Allemagne, Espagne. L’Italie est un cas particulier.
Quels sont les éléments favorables à l’autorité du chef du gouvernement ?
En Allemagne, le chancelier a une position qui procède de dispositions constitutionnelles. Selon la Loi Fondamentale, il est proposé au Bundestag par le président fédéral, est élu seul et sans débat par le Bundestag et ensuite, le chancelier nomme les ministres. Cela permet de donner au chef du gouvernement une autorité particulière qui le distingue des autres membres du gouvernement.
Cependant, dans le fonctionnement fédéral, la Loi Fondamentale a pris soin de réintroduire des éléments qui impose un fonctionnement collégial. En effet, s’il y a un désaccord entre le chancelier fédéral et un ministre, ce n’est pas le chancelier fédéral qui a nécessairement le dernier mot. Le différend sera réglé par le collège des ministres ; il se peut ainsi que le chancelier se trouve en minorité. En France, s’il y a désaccord, c’est le premier ministre qui arbitre.
Les ministres disposent de pouvoirs qui sont consacrés par la Loi Fondamentale : il est le chef de son département et a une compétence sectorielle qui est entière (ressortsprinzip). De ce point de vue, le chancelier a moins de pouvoirs que le premier ministre français n’en a sur ses ministres. Il nomme également les secrétaires d’Etat. En France, les directeurs de ministères sont nommés en Conseil des ministres.
Le système espagnol a été inspiré par la Loi Fondamentale toujours dans le but d’assurer une cohésion du gouvernement et malgré tout un régime parlementaire. Il a repris la défiance constructive : le gouvernement est responsable devant le Bundestag mais ce dernier ne peut voter une motion de défiance et renverser le gouvernement qu’à la condition d’élire un autre chancelier qui suppose un accord politique suffisant. Ce système a aussi été repris en Belgique.
Au Royaume-Uni, le chef du gouvernement a des pouvoirs extrêmement étendus, voire sans limite puisque le Royaume-Uni n’a pas de Constitution écrite. Il y a simplement des conventions constitutionnelles qui règlent les rapports entre le Parlement et le gouvernement. La reine nomme le premier ministre (chef du parti vainqueur). Le dernier gouvernement est un gouvernement de coalition entre conservateurs et libéraux. Cette situation a bien montré que dans le système britannique, la place de la monarchie était limitée (même avec une division au Parlement). Ce sont bien les partis qui structurent la vie politique, le gouvernement et son organisation.
Tant que le gouvernement a une majorité à la Chambre des communes, l’autorité du premier ministre est entière. C’est lui qui choisit ses secrétaires d’Etat, qui fixe le format des réunions du gouvernement, qui fixe la date des élections (il n’y a pas de durée fixe de mandat pour la Chambre des communes ; juridiquement c’est la reine qui dissout le Parlement). Dans le système britannique, ce qu’on appelle le gouvernement est un ensemble très nombreux : ce n’est pas seulement les secrétaires d’Etat (nos ministres), ce sont aussi les ministres (nos secrétaires d’Etat) ce qui donne à peu près 100 membres.
Cela a une conséquence très intéressante pour le premier ministre : tous ces membres sont solidaires ce qui assurent 100 voix à la Chambre. Le gouvernement ne se réunit jamais, c’est le cabinet, qui ne réunit que les secrétaires d’Etat les plus importants. Au sein de ce cabinet, il peut encore y avoir des réunions restreintes décidées par le premier ministre.
Le premier ministre a donc une autorité considérable sur le gouvernement.
Le cabinet ainsi formé est soutenu par un appareil administratif assez léger. C’est l’équivalent du secrétariat général du gouvernement. C’est un organe de support au fonctionnement du cabinet : des commissions préparent les délibérations.
Comme il n’y a pas de Constitution écrite ni de contrôle de constitutionnalité, le chef du gouvernement a les mains libres aussi longtemps qu’il a une majorité. Il concentre de nombreux pouvoirs.
Le premier ministre perd le pouvoir s’il y a un changement de majorité ou s’il est chassé par son propre parti Ainsi, Margaret Thatcher a été déchargée de sa fonction de chef du groupe majoritaire au profit du nouveau leader John Major.
Rectificatif : Parlement vient de voter une loi qui fixe le domaine d’action gouvernementale. Cela n’exclut pas la dissolution du Parlement.
Le Droit constitutionnel britannique relève de prérogatives royales, d’autres sont régies par des lois du Parlement. Cependant, comme c’est le Parlement qui est le véritable siège de la souveraineté, il est toujours possible au Parlement de légiférer sur un point qui relève de la prérogative royale. Ainsi, le contenu de la disposition change et passe sous le contrôle du Parlement.
Le rôle des parties apparaît bien en Allemagne. Le Bundesrat, représentant les landers, est un corps formé de représentants des gouvernements des landers (très différent du Sénat américain où ils sont élus). Ils disposent de deux à six voix selon la population du land.
Aujourd’hui, les gouvernements des landers sont aussi élus sur une base partisane. Il y a des partis qui sont dans la coalition gouvernementale au niveau d’un land mais dans l’opposition au Bundesrat. En fonction de la conjoncture politique, si le gouvernement fédéral perd les élections au niveau régional, il va être chassé du gouvernement au niveau régional, des partis d’opposition prennent le contrôle, et sont représentés au Bundesrat où ils risquent de faire du forcing sur les lois fédérales.
Si le gouvernement du land est une coalition entre un parti majoritaire et un parti d’opposition au niveau fédéral, on neutralise les voix.
2° Dans certains pays, il est plus difficile de former des majorités : Pays-Bas, Danemark, Belgique, Suède. Du point de vue constitutionnel, ils satisfont à tous les critères d’un régime parlementaire (chef d’Etat, chef de gouvernement, gouvernement responsable devant le Parlement). Mais les gouvernements sont toujours issus d’une coalition car le Parlement est élu à la représentation proportionnelle.
Dans ces systèmes, il faut négocier une coalition après les élections. Sur quoi va-t-on se mettre d’accord ? L’arithmétique joue un rôle mais aussi la compatibilité des programmes. On décrit point par point ce qui va être fait. Des ministres sont alors nommés pour réaliser cette coalition.
Au Pays-Bas, le rôle du chef du gouvernement consiste à veiller au respect de la coalition, à mener des négociations pour prévenir et guérir les désaccords et représenter le gouvernement au niveau européen. Par conséquent, le pouvoir propre du chef de gouvernement est assez restreint. Il est habituel de nommer une commission pour préparer les mesures prévues.
Ce mode de fonctionnement renforce l’autonomie des ministères par rapport au chef du gouvernement : cela a des conséquences sur la gestion des ministères (chaque ministère est responsable de sa politique en matière de personnel).
En Belgique, ce mode de fonctionnement se trouve faussé par les divisions qui oppose la Flandre et la Wallonie. C’est plutôt l’opposition régionale que l’opposition des partis qui explique la situation.
Le cas de l’Italie est assez différent. Traditionnellement, l’Italie est caractérisé par un régime multi-partisan dans lequel le chef du gouvernement est un chef de coalition dont il est tributaire.
Il y a plusieurs différences avec les régimes vues précédemment. Après la guerre, la Démocratie Chrétienne était le parti dominant. Le Parti Communiste Italien, jusque dans les années 1990 (25 % des voix), était exclu des coalitions. Par conséquent, tous les gouvernements après-guerre étaient dirigés par des démocrates chrétiens (quelques uns par des socialistes).
Opération mains propres au début des années 1990 a discrédité la démocratie chrétienne. Elle s’est alors divisée en plusieurs groupes. Il y a eu une totale reconfiguration de la vie politique italienne. Le Parti Communiste s’est sabordé.
C’est dans ce contexte que s’est organisé un nouveau pôle des droites. Il réunit des groupes de la Démocratie Chrétienne, l’Alliance du Nord et la Ligue du Nord (principal soutien de Berlusconi). Il y a un parti d’opposition : le Parti Démocrate.
L’Italie connaît une stabilité politique qui contraste avec l’instabilité des années 1990 avec un chef de gouvernement assez controversé. Il y a eu une certaine recentralisation du pouvoir.
Le chef du gouvernement est doté d’attributions administratives importantes. Il nomme les ministres. Le président du Conseil des ministres est nommé par le président de la République. Le conseil des ministres détermine la politique générale du gouvernement. C’est lui qui décide de poser la question de confiance aux chambres (à la Chambre des députés ou au Sénat).
Le président du conseil des ministres notamment en ce qui concerne le pouvoir de nomination sous réserve d’un avis favorable des commissions.
Le président de la république signe le décret pour convoquer les élections. Si un chef de gouvernement peut provoquer des élections anticipées, le président doit l’accepter.
Le Conseil des ministres disposent aussi de deux pouvoirs très importants dans la conduite de son action. Le premier consiste à faire des décrets-lois et le second à faire des décrets-législatif.
Le décret-législatif, comme une loi, est voté par le Parlement pour habiliter le gouvernement à prendre des dispositions (il s’agit à peu près des ordonnances de l’article 38). Ils doivent être pris conformément à l’habilitation et confirmé par un vote du Parlement. C’est la voie privilégiée pour toutes les réformes récentes.
Le décret-loi, au contraire, est une mesure de portée législative que le Conseil des ministres prend pour faire face à une situation d’urgence, particulière. La durée de validité de ces décrets-lois est limitée. Ils seront ratifiés par le Parlement.
Les problèmes ont été résolus par le transfert à des échelons inférieurs. La Constitution italienne prévoyait les régions. Mais elles n’ont été mises en place qu’en 1970. Les pouvoirs importants ont été donnés au niveau régional notamment avec des réformes de 1995 et 2010.
Section III – Les modes de subordination de l’administration au pouvoir politique
Dans les pays de tradition libérale, on considère que l’organisation de l’administration doit concilier deux principes :
– subordination au pouvoir politique : principe de légitimité démocratique
– indépendance des fonctionnaires : l’Administration est assurée par des professionnels recrutés selon des procédures objectives.
Dans tous les pays il y a différentes pratiques qui ont été introduites pour assurer la subordination de l’Administration au pouvoir politique.
On pourrait distinguer trois modèles :
– politisation partisane
– neutralisation partisane
– politisation limitée
1) Les modèles de politisation partisane
Ces modèles sont assez nombreux. Le moyen le plus sûr est de nommer des gens de confiance. Il y a le fameux spoil system aux Etas-Unis : cela remonte à la présidence d’Andrew Jackson élu en 1828. Un pas a été fait vers la démocratie en ce sens que dans la plupart des Etats, le suffrage est devenu universel sauf pour les esclaves. Jackson se méfie des bureaux fédéraux et gouverne sans eux. Il décide que pour bien gouverner, il faut nommer ses proches. Ce système a progressivement été remis en cause après que l’on se soit rendu compte qu’il avait pour conséquence d’empêcher le recrutement de gens compétents mais en plus de favoriser la corruption.
A partir de la fin du XIXe siècle, on instaure le merit system. Ce système a été progressivement étendu aux Etats membres. C’est aujourd’hui le système le plus implanté.
Il y a d’autres systèmes partisans.
Le système à parti unique (ex : Nomenclature en ex-URSS).
Dans les pays qui sont habitués à des gouvernements de coalition, on rencontre fréquemment des pratiques ayant pour objet des accords de partage des postes entre les partis politiques. Ce système consiste à considérer la détention des gros postes de l’Administration comme un point important de négociation.
Il est parfois allé très loin. Par exemple en Belgique, il y avait un système de notation des postes et en fonction du nombre de points affectés à chaque poste, les partis discutaient l’affectation des postes. En
Autriche, idem mais cette fois, il associait le principal parti d’opposition. Jusqu’aux années 1980, il y avait un partage de pouvoir entre le parti social-démocrate et le parti chrétien-démocrate et dans le bus de pacification des rapports (guerre civile entre les partisans), le parti d’opposition avait droit à un nombre de postes : propors.
Il y a des inconvénients : les personnes nommées ne sont pas nécessairement les plus qualifiées. En outre, la situation la plus défavorable pour accéder à certains postes est de n’appartenir à aucun parti. C’est un facteur d’opportunisme politique.
2) Le système opposé est la neutralisation politique de la fonction publique.
Ce système s’est imposé en Grande-Bretagne au milieu du XIXe siècle après l’adoption du rapport Northcote-Trevelyan. C’est dans un contexte d’alternance que l’on revoit la pratique clientéliste de l’Administration. Jusque là, elle était peu de choses au niveau des effectifs. Cela persistera jusqu’à la première guerre mondiale.
A partir du moment où le parlementarisme s’installe et l’alternance s’impose, on s’interroge sur les inconvénients d’une logique qui voudrait que chaque nouveau gouvernement remplace les fonctionnaires par des personnes ayant sa préférence politique. C’est dans ce contexte que le rapport émet l’idée d’une Administration permanente, stable et neutre sur le plan politique. Les fonctionnaires doivent pouvoir servir indifféremment les libéraux et les conservateurs. En contrepartie, ils s’abstiennent d’avoir une activité politique. On s’est donc mis à recruter sur la base du mérite et non plus de la faveur.
Ce service est à la base du civil service : ce sont les fonctionnaires employés par la Couronne. La reine s’est imposée que l’Administration soit permanente, que les ministres n’aient aucun pouvoir de choix dans la nomination dans les hauts postes. Par exemple, le permanent secretary (interlocuteur direct du secrétaire d’Etat) est choisi à l’ancienneté dans le corps des hauts fonctionnaires.
La contrepartie de cette neutralité c’est l’interdiction d’avoir une activité politique : ils ne peuvent jamais être candidat à une élection. Il y a quand même des enseignants à la Chambre des communes puisqu’ils ne sont pas fonctionnaires.
Il a commencé à être remis en cause avec des ministres qui se plaignaient d’être à la merci de leurs fonctionnaires. C’est à partir de 1981 (Thatcher) que ce système a été remis en question. L’attaque est venu sous l’angle du management : elle a fait valoir que ce système ne pouvait pas donner du dynamisme à l’Administration et qu’il fallait recruter les personnes pour les hauts postes. Derrière la réforme de l’organisation administrative (création des agences exécutives), on changeait le mode de nomination des hauts postes. Le permanent secretary n’a ainsi plus autant de pouvoirs qu’avant.
Le système britannique a été repris dans de nombreux pays de Common Law mais sans être appliqué avec la rigueur du Royaume-Uni jusqu’aux années 1980. On a gardé l’idée d’absence d’activités politiques pour les fonctionnaires. Mais ils ont eu le même tournant managérial.
3) Dernier système est la politisation limitée.
C’est le système français qui a été exporté avec des quelques différences en Espagne par exemple. Les fonctionnaires sont protégées mais un certain nombre de postes sont à la décision du gouvernement. Ils donnent lieu à une liste publiée par un décret en Conseil d’Etat. Dans ces postes, le gouvernement peut donner la personne qui lui convient à condition de satisfaire aux conditions minimales d’accès aux emplois publics. Ce peut être des fonctionnaires et des haut-fonctionnaires. On peut remplacer à tout moment le titulaire du poste. En France, cela représente environ 500 postes. Ces postes sont dans l’administration d’Etat : directeurs et directeurs généraux de ministère, secrétaires généraux, préfets, recteurs d’académie, chefs de mission diplomatique. En dehors la nomination et le retrait dans des postes d’administration est subordonné aux règles de la fonction publique. Il est admis la nomination par décret en Conseil ministre du Directeur général du CNRS (CE, 1962, Tessier).
Ce compromis a été repris dans la fonction publique espagnole après l’adoption de la Constitution de 1978.
Dans les pays d’Europe de l’Est, ce système n’a pas fonctionné. La préférence partisane a prévalu.
A côté des ces pratiques, il y a la pratique des cabinets ministériels. Ici, la question est la suivante : ministre nommé à la tête d’une Administration, qui ne peut pas choisir les hauts fonctionnaires, de quelles ressources peut-il disposer en vue de mettre en œuvre sa politique ? Différentes techniques existent.
Il y a celle du cabinet ministériel. Ce cabinet ne fait pas partie de l’Administration : c’est l’entourage du ministre qui nomme discrétionnairement ses conseillers. Ce système est apparu dès les débuts de la IIIe République et s’est développé. En particulier sous la Ve République il a progressivement changé de caractère dans la mesure où la plupart des membres du cabinet ministériel ont été recrutés parmi les hauts fonctionnaires alors que sous la IIIe République, ils étaient choisis parmi les membres du parti.
Le cabinet assure le secrétariat privé du ministre, la fonction de conseil politique et le contrôle de l’Administration. En effet ce sont les services qui préparent les projets de loi et le cabinet du ministre à remplir sa mission de direction.
Ce système a été critiqué car les membres du cabinet peuvent absorber les tâches qui relèvent normalement du bureau du ministère. La contestation s’est développée au milieu des années 1970 ce qui n’est pas étonnant car c’est à ce moment là que la production de l’ENA commence à être visible dans les postes supérieurs des ministères et dans les cabinets. Le rapport Pick La France, une nation ouverte sur le monde préconisait différentes mesures dont celles consistant à réduire le rôle des cabinets. Le seul à avoir tenté de réduire leur rôle a été Juppé : il y a eu un affaiblissement des relations entre cabinet et fonctionnaires et de niveau de préparation des mesures.
Ce système est inexistant en Allemagne, au Royaume-Uni est au Pays-Bas.
Au Royaume-Uni, le cabinet ministériel est un mode de fonctionnement en contradiction avec la philosophie du système britannique puisque le ministre doit s’appuyer sur une Administration publique neutre. Traditionnellement, un ministre britannique n’a pas de conseillers. Comme cela avait quelques inconvénients, il y a des systèmes de substitution.
D’abord, le secrétariat privé est assuré par un fonctionnaire qui sera son collaborateur immédiat.
Le conseil politique doit venir du permanent secretary qui mobilise les fonctionnaires de ses services.
Quelles ressources ? 1° On a utilisé le concours des sous-ministres qui concourent à la gestion d’un grand ministère en exerçant les tâches que le ministre leur attribue. Mais ces sous-ministres sont nommés par le premier ministre. 2° On peut faire appel aux parlementaires du parti à la Chambre des communes voire à la Chambre des lords. 3° Faire appel aux centres d’étude et de réflexion du parti (universitaires notamment).
La fonction de direction est celle qui est la plus difficile à assurer car il ne dispose que de sous-ministre et n’a pas beaucoup de moyens.
Petit à petit, on a vu apparaître des special advisers. Ils sont apparus d’abord au bénéfice du premier ministre, recruté ou non au sein des personnalités dont il a pu vouloir s’entourer. Après le premier ministre, les ministres ont obtenu aussi la possibilité d’avoir un special adviser. En 1995, Un civil service order in Council (décret pris en Conseil de la reine) a permis au premier ministre de nommer jusqu’à trois conseillers spéciaux au 10 Downing Street avec le pouvoir d’adresser des instructions aux fonctionnaires au nom du premier ministre.
Les ministres ont également eu des special advisers. A la fin du gouvernement Brown, il y a eu un projet de réforme présenté en 2007 qui prévoyait de restreindre le rôle des conseilleurs spéciaux en limitant leur pouvoir d’adresser des instructions aux fonctionnaires.
En Allemagne, il y a des fonctionnaires politiques prévus par la législation. Il est à mi-chemin entre fonction publique et cabinet ministériel. Le fonctionnaire politique est nommé dans un emploi de l’Administration fédérale : directeur général, secrétaire d’Etat. Il est fonctionnaire au sens juridique du terme pendant la durée où il occupera le poste. Au terme de son mandat, s’il n’est pas fonctionnaire, il ne peut pas être intégré dans la fonction publique. Sa mission est de conduire la mise en œuvre de la politique du premier ministre.
On retrouve ce système dans l’administration des landers.
Chapitre II – Les appareils administratifs
On va se concentrer sur les Administrations centrales.
Dans tous les pays, la base de l’organisation centrale, ce sont les ministères. Il y a cependant une grande diversité dans le mode de fonctionnement des ministères. Ce n’est pas non plus le mode exclusif d’Administration. On a vu se développer des formules concurrentes : administrations nationales (Suède, Finlande)
Les appareils administratifs ne se limitent en outre pas aux ministères. On a assisté à l’émergence d’organismes extérieurs sous l’autorité du gouvernement qu’on a parfois voulu doter d’un statut indépendant.
L’administration ministérielle a fait l’objet depuis les années 1970-1980 de critiques. On a cherché des modes alternatifs sous l’influence de doctrine qu’on a coutume de regrouper sous l’appellation new public management. Cela a débouché sur des réorganisations administratives qui se nomment souvent agence.
Section I – L’administration ministérielle : caractéristiques générales et diversité
Dans tous les pays, le gouvernement se compose de ministres qui dirigent des ministères bien que la terminologie puisse varier. En Angleterre, ce qu’on appelle department est un ministère. De même que tous les ministres ne s’appellent pas ministre. En Angleterre, il porte le titre de secretary of State ; aux Etats-Unis, ce sont des secretary (subordination car régime présidentiel).
Un ministère en Suède n’a toutefois rien à voir avec un ministère français ou espagnol ou allemand. Il y a une très grande diversité. Par exemple, à Stockholm, le ministère des finances est un tout petit immeuble.
Typologie des ministères pour représenter les différentes modalités d’organisation :
– Ministère traditionnel
– Ministère réduit à l’administration centrale que l’on trouve dans des Etats fédéraux.
– Ministère plus réduit dans des pays où leur fonction se réduit à un état-major.
– Ministère composé de structures multiples, éclatés sur lequel le ministre a autorité : ministère central d’agences.
Dans un même pays, on peut trouver différents types de ministère en fonction de l’histoire, en fonction des domaines d’intervention…
Quelles sont les variables qui expliquent ces différences ? Des facteurs constitutionnels (Etats fédéraux), d’ordre socio-politique (relations avec les intérêts organisés), la volonté d’avoir une organisation homogène.
Comment sont créés et supprimés les ministères ? Les réponses sont différentes selon les pays. En France et en Allemagne, c’est une prérogative de l’exécutif (article 34 et 37 en France : c’est le premier ministre qui détermine les ministères, leur intitulé etc ; Chancelier fixe le nombre, l’organisation et les compétences des ministères à l’exclusion des ministères prévus par la Loi Fondamentale). Dans d’autres pays en revanche, c’est une loi. C’est le cas en Italie, en Espagne, aux Etats-Unis. Au Royaume-Uni, il y a un certain nombre de ministère qui sont soumis à prérogative royale : ministère de l’Intérieur, des finances, des affaires étrangères. D’autres relèvent de la loi. Le fait que la loi intervienne conduit à une plus grande stabilité de l’organisation ministérielle mais c’est assez relatif (Italie).
1° Le ministère traditionnel
Il s’agit d’une administration hiérarchisée placée sous l’autorité du ministre qui réunit des fonctions de conception, de direction, d’exécution des politiques et même de gestion administrative. Centralisation et hiérarchisation sont deux maître-mots.
En France, l’une des formes du développement administratif, ce sont les services extérieurs subordonnés à l’Administration centrale mais établis dans les circonscriptions administratives.
Ce mode d’organisation s’est retrouvé dans les pays soumis à l’influence napoléonienne. On le retrouve en Italie, en Espagne, en Europe centrale, dans certains ministères aux Pays-Bas. C’est également le mode de fonctionnement des exécutifs fédéraux aux Etats-Unis.
2° Le ministère réduit à l’Administration centrale
On a une Administration plus légère car elle ne dispose pas de services territoriaux. On rencontre ce type de ministères dans les pays qui pratiquent le fédéralisme d’exécution.
C’est le cas en Allemagne et en Suisse. De ce fait, les ministères fédéraux n’ont pas de service propre dans les landers (la Loi Fondamentale leur interdit d’ailleurs d’en avoir). La Suisse est un peu un régime présidentiel sans président : il y a une séparation des pouvoirs fortes mais il n’y a pas de président. Les cantons se distinguent par leur position géographique, par la langue, la religion. Il y a un co-gouvernement entre les composantes de la Suisse. L’organe exécutif est le Conseil fédéral, organe collégial dans lequel chaque membre dirige un ou plusieurs départements de l’Administration fédérale. Ce sont les cantons qui sont chargés d’exécuter les lois fédérales.
Le cas de l’Autriche est différent. Le chef du gouvernement d’un land est également un agent du gouvernement fédéral.
On rencontre ces ministères dans d’autres pays qui pratiquent l’administration indirecte. Les autorités locales se voient consentir de larges pouvoirs d’Administration. Cela a été longuement le cas au Royaume-Uni. Hauriou avait fait d’ailleurs une observation juridiquement fausse : du point de vue juridique, une autorité locale ne pouvait disposer de pouvoirs que ceux qu’elle tenait explicitement d’une loi du Parlement. Ce n’est que dans les années 1980 que l’on a vu se développer des services territoriaux.
3° Le ministère état-major
Les services du ministère ne sont pas chargés de l’administration. On rencontre ce système en Suède et en Finlande. L’essentiel de l’administration est confiée à des structures qui ne sont pas placées sous l’autorité du ministre. Le ministère c’est essentiellement un ensemble de services de conception, d’élaboration, de soutien au ministre.
4° Le ministère central d’agences
L’Administration centrale est assez réduite mais le ministère dispose d’établissements publics, d’entreprises publics ou d’autres types d’organisme qui forment un ensemble éclaté mais qui est en principe chargé de mettre en œuvre les missions du ministère. On a parfois parlé d’agences.
Quelque fois, au nom de la logique managériale, on a délibérément développé ce type d’administration dans le but que les agences, disposant de ressources propres, soient plus efficaces.
Les ministères au Pays-Bas et au Danemark sont souvent organisés de cette manière.
En France, un ministère s’est développé sous cette forme : ministère de l’Environnement. Aujourd’hui, on a le ministère de l’Ecologie, du développement durable, des transports et du logement. Il n’y avait pas de services extérieurs donc il s’est appuyé sur nombreux établissements publics qui lui donnaient l’expertise nécessaire à sa mission qui existent toujours (ADEME) mais ils sont désormais regroupés avec ceux de l’ancien ministère de l’équipement. On a aussi de nombreux établissements publics nationaux rattachés aux ministères. Même quand ils s’appellent agence, ce sont le plus souvent des établissements publics.
Aux Pays-Bas, on leur a donné le nom commun d’organismes administratifs autonomes mais une partie d’entre eux relèvent du Droit privé.
Au Royaume-Uni, on a aussi développé ces formes d’organisation sous le terme de Quasi Autonomous Non Governemental Organisations (QUANGO). Ces organismes se divisent en deux catégories : executive ou non executive (Non Departmental Public Bodies). Elles ont été créés au coup par coup par l’Administration et sont aujourd’hui dans le collimateur de Cameron pour faire des économies.
Section II – Les « administrations nationales » en Suède et en Finlande
Qu’appelle-t-on les directions nationales ?
La Suède et la Finlande ont le même système car pendant très longtemps la Finlande a fait partie du royaume de Suède. Quand elle est passée dans l’Empire russe, elle a conservé un système administratif autonome.
Ce modèle procède d’une réforme d’une période importante de l’histoire Suédoise promue par Gustave Adolph entre 1610 et 1632 qui a entrepris d’organiser l’administration sur la base de collèges autonomes.
Après le règne de Gustave Adolph, ce mode a été conservé et on a vu se développer des agences centrales que l’on a appelé administration. Les ministères ne sont parvenus dans l’administration qu’en 1844. Quand on a créé les premiers ministères, l’administration était déjà organisé sur la base de ces organisations nationales placées sous l’autorité directe du roi. On a donc mis les ministres sans changer l’organisation. C’est aujourd’hui le mode d’organisation qui caractérise la Suède.
Un certain nombre d’évolutions historiques et institutionnelles ont donné ces traits actuels. C’est seulement ne 1809 que la Suède se donne une Constitution d’un régime de monarchie limitée. L’administration royale est placée sous le contrôle du Parlement par l’ombudsman. A cette époque s’impose également dans le but de protéger les sujets du royaume le fait que les chefs des différentes administrations prennent des décisions individuelles de manière indépendante du roi et peuvent faire l’objet d’une responsabilité pénale. C’est l’éventualité de cette responsabilité pénale qui explique l’autorité acquise de l’ombudsman dans son contrôle. Il avait la possibilité de saisir le Chancelier de Justice pour poursuivre.
Le régime parlementaire s’est imposé très lentement et il faut attendre la Constitution de 1874 pour que le principe de la responsabilité parlementaire du gouvernement et du premier ministre soit formellement reconnu. En réalité elle a été déjà acquise de manière coutumière. L’institution du premier ministre est le début de la parlementarisation.
Se compose d’un gouvernement parlementaire présidé par un premier ministre. Ce gouvernement dirige l’Administration de la Suède. Il a absorbé les prérogatives royales. Les ministres ont un ministère mais ce n’est qu’un état-major puisque l’Administration est assurée par les « administrations nationales ».
La Constitution de la Suède précise que ces autorités ne sont pas placées sous l’autorité d’un ministre mais sous celle du gouvernement dans son ensemble. Cela ne veut pas dire que le gouvernement ne dirige pas ces administrations : il dispose d’un certain nombre de moyens comme le budget, il adresse des directives politiques aux autorités administratives nationales, enfin il a le pouvoir de nomination et de remplacement.
Ce système a posé beaucoup de questions lors de l’intégration à l’UE. Quel impact de l’élaboration des normes communautaires sur l’administration suédoise ? L’essentiel des compétences techniques de l’Administration étant regroupés au sein des autorités administratives de l’Etat, ce sont les fonctionnaires qui vont participer aux réunions à Bruxelles. Les ministres d’autorité politique risquaient de se retrouver couper des décisions. La responsabilité des ministres devant le Parlement pouvait être vidée de son contenu. La Suède a décidé de conserver son système traditionnel.
La Constitution a été révisée pour rappeler que les autorités administratives de l’Etat sont placées sous l’autorité du gouvernement et qu’elles doivent exécuter les politiques qu’il détermine.
Un ministre suédois n’a ni pouvoir réglementaire, ni pouvoir d’instruction, ni pouvoir de révision des décisions individuelles prises par les autorités administratives. Ses orientations doivent être portés par le gouvernement.
C’est en raison d’une analyse managériale de l’administration que le système suédois a retenu l’attention dans les années 1970-1980 car avec ce mode d’organisation, beaucoup de fonctions administratives sont confiés à une organisation spécialisée. Actuellement en Suède, il existe environ 400 autorités administratives.
Section III – Les « commissions réglementaires » aux Etats-Unis et au Canada
Le système américain est à l’origine de bien des malentendus. On utilise couramment le terme d’agence. Or le mot agence dans le système américain ne désigne pas un type particulier d’organisation administrative. Ce qu’on appelle agence c’est l’unité de base de l’organisation administrative américaine. Elle est toujours créée par le Congrès comporte des caractères généraux et en particulier le régime juridique des décisions administratives qu’elles soient individuelles ou réglementaires est le même qu’une décision qui émane d’une agence dite indépendante (commission réglementaire) ou d’une agence dans le sens de département du pouvoir exécutif.
Ensuite, il est vrai qu’il y a plusieurs catégories d’agences. On peut en distinguer trois :
– les commissions réglementaires fédérales ou agences indépendantes qui se caractérisent par le fait qu’elles ne sont pas placées sous le contrôle du président et qu’elles ont une direction collégiale. Cette collégialité est renforcée par la coutume de la composition bipartisane de la commission. Les membres ou les commissaires sont nommés par le président pour une durée fixe et le mandat est toujours plus long que celui du président de manière à assure leur indépendance.
– les agences qui constituent les départements du pouvoir exécutif. On est en présence d’une administration ministérielle.
– les agences exécutives indépendantes, qui se sont beaucoup développées depuis 20, 30 ans. Elles sont indépendantes car elles ne sont pas intégrées à un département ministériel mais elles sont quand même placées sous le contrôle du président et d’un secrétaire. Selon les cas, leur indépendance est plus ou moins grande selon le statut de la direction et les conditions dans lesquelles le directeur peut être révoqué.
Il faut relativiser cette classification car il n’y a aucun texte qui la pose. C’est une classification doctrinale. Il y a un régime posé par le Congrès par catégorie. Toute ceci donne quand même l’allure d’un système assez fragmenté et assez dispersé. Certains l’ont qualifié de polycentrisme administratif.
D’où viennent ces commissions réglementaires soustraites à l’autorité exécutive et placées sous le contrôle du Congrès ? Elles ont une histoire qu’on pourrait faire remonter jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. On n’avait pas une idée très claire de ce qui distinguait l’Administration et la Justice. Il n’était pas rare que les Cours de Comté exercent des attributions administratives. L’origine directe de ces commissions, c’est un conflit entre les producteurs de céréales du centre des Etats-Unis et les compagnies de chemin de fer sans lesquelles les producteurs ne pouvaient acheminer leurs récoltes vers les marchés. A la fin du XIXe siècle, les compagnies pratiquaient des prix prédateurs contre lesquels les producteurs ont protesté. Plusieurs lois sont venues limiter les tarifs pratiqués. La Cour Suprême a invalidé ces lois jusqu’à ce qu’en 1877, dans l’arrêt Munn c/ Illinois, la propriété revêt un intérêt public quand elle est utilisé de telle sorte qu’elle présente un intérêt public et qu’elle affecte la communauté dans son ensemble. Dans ce cas, lorsqu’un propriétaire loue l’objet de sa propriété à un usage qui présente un intérêt public, il est considéré comme ayant accordé un intérêt au public à son usage et doit subir un contrôle de la part de ce dernier au nom du bien commun. Elle reconnaît ainsi la constitutionnalité de la réglementation des tarifs. Elle a rendu un autre arrêt Wabash de 1886 : sur la base de la Constitution (le Congrès a le pouvoir de réglementer le commerce entre les Etats), elle juge que les Etats fédérés sont incompétents pour légiférer sur des compagnies de chemin de fer traversant les Etats. C’est de la compétence fédérale. Ces deux arrêts marquent la naissance de l’interventionnisme économique aux Etats-Unis. Cela a donné naissance à la première commission réglementaire : l’Interstate Commerce Commission inspiré de la British Railway Commission.
L’origine de cette commission réglementaire appelle une remarque. Lorsqu’on la crée en 1887, on n’a pas l’idée de créer une commission indépendante du président des Etats-Unis. Seulement, deux années plus tard est élu le président Harrison. Or celui-ci était très lié aux compagnies de chemin de fer et une loi a été votée consacrant l’indépendance de cette commission.
La première technique du modèle a été la création du Federal Trade Commission pour la législation anti-trust. Par la suite, en 1920, on a créé la commission fédérale pour l’énergie puis celle pour les communications en 1934 etc.
Parallèlement à cette évolution, s’est engagée une autre évolution tendant à réintégrer certains de ces organismes dans l’administration fédérale. On ne peut pas tracer de règles d’ensemble. C’est au cas par cas que les statuts ont été modifiés : Commission fédérale de l’énergie, de l’environnement. On a parfois même supprimé les commissions réglementaires et leurs attributions ont été reprises par un département (Interstate Commerce Commission).
Aujourd’hui, si on veut faire un bilan, on peut dire qu’il subsiste quelques commissions réglementaires indépendantes sous la forme comme on l’a vu précédemment (collège, composition bipartisane, soustraite à l’autorité du président, contrôle du Congrès, mandat fixe).
Les commissions fédérales indépendantes ont été l’objet d’un profond malentendu en ce qui concerne leurs pouvoirs à la suite de l’arrêt de 1935 Hymphrey’s Executors. Un obitur dictum a défini les pouvoirs de l’agence comme étant des pouvoirs de nature quasi-législative, quasi-exécutive, quasi-judiciaire contre le principe de séparation des pouvoirs. Si elles ont bien le pouvoir d’adopter des règlements dans les limites des domaines que le Congrès leur a attribués, c’est dans le respect de la hiérarchie des normes. En outre, les sanctions qu’elles prennent (défaut de licence par exemple) peuvent faire l’objet d’un recours judiciaire.
Néanmoins, cet arrêt a déformé la perception de ces institutions. On s’en est inspiré lors de la création des AAI.
De même, on a associé à ces commissions réglementaires fédérales des administrative judges mais on les retrouve ailleurs, dans d’autres autorités administratives.
On a interprété ce modèle comme étant de nature permettant une administration économique capable d’être indépendante du pouvoir politique et de promouvoir plus facilement la concurrence.
Le modèle américain a été copié au Canada, dans des pays d’Amérique Latine et en particulier dans les années 1930.
Lorsqu’on s’y est référé en Europe pour promouvoir une politique de libéralisation, ce qu’on a oublié c’est que ces commissions n’ont pas été créées pour promouvoir la concurrence. Au contraire, la première appliquait une législation anti-trust. Pour les autres, il s’agissait de réglementer les secteurs dans lequel la concurrence ne pouvait pas fonctionner. C’est seulement dans les années 1980 qu’on a introduit des politiques de libéralisation dans l’idée que, en supprimant cette réglementation, on pourrait promouvoir les concurrences et aboutir à une plus grande efficacité économique (par exemple la déréglementation de l’aviation civile en 1985).
Section IV- Le développement des organismes extérieurs à l’administration ministérielle
Cf. supra : classification des ministères
C’est une caractéristique générale dans l’évolution de l’administration ministérielle de connaître le développement d’organismes opérationnels placés en dehors de la hiérarchie ministérielle mais sous l’autorité du ministre et de l’Administration centrale.
Au Royaume-Uni, pendant très longtemps, le développement de ces non departmental public bodies a été décrit comme un moyen efficace d’assure un certain nombre de missions de l’Etat puisqu’on pouvait confier une tâche à une organisation déterminée établie par une loi, doté de moyens propres dont les dirigeants pouvaient être responsables. Le nombre de ces organismes n’a cessé de croître et en 2010, lorsque le gouvernement Cameron cherche à faire des économies, on recense 904 organismes. C’est un ensemble d’organismes jugé difficile à contrôler et qui coûtent cher (ils sont devenus l’opposé de ce pourquoi ils étaient faits). Les tâches exercées par nombre de ces organismes vont être soit supprimées soit réintégrées dans l’Administration classique.
La France n’est pas à l’abri de ces évolutions et il existe un grand nombre d’établissements publics nationaux rattachés aux différents ministères chargés de mettre en œuvre les politiques définies par le gouvernement. La perception des enjeux d’efficacité des actions publiques n’est pas récente. On peut citer des rapports du Conseil d’Etat de 1972 et 1977 en vue de la mise en place de centre de décisions et de responsabilité. Le Conseil d’Etat soutenait le point de vue que de plutôt de créer de nouvelles organisations, il valait mieux moderniser dans l’Administration existante. Il n’a pas été écouté et on a surtout eu recours à la création d’établissements publics nationaux ou d’associations ou de groupement d’intérêt public (GIP). Pour le moment, il n’y a pas eu de retour en arrière mais même à une multiplication avec cette particularité que si le mot agence suggère une identité unique, ce n’est pas vrai car on appelle agence à peu près tout et n’importe quoi (Agence nationale des titres sécurisés (EPA), Agence nationale pour l’information sur le logement (association loi 1901), Agence française de lutte contre le dopage (autorité publique indépendante).
Section V – La critique de l’administration ministérielle sous l’influence du New Public Management et les réformes inspirées par la thématique de l’agence
On a déjà vu à quels abus le terme agence pouvait mener (en France, de nombreuses agences mais avec des statuts différents)
Pour comprendre l’importation de ce vocable dans notre administration, il faut revenir à la source, aux doctrines, aux idéologies, qui ont inspiré les réformes administratives. Il s’est constitué au fil des années depuis le début des années 1980, un discours unificateur sur l’agence diffusé par un certain nombre de grandes organisations internationales notamment l’OCDE. De nombreux gouvernement l’ont repris à leur compte si bien que ce qu’on appelle agence devient la référence à un modèle d’organisation administratif, pas très clairement défini dans ses composantes mais qui est soutenu par une idée : l’administration traditionnelle est coûteuse et inefficace et il faut introduire de nouvelles méthodes d’organisation et de gestion pour augmenter son efficacité et réduire son coût.
L’OCDE qui a joué un rôle très important dans sa diffusion est devenu beaucoup plus prudente. Dans les rapports des années 1980-1990, il s’agissait de réduire les coûts. Vers la fin des années 2000, elle est plus sensible aux effets pervers de certaines de ces réformes qui ont conduit à une fragmentation des appareils administratifs qui soulève à son tour des problèmes de gestion et de coordination.
Commençons par résumer ce qui est l’essentiel du new public management.
Il y a eu beaucoup de littérature. Elle ne se résume pas à la question des agences.
Pour ce qui concerne tout au moins les missions qui ne convient pas aux secteurs privés car l’article 1er de la nouvelle gestion publique est de dire qu’il faut transférer au privé tout ce qui peut l’être et l’Etat ne doit garder que ce qu’il paraît impossible de traiter en cherchant des réponses de marché.
Quels sont les principes essentiels pour ces missions ?
1° La gestion doit être orienté en fonction des résultats visés.
2° Les gestionnaires doivent être responsables des résultats obtenus.
3° Pour cela, il faut assurer une séparation des fonctions managériales et des responsabilités politiques. Pour que les managers soient responsables, il faut que leur fonction soit séparée du politique.
4° Il faut déterminer des missions précises avec des objectifs en fonction desquels les moyens sont alloués de manière à permettre une évaluation. Or on n’est pas toujours capable de définir des missions et des objectifs précis pour des raisons politiques.
5° L’administration doit être plus ouverte et réactive afin d’agir avec plus d’efficacité.
Ces principes expriment en creux une critique de l’administration ministérielle traditionnelle caractérisée par la hiérarchie, l’intégration des fonctions sous l’autorité des ministres, des contrôles qui visent à assurer la régularité de l’action administrative.
A l’inverse, on estime qu’il faut parvenir à une plus grande spécialisation des organisations administratives et que les responsables aient une plus grande autonomie de gestion. Finalement, ce qu’on appelle couramment l’agence, cela désigne à peu près tout type d’organisation administrative qui réunit ces deux dernières caractéristiques : spécialisation des tâches et autonomie de gestion afin de permettre l’évaluation du gestionnaire.
Des modes d’organisation très variés peuvent répondre à ces caractéristiques. Selon les pays, l’agence a pris des formes très différentes. En général, elles sont conditionnées par l’héritage administratif, la tradition, les structures existantes et aussi ce nouveau référentiel a été utilisé de manière plus ou moins extensive. Certains pays ont fait des réformes radicales (Nouvelle-Zélande et Royaume-Uni). D’autres pays ont plutôt adapté leurs discours et quelques institutions sans introduire des changements très importants dans leur organisation administrative.
Deux pays ont été souvent cités comme la source de ce mouvement : la Suède et les Etats-Unis (cf. supra). Mais c’est sur la base d’un malentendu. Ces organisations ont été créées bien avant que les préceptes du new public management ne soient posés. En effet, aux Etats-Unis et en Suède, on s’est pressé d’introduire ces préceptes qui étaient censés découler de leur propre expérience !
En se référant au dernier rapport de 2002, Les autres visages de la gouvernance publique, on peut considérer que ce qu’on appelle agence se distingue d’un ministère par les caractères suivants :
– l’existence d’une seule mission (ministère : variété de missions administratives)
– autonomie de gestion supérieure aux services administratifs traditionnels
– des modes de contrôle différents insistant sur les résultats atteints plutôt que sur le respect des règles
On peut relativiser : la spécialisation et l’autonomie peut être plus ou moins étroite. En outre, le contrôle est quand même toujours présent.
Dans un autre rapport, Moderniser l’Etat, on trouve une approche plus prudente sensible aux effets pervers. On lit ainsi « les changements structurels qu’il s’agisse du démantèlement d’organisations existantes ou de la création de nouvelles organisations ne peuvent être entrepris à la légère. Le démantèlement d’organisations peut entraîner une perte de continuité, de mémoire institutionnelle et de capacité à long terme. La prolifération d’organismes publics indépendants, plus ou moins autonomes, rend difficile toute action collective ou coordination. »
L’agence ainsi comprise ne peut pas être confondue avec une autorité de régulation. La confusion est entretenue par le fait qu’on emploie souvent n’importe quel mot. Ainsi, en Allemagne, la loi du 13 juillet 2005 a créé l’Agence de régulation des réseaux qui elle est autorité de régulation (elle construit un marché, veille à son bon fonctionnement et à la réalisation d’autres objectifs d’intérêt général que le seul fonctionnement du marché permettrait d’atteindre). Les agences sont créées pour assumer des fonctions opérationnelles : délivrer des passeports, gérer le paiement de prestations sociales etc.
Ce débat sur les agences que nous connaissons n’est pas sans rappeler quelques débats qui ont eu lieu il y a quelques dizaines d’années. Il y a eu en France, sous la IIIe République, un débat sur les offices. A l’époque, le terme office n’avait pas de signification juridique précise. Il était utilisé pour désigner toute sorte d’organisme administratif nouveau doté d’un degré variable d’individualité administrative par leurs missions, leur organisation allant parfois jusqu’à la personnalité morale. Cette tendance s’est développée entre-deux guerre par des auteurs (Duguit notamment) au nom de la compétence technique et de l’efficacité. Ces réformes administratives ont soutenu ce que les professeurs de Droit ont appelé la décentralisation par services. On retrouve bien des idées qui ont été reprisé dans le new public management dans les années 1980. Par la suite, le développement de ces offices a suscité de vives critiques en raison de leur capacité à échapper aux mesures d’économie, de leur gestion plus opaque et leur contrôle plus difficile. Le Conseil d’Etat avait préconisé des réformes de la gestion publique pour lesquelles il n’estimait pas nécessaire de créer de nouvelles structures (rapports de 1971, 1977-1977). Le Conseil d’Etat n’a pas été écouté puisqu’on n’a cessé de multiplier ces organismes autonomes ou indépendants.
Loin de la vision du Conseil d’Etat, en 1995, le rapport Picq (L’Etat en France, une nation ouverte sur le Monde) : l’idée c’est qu’autant que possible, les administrations centrales devaient se consacrer sur les missions de souveraineté, d’édiction des normes et de contrôle de leur application (Etat régulateur) tandis que les fonctions opérationnelles devaient être confiées à des organismes autonomes et éventuellement être assumées en dehors du secteur public. Le thème de l’agence est présent comme un mode d’organisation que le rapport ne définit pas mais qu’il paraît rattacher à la notion d’établissement public. Dans les rapports de l’OCDE, lorsqu’il est question de la France, ses représentants ont toujours présenté les établissements publics comme étant la version française de l’agence.
Les pays qui, ayant utilisé l’agence comme institution, ont mené les réformes les plus radicales
Il faut parler du cas de la Nouvelle-Zélande. Elle s’est acquise la réputation de modèle en matière de réforme administrative en raison de la radicalité. L’idée était soutenue par une expérience concrète.
C’est un gouvernement travailliste qui a mené cette réforme. Elle a comporté la transformation en entreprise commerciale de certains départements ministériels et établissements publics dont certains ont ensuite été privatisés.
La loi de 1988 transforme les chefs de département en manager, leur donne la responsabilité de la gestion de leur personnel (on sort d’un cadre unitaire de la fonction publique géré sur un plan national). Mais surtout, la loi sur les finances publiques de 1989 a conduit au réexamen des missions et de la structure des ministères et de la transformation de services en entités de la couronne (crown entities). Ce sont des organismes publics extérieurs au département ministériel et dotés de la personnalité morale : il y a externalisation.
Selon une évaluation réalisée en 2001 de cette réforme, celle-ci a permis au système administratif de gagner en flexibilité dans le fonctionnement de mieux répondre aux besoins des usagers et de réduire les coûts.
Mais elle a mis aussi en évidence un certain nombre d’effets pervers du fait que les buts et les priorités sont toujours mal définis, les décisions budgétaires ne sont pas correctement reliées aux objectifs formulés par le gouvernement. Critique de fond importante car c’était un des objectifs du new public management.
Ensuite, il relève que les décisions sont trop souvent commandées dans une mission à court terme, qu’il est difficile d’arrêter des actions qui paraissent inefficaces et que le coût de la production des informations requises pour la marche du système est très élevé et que le système est trop fragmenté. Selon le rapport, le grand nombre d’agence rend plus difficile un accord sur des objectifs transversaux et de fournir des services intégrés. Les intérêts non-financiers sont mal pris en compte. En outre, le système les problèmes de coordination.
En 2004, une loi est venue tenter de remettre de l’ordre.
1° Il y a une typologie nouvelle des entités de la couronne. A chaque catégorie correspond un régime juridique.
2° Chaque entité est rattachée à un département ministériel qui est chargé de la contrôler.
La loi unifie les obligations en matière budgétaire et comptable. On essaie de rétablir un peu d’unité dans la gestion du personnel à l’inverse de l’éclatement du civil service qui avait été la conséquence de la réforme de 1988.
Aujourd’hui, on assiste à un renforcement du contrôle à l’exception de celle qu’on a voulu rendre indépendante (contrôle électoral)
Le deuxième pays est le Royaume-Uni. La réforme britannique, bien qu’influencée par le cas néo-zélandais, a été très différente. Cette réforme a pris la forme de la création d’agence mais elles ont été, non pas une technique d’externalisation, mais une nouvelle structure interne des ministères du gouvernement britannique.
Aujourd’hui, plus de 70 % des personnes du civil service sont employées dans les agences.
Rapport Fulton de 1968 : il portait sur le civil service et l’organisation ministérielle. C’est un document très important dans l’histoire administrative britannique. Ce rapport préconisait de reconsidérer les missions des départements ministériels pour déterminer les missions qui pourraient être mieux assurées par des organismes extérieurs. Il visait l’exemple de la Suède. Mais il n’était pas question de privatiser. Ce dont il était question était de mieux adapter l’organisation administrative aux missions. Cette proposition a moins retenu l’attention que celle qui visait la fonction publique mais elle a inspiré dès les années 1970 la réforme de certains services ministériels, transformé en non governmental bodies.
Le premier gouvernement Tchatcher élue en 1979 a immédiatement entrepris un réexamen de l’organisation gouvernementale et des missions de l’administration
Ces travaux n’ont abouti qu’en 1988 avec la présentation d’un projet de réforme à la Chambre des communes. Selon ce document, le personnel des ministères devait être réduit au soutien des ministres tandis que toutes les autres fonctions devaient être exécutés par des agences placées sous le contrôle des ministères avec des missions clairement définies. Chaque agence devait être dirigé par un chief executive, un haut fonctionnaire, doté de tous les pouvoirs de gestion à l’intérieur d’un cadre déterminé par le ministère.
Selon ce document, les effectifs devaient ainsi être progressivement réduit à 20.000 agents.
La réforme qui a été mis en œuvre a été moins radicale que ce qui a été proposé.
Premièrement, dans la première version, on envisageait un mode d’externalisation des fonctions, agences dotées de la personnalité juridique sous contrôle. Pour opérer la réforme en créant des agences personnes morales, il fallait faire voter une loi par le Parlement. Au contraire, l’organisation interne du gouvernement relève de la prérogative royale. C’est la raison décisive pour laquelle le gouvernement a préféré les créer à l’intérieur des ministères.
Deuxièmement, la réforme a été plus progressive. Aujourd’hui elle a été complètement mise en œuvre. Dans le dernier gouvernement Brown en 2009, et seulement pour l’Angleterre, on avait 67 agences exécutives attachées à 17 départements sur 26 existants dans la structure gouvernementale. En outre, il faut rapprocher de cette structure l’existence de 20 non ministerial departments : ce sont des départements, des ministères sans ministre. Par conséquent, le chef de ces administrations, le permanent secretary, est la plus haute autorité de cette administration En 2009, on pouvait estimer qu’environ 80 % du civil service était employé dans les agences exécutives et les non ministerial department.
Ces agences exécutives ne doivent pas être confondues avec les quangos et les non departmental public bodies qui eux sont des structures externe
Le personnel des QUANGO (Quasi Autonomous Non Governemental Organisations ; cf. supra) n’est pas composé de fonctionnaires, le personnel des agences font partie du civil service.
Pour la création d’un non departmental public bodies, une loi est nécessaire. Pour les agences exécutives au sein des départements ministériels, elle n’est pas nécessaire.
L’intervention du Parlement n’a été nécessaire que pour permettre l’application à certains de ces agences le régime des fonds commerciaux. Cela permettait à des agences exécutives, à l’activité desquelles se trouvent liées des recettes, de bénéficier de l’affectation de ces recettes dans le cadre d’un budget propre permettant d’établir un bilan commercial.
Un dernier aspect nécessitait l’intervention de la loi : les pouvoirs des directeurs des agences exécutives.
Cette catégorie a vu ses effectifs augmenter. A la fin de 2008, on ne comptait pas moins de 20 non governmental department. Ces structures ont toujours été créées par la loi ou pour certains d’entre eux dans l’exercice de la prérogative royale. Ils sont en principe dépourvus de personnalité morale. Certains prolongent les administrations anciennes comme le département des revenus et des douanes (administration des impôts). L’application de la loi fiscale doit donner des garanties d’indépendance (donc pas de ministre).
Ces réformes ont profondément modifié le paysage institutionnel britannique. Jusqu’à maintenant il n’y a aucune réelle contestation des effets de cette réforme.
Les deux problèmes qui sont apparus sont ceux de la responsabilité politique et de la cohérence de l’action gouvernementale.
1° En effet, il y a une distinction entre la responsabilité politique et la responsabilité opérationnelle. Le ministre n’est tenu que de la première devant le Parlement. En revanche, la responsabilité opérationnelle appartient au manager qui est nommé à la tête de l’agence. Lorsqu’on nomme un chief executive, on procède à des entretiens par une commission, on passe une sorte d’accord qui décrit les missions, les moyens et un certain nombre de principes qui doivent guider la gestion de l’agence. Selon ce schéma, le ministre n’est pour rien dans ce qui peut se passer dans la gestion de l’agence.
Mais rien ne s’est passé de cette manière. De nombreux témoignages de chief executive ont révélé qu’ils avaient constamment le ministre sur le dos. Comment d’ailleurs pourrait-il en être autrement ? N’importe quel homme politique sait que c’est vers lui que l’on se retournera.
Dans les années 1990, il y a eu un incident dans une prison de Haute Sécurité : plusieurs évasions. Le ministre de la Justice a mis en cause le chef de l’agence des prisons et a annoncé sa révocation. Le directeur de l’agence ne s’est pas laissé faire et a répondu que si on lui avait donné du personnel et les moyens de faire des travaux, il n’y aura pas eu d’évasion. C’est la politique du ministère qui était en cause. L’agence a même engagé un procès contre le ministre contre la révocation. Cette affaire a montré qu’il n’était pas facile de distinguer responsabilité politique et responsabilité opérationnelle. Il y a eu d’autres incidents.
Après beaucoup d’hésitations, la doctrine a été fixée dans un document du Cabinet Office en 2006 : le ministre doit normalement demander au chief executive de répondre directement aux lettres et questions écrites des parlementaires qui concerne des missions qui lui sont déléguées. Néanmoins, le secrétaire d’Etat est responsable devant le Parlement de toutes les questions concernant ces agences et par conséquent, il peut retenir le droit d’intervenir dans le fonctionnement de l’agence si des préoccupations publiques ou parlementaires le justifie. Au fond, le ministre a toujours le droit d’évoquer pour lui-même un sujet qui est en théorie dans la responsabilité du chief executive. Le même document ajoute que les ministres demanderont normalement au chief executive de les représenter ou de les accompagner si leur audition par une commission parlementaire concerne les affaires quotidiennes du fonctionnement de l’agence.
2° Les agences exécutives ont favorisé la fragmentation de l’appareil gouvernemental et ont posé des problèmes de cohérence. Les principes de gestion mis en œuvre dans les agences exécutives et les mesures de performance les conduisent en effet à négliger leurs contributions aux missions de leur département et plus généralement du gouvernement.
On redécouvre que ce qui fait le particularisme de l’administration publique c’est qu’on ne peut pas organiser les administrations selon l’idée d’une fonction de production comme on le ferait dans une entreprise. Ce problème a été identifié dans le rapport de 1999 intitulé Modernizing government commandé par le gouvernement Blair. Il a été suivi par plusieurs autres rapports à la suite desquels plusieurs mesures on été engagées pour définir des politiques transversales et essayer d’améliorer la cohérence des actions entre les agences exécutives, et plus généralement entre les institutions publiques et privées.
Le nouveau mot d’ordre est assez évocateur : joined up government. Il faut restaurer de l’unité, de la coordination, de la transversalité à l’inverse de ce à quoi on a abouti avec le développement des agences. « Alors que le new public management, mettait l’accent sur la responsabilité individuelle, le joined up government implique une responsabilité partagée à la fois entre fonctionnaires des différents ministères et entre ceux-ci et leurs homologues au niveau local aussi bien que dans le secteur associatif ». Le traitement des problèmes transversaux est devenu plus difficile du fait de la spécialisation.
On ne parlera pas de l’Espagne qui a pourtant adopté en 2006 une loi sur les agences destinée à améliorer son administration.
L’Italie s’est engagé à la fin des années 1990 dans une réforme inspiré par les préceptes du new public management visant à dépolitiser l’administration et en améliorer l’efficacité. Il faut se rappeler qu’on est au lendemain de l’opération Mains propres qui a envoyé en prisons de nombreux politiques et fait exploser la Démocratie Chrétienne.
La réforme a comporté la privatisation juridique des rapports de travail au sein de l’administration publique, la création d’un corps de dirigeants destinés à occuper les postes les plus élevées de l’administration publique et assumant au sein de celle-ci les responsabilités managériales et la réorganisation d’un certain nombre d’administration sous la forme d’agences.
Déjà dans les années 1980 étaient apparus des établissements publics. Sept avaient déjà reçus le nom d’agence.
C’est dans le décret-législatif de 1999 que trouve place le régime d’une nouvelle catégorie d’organismes qualifiés d’agences (agenzie). Ce texte a pour objet une réforme d’ensemble de l’organisation du gouvernement. Il fixe la structure du gouvernement, l’organisation du ministère, le cadre juridique des agences sous réserve des agences fiscales et de la protection civile qui obéissent à des dispositions particulières. Les différentes agences sont instituées par des articles relatifs aux ministères dont elles relèvent.
L’article 8 donne une définition : « Les agences sont des structures qui développent des activités de caractère technico-opérationnel d’intérêt national mises en œuvre par les ministères et les établissements publics ».
Le décret-législatif précise que ces agences sont au service des administrations publiques y compris les administrations régionales et locales. Elles jouissent d’une pleine autonomie dans les limites prévues par la loi sous réserve du contrôle exercé par la Cour des comptes. Elles sont placées sous le contrôle et la direction du ministre. Le directeur d’agence est nommé dans les mêmes conditions que le chef administratif d’un département ministériel. En principe, ces agences n’ont pas la personnalité morale cependant le texte accorde expressément la personnalité morale à certaines d’entre elles et en établit le statut. Ainsi l’Agence des industries de Défense, les agences fiscales, l’agence de la protection civile. Il n’y a pas d’autres agences que celles créées par le décret. C’est le statut de chaque agence qui définit sa gouvernance, les pouvoirs du ministre envers l’agence, les directives qu’il peut faire, les modalités de contrôle dans la réalisation des objectifs assignés à l’agence. La mission donne lieu à une convention entre le ministre compétent et le directeur de l’agence.
Elle jouit de l’autonomie financière dans la limite des fonds attribués. Elle a des ressources propres.
Elle a la gestion de son personnel et la maîtrise de ses recrutements. Le personnel des agences est un personnel de droit privé régi par des conventions collectives.
Ce n’est donc qu’une des modalités de la réforme de l’Etat. Elle s’applique à des domaines particuliers des ministères. Si du point de vue juridique, elle est proche du schéma anglais, la réforme italienne n’a pas pris un caractère de généralité aussi poussé. D’ailleurs, pour l’administration ministérielle, le décret de 1999 fixe les attributions et les structures de base de chaque ministère. La pièce maîtresse de la réforme, à côté des agences, est l’institution du corps des dirigeants. C’est aussi cette partie de la réforme qui a donné les résultats les plus décevants. Elle a abouti à la « précarisation générale de la haute fonction publique italienne avec la nomination pour un mandat court dans tous les postes de direction ». Alors que la réforme des années 1990 visait à réduire la politisation, le résultat est à l’inverse : les dirigeants sont encore plus dépendants des partis. En outre, l’externalisation de nombreuses fonctions dans la rechercher de l’expertise, de l’efficacité, s’est accompagné de l’augmentation des effectifs d’agents publics (plus de 100.000 entre 2000 et 2005).
Il aurait été intéressant de parler des cas de la Russie, du Japon, de l’Espagne… Cela témoigne de la diffusion qui s’est produite à l’échelle mondiale.
Les pays qui ont traité les agences comme un référentiel ayant entraîné des réformes purement cosmétiques
Intéressons nous tout d’abord aux Etats-Unis.
Dans l’affaire de la Suède et des Etats-Unis, il y a une suite de malentendus. Le new public management est d’origine américaine mais est bien postérieure à l’émergence des commissions réglementaires fédérales. D’ailleurs dans le livre de référence (d’Osborne et Gaebler) il n’est pas du tout question des commissions réglementaires fédérales. Elles n’ont jamais eu de missions opérationnelles : elles avaient et ont des attriutions d’ordre réglementaire (autorisation, contrôler le respect de la réglementation). Elles sont plus proches d’autorité de régulation à ceci près qu’à l’origine le rôle de ces commissions réglementaires fédérales n’étaient pas de promouvoir la concurrence mais de réglementer certains secteurs contre l’abus de position dominante de certaines entreprises.
En 1995, Clinton place cependant l’agence au centre de son programme de réforme tendant à améliorer l’efficacité et la réactivité de l’administration fédérale. Les républicains réclament la privatisation de certaines administrations. Pour répondre à cette offensive, il engage un programme de réforme. Son programme s’inspire en fait de l’expérience britannique et la création d’agences est alors prévue. Elles portent le nom de Performance Based Organisation (PBO). En réalité, très peu ont été créées. On estime que cela concerne moins de 8.000 agents. Elle s’est heurté à des difficultés d’ordre social (personnel voyait d’un mauvais œil cette réforme), d’ordre constitutionnelle (remet en cause l’idée du président à la tête de l’exécutif). Le projet a finalement été abandonné. La modernisation des Etats-Unis a suivi d’autres voies que l’agence.
Le cas de la Suède est similaire. Dans l’histoire suédoise, rien ne se réfère au new public management. Si les agences suédoise n’ont aucune vocation managériale sur le plan historique, dans les années 1990, elles ont été à leur tour objet de réforme à partir des préceptes du new public management. Ainsi, certains ont été transformés en entreprises publiques. Le gouvernement a introduit dans les agences le management par objectifs, puis le management par les résultats puis une organisation interne basé sur la distinction fournisseurs-clients c’est-à-dire « moi gouvernement ou comité chargé d’un secteur politique suis le client et passe un contrat avec un fournisseur qui est un de me services ou une agence ». Toutes ces conceptions institutionnalisent dans l’organisation administrative la séparation du politique et du management. Mais en Suède, pays de petite taille, cette séparation pose moins de problème que dans un pays plus grand et plus complexe comme le Royaume-Uni. Il n’y a pas eu les incidents qui ont agité le Royaume-Uni.
Si un problème est apparu, il est d’une autre nature : il concerne la direction générale des agences. Dans les années 2000, cette réforme a rendu plus problématique la direction politique que le gouvernement était censé exercer. C’est pourquoi on a introduit une nouvelle politique intitulé le management par activités c’est-à-dire fondé sur des indicateurs de performance défini par le gouvernement ce qui a été un moyen de reprise de contrôle par le gouvernement.
On n’a pas vraiment procédé à une réforme d’ensemble de l’organisation administrative. On a pu parler d’agencification. On peut l’interpréter dans ces termes des réformes intervenues en France ou en Allemagne, deux pays moins sensibles que d’autres à la pression du new public management. Des réformes se sont quand mêmes imposées pour réaliser des économies.
En France, le socle de gestion est la loi de finance de 2001 suivie par la révision générale des politiques publiques (RGPP). Le budget de type LOLF conduit à réorganiser l’action publique sous forme de missions et de programmes et cette évolution a fait apparaître une catégorie nouvelle qui n’était pas prévu dans le LOLF : les opérateurs.
On appelle ainsi des organismes pouvant avoir des statuts divers qui assument la mise en œuvre d’actions inscrites dans un programme lorsque le ministère ne peut l’assumer directement. Ce sont toujours des organismes dotés de la personnalité morale et distincte de l’Etat. Selon le ministre des finances, il forme un sous-ensemble des entités contrôlées par l’Etat qui se caractérise par l’Etat :
1° ils assurent une activité non marchande financée majoritairement par l’Etat
2° ils ont des missions et des objectifs définis par l’Etat
3° leur activité est étroitement encadrée par l’Etat
Selon une circulaire du ministre du Budget de février 2005, on recensait 778 opérateurs. Sont considérés comme opérateurs des universités, Pôle Emploi. Ce sont les secteurs de la culture et de l’éducation qui en comptent le plus.
Le rapport Rochet a présenté en 2002 un ensemble de propositions tendant à prendre compte du new public management. Mais c’est surtout une réforme des pratiques plus qu’une réforme institutionnelle.
On voit ici que dans le contexte français l’optique de l’agence ne s’applique plus à la réforme des administrations centrales. Elle intéresse seulement le stade de mise en œuvre opérationnelle des politiques. D’ailleurs, quand le besoin s’est fait sentir d’individualiser certains secteurs d’administration centrale, on a eu recours au service de compétence nationale (ex : Agence de la participation de l’Etat).
En Allemagne, lorsque la vogue s’est diffusée, il s’est produit deux sortes de réaction.
D’abord une réaction de défense : l’administration allemande, surtout fédérale, est fondé sur une culture juridique presque exclusive. Les approches managériales paraissaient étrangères voire agressives à l’ensemble des hauts fonctionnaires allemands. D’un autre côté, l’argument défendu par le gouvernement allemand était de dire que la plupart des préceptes étaient déjà inscrits dans les principes constitutionnels posés par la Loi Fondamentale. Elle dit que ce sont les landers qui sont chargés de l’exécution des lois (pas de centralisation de la gestion administrative), de plus les articles sur le budget prévoit qu’il doit être géré avec des objectifs d’économie, d’efficience et d’efficacité et au niveau fédéral, elle prévoit qu’on peut créer des organismes supérieurs fédéraux autonomes.
Il n’empêche que si au niveau fédéral, ce courant s’est heurté à une résistance, il a été assez largement repris au niveau des landers et des collectivités locales, responsables de la plupart des services publics destinés à la population. On s’est vu élaboré une nouvelle doctrine allemande qui a adapté le new public management : neues steuerungsmodell. On met l’accent sur l’orientation de la gestion vers le marché, sur l’orientation des services publics vers le client et a déterminé un recours plus fréquent au secteur privé dans l’exécution de certaines missions. Cependant, ce discours s’est peu traduit dans les termes de réorganisation administrative. Ce qu’on a retenu c’est le recours au marché et l’approche client.
Il y a eu des réformes administrative mais qui n’ont pas eu pour thématique l’agence : concentration, raccourcissement des hiérarchies, réduction des services extérieurs. Il n’y a pas eu d’organisations nouvelles.
Les autorités fédérales autonomes ont posé quelques questions.
L’administration fédérale se compose en principe de trois niveaux : celui des plus hautes autorités administratives (Gouvernement, Ministères, Bundesbank par disposition constitutionnelle), celui des autorités administratives moyennes et celui des autorités inférieures. L’administration par les autorités administratives fédérales autonomes constitue une exception à ce système hiérarchisé : l’autorité fédérale autonome est seule compétente sur l’ensemble du territoire et dispose d’une autonomie organisationnelle, sans pour autant posséder la personnalité juridique.
La possibilité de création de tels organismes est expressément prévue par la Loi Fondamentale. La compétence de principe en matière administrative appartient aux États fédérés. C’est à eux qu’il revient en particulier d’exécuter les lois fédérales, à moins que la Loi Fondamentale ne le prévoie autrement. Ces autorités sont une de ces exceptions à la compétence des États fédérés. Il prévoit que, dans un domaine pour lequel la fédération possède la compétence législative, une autorité fédérale supérieure autonome ou une personne morale de droit publique directement liée à l’État fédéral peut être créée par une loi fédérale.
Il n’existe apparemment pas de type unifié d’autorité fédérale supérieure autonome. Elles sont rattachées à un ministère tout en possédant une autonomie d’organisation et de fonctionnement. Elles ne sont liées que par les directives générales de leur ministère de rattachement et non par des directives spéciales relatives à des cas particuliers. Parfois, la loi qui les institue prévoit une liberté complète par rapport aux directives de leur ministre. Les autorités administratives autonomes ont un budget propre à l’intérieur du budget de leur ministère.
La diversité et la souplesse de leur régime juridique tient à leur mode de création. Les autorités de régulation et de contrôle sont presque toujours créées par la loi qui règle le domaine qui les concerne. Leur institution et la définition de leur statut, de leurs pouvoirs et de leurs procédures d’action fait suite aux règles matérielles qu’elles ont pour mission de faire observer.
Les mouvements de privatisation, initiés pour la plupart pour répondre aux exigences du droit communautaire, ont contribué à accroître l’importance de ces autorités administratives autonomes. Le domaine des postes et télécommunications en est un exemple significatif. La privatisation conduit à supprimer l’appareil administratif hiérarchique et à le remplacer par une autorité autonome qui n’a plus à effectuer que des tâches de contrôle, de coordination et de régulation.
Il n’en reste pas moins que la logique managériale a pénétré dans un certain nombre d’organismes. Cela a pu se traduire par une évolution d’ordre terminologique ou d’organisation interne (ex : Office national du travail est devenu l’Agence fédérale pour le travail mais la nature juridique et les missions n’ont pas été modifiées).
Conclusion :
1° Il s’est produit une unification sur le discours de la réforme au niveau international assez frappant. On mesure l’influence des grandes organisations internationales.
2° Les réformes administratives effectivement mises en œuvre restent tributaires du système dans lequel elles naissent et se développent. Il n’y a pas d’uniformisation des réformes.
Section VI – Le parlement et l’administration
En principe, c’est un non sujet puisque dans un régime parlementaire, le gouvernement est responsable devant le Parlement mais ce principe constitutionnel n’équivaut pas à un mode de contrôle de l’administration et habituellement, la Constitution ne prévoit pas que le Parlement contrôle l’administration.
Si on revient au schéma du régime parlementaire, il faut distinguer responsabilité et contrôle. La logique du système parlementaire c’est moins le contrôle que la légitimité du pouvoir. Historiquement, le parlementarisme a été une façon de faire passer la source du pouvoir exécutif, du monarque, vers un corps qui procédait de l’élection. Là où on peut parler de contrôle c’est lorsque s’est imposé le contrôle sur le prélèvement de l’impôt et sur l’autorisation des dépenses publiques.
Il y a eu plusieurs facteurs que cette question soit soulevée. Le rôle de contrôle politique du Parlement sur le gouvernement a montré les limites de son efficacité. Dans les régimes présidentiels, l’hypothèse du contrôle politique est exclue. Dans ces régimes, le contrôle de l’administration, c’est une façon de reprendre ce contrôle. Dans les régimes parlementaires, c’est une façon de trouver de nouveaux moyens de peser sur le gouvernement.
Ce contrôle s’est d’abord développé par des instruments classiques : questions aux ministres mais cela ne va pas très loin. Il s’est ensuite développé par le développement de nouveaux organes de contrôle. Le premier exemple que l’on peut citer dans l’histoire est l’ombudsman.
Dans une époque plus moderne, ce sont les Cours des comptes qui ont aussi joué ce rôle. En France, la Cour des comptes a à l’origine été rattaché au pouvoir exécutif. Dans les termes de la Constitution de 1958 et après la révision de 2008, elle devient un organe de contrôle qui est aussi un instrument du Parlement. Il y a un mouvement similaire dans d’autres pays européens.
Par la suite on a quelque fois vu apparaître d’autres organes de contrôle destiné à soutenir l’activité du Parlement notamment lorsqu’on a commencé à s’intéresser à l’évaluation de la législation ou des politiques publiques (Suisse, Allemagne, France).
D’une certaine manière, l’évolution du contrôle budgétaire et financier conduit à contrôler l’administration compte tenu son importance. De plus, un grand nombre de législation nécessite de concevoir en même temps un dispositif administratif capable d’assurer leur application et le contrôle de leur application.
Enfin, la nouvelle gestion publique implique aussi une évolution dans la façon dont les dépenses publiques se trouvent appréciées. Traditionnellement, le contrôle exercé par le Parlement est un contrôle de la régularité. Sous l’influence du courant du new public management, le Parlement a été conduit à s’intéresser non plus à la régularité de la dépense publique mais au résultat. Il y a d’abord eu une spécialisation du budget puis il y a eu une évolution dans le sens inverse : on a plutôt regroupé les postes de dépenses pour favoriser plus de souplesse dans la gestion. Pour la même raison, on a cherché à passer de l’annualité à la programmation pluriannuelle des dépenses. On a donc cherché à modifier la nomenclature des budgets de manière à pouvoir mieux contrôler les missions. D’une certaine manière, il y a ici un impact positif de la nouvelle gestion publique qui peut donner un nouvel élan et une nouvelle ressource au contrôle parlementaire en lui donnant les moyens d’apprécier la dépense publique en terme politique et non pas seulement en terme de régularité.
Les commissions des comptes et des finances sont devenus les organes les plus importants du contrôle exercé par le Parlement aux Etats-Unis, en Allemagne…
Un autre aspect du contrôle parlementaire est la conséquence directe des politiques de libéralisation impulsée par l’Union européenne et qui comporte l’obligation pour les Etats de mettre en place des autorités nationales de régulation (télécommunications, gaz, chemins de fer, postes). Dans un second temps, le Droit communautaire impose aux Etats membres d’assurer l’indépendance politique de ces autorités. C’est une exigence fréquemment rappelée dans les directives. La Cour de Justice est allée dans le même sens, dans un arrêt de 2010, elle a condamné l’Allemagne car au niveau des landers le contrôleur des données personnelles était rattaché à un ministère.
Dans un certain nombre de pays qui ont un véritable régime parlementaire, il est en principe exclu qu’il existe un organisme administratif soustrait au contrôle du gouvernement pour le motif qu’il faut bien que le gouvernement réponde du fonctionnement et de l’activité de ses organismes devant le Parlement. La plupart des pays européens (Allemagne, Pays-Bas, Autriche) considèrent qu’il ne peut pas y avoir d’organismes indépendants. En Allemagne, l’autorité des ministres ne peut pas a priori être remis en question. Dans l’arrêt de 2010, la Cour explique que l’indépendance vis-à-vis du gouvernement ne signifie pas l’absence de tout contrôle : il peut y avoir un contrôle juridictionnel et un contrôle du Parlement. Elle ouvre donc une piste qui est d’instituer une forme de contrôle direct du Parlement sur de telles autorités qui sont des autorités administratives.
Au Royaume-Uni, le rapport de la commission constitutionnelle de la chambre des lords de 2004 intitulés L’Etat régulateur, sa responsabilité préconisait que le Parlement exerce les pouvoirs dont il dispose déjà.
Dans le cadre de la France, on a quelques exemples qui malheureusement ne fonctionnent pas du tout. Par exemple, on peut citer la Commission supérieure du service public des postes et communications électroniques, composée de sénateurs, de députés et de représentants du secteur. Elle peut interroger l’autorité de régulation, de préparer des rapports, faire des propositions modifiant les attributions ou les pouvoirs de cette autorité, veiller au respect des obligations du service public… Mais dans la pratique elle n’existe pas.
La loi a organisé des procédures de contrôle en ce qui concerne l’énergie : l’Observatoire du service public de l’électricité et du gaz rattaché au Conseil économique, social et environnemental. Cet organisme a été constitué et a eu 2 ou 3 réunions sans que rien ne soit sorti de son activité.
En Allemagne, pour l’Agence des réseaux, le Bundestag et le Bundesrat forme un comité commun qui doit proposer au gouvernement fédéral des noms pour la nomination des membres de l’autorité de régulation. Elle peut aussi interroger le régulateur. Mais les membres du Parlement n’ont pas cherché à exercer ce contrôle.
Deuxième partie
L’organisation territoriale de l’Etat
C’est à la fois une question banale et essentielle. Le territoire est l’un des éléments constitutifs de l’Etat. Encore faut-il l’administrer c’est-à-dire créer des institutions des administrations capables de remplir sur l’ensemble de territoire l’ensemble des fonctions que l’Etat doit assurer. La plupart des Etats ne sont pas capables d’assurer l’administration de leur territoire.
Parmi les Etats, si on prend les choses d’un point de vue constitutionnel, il y a deux grandes catégories d’Etat : Etats unitaires et Etats fédéraux. Mais Marcou préfère parler d’Etats composés car les choses sont plus complexes.
Local n’a pas le même sens dans toutes les parties du Monde. Ce qui est certain c’est que l’organisation du locale est assez indifférente à la structure constitutionnelle de l’Etat (fédérale ou unitaire) (on trouve des communes partout).
Quand on regarde ce que font les autorités locales, plus ou moins décentralisées, elles font à peu près la même chose.
En outre, la place des autorités au niveau locale relèvent de l’Etat qu’elles soient soumises au pouvoir central ou des organismes opérationnels dirigés au niveau central pour exercer des missions dans une circonscription déterminée.
Les choses sont souvent mêlées soit que soit que sur le plan institutionnel, il n’y a pas d’identification nette.
Il n’y a aucun pays qui puisse être gouverné du centre. Tous les empires se sont appuyés sur des relais locaux d’autorité.
Chapitre I – Les notions fondamentales
Nous débuterons par la distinction Etat unitaire – Etat composé. Nous allons ensuite nous intéresser à la diversité des Etats composés : nous opposerons l’Etat fédéral et les autonomies régionales. Nous étudierons ensuite la décentralisation et les notions voisines : il y a dans ce domaine une terminologie assez flottante. Enfin, nous nous intéresserons à la distinction entre autonomie et libre administration.
Section I – Etat unitaire et Etat composé
Cette opposition est un peu forcée car il y a eu une tendance dans les années 1980 à considérer que ces deux notions étaient du même ordre (certains Etats se décentralisent, d’autres se centralisent) et à les Etats décrier un « Etat moyen ».
Il y a quand même des différences juridiques.
L’Etat unitaire doit être entendu de manière stricte : il est unitaire sur le plan constitutionnel lorsqu’il y a un seul pouvoir législatif et un seul pouvoir gouvernemental. Cela ne veut pas dire que les lois doivent être partout les mêmes sur les territoires. Par exemple, en France, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, une législation s’applique (résidu de l’empire Allemand) : le régime des associations n’est pas le même comme le régime des cultes etc. Or il y a bien un seul Parlement en France !
L’Etat unitaire est souvent confondu avec Etat centralisé mais il n’y a aucun lien : il peut y avoir des Etats unitaires centralisés (France du Consulat : toutes les autorités jusqu’au maire était subordonné au Consul) et dans les Etats les plus décentralisés (Danemark, Suède), on trouve des Etats unitaires.
L’Etat composé est une notion très pertinente pour analyser l’ensemble des situations que l’on rencontre aujourd’hui. Elle a été exprimée dans deux arrêts du Tribunal constitutionnel espagnol : arrêt n° 37 de 1981 et 76 de 1983.
Dans l’arrêt de 1981, le tribunal dit que les communautés autonomes sont dotées d’une autonomie politique que le tribunal distingue de l’autonomie administrative. Cela signifie que le pouvoir législatif des communautés autonomes peut déboucher sur un traitement différent des citoyens et qu’à l’échelle espagnole, l’égalité comme exigence constitutionnelle se limite aux droits fondamentaux et aux conditions essentielles de l’exercice des droits constitutionnels.
Dans l’arrêt de 1983, le tribunal déclare inconstitutionnelle une grande partie d’une loi sur l’organisation administrative et la procédure administrative car cette loi prétend harmoniser des dispositions dans des conditions non prévues par la Constitution. L’ »Etat autonomique » est un Etat composé tel qu’aucune loi de l’Etat ne peut s’interposer entre la Constitution et les statuts. Les statuts acquièrent presque un caractère constitutionnel et sont soumis au seul respect de la Constitution de l’Etat.
Pourquoi le tribunal a-t-il introduit cette notion ? La Constitution espagnole considérait avec défaveur l’idée fédérale : elle interdit aux communautés autonomes de se fédérer. Le point de départ en 1978 est un Etat unitaire mais on institue des autonomies en particulier régionales. Cependant, d’après le texte de la Constitution, la Cour ne peut manquer de relever des éléments qui ne sont pas sans lien avec une organisation fédérale : pouvoir législatif attribué aux communautés comme celui attribué à un Etat fédéral. Elle a cherché à caractériser le statut propre des communautés en les distinguant des collectivités locales et des Etats fédérés qui représentaient aux yeux de la cour un autre mode d’organisation constitutionnelle et politique. L’Etat composé devient une catégorie plus large qui va englober des Etats comme l’Espagne, caractérisés par des autonomies régionales, et des Etats fédéraux au sens classique du terme.
Section II – L’Etat composé : Etat fédéral et autonomies régionales
On rencontre une difficulté conceptuelle avec la notion de région. Il est fréquent de lire que dans les Etats fédéraux comme l’Allemagne ou l’Autriche sont des régions.
Il y a ici une nouvelle distinction à faire.
Dans les Etats fédéraux, ce qu’on appelle un Etat fédéré ce n’est pas simplement une région. Parler d’entité fédéré, c’est se placer sur le terrain constitutionnel.
Quand on parle de région, on envisage quelque chose de différent qui au départ n’est pas de nature juridique ni institutionnelle. C’est une notion issue de la géographie. La région est un espace qui se caractérise par un critère qui l’identifie et le distingue d’autres espaces. On peut parler de région maritime (littoral), de région montagneuse, de région viticole, de région agricole, de région industrielle etc. Dans ce sens là, elle n’est pas nécessairement un espace intérieur à un Etat. Par exemple, on peut parler de la région du sud-ouest asiatique.
La région devient une notion d’ordre politique, éventuellement idéologique ou juridique, à partir du moment où la coïncidence d’un certain nombre de critères sur un même espace peut conduire à singulariser cet espace par rapport à d’autres et donc faciliter l’identification avec les caractéristiques propres à cet espace (religieux, culturels, économiques). Les économistes ont aussi utilisé la notion de région dans un sens dépourvu initialement de signification institutionnelle pour étudier des systèmes de production qui se définissent sur le plan géographique et qui entretiennent des relations avec d’autres espaces. La région économique peut être un espace très restreint. Dans les années 1980, de nombreuses études ont été réalisées sur les districts industriels dans le Nord de l’Italie : il y avait un tissu de petites entreprises qui assuraient la singularité économique de cet espace.
Sur le plan administratif et politique, elle est venue de deux types de considérations.
En premier lieu, il y a ce qu’on peut appeler les régionalismes. On peut en parler lorsque dans un espace déterminé par la coïncidence d’un certain nombre de critères qui concourent à distinguer un espace par rapport aux autres, il peut y avoir l’émergence de mouvements politiques qui se saisissent de cette identité, s’en servent comme une offre politique et entreprennent de mobiliser les électeurs au soutien de leurs revendications. La région débouche alors sur un processus politique. Dans l’histoire européenne, beaucoup de situations permettent de repérer des phénomènes de ce type que ce soit à des degrés divers d’affirmation : pays basque, Ecosse, Corse etc.
En second lieu, il y a des raisons économiques soit parce que l’action de l’Etat a nécessité un cadre plus large que les circonscriptions dont il disposait déjà (préfet de région) ou encore le développement d’une concurrence entre les territoires qui a conduit les gouvernants à s’efforcer de produire un projet ou une œuvre politique de manière à renforcer ou préserver le potentiel économique de l’espace dont ils ont la responsabilité. L’Union européenne a été un facteur très important de la régionalisation, c’est-à-dire la prise en compte de l’espace régional et la définition d’un cadre d’action publique à l’échelle de cet espace.
Ceci a été la conséquence premièrement de l’abaissement des frontières prolongé par la constitution d’un marché unique et deuxièmement par des politiques européennes de cohésion avec le développement de fonds structurels à partir de 1975 qui ont conduit les autorités locales à se tourner vers les instances européennes pour obtenir des ressources supplémentaires, le financement de projet en se référant aux critères définis par l’Union européenne.
Au niveau communautaire, on s’est attaché aux disparités régionales dans le même esprit que celui de développement régional en France ou en Allemagne dans les années 1970. On a défini des zones dans lesquelles on a fait des mesures statistiques pour mesurer l’ampleur des disparités. Cette politique a poussé les Etats à valoriser un niveau régional dans leur organisation interne. Seulement, tous les Etats n’étaient pas tous dans la même situation si bien qu’ils n’ont pas réagi de la même manière.
Certains Etats avaient déjà institué la région dans le cadre de l’organisation territoriale pour des raisons indifférentes à des raisons économiques mais tenant à l’Histoire. C’est le cas de l’Italie et de l’Espagne. L’Italie prévoit cinq régions à statut spécial dû à des particularismes locaux (cf. infra) (Sardaigne, Sicile, Val d’Aoste, Frioul) En Espagne, la Constitution de 1978 a entendu renouer le fil de l’Histoire avec la République puisqu’au moment de la République, la Constitution avait prévu de reconnaître des autonomies pour la Catalogne, le Pays Basque et la Galice. Après la chute du régime franquiste, cela faisait partir du legs démocratique de l’éphémère République espagnole. On a aussi généralisé ce système à l’ensemble de l’Espagne.
Ceci a produit un effet de limitation que l’on peut noter dans différents pays voisins : la tentative avortée en 1978 d’établir des pouvoirs régionaux au Pays de Galle, en Ecosse et en Irlande du Nord (réalisé en 1998) ; il y a eu les réformes françaises avec la création de la région en 1982 et 1986 ; le Portugal pourrait se placer sur ce terrain avec ces régions insulaires. Tout ceci a conduit à l’émergence d’un référentiel régional qui a culminé par le vote en 1988 par le Parlement européen d’une Charte de la régionalisation proposant un modèle d’organisation régionale pour l’ensemble de la Communauté. Ce n’était qu’une résolution et elle n’a pas eu de prolongement. Elle est intéressante car au niveau des idées, elle a été un moment de cristallisation d’une vision de l’Europe fondée sur les régions.
Si on essaie de dégager quelques enseignements, on peut considérer que la régionalisation est quelque chose plus modeste en terme politique que le régionalisme et qui s’entend de la prise en compte des intérêts économiques de certains territoires, par des instituions qui ont la charge d’administrer ou de promouvoir ce territoire. Sous cet aspect, la régionalisation peut se traduire sur le plan institutionnel de différentes manières. Elle peut se traduire par la création de régions ou par l’évolution des pouvoirs d’autorités administratives existantes. Par exemple, les Pays-Bas étaient déjà divisés en 12 provinces ont mis en place des dispositifs institutionnels tendant à mobiliser les collectivités locales et les acteurs de l’économie pour promouvoir les régions économiques (adaptation des institutions territoriales existantes).
On peut voir la régionalisation comme la reprise du mouvement qui s’est amorcée au XIXe siècle de décentralisation institutionnelle. De ce point de vue, la régionalisation peut être vue comme une nouvelle étape dans une évolution qui conduit à remplacer des autorités nommées par des autorités élues dont on reconnaît qu’elles sont habilitées à représenter les intérêts collectifs d’un territoire donné.
Les autonomies régionales représentent un cas tout à fait particulier de régionalisation. Elles ne sont pas le futur de la régionalisation mais une expression particulière qui est dû à la conjonction de facteurs historiques, aux conséquences économiques de l’ouverture des frontières et des politiques européennes de développement régional.
Distinction autonomie régionale – Etat fédéral
Une première remarque : fédéralisme et Etat fédéral sont deux notions différentes. Le fédéralisme ne se réduit pas à l’Etat fédéral. L’Etat fédéral est même un cas limite du fédéralisme.
Le fédéralisme est d’abord et essentiellement une association d’Etat : cela suppose qu’il existe des entités juridiques distinctes qui décident de s’unir. Dans un premier sens, avant même qu’existe les Etats fédéraux, une fédération c’était, selon Montesquieu, un Etat d’Etats. Dans l’esprit de Montesquieu, un Etat a des sujets et une fédération, c’est aussi un Etat mais dont les sujets sont d’autres Etats. Dans les Etats fédéraux modernes, les citoyens sont sujets de droit immédiats de la fédération.
Le fédéralisme en tant que mode d’association entre Etats peut connaître toute sorte de variantes. George Scelle analysait l’évolution des relations internationales par rapport à l’idée fédérale : il y a des périodes dans lesquelles le fédéralisme progresse (Commonwealth, SDN) et des périodes dans lesquelles dominent les forces centrifuges, l’éclatement. De ce point de vue, on peut dire que l’Union européenne relève du fédéralisme ce qui ne veut pas dire qu’elle est un Etat fédéral !
Ce qui distingue l’Etat fédéral d’autres types de fédéralisme c’est que l’essentiel des prérogatives de l’Etat se trouve absorbé au niveau fédéral. L’Etat fédéral et la fédération se confondent : l’un désigne l’autre. Ce qui montre bien qu’on est à un point limite.
Certains auteurs considèrent que l’essence du fédéralisme c’est l’association à partir de la famille. Des associations successives (famille, localité etc.) forment la société politique. Cette vision a été développé par Constantin Franz.
Essayons de faire le point sur ce qui peut distinguer les Etats fédéraux des Etats régionaux.
Pour les Etats fédéraux en Europe, nous avons la Suisse, l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique mais aussi plus loin la Russie.
Pour les Etats à autonomies régionales, nous avons des Constitutions qui établit pour l’ensemble du pays des autonomies régionales (Espagne, Italie) et quelques Etats qui comportent des autonomies régionales particulières couvrant une partie seulement du territoire (Royaume-Uni avec l’Ecosse, le Pays de Galle, l’Irlande du Nord qui sont trois modèles institutionnels différents, le Portugal avec des régions insulaires, la France relativement aux statuts de certaines collectivités d’outre-mer mais pas la Corse qui n’a pas un pouvoir qui la distingue très nettement des régions continentales, plus à l’Est on trouve la République de Crimée en Ukraine).
1er élément) Les autonomies régionales procèdent toujours d’une évolution politique d’un Etat unitaire qui concède des pouvoirs à des entités dont il reconnaît le particularisme. Là où il y a autonomie, il y a une logique de conquête de pouvoir par rapport à l’Etat central.
L’Etat central repose sur une autre logique : c’est une logique d’union dans les Etats fédéraux qui procèdent par agrégation.
En outre, dans les Etats fédéraux qui procèdent par ségrégation, on ne rencontre généralement pas de logique centrifuge de conquête de pouvoir sur l’Etat central. C’est par exemple l’Autriche naît de l’éclatement de l’Empire des Habsbourg. Il y a le contre exemple de la Belgique qui naît en 1831 d’une scission du Royaume des Pays-Bas. C’était un Etat unitaire qui s’est divisé sur une base linguistique depuis les années 1970. On a cru trouver lors d’une révision de la Constitution en 1993 un compromis politique et une stabilisation sur la base du fédéralisme. Cela n’a pas mis fin aux tendances centrifuges.
2e élément) Les Etats fédéraux reposent sur une logique d’égalité de statut alors que les autonomies régionales reposent sur une logique de différenciation.
Dans les Etats fédéraux, le principe est que toutes les entités fédérées sont égales en Droit au regard de la Constitution fédérale. Il y a eu plus une différenciation quant à la représentation des Etats fédérés dans les instituions fédérales
Au contraire, dans les Etats à autonomie régionale, on a une différenciation. C’est d’abord une différenciation au niveau des statuts.
Par exemple, en Italie, les régions à statut particulier relèvent d’une loi tandis que les régions à statut ordinaire sont régies par des dispositions générales. La révision de 2001 a modifié le mode de répartition des compétences : elle pose le principe que le législateur national n’intervient que dans les matières définies par la Constitution. Dans les autres matières, c’est le législateur régional qui est compétent. Il y a des matières dans lesquelles le législateur national fixe le cadre général et le législateur régional développe. En outre, chaque conseil régional se dote de son propre statut et il n’a pas besoin d’être approuvé par une loi de la République.
La logique de différenciation est particulièrement visible en Espagne où il y a plusieurs niveaux de différenciation.
D’abord, il y a des particularismes qui sont en quelque sorte indépendant de la volonté politique des autorités régionales : le Code civil espagnol n’a qu’une valeur subsidiaire (il existe un Code civil catalan, des Baléares).
Il y a en outre la langue avec l’attribution à des langues régionales le statut de langue officielle (valencien, catalan, galicien, basque). Ceci a des conséquences du point de vue de l’enseignement, de l’entretien de relations officielles.
Le troisième niveau concerne les pouvoirs. En 1978, on décide de faire droit aux autorités régionales reconnues par la République : plusieurs dispositions additionnelles à la Constitution reconnaissent les droits historiques de la Catalogne, du Pays Basque et de la Galice. Cependant d’autres dispositions additionnelles reconnaissent aussi le maintien de certaines particularités qui concernent la Navarre et le Pays Basque pour des raisons qui remontent à la monarchie : la Navarre bénéficie ainsi de privilèges en vertu duquel ce sont les autorités du territoire qui perçoivent les impôts et ils paient une certaine somme censée couvrir le coût des services que l’Etat rend à cette région. Il y a eu des dispositions concernant la constitution des communautés autonomes : comment faire pour constituer celle dont l’existence historique n’était pas établie ? Ainsi, il y a des communautés autonomes nées du processus d’auto-détermination (référendum) (Andalousie, Pays de Valence), il y a des régions nées d’accord entre les provinces (Aragon) et puis il y a ceux qui sont restés seules (Asturies).
A ce mode de constitution correspond des régimes juridiques. Il y avait celles pour lesquelles étaient accessibles tout de suite les compétences qui n’étaient pas réservés à l’Etat par la Constitution. Pour les autres, elles n’avaient pas accès à toutes ces compétences mais seulement à une partie d’entre elles en attendant qu’une autre négociation ne permette l’accès à la liste maximale des compétences régionales autorisées par la Constitution.
D’un côté il y avait un dispositif constitutionnel qui opérait une différenciation de compétences au départ mais prévoyait une harmonisation progressive et de l’autre, les autonomies qui revendiquaient leur particularisme et réclamait toujours plus. A mesure qu’il y a eu harmonisation, les autonomies autonomes historiques réclamaient de nouveaux pouvoirs ce qui a provoqué de nouvelles négociations.
Ce différentialisme particulièrement poussé s’est traduit par une réforme statutaire au milieu des années 2000.
D’après la Constitution espagnole, chaque autonomie est dotée d’un statut. Ce statut est élaboré par le Parlement régional mais est adopté par une loi organique du Parlement national. Ce statut, initialement, avait pour objet d’organiser les institutions des autonomies et d’en déterminer les compétences car dans le système établi, si la Constitution est bien source des compétences régionales, ce n’en est pas la source directe qui est le statut. Le statut ne peut énoncer en principe comme compétence de la région que ce que la Constitution permet. Cela a deux conséquences :
– par rapport aux compétences possibles, les statuts n’ont pas pris toutes les compétences
– à l’inverse, la formulation des compétences dans le statut peut ne pas être tout à fait en accord avec les formules de la Constitution
Le régime des compétences régionales n’est donc toujours pas homogène. Il dépend non seulement de la Constitution mais aussi du statut et d’autres transferts rendus facultatifs et obtenus par certaines autonomies.
La réforme statutaire du gouvernement Zapatero, encombré par le problème basque, a cherché une solution globale. Par rapport aux problèmes basques, la manœuvre a échoué puisque si ce sont les socialistes qui on gagné la région, il n’y a pas eu d’adoption d’un nouveau statut. Ce que réclame les nationalistes est la reconnaissance du pays basque en tant que tel et une éventuelle association avec le royaume d’Espagne.
En revanche, dans d’autres communautés autonomes, cela a lancé un mouvement pour réclamer d’avantage de pouvoirs. En lisant les statuts qui sont sortis de cette réforme, on peut y voir de véritables constitutions (Catalogne par exemple). La définition des compétences va parfois au-delà de ce que la Constitution prévoit. Le statut de Catalogne a été adopté par référendum. Le Parlement espagnol a modifié et adopté par une loi organique. La Cour constitutionnelle a été saisi : elle déclare inconstitutionnelle un certain nombre de points notamment en ce qui concerne les relations de la communauté avec l’Etat.
Cette différenciation peut être observé aussi au Royaume-Uni.
Pour l’Ecosse (5 millions d’habitants), on rétablit le Parlement d’Ecosse qui est doté d’un pouvoir législatif très étendu. Il y a eu un transfert financier très important mais d’ordre budgétaire et quasiment pas fiscal.
En ce qui concerne le Pays de Galle, bien que la loi institue une assemblée nationale galloise, c’est essentiellement un gros conseil local et non pas un Parlement. Il constitue un exécutif qui n’est que local. Cependant, le Pays de Galle est doté d’attributions importante : l’assemblée n’a pas pouvoir législatif mais toute la réglementation nécessaire à l’application des lois doit désormais être prise non plus par le gouvernement britannique mais par l’assemblée nationale galloise. Le Pays de Galle a réclamé le pouvoir législatif mais ne l’a pas obtenu mais en 1996, il a le pouvoir de proposer des lois au Parlement de Westminster.
En Irlande du Nord, il y a un Parlement doté d’un pouvoir législatif et budgétaire moins étendu que celui d’Ecosse.
En outre, il y a eu sous le gouvernement Blair la velléité de créer en Angleterre (50 millions d’habitants) des régions. Pour cela il a fait un référendum dans le nord est de l’Angleterre (région de Newcastle). « Voulez-vous un conseil régional entraînant la suppression du conseil de comté ? » : échec cuisant. On n’a plus parlé de création de région.
La logique différentialiste comprend une dynamique (ceux qui ont peu veulent d’autres pouvoirs et ceux qui ont veulent aller plus loin) qui peut être très déstabilisante pour l’Etat, ce qui explique la décision de la Cour constitutionnelle espagnole.
3ème élément) Dans l’Etat fédéral, on a un double pouvoir constituant. Chaque Etat membre dispose de sa propre Constitution.
Dans les Etats à autonomie régionale, on a un statut mais pas une Constitution. Cette distinction tend à perdre de sa portée.
En Belgique, il y a un pouvoir d’autodétermination qui est en œuvre dans chaque partie de la Belgique. Du point de vue juridique, le système belge comprend trois régions : la Flandre, la Wallonie et la région de Bruxelles-capitale et trois communautés : la communauté française (entendre francophone), la communauté flamande et la communauté germanophone. Chacune de ces entités est dotée de compétences définies par les lois spéciales de réforme institutionnelle et chaque entité a ses propres institutions. En réalité, on a pas six entités composant la Belgique car elles ont pris des mesures relatives à leur organisation institutionnelle. Ainsi, la Flandre et la communauté flamande ont fusionné mais la Cour constitutionnelle leur impose de respecter les règles propres à chaque entité (région ou communauté). En revanche, du côté du Sud du pays, on ne pouvait pas tout à fait fusionner car sur le territoire de la Wallonie, il y a la communauté germanophone. Néanmoins, en pratique, pour ce qui concerne les affaires wallonnes et germanophones, il y a un accord.
Les statuts peuvent ressembler à une Constitution. Ils sont votés uniquement dans le cadre de la région. Il y a seulement un droit de regard de la Cour constitutionnelle. La Cour constitutionnelle a annulé plusieurs dispositions qui baptisaient le Conseil régional « Parlement ». En Espagne, la réforme statutaire ont montré que les rédacteurs voulaient faire des Constitutions.
4ème élément) Tous les Etats fédéraux de quelque manière comporte des dispositions qui organisent la participation des entités fédérées à la détermination des politiques fédérales. C’est ce que l’on appelle depuis George Scelle, le principe de participation.
Dans les Etats à autonomie régionale, ce principe de participation n’est pas mis en œuvre ce qui n’empêche pas qu’il puisse trouver des traductions indirectes et singulières.
Par exemple, dans le cas du Royaume-Uni, il y a une particularité concernant l’Ecosse. Quand le Parlement d’Ecosse a été supprimé, on a augmenté le nombre de siège d’Ecosse à la Chambre des communes. Démographiquement, l’Ecosse est surreprésenté.
A la fin du gouvernement Brown a été proposé de promouvoir une représentation régionale au sein de la Chambre des communes en créant des commissions composées de parlementaires venants des régions administratives.
Encore, dans le cas de l’Espagne, le Sénat a été initialement conçu sur la base d’une représentation territoriale. Les sénateurs sont élus dans le cadre des provinces ou des îles mais en plus des 208 sénateurs élus au suffrage universel direct, il y a 50 sénateurs qui sont élus par les Parlements des communautés autonomes en proportion de leur population. Il y a donc une certaine représentation des régions au sein du Parlement. Des réformes internes au Sénat ont cherché à renforcer la représentation des communautés autonomes. En 1994, a été créé une commission (petit Sénat dans le Sénat) mais elle a des pouvoirs limités.
5ème élément) Il s’agit là de la compétence relative au régime des collectivités locales.
Dans les Etats à autonomie régionale, puisqu’on sort d’un Etat unitaire, on a au départ au moins et parfois durablement une législation nationale sur les collectivités locales.
Dans les Etats fédéraux, il n’y a généralement pas de législation nationale sur les collectivités locales. C’est une attribution des entités fédérées. Il y a quelques exceptions comme la Russie.
Dans le cas de la Belgique, il s’est passé une fédéralisation du régime des collectivités locales de sorte qu’aujourd’hui, aussi bien la législation institutionnelle que celle sur le contrôle est passée entièrement entre les mains des entités fédérées.
Section III – Décentralisation et les notions voisines : Devolution, délégation, déconcentration
D’une part on rencontre des usages différents et d’autre part, cette notion est concurrencée par d’autres.
Du point de vue juridique, par décentralisation territoriale, on entend l’exercice de pouvoirs publics définies par la loi par des autorités auxquels la loi aménage une certaine liberté de décision et qui seront soumis non pas à une autorité hiérarchique mais à une tutelle. La tutelle ne s’exerce que s’il est prévu et que dans le cadre de ce qui est prévu. Le sens moderne implique l’existence d’autorités élues dotées d’attributions effectives.
Il y a d’autres usages. Dans un sens très descriptif et matériel, on peut l’utiliser pour décrire les relations entre des autorités supérieures et des autorités subordonnées : on dira qu’au sein d’une organisation, on a un régime plus ou moins centralisé selon que les autorités intégrées à cette organisation dispose de pouvoirs par rapport au centre.
Dans ce sens, l’organisation d’une entreprise peut être qualifiée de plus ou moins décentralisée. On peut aussi dire qu’un Etat fédéral est plus ou moins décentralisé. On pourrait ainsi dire que la Suisse est un Etat fédéral plus décentralisé que l’Autriche.
Il y a enfin une troisième utilisation liée à la notion de gouvernance. Dans un rapport publié par le PNUD (Programme des Nations Unis pour le Développement) en 2002 et dans un ouvrage de Rondinelli et Cheema publié par la Banque mondiale en 2007, ce qui est envisagé c’est la gouvernance décentralisée. Les accords publics ne sont plus le fait des instituions publiques seulement. Elles doivent nouer des relations. Ceci concerne aussi bien le niveau national que le niveau local. La gouvernance décentralisée est une gouvernance dans laquelle l’Etat transfère certaines de ses attributions au profit de ses entités qui participent à cette gouvernance.
Dans cet esprit relèvent de la décentralisation, la délégation des pouvoirs à des organismes professionnels, à des ONG ou même la privatisation de certaines entreprises.
L’auteur distingue la décentralisation administrative (pouvoirs administratifs), budgétaire ou économique.
-> Marcou : c’est une présentation qui crée une confusion terrible. La gouvernance et la décentralisation ce n’est pas la même chose. La gouvernance est une notion très diffuse. Elle implique le constat ou la préconisation d’un partage du pouvoir entre les institutions publiques et des organisations privées. Cela exprime donc une relativisation du rôle des institutions publiques et donc aussi inévitablement de la démocratie politique. Le fonctionnement d’une entreprise ne repose pas sur une logique démocratique mais sur une logique économique. De même les associations sont l’expression d’une liberté mais ce n’est pas un mode d’organisation générale de la société.
S’agissant de la décentralisation à proprement parler, il y a un grand paradoxe à utiliser ce mot pour désigner la privatisation. Il n’y a pas de transfert de pouvoir au sens politique du terme. A fortiriori la privatisation est imposée à des collectivités locales et régionales.
Décentralisation ou devolution
Le mot devolution a deux sens.
Il tire son origine de l’histoire anglaise et de la guerre avec l’Irlande. Le Royaume-Uni a d’abord tenté de maintenir l’Irlande dans le royaume en leur permettant de se gouverner eux-mêmes (home rule) : devolution. En revanche, certaines matières leur échappaient (police, monnaie). Cette tentative n’a pas abouti mais a laissé derrière elle une notion qui est revenu à l’ordre du jour lorsque l’on a envisagé la création d’autonomie régionale. On a parlé à ce propos de devolution.
Du point de vue du sens historique, ce n’est pas la même chose car la notion de décentralisation se situe dans l’ordre administratif. Elle ne comporte pas l’idée de transférer des pouvoirs législatifs voire judiciaires à des entités locales ou régionales.
En revanche le mot devolution s’applique à tout transfert de pouvoirs. Rien n’est exclu : le transfert de pouvoirs législatif ou judiciaire. La seule limite, c’est la sécession.
Cependant, dans la littérature internationale contemporaine il est utilisé dans un sens beaucoup plus banal pour décrire le transfert de compétences à des autorités locales. Devolution devient synonyme de décentralisation.
Décentralisation et déconcentration
Dans la littérature internationale, on ne peut pas traduire le mot déconcentration. Les échanges aidant, il se produit un phénomène inverse : le mot s’est anglicisé deconcentration.
D’une part, il y a existence d’une autorité de l’Etat au niveau local et d’autre part délégation.
Elle peut être alternative de la décentralisation. On parle de compétences délégués pour parler des cas dans lesquels une autorité locale va exercer au nom et pour le compte de l’Etat et sous son contrôle des compétences.
Section IV – Autonomie et libre administration
Ces notions demandent à être définies. On examinera ensuite dans quels contextes elles sont utilisées.
En premier approche, le principe de libre administration c’est le principe en raison duquel un statut constitutionnel des collectivités locales est reconnu (article 72) : « Les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi ».
Si on se tourne vers la notion d’autonomie, sur le plan international, elle est définie par la Charte européenne de l’autonomie locale pour l’ensemble des collectivités locales des pays signataires. Elle signifie deux choses :
– les collectivités locales exercent librement et dans l’intérêt de leur population une part substantielle des affaires publiques
– cette gestion est assurée soit par l’intermédiaire de conseils élus soit au travers de procédures appropriées directement par la population
L’autonomie locale tel qu’elle est définie correspond à notion française de libre administration.
Par ailleurs, quand on regarde les autres Constitutions, dans la mesure où on trouve des dispositions concernant les collectivités locales, on trouve un vocabulaire qui n’est pas homogène et qui pose des problèmes de traduction et donc des problèmes conceptuels.
Par exemple, dans les Constitutions de l’Allemagne et de l’Autriche, on parle de selbstverwaltung que l’on traduit souvent par auto-administration. En revanche, il y a des pays dans lesquels les collectivités locales sont caractérisées par le recours au mot autonomie : c’est le cas en Espagne, en Italie, en Grèce, en Roumanie.
Si on revient à la France et que l’on se tourne vers l’article 74 issu de la révision de 2003, on trouve le mot autonomie mais avec un sens très différent. Il est question de celle des collectivités d’outre-mer qui sont dotées d’un statut d’autonomie par une loi organique. En fait, ce qu’on vise c’est le régime de la Polynésie Française et ceux de la Guyane et la Martinique qui comportent des pouvoirs supplémentaires.
Dans l’ordre juridique français, on voit coexister deux formes d’autonomie. L’une correspond au principe de libre administration et aux principes posées par la Charte européenne de l’autonomie locale et l’autre à une dimension plus large, politique, qui consiste en un élargissement des pouvoirs transférés.
Si on regarde la législation et le fonctionnement de l’administration dans les pays où la Constitution parle d’autonomie à propos des collectivités locales, il n’y a pas de différences substantielles avec les pays où la loi parle d’auto-administration ou de libre administration. L’autonomie dont il est question à propos des collectivités locales a certes une dimension politiques parce qu’il y a des élections mais les attributions exercées sont essentiellement de caractère administratif, il n’y a pas d’ambition ou de participation à la fonction législative.
Il faut donc se méfier des mots : la différence de terminologie ne s’accompagne pas forcément de différence substantielle de statut.
En outre, ce qu’on appelle autonomie est une notion relative.
Si on regarde le sens étymologique, elle signifie « obéir aux normes que l’on se fixe à soi-même » mais ce sens n’exclut pas que ces normes s’inscrivent dans un ordre juridique plus large. C’est en ce sens que l’autonomie est nécessairement une notion qui est relative et donc le contenu dépend des dispositions constitutionnelles et législatives concrètes qui le détermine.
Au minimum, on pourra distinguer une autonomie politique, dans le sens où l’évoque le Tribunal constitutionnel espagnol (cf. supra), et les collectivités locales qui sont dotées d’un statut d’autonomie locale moins étendue, qui n’a pas de porté politique au sens de la Constitution espagnole.
On peut en dire tout autant de la Constitution italienne. Dans un arrêt de 2004, la Cour constitutionnelle a donné son interprétation du nouvel article 114 qui indique que la République se compose de l’Etat, des régions, des villes métropolitaines, des provinces et des communes et qui les met, au fond, tous sur un pied d’égalité dans cette énumération. La Cour rappelle que malgré cela, il y a bien une différence de statut puisqu’en ce qui concerne les régions, la Constitution détermine les compétences et leur donne le pouvoir de faire la loi, ce qui n’est pas le cas des autres autonomies reconnues.
Chapitre II – Les Etats composés
Nous avons vu qu’il y a deux grandes catégories :
– les Etats fédéraux
– les Etats à autonomie régionale
Pour l’étude de ces Etats, on peut les étudier en distinguant trois questions :
1° Les institutions politiques centrales pour lesquelles se pose la question de la participation des entités fédérés ou autonomie à la détermination des politiques nationales ou de la législation
2° La répartition des compétences
3° Les « relations intergouvernementales » : il s’agit d’étudier comment les Etats fédéraux fonctionnent par les mécanismes de coopération entre le pouvoir central et les pouvoirs fédérés
Section I – Les institutions centrales : unité et participation, autonomie et concordance
Selon George Scelle, les institutions du fédéralisme sont gouvernées par deux principes :
– principe de participation
– principe d’autonomie
Le principe de participation signifie que les Etats membres participent à des institutions du niveau fédéral qui leur permettent de contribuer à la détermination des politiques de l’Etat et à la législation fédérale.
Le principe d’autonomie, au contraire, est celui qui exprime l’exercice par des institutions propres des compétences qu’elles tiennent de la Constitution.
Tous les Etats fédéraux ont connu une évolution au terme de laquelle le principe d’autonomie a perdu de sa valeur et où le principe de participation a gagné en importance. Cela traduit un progrès de l’intégration. Les relations gouvernementales sont nées du dépassement de ce dualisme.
Le principe de participation trouve son fondement dans le fait que les Etats fédéraux sont généralement fondés sur un principe d’unité. La fédération naît du besoin de s’unir soit pour répondre à un péril extérieur soit parce qu’on éprouve le besoin de mettre des ressources en commun.
Habituellement, il s’exprime dans l’organisation du pouvoir législatif mais il peut se refléter dans l’organisation du pouvoir exécutif, plus rarement dans l’organisation du pouvoir judiciaire.
Concernant le pouvoir législatif, le principe est que l’une des chambres qui composent le pouvoir législatif représente les Etats membres de la fédération. Avec le temps, cette fonction a perdu en importance et la logique partisane a fini par gagner en influence dans le fonctionnement de cette seconde chambre.
Les Etats-Unis sont l’exemple le plus connu. Le Sénat est composé de deux sénateurs par Etat, quelque soit sa taille et sa population. Initialement, ils étaient élus par la législature de chaque Etat. Par la suite, c’est le progrès de l’intégration nationale qui a fait que l’élection au suffrage direct s’est imposée. C’est elle qui fait le clivage entre les deux grands partis. La logique partisane a gagné sur la logique de représentation des Etats membres.
La même chose peut être constaté en Suisse dont la Constitution de 1848 était directement inspiré par celle des Etats-Unis : l’assemblée fédérale se compose d’un Conseil des Etats (composé de deux membres par canton ou, dans certain cas, un par demi-canton) et d’un Conseil national (élu dans les circonscriptions en fonction de la population). Initialement, les membres étaient élus par le Parlement cantonal. Aujourd’hui, ils sont élus au suffrage universel. La dimension politique partisane prévaut là aussi.
Même chose en Autriche en ce qui concerne le Bundesrat autrichien, censé représenter les landers.
En Allemagne, on a une situation un peu différente à cause de la structure du Bundesrat. Ce n’est pas la même institution qu’en Autriche. C’est une représentation des gouvernements des landers. Ce n’est pas une assemblée élue mais une assemblée où siège des représentants désignés par le gouvernement des landers qui expriment le vote décidé par le gouvernement du land. La Loi Fondamentale ne détermine pas le nombre de siège mais le nombre de voix.
Ce système trouve son explication dans l’Histoire allemande et la façon dont avait été formé l’Empire allemand après 1871 où il y avait un Conseil fédéral composé de représentants des différents exécutifs des Etats. Avant, il y avait la même institution dans le Saint Empire Romain Germanique.
Il y a quand même une expression des landers qui est assez apparente. On voit le rôle des partis. Quand il y a des élections, on se préoccupe de la répartition des voix au Bundesrat et non de l’élection dans le cadre de chaque land.
On l’a particulièrement vu lors des révisions : lors de la révision de 1994, qui a fait suite à l’unification de l’Allemagne et dans les travaux de révision qui ont abouti à la révision constitutionnelle de 2006.
Lors de la révision de 1994 (intégration des cinq landers dans l’ex-RDA). On a vu les dirigeants politiques des grands landers de l’Ouest ont cherché à prendre appui sur la procédure de révision pour parvenir à une nouvelle répartition des compétences entre la Fédération et les landers et revenir sur toute une évolution, continue depuis les années 1950, au terme de laquelle l’essentiel de la législation est passée au fédéral. Sur ce point, en définitive, la logique partisane l’a emporté et il n’y a pas eu de grands changements.
Lors de la révision de 2006 : l’enjeu de cette révision était double. D’abord il y avait la volonté de la part du pouvoir fédéral de se libérer de la contrainte du Bundesrat. Avant la révision, on estimait que les deux tiers de la législation de l’Etat fédéral avaient besoin de lui. Mais les gouvernements des landers ont cherché à gagner en contrepartie certaines positions. Ainsi, moins de lois nécessitent l’accord du Bundesrat mais il y a des matières où les landers ont plus d’autonomie et ils ont récupéré des pouvoirs législatifs.
On a aussi des exemples inverses où la définition des institutions joue en faveur du pouvoir fédéral. On peut citer trois exemples.
Le Canada est un pays qui a un régime parlementaire, à la différence des Etats-Unis. Il a introduit le parlementarisme à l’anglaise dans sa Constitution qui était à l’origine une Constitution déterminée par l’ancienne puissance coloniale. Il a fallut attendre les années 1990 pour attendre le « rapatriement de la Constitution ».
Depuis la loi constitutionnelle de 1867, le Canada dispose d’un Parlement bicaméral : un Sénat et une Chambre des communes. Du point de vue juridique, on considère que le Parlement fédéral se compose du Sénat de la Chambre des communes et du gouvernement.
Seulement, on n’a pas au sein de ce Parlement la représentation des provinces. Le Sénat canadien a été imaginé comme quelque chose ressemblant à la Chambre des Lords. Comme il n’y avait pas d’aristocratie, ce ne pouvait être une réplique parfaite. On a imaginé une assemblée non-élective dont les membres sont nommés par le gouvernement. Il n’y a pas de règle écrite : c’est l’usage politique qui a, peu à peu, dégager des usages. La composition du Sénat doit refléter le pluralisme canadien (religieux, professionnel, ethnique, provincial). Le premier ministre nomme des personnalités politiques et le Sénat facilite les remaniements ministériels (on élimine un ministre et on le nomme au Sénat).
Le Sénat canadien est « un organe collégial sans assise légitime ».
Il a des pouvoirs législatifs. Il a des pouvoirs semblables à la Chambre des communes sauf en matière financière. En pratique, le Sénat a abandonné son initiative des lois et fait preuve de retenue dans l’exercice de ces pouvoirs. Pourtant, il est arrivé qu’il bloque un projet de loi important.
Il compte 95 sièges. Une vague représentation des provinces est assurée par le fait qu’on a réparti les sièges entre quatre grandes régions (24 sièges chacune). On a ajouté des sièges pour Terre Neuve et des territoires indigènes (Yukon etc.).
En définitive, il est une institution manœuvrée par le gouvernement puisqu’il contrôle les nominations. On ne peut pas dire que c’est un Sénat fédéral.
En revanche, c’est dans le gouvernement qu’on a cherché à assurer une représentation des provinces. Le premier ministre choisit librement ces ministres qui sont tous des députés. Mais selon l’usage, il doit fédéraliser son cabinet : il s’arrange pour nommer au moins un ministre par province. Il tient compte également de l’importance démographique des provinces.
Au Mexique, le Congrès fédéral comprend un Sénat qui est censé représenter les Etats du Mexique (il y a 31 Etats et le district fédéral de Mexico). Le Sénat se compose de 120 sénateurs qui sont élus dans chaque Etat. S’ajoutent à ces sénateurs élus, 32 sénateurs qui sont élus au niveau national à un scrutin de liste dans le cadre d’une seule circonscription pour l’ensemble du Mexique.
Ce n’est donc pas véritablement un Sénat fédéral. Un cinquième de ses membres sont élus sur une liste nationale.
L’élection au suffrage direct des autres sénateurs donne une importance à l’influence des partis politiques. D’ailleurs, la Constitution prévoit que les partis politiques doivent déposer des listes de candidat : il n’y a donc que des partis politiques ! Cette disposition a favorisé l’hégémonie du parti révolutionnaire.
En Russie, on a un autre cas de figure. Le Conseil de la fédération n’est pas véritablement une représentation des Etats. La Russie est l’Etat fédéral qui comprend le pus d’unité au Monde.
D’après la Constitution fédérale de 1993, l’Assemblée fédérale se compose de deux chambres : la Douma d’Etat (assemblée élue sur une base démographique dans l’ensemble de la fédération) et le Conseil de la fédération. Ce conseil est composé de deux membres par sujet de la fédération : un membre représente le pouvoir législatif, un membre représente le pouvoir exécutif.
La principale faiblesse de ce Conseil est que son mode d’organisation est déterminée non par la Constitution mais par la loi. En 1993, chaque sujet était représenté par le chef de l’exécutif élu au suffrage universel direct. Après 2000, la loi a prévu que l’exécutif désigne son représentant.
Il faut ajouter que depuis la réforme intervenue en 2004, le chef de l’exécutif n’est plus élu au suffrage direct mais par le Parlement régional sur proposition du président de la fédération.
En définitive, le fédéralisme est aussi déséquilibré en faveur du centre. Cette évolution correspond à une reprise en main par le pouvoir central après une période où le pays était extrêmement fragmenté et où un certain nombre de sujets pouvaient prendre une autonomie sur le plan politique jugée dangereuse pour l’unité de l’ensemble du pays.
Plus rarement la mise en œuvre du principe de participation a intéressé le pouvoir judiciaire.
Dans certains Etats, il est arrivé que l’on reproche à la Cour constitutionnelle d’être trop favorable au pouvoir fédéral dans ces décisions relatives aux rapports entre entités fédérés et pouvoir fédéral.
A titre d’exemple, on peut citer le projet de révision constitutionnelle soumis à référendum en 2006 en Italie, rejeté à plus de 60 %, qui tendait à faire participer les régions à la désignation des membres de la Cour constitutionnelle. La raison de cette proposition était que certains (Ligue du Nord) considéraient qu’elle était trop favorable au pouvoir central.
Ce type de raisonnement a été avancé dans d’autres pays comme l’Espagne.
Le risque est très grand de porter atteinte à la crédibilité de la Cour constitutionnelle et à l’acceptation de ces décisions, raison pour laquelle dans les Etats fédéraux on s’est efforcé de maintenir le pouvoir judiciaire en dehors de la fédéralisation des institutions.
Section II – La problématique de la répartition des compétences
Elle est centrale dans tous les Etats fédéraux.
Elle concerne au premier chef la répartition des compétences législatives puisque ce qui caractérise l’Etat fédéral est la pluralité des fonctions législatives. L’Etat fédéral est un Etat dans lequel les fonctions sont organisées à « deux paliers ». La pluralité du pouvoir législatif ne veut pas forcément dire pluralisme juridique. En réalité, dans les principaux Etats fédéraux, il y a une certaine unité du Droit (il y a bien une unité du Droit américain !).
Avec les compétences, il faut aussi évoquer la question des institutions des autorités fédérées car l’une des compétences des Etats fédérés est de déterminer leurs propres institutions pour se gouverner. A cet égard, le degré de liberté des différentes entités varie.
On trouve dans presque tous les Etats fédéraux, on trouve des clauses d’homogénéité. Ce sont des dispositions de la constitution qui impose un socle minimal aux institutions des entités fédérées.
Par exemple, la Constitution indique que les Etats-Unis garantit chaque Etat une forme républicaine de gouvernement et le protégeront contre toute invasion ainsi que contre la violence de l’intérieure. On entend par « forme républicaine », le gouvernement représentatif.
En Allemagne, l’article 28 de la Loi Fondamentale précise que les landers doivent se doter d’institutions qui correspondent au régime démocratique, républicain et social de la République fédéral. En revanche, il n’y a pas de dispositions précises sur l’organisation des institutions. Il n’en demeure pas moins que malgré cette liberté, les institutions sont toujours très semblables.
Cette homogénéité va bien au delà de ces clauses et cela témoigne du fait que les Etats fédéraux sont d’abord des Etats avant d’être des fédérations. Finalement, l’Etat fédéral est un cas limite du fédéralisme puisque l’Etat fédéral a une forme unitaire en réalité.
On trouve quelques fois plus de variétés dans d’autres Etats que les Etats fédéraux.
En Espagne, tous les statuts n’organisent pas la responsabilité du gouvernement devant le Parlement régional.
Normalement, les Constitutions fédérales ne régissent que les rapports entre Etat fédéral et Etats fédérés mais il y a quelques exceptions.
On peut citer le cas de la Constitution du Mexique. C’est le seul cas de Constitution fédérale où l’on trouve une nomenclature précise des compétences que les collectivités locales doivent exercer. La Constitution du Mexique est très détaillée : dans le titre V, on a des dispositions dont l’idée est de garantir l’autonomie des communes à l’intérieure de l’organisation administrative de chaque Etat membre. Cela se traduit par des dispositions définissant les bases de l’organisation municipale. Cela concerne les fonctions et services publics que les communes doivent assumer, les pouvoirs juridiques sous réserve du respect des lois fédérales ou étatiques.
Dans les pays européens, il n’y a aucun exemple de ce type.
Il y a deux cas au Monde qui précise les compétences des collectivités locales, avec moins de précision toutefois que la Constitution du Mexique : Brésil et Afrique du Sud.
Comment s’analyse la répartition des compétences sur le plan de la législation entre le pouvoir fédéral et entités fédérés ?
D’abord, c’est la Constitution qui attribue un pouvoir législatif aux autorités subnationales. Cela est vrai dans les Etats fédéraux ou les Etats à autonomie régionale. Cela est également vrai pour le Royaume-Uni dans la mesure où les lois de 1878 relatives à l’Ecosse et l’Irlande du Nord sont considérées comme constitutionnelles.
Il s’agit bien du pouvoir de faire des lois car il est fréquent de lire législatif pour parler d’une simple assemblée délibérante. En Allemagne, la Loi fondamentale répartit explicitement le pouvoir de faire le loi entre la fédération et les landers. En Italie, le nouvel article 117 issu de la révision constitutionnelle de 2001 dit expressément que le pouvoir législatif est exercé par l’Etat et les régions dans le respect de la Constitution. En Espagne, le Tribunal constitutionnel a jugé que lorsque la Constitution renvoie à une loi, cela peut être une loi nationale ou régionale selon la répartition des compétences matérielles.
Quelque fois on peut être trompé par le vocabulaire : la Constitution Belge réserve le mot loi aux lois fédérales et il est question de décret pour les régions et les communautés. Or les décrets sont des actes législatifs. Il n’y a pas de hiérarchie entre les lois et les décrets !
Le doute ne peut subsister qu’au Royaume-Uni dans la mesure où la loi sur l’Ecosse rappelle que le Parlement de Westminster, seul dépositaire de l’autorité, conserve la possibilité de légiférer sur l’Ecosse.
Ce dispositif a été complété par une convention dite du Sewell au terme de laquelle il est convenu que le Parlement britannique n’interviendra pas dans les matières du Parlement écossais sans accord de celui-ci. Le Parlement écossais peut adopter une motion donnant son accord à ce qu’une loi de Westminster comporte une disposition concernant l’Ecosse dans une matière transférée à l’Ecosse « lorsqu’il paraît approprié de définir un régime uniforme pour l’ensemble du Royaume-Uni ou encore si l’agenda parlementaire écossais ne permet pas d’adopter de législation opposée ».
Eu égard à la tradition britannique, le Parlement de Westminster, seul dépositaire de la souveraineté, pourrait toujours reprendre une partie des pouvoirs qu’il a transféré à l’Ecosse.
Comment s’exerce le pouvoir législatif par ces entités ?
La pratique est extrêmement variable selon les pays.
En Europe, dans les Etats fédéraux et à autonomie régionale, il joue un rôle beaucoup moins important qu’aux Etats-Unis où les lois qui interviennent sont très détaillés.
Dans les pays européens, l’exercice des pouvoirs législatif est beaucoup moins développé qu’on ne pourrait l’imaginer a priori.
Par exemple, en Allemagne, le land de Rhénanie adopte à peu près une vingtaine de lois par an. A cela il faut ajouter le vote du budget.
En Espagne, trois à dix lois par communauté autonome mais plus d’une vingtaine en Catalogne. On ne sera pas surpris que c’est les régions qui mettent le plus en avant leur singularité qui légifère le plus.
Les régions italiennes, bien qu’ayant moins de pouvoir que les autonomies espagnoles, légifèrent plus : 40 lois par an en moyenne. La tendance augmente depuis la révision de 2001.
En Ecosse, moins d’une vingtaine de lois par an.
Cela suggère deux observations :
– absence de corrélation entre le volume législatif et le statut constitutionnel des entités fédérés. Les Etats fédérés allemands légifèrent autant que l’Ecosse. En Italie, les régions à statut spécial, ne se distinguent pas des autres régions.
–
Hiérarchie entre les actes législatifs : lois fédérale ou nationales et lois régionales ?
Sur ce point la situation est assez incertaine dans certains pays. Tout dépend des dispositions constitutionnelles lesquelles sont parfois muettes sur la question.
– hiérachie ?
– sanction ?
– garanties juridqiues ?
1° Hiérarchie
L’existence même de l’Etat suppose la primauté de la loi fédérale ou nationale sur les lois régionales. C’est l’un des problèmes qui sont à l’origine de la guerre de sécession.
Elle opposait deux conceptions du fédéralisme américain : il y avait les fédéralistes pour lesquels le pouvoir fédéral avait une autorité immédiate c’est-à-dire qu’une loi fédérale était directement et immédiatement applicable dans les Etats membres et ceux qui considérait que les Etats fédérés étaient souveraines donc que l’application de la loi fédérale dans un Etat fédéré suppose que la Constitution de l’Etat soit ratifié dans l’ordre interne de l’Etat fédéré par une loi fédérale. Une telle conception affaiblit considérablement le pouvoir fédéral lpuisque l’exécution de sa législation ne peut s’imposer sur les poiuvoirs locaux.
La question de la primauté de la loi fédérale est une question centrale pour l’existence de n’importe quel ordre fédéral.
C’est une question qui s’est posée en Russie après la dislocation du bloc soviétique.
Cette primauté se présente sous deux formes :
– suprématie absolue de la loi fédérale
– suprématie relative de la loi fédérale :
La suprématie relative : suprématie dans les domaines de compétence de la loi fédérale.
Etats-Unis (arrêt Mc Kilok c/ Marinland : gouvernement quoique limité dans son pouvoir est l’autorité suprême et ces lois forment la loi suprême
Suisse (article 49 de la Constitution : « le droit fédéral prime le droit cantonal »)
Allemagne (« la loi fédérale brise la loi du pays »)
En Allemagne, la révision constitutionnelle de 2006 est venue introduire une sérieuse nuance à ce principe traditionnel. Elle a révisé la répartition des compétences entre la fédération et les landers et a fait passer un certain nombre de matières et est ajouté que si la fédération a fait usage de sa compétence législative dans certaines de ses matières, les landers peuvent adopter par la loi des dispositions qui y dérogent.
L’article 72 §3 précise que la loi fédérale pour ces six matières entrent en vigueur au plus tôt six mois après leur publication. Dans ces six matières, les landers peuvent adopter des dispositions qui dérogent à la loi fédérale.
Dans les autres Etats, on a admis une conception plus étroite de la suprématie de la loi fédérale sur la loi régionale qui se place sur la question de la répartition des compétences. Toutefois la Constitution ne résout pas toujours la question ou seulement dans un sens restrictif.
Ainsi, la Constitution de l’Autriche est muette sur cette question. En Belgique, la Constitution n’établit que la suprématie du législateur spécial (Parlement belge adopte des lois selon des règles de majorité particulières pour régler la répartition des compétences entre le pouvoir fédéral, les régions et les communautés : sorte de loi organique). A contrario, il en résulte qu’il n’y a aucune hiérarchie entre la loi fédérale et la loi régionale ou communautaire.
En Italie, la Constitution règle la répartition des compétences (article 117) mais il n’y a pas d’autres règles. L’article 127 permet au gouvernement de saisir le juge constitutionnel d’un recours contre une loi régionale qui excède les compétences régionales. Aucun autre cas de recours. Cependant la Cour constitutionnelle a quand même interprété en faveur de l’Etat cette disposition. Dans l’article 117, il y a une liste de matières relevant de la législation exclusive de l’Etat. Parmi ces matières, la Cour a considéré que certaines avaient un caractère transversal : ainsi, elles s’imposent au pouvoir régional en toute hypothèse (régime de protection de la concurrence, délimitation des niveaux essentiels de prestation concernant les droits civils et sociaux qui doivent être garantis sur tout le territoire national, protection de l’environnement, de l’écosystème et des biens culturels).
En Espagne, la loi de l’Etat prévaut pour tout ce qui ne relève pas de la compétence exclusive de la communauté autonome. Le droit étatique conserve une valeur supplétive par rapport au droit des communautés autonomes. Quand la communauté n’a pas légiféré, la législation de l’Etat continue de s’appliquer à titre supplétif. En Espagne, une loi de l’Etat est valide mais seulement applicable dans la mesure où la communauté n’a pas légiféré sur le même sujet. Toutefois, si toutes les communautés ont inclus dans leur statut la même définition de compétence exclusive dans un domaine, le législateur étatique perd son titre à légiférer.
La particularité du système espagnol, c’est que la source primaire des compétences de la communauté est le statut et non la Constitution mais la Constitution détermine ce que la communauté peut retenir dans son statut comme compétences qu’elle pourra exercer (cf. supra).
En Russie, les dispositions relatives à la répartition des compétences font intervenir deux principes.
Il y a une définition des compétences exclusives pour lesquelles la loi fédérale prévaut.
Il y a des matières qui sont partagées entre compétences fédérales et compétences des sujets. Dans ces matières, la loi fédérale prévaut et les matières qui ne sont pas visées par la Constitution sont des matières qui sont seulement des compétences de la fédération et dans ce cas, c’est la loi du sujet qui prévaut.
Toutefois dans la pratique, il faut relever que l’activité législative des parlements régionaux est assez faible. Ils adoptent un certain nombre de lois mais assez souvent, elles ne font que reprendre les principes généraux du pouvoir fédéral et renvoie les mesures d’application au pouvoir exécutif.
2° Règlement des conflits
En Allemagne, la solution est radicale quand le problème se pose en cas de compétences concurrentes. La loi fédérale intervenu dans une compétence concurrente rend nulles dès l’entrée en vigueur les dispositions du land intervenues dans cette compétence.
Dans d’autre pays, la loi fédérale ne jouit pas de la même présomption. En général, le pouvoir fédéral devra faire constater l’inconstitutionnalité de la loi régionale.
En Russie, quand une loi régionale est déclarée inconstitutionnelle, elle ne peut plus être appliquée mais elle ne sort pas de l’ordre juridique. Pour qu’elle en sorte, il faut que le Parlement régional l’abroge ou la modifie. Cela créer une situation difficile parce qu’il peut arriver que le parlement régional tarde à abroger.
S’agissant du contrôle, cela suppose la mise en œuvre de pouvoirs qui visent les organes des entités fédérées et en même temps, il faut des modalités qui en préviennent l’utilisation abusive
En Allemagne, l’article 37 prévoit le recours à la contrainte fédérale. Cet article vise l’hypothèse où un land ne remplit pas ces obligations qui lui incombent en application de la loi fédérale ou des lois régionales vis-à-vis de la fédération ou des autres landers. Dans ce cas, le gouvernement prend avec le Bundesrat les mesures qui paraissent s’imposer pour ramener le land au respect de ses obligations : mesures financières, nomination d’un représentant du gouvernement fédéral auprès des institutions du land… Des mesures aussi extrêmes n’ont jamais été engagé bien qu’on puisse voir des applications assez anciennes mais elles n’ont jamais été jusqu’au bout.
D’un autre côté, on peut considérer que c’est parce que la procédure est crédible qu’on n’a pas eu à s’en servir ou parce que l’Allemagne est un Etat fédéral assez bien intégré et que les conflits politiques n’ont jamais dégénéré.
En Espagne, si les communautés autonomes ne se conforment pas ou portent gravement atteinte à l’intérêt général de l’Espagne, le gouvernement, après mise en demeure et approbation du Sénat, peut adopter des mesures nécessaires pour imposer l’exécution forcée des dispositions. Il peut aussi donner des instructions.
En Italie, l’article 120 permet au gouvernement national de se substituer aux organes des régions, des provinces, des collectivités locales en cas de manquement aux normes internationales, aux normes communautaires ou en cas de péril grave pour la sureté ou la sécurité publique ou encore quand l’exigent la protection de l’unité juridique ou de l’unité économique en particulier la protection des niveaux essentiels des prestations concernant les droits civils et sociaux. C’est ce dernier point qui peut présenter le plus de possibilités : il est concevable que le gouvernement national puisse vouloir contrer des politiques régionales qu’il trouverait discriminatoires par exemple.
La Constitution permet aussi au président de la République par décret motivé de prononcer la dissolution de l’assemblée régionale ou la destitution d’un président régional de la s’ils ont accompli des actes contraires ou de graves violations des lois ou encore pour raison de sécurité nationale.
Ces dispositions paraissent très radicales mais elles le sont moins en réalité puisqu’elles résultent de la révision de 2001, laquelle a supprimé le contrôle sur les actes des régions et des collectivités locales.
Enfin, au Royaume-Uni tout projet porté devant le Parlement d’Ecosse ou d’Irlande du Nord appelle une prise de position du ministre compétent sur le fait que le projet est bien de la compétence législative de l’assemblée. Le gouvernement britannique comprend un ministre chargé de l’Ecosse, un ministre chargé du Pays de Galle et un chargé de l’Irlande du Nord. Ces ministres ne dirigent pas l’administration de ces régions mais sont chargés de suivre les affaires de ces régions pour veiller au respect de la loi, en particulier le respect des compétences des autorités régionales, et, le cas échéant, pour déterminer des mesures de coordination.
Il y a des suites possibles pendant quatre semaines après l’adoption de la loi régionale pour l’Ecosse et l’Irlande du Nord. Avant la sanction royale, des officiers de Justice (gardien de la loi à l’échelle de l’ensemble du Royaume-Uni) peuvent déférer la loi à la commission judiciaire du Conseil privé de la reine qui se prononce sur la compétence de l’assemblée. On a là le premier exemple de contrôle de constitutionnalité (si tant est que la loi de 1998 est une loi constitutionnelle) pour faire respecter les limites de sa compétence du législateur régional.
Le Parlement du Pays de Galles n’a pas d’attribution législative (à voir !).
Enfin, si la validité d’une loi galloise est soulevée à l’occasion d’un litige, chaque loi désigne la Cour compétente. C’est elle qui tranchera en dernier ressort.
La commission judiciaire du Conseil privé subsiste même si il y a une Cour Suprême (Chambre des Lords). Elle est compétente dans les matières qui ne relèvent pas de la Cour Suprême.
Dans un autre sens, la protection réside essentiellement dans le droit de saisir le juge constitutionnel de toute mesure prise par l’Etat central et qui porterait atteinte à leurs prérogatives. Cela n’est pas possible pour l’Ecosse, le Pays de Galle ou l’Irlande du Nord.
Cette dissymétrie dans les recours n’est pas étonnante. Dans la Constitution suisse, il est possible de contester une loi cantonale au motif qu’elle violerait la Constitution fédérale. A l’inverse, il n’est pas possible pour les autorités cantonales ni d’ailleurs pour un autre sujet de droit de faire juger par le tribunal fédéral qu’une loi fédérale serait contraire au droit des cantons. La révision constitutionnelle de 1999 est une révision plénière qui n’a pas apporté de changement sur ce point.
Répartition des compétences matérielles
Il s’agira de savoir dans quels domaines peuvent intervenir le législateur fédéral et le législateur régional.
Dans toutes les Constitutions, on a des dispositions qui procèdent à une telle répartition. Cette répartition était autrefois considéré comme la question fondamentale si ce n’est unique de l’organisation d’un Etat fédéral parce qu’on partait de l’idée (à une époque où les fonctions de l’Etat était peu entendu) qu’il devait y avoir une séparation nette entre ce que faisait le fédéral et ce que faisaient les Etats fédérés. Aujourd’hui, les choses sont devenues beaucoup plus complexes. Ce n’est pas seulement que les pouvoirs des autorités fédérales ont progressé. Elles se sont élargies car les fonctions de l’Etat se sont considérablement élargies par rapport à ce qu’elles étaient au XIXe siècle.
Toutes les difficultés de répartition trouvent leur réponse dans les relations intergouvernementales c’est-à-dire l’organisation des relations institutionnelles de coopération, de coordination, entre les autorités fédérales et fédérées.
Dans les autonomies régionales, le problème est à peu près le même en ce qui concerne la répartition des compétences. En revanche, cela est différent pour les relations intergouvernementales.
On trouve des systèmes de répartition législative assez variés. A cet égard, les Constitutions modernes sont beaucoup plus complexes que ne l’étaient les Constitutions anciennes.
La Constitution des Etats-Unis, la plus ancienne, est celle qui procède de la manière la plus simple. Elle énumère les matières dans lesquelles le Congrès peut légiférer (article 1er section 8) et le 10e amendement a précisé que les autres matières appartiennent aux Etats ou au peuple.
Les Constitutions modernes comportent des dispositions plus complexes. L’application de ces dispositions a nécessité un travail d’interprétation des Cours constitutionnelles. En général, elles ont inventé des notions nouvelles qui a permis d’étendre le pouvoir des autorités fédérales.
Au titre des autres systèmes, on peut citer le système allemand qui est plus précis même s’il pose des problèmes. La Loi fondamentale allemande prévoit une liste de matière de la compétence exclusive du législateur fédéral et prévoit des matières de compétence concurrente (article 74). L’article 72 définit dans quelle limite le législateur fédéral peut intervenir dans les matières de compétence concurrente. Cette distinction est complétée par des dispositions spéciales en matière financière qui indiquent comment sont répartis les compétences législatives.
Dans les matières à compétence concurrente, le législateur ne peut intervenir que dans la mesure où son intervention est nécessaire pour produire « des conditions de vie équivalente sur l’ensemble du territoire fédéral ou pour assurer l’unité juridique ou économique dans l’intérêt de l’ensemble de l’Etat ». Ce sont des conditions très larges dont il est difficile de fixer les limites. Il n’est jamais arrivé que le juge constitutionnel annule une loi sur ce motif.
C’est ce qui explique qu’avec le temps l’essentiel de la fonction législative ait été absorbé par le Parlement fédéral et qu’à l’inverse de ce que laissait présager le texte, la législation des landers est devenue une législation secondaire.
La notion de compétence concurrente n’a pas toujours le même sens. Dans la Constitution italienne, après l’énumération des matières qui relèvent exclusivement de la législation de l’Etat, il y a une autre liste concernant les matières de « législation concurrente ». Cela exprime des matières dans lesquelles le pouvoir législatif appartient certes aux régions mais sous la réserve de la détermination des principes fondamentaux par la loi de l’Etat. En principe, le pouvoir législatif régional s’applique sur la base des principes généraux posés par la loi nationale. Il n’est pas très clair si la région peut légiférer même s’il n’y a pas de loi (sorte de loi cadre).
D’autres systèmes fédéraux connaissent ce genre d’intervention : partage vertical d’une matière.
Le législateur national pose les principes généraux et le législateur régional fixe les détails. Il existait en Allemagne jusqu’à la révision constitutionnelle de 2006.
La Constitution autrichienne prévoit des lois cadres. Les landers adoptent des lois de détail et ont en charge l’exécution.
En Espagne, on a la même idée avec les « lois de base » prévues par la Constitution dans de nombreuses matières.
En Suisse, on conjugue différents systèmes de répartition selon les domaines. Par exemple, c’est la législation qui porte sur les principes ou bien il peut arriver qu’elle soit exclusive et il y a enfin certaines matières qui sont des compétences communes où le législateur cantonal peut légiférer. Si le législateur fédéral intervient, la loi cantonale devra être mis en harmonie avec la loi fédérale.
Dans le système de la Russie, il y a une absence de décision. Une liste dresse les compétences exclusives. Un autre article indique les matières qui sont de la compétence commune ou conjointe de la fédération et des sujets de la fédération. Ces secondes sont les plus nombreuses mais rien n’indique le mode de partage ni les rapports pour l’exercice de ces compétences. Tout ce que cela veut dire : les matières qui ne sont pas dans l’une ou l’autre des listes sont des matières des sujets de la fédération.
Pour résoudre l’incertitude, on a adopté deux lois qui règlent les rapports. Pour chacune des matières figurant à l’article 72, on établit un critère de partage de compétence entre la fédération et le sujet. Le critère principal qui est utilisé est celui du financement. Il y a un partage évolutif, au cas par cas, en fonction de l’évolution des politiques publiques définies au niveau de la fédération.
Comment la jurisprudence a-t-elle appliqué ces règles de répartition de compétences ?
Il y a plusieurs notions qui ont été imaginées par les juges qui ont permis au fil du temps une extension des compétences fédérales au détriment des autorités régionales.
Les plus caractéristiques et anciennes sont celles qui a été imaginé par la Cour Suprême des Etats-Unis : dès le début du XIXe siècle puis au cours du XIXe siècle, à partir de certains énonces de la Constitution fédérale elle-même. Elle s’est appuyée sur l’article consacré aux pouvoirs du Congrès selon lequel il a le pouvoir d’assurer la défense et la prospérité générale des Etats-Unis et compétent pour réguler le commerce entre les Etats. Ces clauses ouvertes ont été largement interprétées par la Cour Suprême.
Elle a ainsi considéré que dans tous les cas où il y avait un produit venant d’un autre Etat que les Etats-Unis, la question pouvait être valablement réglé par une loi fédérale et non fédéré. Dans les années 1960, cette formule a été utilisée pour lutter contre les discriminations raciales dans le Sud dans la mesure où ces pratiques ayant lieu dans des lieux publics (restaurants) pouvaient tomber sous le coup de la compétence fédérale du seul fait que dans ces endroits on vendait des produits qui venait d’autres Etats que les Etats-Unis.
On trouve dans d’autres Constitutions des formules qui sont également « attrape-tout » et justifie une intervention assez large du législateur fédéral. Par exemple, en Russie, l’article 8 indique que la Constitution garantit « l’unité de l’espace économique » ou encore que « les droits et libertés garantis par la Constitution sont réglés par le législateur fédéral ».
A côté de ces clauses ouvertes que l’on trouve à peu près dans toutes les constitutions, il y a aussi des notions jurisprudentielles inventées par le juge.
La première de ces techniques est la théorie des pouvoirs impliqués : implied powers (ce n’est pas pouvoirs implicites !). Ce sont des pouvoirs que l’on reconnaît à l’autorité fédérale comme étant la conséquence d’autres pouvoirs qui lui sont expressément reconnu : ces pouvoirs sont dans le prolongement nécessaire de pouvoirs inscrit dans la Constitution
Par exemple, dans l’arrêt de 1919 Mc Culock c/ Marinland, la Cour Suprême a jugé que le Congrès dispose des pouvoirs et notamment celui de créer une Banque Centrale des Etats-Unis lié au pouvoir en matière monétaire de l’Etat fédéral. Selon le juge Marshall, de grands pouvoirs ayant été donné par la Constitution au Congrès, « il doit aussi se voir investi d’amples moyens sans qu’on ait à rechercher une habilitation spéciale dans un texte de la Constitution ».
Dans le même arrêt, il est dit que les Etats ne sauraient exercé leurs compétences réservées de manière à ce qu’ils entravent les opérations du gouvernement fédéral (pendant négatif).
En Allemagne, on a utilisé des notions de ce type. La Cour utilise la notion de compétence fédérale qui découle du contexte d’une affaire, la compétence accessoire ou encore une compétence qui résulte de la nature des choses. Ces notions autorisent une interprétation prétorienne de la situation.
Au Canada, on trouve des dispositions comparables dans la jurisprudence de la Cour Suprême Canadienne. Parmi les clauses d’extension, on trouve la notion de pouvoirs d’urgence qui permet à la fédération de légiférer pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement (article 91 de la Constitution) et de se substituer au législateur provincial.
En outre, il y a le pouvoir déclaratoire de la fédération : il s’agit d’une faculté du Parlement fédéral d’étendre sa compétence exclusive à des travaux en la déclarant être à l’avantage du Canada ou de plus d’une province. Ces travaux sont alors soustraits à la compétence provinciale. Cette possibilité se trouve en fait fondé sur le rapprochement de deux articles : l’article qui définit la compétence fédérale et qui indique que les compétences fédérales s’étendent aux sujets qui sont soustraits aux compétences provinciales et dans l’article qui définit les compétences provinciales, il y a une disposition qui exclut les travaux (…). On compte au moins 500 applications d’après les auteurs canadiens de cette technique qui permet au fédéral de réaliser un très grand nombre de projets du moment où des travaux s’y rattachent.
Tout ceci va dans le sens d’une certaine convergence et même une uniformisation de la législation dans les Etats fédéraux. Cette tendance est contesté par des évolutions récentes en sens contraire : cf. révision de 2006 en Allemagne et un certain nombre de décisions de la Cour Suprême depuis la fin des années 1990 qui de manière significative ont remis en cause l’interprétation traditionnellement donné sur le chef de compétence sur la régulation du commerce entre Etats (CS, 1995, United States c/ Lopez : la compétence du Congrès pour régler le commerce entre les Etats « ne vaut qu’en matière économique ». La Cour a annulé une loi fédérale intervenant dans les compétences d’un Etat car ce n’était pas une matière économique.)
Section III – Les relations intergouvernementales : autonomie et coopération
On peut les appeler aussi, dans les pays de langue allemande, le fédéralisme d’exécution.
La tendance au renforcement des compétences fédérales a conduit à une imbrication de plus en plus grande de l’intervention du pouvoir fédérale avec le rôle joué par les Etats membres ou avec les pouvoirs régionaux.
Il y a donc aujourd’hui un certain éloignement avec une vision fédéraliste (cf. supra) traditionnelle qui caractérisait l’Etat fédérale comme la séparation nette du fédéral et du fédéré. Aujourd’hui ce n’est plus le cas et la règle c’est que les compétences s’entrecroisent, se chevauchent, se mêlent y compris par le fait que les différents domaines de politiques publiques peuvent donner lieu à des compétences soit du pouvoir fédéral soit du pouvoir fédéré.
Il a donc fallu imaginer des procédures pour régler ces rapports de coopération entre le pouvoir fédéral et les pouvoirs fédérés.
Ce problème s’est d’abord posé aux Etats-Unis, puisque dès avant la SGM, on a eu un grand nombre d’exemple de programmes fédéraux définis par des lois fédérales qui avait pour objet de permettre au fédérad d’interbenir dans des affaires fédérés au moyen de programme échangeant des financements fédéraux contre la réalisation d’objectifs fixés par la loi fédérale. En particulier, beaucoup de programmes sociaux ont été conçus de cette manière. C’est seulement depuis les années 1970-80 qu’un mouvement en sens inverse a été engagé parfois baptisé du nom de nouveau fédéralisme (rendre des libertés aux Etats fédérés contre des pouvoirs « confisqués » par Washington). Cette politique a eu pour contenu la réduction ou la suppression de programmes d’intervention dans les domaines sociaux, éducatifs ou sanitaires poursuivis par le domaine fédéral. Il y a toujours un grand nombre de programmes fédéraux qui obéissent à la même logique : des programmes conditionnant certains financements à la poursuite de certains objectifs.
En Allemagne, la définition du fédéralisme était au départ différente mais a conduit à une situation beaucoup plus intégré dans les mécanismes de décision que ce qui s’est passé aux Etats-Unis. En effet en Allemagne, l’exécution des lois fédérales est une compétence des landers (article 30). C’est par dérogation que la Constitution permet la création d’organismes fédéraux dans ce but (cf. supra). Au contraire, aux Etats-Unis, il y a eu CS, 1995 qui a jugé que la loi fédérale ne pouvait pas charger l’administration et la police des Etats de la mise en œuvre de la loi fédérale concernant le commerce des armes (compétence de l’administration fédérale).
Cette compétence d’exécution des landers explique que l’on parle de fédéralisme d’exécution mais ce serait une erreur de considérer qu’ils ne sont que des exécutants.
En réalité, depuis les années 1950, il s’est produit une sorte d’échange tacite : les landers ont accepté la tendance à la centralisation du pouvoir législatif dans la mesure ou, en contrepartie, il pesait de plus en plus sur la législation fédérale. Dans la mesure où ils sont chargés de l’exécution, la pratique s’est imposée qu’ils sont associés à la préparation des politiques fédérales et ceci a pris la forme de l’établissement d’accords passés entre Etat fédéral et landers de procédure de concertation. Il existe ainsi une série de Comité interministériel de la fédération et des landers qui réunissent pour chaque domaine d’action les ministres respectifs de la fédération et des landers qui examinent ensemble les modalités d’exécution mais également et surtout les grandes orientations de cette législation en vue d’anticiper leur mise en œuvre. Il y a donc une étroite coopération dans l’élaboration et dans la mise en œuvre.
Dans quelques domaines, cela est allé plus loin. Lors de la révision constitutionnelle de 1969, on a introduit ce qu’on a appelé les missions communes de la fédération et des landers. Dans certains domaines, les représentants de la fédération et des landers allaient s’entendre pour définir des programmes d’action commune qu’ils financeraient à égalité. Ont été mises en place des actions communes en ce qui concerne l’enseignement supérieur, l’agriculture et la protection du littoral, le développement économique régional.
Cette réforme d’intégration du pouvoir fédéral et des landers a cependant fini par provoquer une réaction en sens inverse. L’effet négatif de cette pratique est de ralentir considérablement les décisions, d’obliger à rechercher des accords politiques dans la mesure où les majorités des landers ne sont pas les mêmes que la majorité qui gouverne le fédéral. L’idée s’est imposée qu’il fallait libérer le pouvoir fédéral de la pression des gouvernements des landers. C’était le but stratégique de la révision constitutionnelle de 2006.
C’est ainsi que la révision constitutionnelle de 2006 a supprimé les dispositions constitutionnelles qui était à la base des processus de décisions les plus intégrés :
– les missions communes ont été abrogées et les compétences correspondantes sont entrées dans la compétence des landers
– on a également abrogé la catégorie des lois-cadres (principes généraux au fédéral – développement et concrétisation au fédéré). Les matières qui étaient concernés ont été réparties entre compétence concurrente et compétence exclusive des landers
On a ainsi cherché à désimbriquer la gestion des landers et la gestion fédérale.
A cet égard est très symbolique la disposition suivant laquelle dans certaines matières de compétence concurrente, si le législateur fédéral intervient, la loi n’entre en vigueur que dans un délai de 6 mois tandis que le législateur régional peut décider de déroger à cette disposition et de lui substituer des dispositions législatives régionales. Cela met en cause le principe suivant lequel le droit fédéral prime le droit du land (article 31 de la Loi Fondamentale ; cf. supra).
Le système allemand a en fait inspiré l’Espagne mais avec moins de succès. La pratique du régionalisme espagnol a évolué avec le temps vers une certaine forme de fédéralisme mais avec cette particularité que la dynamique politique est toujours celle de la différenciation. Le législateur national, à mesure qu’on transférait des compétences aux régions, a institué des conférences sectorielles dont le but était de permettre l’examen en commun entre le gouvernement national et les gouvernements régionaux des questions les plus importantes de grands secteurs. Ces conférences sectorielles prévues par la loi dès 1983 n’ont été vraiment mis en place qu’à la fin des années 1980 : la mise en place de ces structures prenaient son sens à partir du moment où les transferts de compétences aux régions étaient avancés. Comme en Allemagne, elles se composent du ministre national et des ministres correspondants des différentes communautés autonomes.
Cependant, à côté de ces conférences, on a vu apparaître des organismes mixtes de nature parfois consultative parfois décisoire. On estime qu’il y en a plus de 400. Dans ces organismes se délibèrent, se négocient des politiques, des projets, des financements. Il est devenu habituel que toute loi nouvelle, qu’elle qu’en soit l’objet, prévoit la création d’un Conseil représentatif des collectivités autonomes qui va participer à l’application de la loi nationale.
Cependant, deux inconvénients sont apparus :
1 – il n’est pas très transparent : la multiplication de ces organismes fragmentent le processus de décision sur une base sectorielle
2 – toutes les collectivités autonomes n’ont pas joué le jeu de ces compétences sectorielles : elles sont toutes sur un pied d’égalité mais dans le système espagnol, certains communautés se considèrent « plus égales que d’autres » et privilégient les relations bilatérales avec le pouvoir central plutôt que discuter l’ensemble des sujets avec les autres communautés au sein des conférences sectorielles. Normalement ces conférences doivent se réunir à intervalles réguliers. En fait, quand on regarde leur bilan d’activités : elles se réunissent très peu (1 fois par an dans le meilleur des cas) et elles n’aboutissent pas à des décisions très significatives.
La Constitution laisse à l’Etat central des pouvoirs significatifs dans certains domaines : enseignement
En revanche, dans d’autres domaines où les compétences et les ressources ont été transférées aux communautés autonomes, l’Etat central n’a guère de levier pour entretenir la négociation et à partir de ce moment, la conférence sectorielle perd de son poids et de son intérêt.
La loi a également prévu différentes procédures contractuelles. 3 instruments sont prévus :
– accords passés dans le cadre de conférence sectorielle
– accords de collaboration : ils se distinguent par le fait qu’ils ont un caractère bilatéral et doivent prévoir un financement approprié à leur objet. Ils peuvent déboucher à la création d’organismes dotés de la personnalité juridique.
– plans et programmes communs : ils ont aussi un caractère bilatéral.
En principe, toutes ces conventions ont un caractère obligatoire et les litiges peuvent faire l’objet d’un contentieux devant la juridiction contentieuse administrative.
Les accords issus des conférences sectorielles sont exceptionnels. La très grande majorité des accords sont des accords bilatéraux même s’il n’est pas rare que le contenu soit identique : on refait 17 fois le même accord. Ce que cela signifie : c’est le bilatéralisme qui domine.
Les communautés autonomes historiques ont imposé à leur profit le bilatéralisme de manière à faire reconnaître leur particularisme dans le but de pouvoir obtenir certains transferts particuliers de compétences, ce qu’elles ont obtenu. Les autres communautés autonomes se sont alignées sur ces pratiques et les plus puissantes revendiquent les mêmes choses (Andalousie a des revendications semblables à la Catalogne).
Un autre élément témoigne de ce bilatéralisme : absence d’issue des discussions qui ont eu lieu relativement au Sénat espagnol. Au sein de ce Sénat, représentant les collectivités territoriales (à voir), on a créé une commission des communautés autonomes pour leur reconnaître un particularisme. Il n’en reste pas moins que cette commission n’a pas des statut et ne peut pas déboucher sur des délibérations ayant une quelconque autorité. Un certain nombre de décisions visaient à créer une sorte de Bundesrat : une chambre représentant les communautés autonomes et reflèterait la structure constitutionnelle espagnole. Ces projets n’ont pas avancé car la Catalogne, la Galice et le Pays Basque y sont opposés : la formule d’un Sénat signifie égalité de traitement des communautés espagnoles c’est-à-dire abandon du bilatéralisme.
Les relations se sont pacifiées puisque le nombre de recours devant la Cour constitutionnelle a régulièrement diminué. Il y a toutefois des exceptions comme l’ « exceptionnel » arrêt de la Cour constitutionnelle espagnole (cf. supra). Un grand nombre de griefs dirigés contre la loi organique approuvant le nouveau statut de la Catalogne : la Cour rejette la plupart des griefs d’inconstitutionnalité. En ce qui concerne les autres, il faut distinguer deux types de situations :
– dans la plupart des cas, il y a une décision de constitutionnalité accompagnée d’une réserve d’interprétation
Exemple de dispositions du statut prévoyant bilatéralisme avec réserve d’interprétation : un article se rapporte aux fonctions de la Commission mixte des affaires économiques et fiscales (organisme bilatéral) : sa conformité était contestée au motif que la Constitution elle-même prévoit des organismes ayant un caractère multilatéral pour le financement des autonomies. La Cour répond que ces dispositions ne sont pas contraires à la Constitution dans la mesure où elles n’affectent pas les dispositions de la Constitution et ne font pas obstacle au plein exercice de l’Etat de ses propres compétences.
Autre exemple : le statut de la Catalogne utilise les termes de « nation » et de « réalité nationale » : la Cour répond que ces termes employés dans le préambule du statut sont sans effet car elle a déjà jugé que le préambule de la Constitution espagnole était dépourvu d’effet juridique. Quant à l’emploi dans un autre article, il est compatible avec la Constitution dans la mesure où il s’interprète uniquement dans le sens où il se réfère aux symboles de la Catalogne, définis comme nationalité et intégré dans l’unité indissoluble de l’identité espagnole.
Les cas les plus sensibles ont concerné l’organisation de la justice car ayant pour effet d’exprimer une certaine indépendance alors qu’il y a une seule Justice pour l’ensemble du pays.
Un autre cas porte sur la fonction du défenseur du peuple (article 54 de la Constitution) : défenseur des droits inspiré de l’ombudsman. Dans le statut, il y avait une disposition tendant à limiter son action à l’administration centrale or il est institué pour l’ensemble des administrations publiques y compris celles des communautés autonomes. En réalité, la Catalogne cherchait à instituer un organisme propre à la Catalogne.
En réalité, le Tribunal constitutionnel espagnol laisse intact 90 % du statut de la Catalogne mais il y a eu une portée symbolique très forte qui a été vue par les uns comme un défi à la Catalogne, d’autre comme un coup d’arrêt salutaire aux excès des autonomismes.
Chapitre III – Les collectivités locales
Section I – Les grands systèmes d’organisation territoriale
La notion de collectivités locales dans un sens où elle peut s’appliquer indépendamment de la structure constitutionnelle de l’Etat, qu’il s’agisse d’un Etat fédéral, d’un Etat unitaire, d’un Etat à autonomies régionales. Il n’y a pas de différence de nature juridique, de statut et de fonctions.
Ceci est un point important car selon une idée assez communément admise, un Etat fédéral ou un Etat à autonomie régionale, ce serait au fond un Etat plus décentralisé que les autres. Cette position est erronée car elle repose sur l’idée qu’il y a une sorte d’homothétie : plus l’Etat serait décentralisée au niveau supérieur, plus il le serait de même au niveau local. La réalité ne corrobore pas cette vision des choses et on trouve des régimes de collectivités locales qui sont très hétérogènes et plus ou moins centralisé indépendamment de la structure de l’Etat.
Qu’est-ce qu’une collectivité locale ?
La vision du local n’en est pas la même partout, dans tous les pays, dans toutes les sociétés.
Dans le cadre de l’Union européenne, on compte près de 92.000 communes, ce qui fait une moyenne de 5.200 habitants par commune. La France fait beaucoup baisser la moyenne avec ses 36.000 communes.
8 pays ont une population moyenne par commune de 30.000 habitants ou plus.
Le Royaume-Uni est le pays d’Europe où les entités locales sont les plus vastes avec une population moyenne proche de 150.000 habitants.
=> Concernant la commune, des pays ont pour référentiel le village, d’autres ont un référentiel essentiellement urbain
Au Canada et aux Etats-Unis, les unités administratives de base ont une population relativement basse de l’ordre de 8.000 habitants.
En revanche, en Asie ou en Amérique latine, les unités administratives de base ont fréquemment une population nombreuse et lorsqu’il y a eu des politiques de regroupement, cela n’a pas provoqué les résistances que cela provoque dans les pays européens, même dans ceux qui ont effectivement réalisé des réformes territoriales.
Au Japon, la population moyenne est de 70.000 habitants. En Amérique latine, 33.000 habitants.
Si on quitte la dimension démographique pour s’intéresser à la dimension administrative, un autre critère permet d’observer les différences de conception et de perception, très importantes.
Tout d’abord, il y a des pays dans lesquels ce qu’on appelle la commune a été très tôt le siège d’une autorité administrative même si elle n’était pas nettement distincte d’une autorité religieuse par exemple (en Suède ou en Norvège, c’est la commune religieuse qui a été le socle du cadre administratif).
Au contraire, il y a beaucoup de pays où le niveau local, correspondant à une unité de peuplement, n’a pas été reconnu ni organisée comme le siège d’une autorité administrative. Dans ce dernier cas, le local ne peut pas avoir le même sens ! Il s’identifie certes au voisinage mais ne sera pas associé à une aspiration d’une autorité administrative que l’on contrôle ou dont on est la source.
Dans de grands pays d’Asie comme l’Indonésie ou la Corée, on ne rencontre que de très grandes unités locales car le niveau l’agglomération de peuplement n’a jamais été le siège d’une autorité administrative.
Un troisième élément à prendre en considération est le problème de la ville. Aujourd’hui, ce n’est pas seulement l’urbain. Elle devient une agglomération, une région urbaine dont l’organisation administrative est complexe et mêle des autorités distribuées à plusieurs niveaux de l’organisation administrative.
Ces données n’opposent pas les Etats d’Europe et ceux d’autres continents. Ainsi, en Inde, l’unité de base du village est une très petite unité avec un organe élu qui administre une population villageoise.
Les réformes territoriales qui ont eu lieu dans un grand nombre de pays rencontre un même problème : la tension entre le critère fonctionnel et le critère résidentiel pour la définition de ces autorités locales et de leurs attributions.
Le critère résidentiel signifie que la commune est fondé sur l’agglomération des habitants, sur des lieux qui se sont définis au fil du temps, par l’Histoire, auxquels les habitants s’identifient.
Le critère fonctionnel reflète une autre logique : les habitants attendent un certain nombre de services mais ces services ne peuvent pas être organisés à n’importe quel échelle et à n’importe quel coût. Dans ce cas, on cherche à définir des autorités locales non seulement par rapport à un lieu mais par rapport à une certaine capacité d’action pour fournir un certain nombre de services.
Tout le problème de la commune ainsi que du second niveau d’administration locale (district, département, arrondissement selon les pays), c’est toujours le problème de cet équilibre à trouver entre ces critères.
S’il y a une universalité du problème, il y a aussi une particularité européenne : il n’y a qu’en Europe où le territoire est complètement organisé en commune. Dans la plupart des autres régions du monde, il n’en est pas ainsi : il y a de vastes espaces, bien qu’il y ait des habitants et des villages, il n’y a pas d’autorité administrative propre à ces groupes de populations. Il peut y avoir des communes mais seulement dans certains lieux, là où la population agglomérée est plus importante. Cette distinction peut avoir des raisons géographiques et démographiques objectives (Nord du Canada, Sibérie) mais la comparaison avec la Suède montre bien qu’il y a aussi un aspect culturel et institutionnel car le Nord est entièrement organisé en commune.
Ainsi, la commune correspond bien à un lieu de peuplement et à une autorité administrative.
En Ukraine ou en Russie, les notions d’unité administrative et de collectivité locale ne correspondent pas bien. En Russie, le mot utilisé pour parler d’une commune est le mot poselenie qui ne signifie pas commune mais établissement humain, population aggloméré et correspond au mot anglais settlement (qui n’est pas nécessairement le siège d’une autorité administrative). Historiquement c’est un lieu administré et non un lieu d’où émane une autorité administrative avec une certaine autonomie dans la gestion de ses affaires. C’est seulement une loi du 6 octobre 2003 qui a fait du poselenie une collectivité locale qu’on peut alors appeler commune. La loi russe distingue deux catégories : ceux qui sont urbains et ceux qui sont ruraux. Dans leur régime juridique et dans leurs institutions, il n’y a pas de différence. On est donc à mi-chemin entre une notion historique et une autorité administrative.
On est obligé de noter que dans tous les pays, la question essentielle est celle des services offerts à la population, indispensables à une vie digne et salubre. Cela pose la question de la définition des entités administratives capables d’assurer ces fonctions.
Nous verrons dans une section suivante que du point de vue des fonctions, il y a une très grande convergence dans les fonctions assurées partout dans le monde (pays riche, pauvre, peuplé ou peu peuplé). Cependant, la nécessité d’établir des autorités administratives capables d’assumer ces fonctions a été à l’origine de nombreuses réformes territoriales ou au moins de tentatives. En France, elles ont toute échoué jusqu’à une loi de 1999 (Chevènement sur l’intercommunalité).
Section II – La commune et le problème de définition du premier niveau
En Europe de l’Ouest, c’est en liaison avec le développement des fonctions d’Etat providence, après la SGM, qu’on a commencé à poser la question de la réforme territoriale ou de la réforme communale. On entendait par là une réforme tendant à élargir le cadre de l’administration communale pour faire face à de nouveaux besoins et pour tenir compte du développement sans précédent de l’urbanisation.
Les premiers pays qui se sont engagés dans cette voie :
– Suède : première réforme date de 1950, liée à une réforme scolaire comme celle des années 1970
Pour des raisons historiques, l’école est liée à la paroisse protestante (base de la commune administrative). Quand on a voulu augmenter la durée de la scolarité, on a lié la réforme communale à la réforme scolaire car il fallait que les communes soient capables de faire face à l’alourdissement de leurs charges.
Ensuite, c’est dans les années 1960 qu’un deuxième mouvement s’est engagé, sur une base différente : logique de rationalisation de l’espace. Il y a eu des débats sur la question de savoir s’il existait une taille minimale ou optimale pour une commune. Les deux pays où cette réflexion a été menée très loin sont l’Angleterre et l’Allemagne.
Au Royaume-Uni, le document qui a fait acte c’est le rapport Maud, chargé d’élaborer un plan de réorganisation territoriale du Royaume-Uni. Comment adapter l’organisation territoriale à l’augmentation des fonctions administratives et des services gérés par les autorités locales ? Le plan est très simple : il s’agissait de créer une seule autorité locale couvrant un territoire vaste, une population nombreuse qui serait dotée de ressources fiscales et seraient ainsi pratiquement autosuffisante pour financer les services que la loi la chargerait de gérer. Il y aurait eu deux niveaux administratifs : le gouvernement central et l’autorité locale.
L’autre argument : avec des grandes collectivités locales, on supprime les effets de débordement (une autorité chargée d’un service et qui le finance mais ce service va aussi être utilisé par d’autres qui ne contribuent pas à ce financement) qui caractérise normalement les collectivités locales. La situation de débordement conduit à limiter l’engagement administratif et financier qui bénéficiera à des citoyens extérieurs.
Ce rapport n’a pas eu de suites concrètes : commandée par un gouvernement travailliste, les conservateurs ont pris la suite qui ont préparé une autre réforme, votée en 1972, à l’origine de l’organisation territoriale actuelle avec deux niveaux d’administration : le district et le comté.
En Allemagne, l’approche de la réforme a été assez différente. Elle était liée à un regain d’intérêt pour les théories sur l’aménagement du territoire dans les années 1960 lié à des problèmes administratifs liés au développement économique de l’Allemagne. Cela s’appuyait largement sur l’héritage de Christaller, géographe, auteur de la théorie des places centrales ou modèle christallérien, notamment repris par le régime nazi. Elle a servi de nombreux travaux pour essayer d’identifier une hiérarchie des centres sur la base desquels on pourrait rationaliser la localisation des services et concevoir une réorganisation territoriale.
L’idée de place centrale reposait sur l’analyse des échanges et des déplacements dans une zone géographique donnée. De l’étude de ses mouvements, Christaller a mis en évidence qu’il y avait certaines localités qui exerçaient une attraction sur leur environnement géographique en raison des services qui s’y trouvaient regroupés.
Ces travaux ont servi de base à la réforme entre 1965 et 1975 dans la RFA. Sur la base de ses travaux, on a cherché à établir une hiérarchie des centres. Cette réforme est loin d’avoir été une traduction technocratique. Quand on a fait la réforme, on est passé de la théorie à la politique qui implique des compromis. La réforme territoriale se caractérise par le fait qu’elle est très différente d’un land à l’autre.
Globalement, pour la seule Allemagne de l’Ouest, le nombre de communes est passé de 24.000 à 8.400. L’Allemagne du début des années 1960 avait une structure communale par très éloigné de la structure française (si on rapporte le nombre à la superficie de la RFA).
La réforme territoriale a été définie par une loi du land et conduit par le gouvernement du land selon des orientations du fédéral. Très grande disparité : création de très grandes communes en Rhénanie du Nord-Westphalie (communes de 40.000 habitants), en Bavière on a gardé un tissu municipal très fragmenté. Ceci n’est pas sans rapport avec la socio-économie de ces régions (régions agricoles ou industrielles). La loi a imposé l’intégration de ces petites communes dans des institutions de regroupement ayant une administration commune. Sur 8.400 communes, il y a très peu de communes « indépendantes » non rattachées à une structure de regroupement.
Deux spécificités sont à noter.
Il y a des villes qui sont en même temps un land et ont aussi des compétences constitutionnelles d’un Etat fédéré. Aujourd’hui : Berlin, Brême, Hambourg.
En outre, les villes de moyenne importance ont normalement également les fonctions de l’arrondissement. Elles sont également le kreiss. Dans le système allemand, il y a deux niveaux d’administration : commune et arrondissement (kreiss). (en France, l’arrondissement n’est qu’une circonscription administrative soumise au sous-préfet)
On a créé des arrondissements plus grands et réduits le nombre d’arrondissement.
La réforme ainsi réalisée sur 10 années a eu pour conséquence d’unifier les cœurs d’agglomération. Pour autant cela n’a pas mis fin à tous les problèmes : le développement urbain ne se limite pas aux limites administratives. Les résultats de fusion de commune réalisés à l’époque ont été dépassés. Dans certains landers, la loi du land a créé des institutions de regroupement destiné à donner une unité au moins pour certaines fonctions à l’ensemble de l’agglomération (au sein du Hess, a été créé le Syndicat du Grand Francfort).
Une dernière question mérite d’être soulevée : pourquoi en Allemagne cette organisation, qui distingue les villes qui cumule le statut de commune et d’arrondissement et les communes rurales parfois appelés bureaux ? Pourquoi pas d’autonomie communale à la campagne ? (-> aristocratie foncière rurale forte)
L’explication se trouve dans l’histoire allemande ancienne. L’idée de l’autonomie communale a d’abord été consacrée pour l’organisation des villes. La date essentielle est le Statut des villes de 1808 qui leur permet de se doter de bourgade élu et d’administrer par leurs propres affaires. Elle a été inspirée par la loi sur les communes adoptée pendant la Révolution mais elle ne fut appliquée qu’aux villes en Allemagne. On est dans une profonde reconstruction de la Prusse. Parmi les réformateurs, certains réussissent à imposer cette réforme mais celle abolissant le servage ne peut passer car l’aristocratie foncière rurale l’empêche.
Idem dans toute l’Europe centrale.
D’autres pays ont réalisé des réformes par des fusions de communes : Belgique en 1971, Danemark, Finlande.
D’autres l’ont fait à petit pas comme les Pays-Bas : depuis les années 1970, on a encouragé les fusions de communes parallèlement à la coopération si bien que petit à petit il s’est produit un phénomène de regroupement et de consolidation (1.500 à 450 communes).
Des pays n’ont pas réformé et ils sont nombreux.
La France. En 1971 (loi Marcellin), il y a eu une tentative mais échec total. Il n’y a pas eu de fusion et s’il y en a eu, il y a eu des « divorces ». Cet échec a durablement compromis toute idée de fusion de commune puisque la loi a fini par admettre qu’elle ne pouvait qu’être volontaire.
L’Espagne et l’Italie : le problème des petites commune est assez semblable. Les agglomérations sont moins fragmentées qu’en France. En revanche, à la campagne, il y a énormément de petites communes dépourvues de ressources. En Italie et en Espagne, la coopération a été moins développée.
En 1970, en Italie, on a créé les communautés de montagnes, regroupement obligatoire de petites communes avec l’exercice des principales compétences administratives.
En Suisse, et en Autriche, il n’y a pas eu non plus de réforme territoriale. Elles ont conservé une structure très morcelée.
Le Portugal n’avait pas besoin d’une telle réforme territoriale.
Dans les pays d’Europe de l’Est, il y a eu des réformes territoriales qui ont été inspirées de la même logique que celle rencontrée en Europe occidentale. Après la chute des régimes communistes, ces réformes territoriales n’ont pas résisté. Au nom de la démocratie, la loi a permis aux habitants de se prononcer sur l’organisation communale et à ce moment, les communes relativement grandes que l’on avait mis sur pied ont éclaté. C’est ce qui s’est passé en Hongrie, en République Tchèque et en Slovaquie. En revanche elle a résisté en Pologne car la réforme a maintenu une autorité traditionnelle, le chef du village.
Une évolution de cette nature s’est aussi produite en ex-Yougoslavie. La commune était une autorité puissante et vaste : c’était le visage de l’Etat. Après l’éclatement, on a favorisé et toléré l’éclatement des grandes communes dans un esprit de libéralisme mais qui a posé un certain nombre de problèmes administratifs. En outre, les découpages communaux correspondent souvent aujourd’hui à des découpages ethniques (Macédoine, Bosnie-Herzégovine) et c’est un élément de fragilité très grand.
Au Canada, comme aux Etats-Unis, il faut considérer que les autorités locales sont des « créatures de l’Etat ». Il n’y a pas par définition de garantie constitutionnelle des autorités locales. Elles sont créés par la loi de l’Etat afin d’organiser son territoire.
Néanmoins, aux Etats-Unis, la loi de l’Etat a assez souvent prévu des procédures permettant aux habitants de décider de créer une town. Il peut y avoir des espaces peu peuplés où il n’y a pas de town et dans ce cas, c’est l’administration de l’Etat.
Aux Etats-Unis, en dehors des grandes villes il y a un très grand nombre de petites villes. Elles ne sont cependant pas les seules autorités locales. Il existe des autorités locales spécialisées (autorités décentralisées). L’exemple le plus typique : les districts scolaires. L’administration scolaire n’est pas gérée par l’Etat mais par les districts scolaires, dotés d’un conseil élu et percevant une fiscalité.
Historiquement, il provient de l’héritage britannique. En Angleterre, l’apparition d’autorités locales à compétence polyvalente ne s’est imposée qu’à la fin du XIXe siècle. Auparavant, il y avait un certain nombre d’autorités locales créées pour administrer des lois particulières (administration de l’eau, assainissement). Ce ne sont pas des syndicats de commune comme en France : elles sont tout à fait distinctes des autorités locales de droit commun.
Un autre problème qui s’est posé est l’administration des grandes villes. Dès les années 1930-40, il y a eu des réflexions menées par des géographes ou des administrateurs. Elles ont été fondées sur le constat qu’on voyait les villes s’étendre sans qu’on ait des institutions administratives contrôlant ce développement. Proposition de créer des autorités métropolitaines regroupant l’ensemble des autorités locales capable d’administrer l’ensemble d’une agglomération. Paradoxalement, c’est en 1953, au Canada, qu’on a vu apparaître la première autorité métropolitaine : Toronto.
Cette conception a été remise en question : le développement urbain ne s’arrête pas aux frontières administratives. Ainsi, quand est créé l’autorité métropolitaine de Toronto, elle englobe toute l’agglomération. A la fin des années 1990, elle n’administrait plus que 50 % de l’agglomération étendue ! Il fallait donc trouver d’autres solutions.
On s’est alors éloigné du modèle de l’autorité métropolitaine et orienté vers des formules plus souples et moins contraignantes avec des autorités ayant un rôle de planification, de coordination, parfois la gestion de certains services (transport). Aux Etats-Unis, le mode standard de fonctionnement des grandes agglomérations repose sur une Commission dans laquelle sont représentés les différentes autorités locales et qui a pour mission de coordonner les principales politiques et de gérer au plan financier certaines fonctions.
Au delà de ces exemples : problème majeur de la métropolisation. Elle exprime la tendance à un développement indéfini des grandes villes qui tendent à absorber dans leur aire la région environnante et qui tendent à devenir à la fois les principaux foyers de développement économique et social et les principaux foyers de pauvreté. Aujourd’hui, il y a une vingtaine de villes qui ont plus de 10 millions d’habitants.
Ce qui est commun à ces espaces, c’est que leur gouvernement nécessite la conjonction de multiples autorités administratives :
– les autorités locales établies à l’époque où le développement n’avait pas pris sa dimension actuelle
– les institutions nouvelles pour maîtriser ce développement
– les institutions de l’Etat car le pouvoir central ne peut jamais être indifférent au développement de ces grandes agglomérations (concentration des principaux problèmes qui peuvent être facteurs d’instabilité politique)
– les institutions qui sont dans la dépendance du pouvoir central (Etat ou pouvoir régional dans le cadre d’Etats fédéraux) telles que les entreprises publiques qui gèrent un certain nombre de réseaux
L’un des problèmes est la difficulté de prendre en compte la diversité économique et sociale de la population. Ce sont des ensembles extrêmement hétérogènes. L’importance des enjeux économiques, le nombre des autorités locales, rend difficile la gestion de ces grandes agglomérations ce qui pose un problème de démocratie même si s’est développé l’élection directe du maire dans les grandes villes même si elle ne concentre pas la totalité de l’agglomération métropolitaine.
Section III – Le(s) niveau(x) intermédiaire(s)
Concernant la réforme territoriale, l’autre question est celle de la réforme du niveau intermédiaire. Au-delà du premier niveau, le niveau municipal, la plupart des pays connaissent un deuxième niveau qui se concentre sur des compétences spécialisées, considérées comme de caractère local mais hors de portée du premier niveau et débordant trop leurs territoires.
Ce qui caractérise en Europe ces niveaux c’est qu’ils procèdent d’établissement d’organismes élus à un niveau auquel a d’abord été mis en place des autorités nommés qui étaient en fait des relais d’autorité du pouvoir central.
En Allemagne, bien avant que l’on ne commence à mettre en place les administrations municipales, le kreis avait une existence : circonscription à la tête de laquelle le roi nommait une personne prise dans la noblesse locale.
En France, le préfet est l’archétype de ce type d’institution.
En Suède, à la tête de chaque comté était nommé par le roi un gouverneur chargé de l’administration.
C’est à la fin du XIXe siècle qu’on introduit une instance élue qui vient contrebalancer l’autorité de l’institution relais du pouvoir central.s
C’était d’abord un relais d’autorité avant d’être un niveau de décentralisation
Section IV – Les institutions locales
On entend par là les institutions qui assument les pouvoirs et les compétences des collectivités locales. Habituellement, ce sont des Conseils, des organes exécutifs mais également différentes formes de participation directe des citoyens à la gestion des affaires locales, sujet qui au cours des deux ou trois dernières décennies a pris une place de plus en plus importante.
Dans cette section, on se concentrera sur les pays européens sans exclure des coups de projecteur sur l’organisation institutionnelle locale dans des pays d’autres continents.
La première chose qui est claire c’est que tout le monde s’accorde qu’il doit y avoir dans les collectivités locales des conseils élus, en dehors de quelques émirats. Cela paraît évident aujourd’hui mais ce n’est pas quelque chose qui a toujours existé. Dans les cours du professeur Eisenmann, la décentralisation est définie comme étant un système qui a des autorités locales avec un certain degré d’autonomie par rapport aux autorités qui les contrôlent mais ceci est indépendant de la question de savoir si elles sont élus, nommés ou autres. Au Royaume-Uni : justice of peace qui avait des attributions administratives et judiciaires n’était pas élu. Il faut attendre les années 1890 pour que s’impose le modèle de conseil ayant une vocation assez large tandis qu’avant elles avaient des compétences spéciales (cf. supra).
Cette élection, la plupart des pays européens connaissent au niveau local des élections mettant en œuvre un mode de représentation proportionnelle. Quelques pays mêlent la proportionnelle et le scrutin majoritaire (France, Allemagne). Certains appliquent un scrutin majoritaire (Royaume-Uni, Irlande).
Le cas de l’Angleterre est assez singulier : les élections ont lieu dans le cadre de circonscription locale étroite qui élisent au scrutin majoritaire 2 ou 3 conseillers et le renouvellement des conseils locaux ne se fait pas en une fois. Ce renouvellement partiel réside dans le fait qu’en Angleterre les élections locales ont assez peu de visibilité et que la participation est la plus faible d’Europe (20-25 %).
Au cours des dernières décennies, il y a une tendance lourde à la diminution aux élections locales dans tous les pays et en particulier dans les pays de l’Europe de l’est où beaucoup d’espoirs avaient été mis (inférieure à 50 %).
En ce qui concerne les exécutifs, on a beaucoup plus de diversité. On peut quand-même dire qu’à l’échelle mondiale on voit une tendance à l’élection au suffrage direct du maire et donc à une personnalisation croissante de l’exécutif local. L’Europe n’échappe pas à cette tendance. Aux Etats-Unis, on voit que l’élection directe est le mode le plus répandu. En Amérique Latine, idem. En Asie, idem.
En ce qui concerne les pays européens, on observe une tendance à la réduction de la diversité dans le système institutionnel et on peut représenter les choses de la manière suivante.
D’abord, il y a une distinction entre les pays où il y a un maire fort (France, Italie, Allemagne, Espagne) et les autres où les pouvoirs sont assurés par des commissions ou des comités qui d’un côté assure la continuité mais rend le pouvoir local peu visible aux yeux des citoyens (Suède, Finlande, Royaume-Uni).
Parmi les pays qui ont un maire fort, on note une évolution vers l’élection au suffrage direct.
En France, ce n’est pas le cas (élection par le conseil municipal) mais la situation n’est pas très différente car la commune forme une circonscription unique et tous les électeurs savent très bien que les têtes de liste sont les candidats au mandat de maire.
Ce type d’élections a été introduit en Italie en 1993.
Il a été introduit depuis bien plus longtemps dans les landers de l’Allemagne du Sud (Bavière) mais après les réformes qui ont suivi la réunification, l’élection du maire au suffrage direct s’est généralisée. L’explication est qu’après la chute du régime communiste, l’ex-RDA avait été divisée en 5 landers et comme c’était la règle dans les landers de la RFA, l’organisation locale est une compétence du land (extension à l’ex-RDA de la loi Fondamentale de Bonn). On a partout adopté les législations municipales extrêmement démocratique (élections des conseils municipaux, du maire et un ensemble d’institutions tendant à assurer la participation des citoyens à la vie locale (référendum local, initiative populaire locale etc.)). La diversité qui existait jusque dans les années 1980 selon les parties de l’Allemagne a disparu dans les années 1990. Les différences portent sur la durée du mandat du maire, sur la possibilité pour les citoyens ou le conseil de mettre en cause la responsabilité du maire… 16 landers correspondent à 16 législations particulières. Ces législations sont encore plus particulières pour Hambourg, Brême et Berlin (ville-land).
Dans les pays d’Europe centrale et orientale, même mouvement d’élection directe du maire. Elle n’est pas suivie absolument partout (République Tchèque, Hongrie, Russie (choix au moment de la constitution d’une commune entre deux systèmes : élection directe du marie ou par le conseil), Ukraine).
En Angleterre, il y a un manque d’intérêt de la population à l’égard des élections locales. Il y a eu une tentative de réformer en profondeur les institutions locales pour permettre l’introduction de l’élection du maire au suffrage direct. On proposait aux différentes collectivités locales de premier degré (district) d’avoir à se prononcer sur une nouvelle organisation institutionnelle. 3 possibilités :
– statut quo (exécutif assuré par le conseil)
– exécutif confié à un maire élu au SUD et qui nomme lui même ses adjoints
– maire élu au SUD et c’est le conseil qui élit les adjoints
Cette réforme a eu peu de succès. Très peu de référendums locaux et en fin de compte, seules une douzaine de villes ont opté pour un maire élu au SUD.
Les systèmes où il n’y a pas de maire fort : système de commission, exécutif collégial et même, dans certains cas, un maire nommé.
o Les pays qui ont un régime d’exécutif confié à une commission
Dans le système britannique, tout le pouvoir local appartient au Conseil. Il est une administration et exerce ses attributions par l’intermédiaire de commissions. Elles sont librement formées par le Conseil. Traditionnellement, la plus importante est la commission des finances. Le président est en réalité le véritable leader politique de l’autorité locale. Il n’est pas l’équivalent d’un maire. Ces commissions préparent les décisions du conseil mais aussi dirigent l’administration municipale. Pour bien comprendre ce système, il faut se rappeler que le système administratif local anglais est très différent du système français sur deux points essentiels :
– système britannique est basé sur de très grandes unités locales (150.000 habitants)
– l’administration municipale concentre plus de tâches pour deux raisons : au moins jusqu’en 1994, il n’y avait pas beaucoup d’Etat sur le plan territorial ; en outre, beaucoup de fonctions assurées en régie
Le transfert à des entreprises privées ou à des organismes locaux créés par la collectivité locale est quelque chose de récent qui s’est développé après les réformes de Thatcher et qui voulait réduire les pouvoirs de « la démocratie locale ». La taille des attributions est toujours plus grande que celle des administrations françaises.
Ces conseils ont un rôle important, sont très spécialisés.
On trouve un système semblable dans les pays nordiques où traditionnellement les attributions municipales sont très étendues (social, culturel, travaux etc.). Elles sont intégrées sous l’autorité d’un conseil local. Ce conseil fonctionne avec des commissions qui dirigent l’administration locale.
Il est arrivé que ce soit parfois la loi qui déterminé la création de telle ou telle commission car c’était l’autorité locale décentralisée qui était chargé de l’exécution de politiques définies par l’Etat. Avec le développement de l’aspiration à l’égalité, on a eu tendance à légiférer de plus en plus dans le détail pour s’assurer que les autorités locales allaient effectivement mettre en œuvre les prescriptions définies par le gouvernement. Ainsi, il y a une commission en matière d’éducation, en matière d’aide sociale etc.
En face de ces commissions, il y a une administration organisée en départements chargés de la mise en œuvre des politiques.
Cela a conduit à des réactions à partir des années 1980.
Cette évolution a été caractérisée sous un mot d’ordre politique : la commune libre. Sous cette appellation, ce qui était en cause c’était d’obtenir la modification de la loi pour rendre aux communes une liberté d’organisation de leurs conseils et de leurs services car dans les années 1960-70, à mesure que l’on a développé les fonctions de l’Etat providence, la loi est intervenue de manière détaillée pour organiser les commissions, les comités administratifs etc. Sous la pression des communes, le gouvernement lance un programme : la commune libre fondé sur l’expérimentation. La loi a permis aux communes, dans certains domaines et sous certaines conditions, d’expérimenter de nouveaux modes d’organisation. Cette politique a été généralisée par la loi de 1991 avant que l’évaluation prévue ne soit réalisée : on a reconnu aux conseils municipaux la libre organisation de leur administration municipale.
Il y avait quand même une difficulté : dans le système administratif suédois, il y a des règles de procédure administratives qui prévoit dans quelles conditions les décisions doivent être pris par des autorités indépendantes et comment ces décisions peuvent faire l’objet de recours. Les comités administratifs doivent répondre à ces exigences. La conséquence de la loi de 1991 c’est qu’elle a renforcé le rôle d’une commission permanente du conseil municipal qui a une vocation générale par rapport aux commissions spécialisées. Elle contrôle l’ensemble de l’administration locale.
o Pays où le maire est nommé : Belgique, Pays-Bas, Luxembourg (BENELUX)
Dans ces trois pays, on a un bourgmestre qui est nommé par la reine, le roi ou le grand duc entouré d’échevins élus par le conseil et forment un organe collégial qui exerce les fonctions exécutives de la commune.
Pourquoi ? C’est un héritage napoléonien du Consulat. Ils le sont restés dans les villes au moins jusqu’à la loi de 1884 en France. Cette loi a fait du maire un personnage important qui concentre tous les pouvoirs pour préparer et exécuter les décisions du conseil municipal et a autorité sur l’administration. « Administrer est le fait d’un seul » (Napoléon).
Dans le BENELUX, on a gardé cette institution. Depuis des années, il y a eu des critiques : système anachronique…
En Belgique, il y a eu des discussions pour l’introduction de l’élection du maire au SUD mais aucun projet n’a abouti ni en Flandre, ni en Wallonie. Le maire est nommé par le roi qui tient compte de l’avis de la commission municipale. Dans des communes frontalières (Wallonie-Flandre), ça permet de résoudre certaines tensions.
Au Pays-Bas (ex-République batave sous Napoléon), la Constitution prévoit que le maire est nommé par la reine. Il faudrait modifier la Constitution pour changer le système ce qui a été tenté il y a trois ans mais le projet a été rejeté au Parlement. En réalité, le maire a des attributions particulièrement importantes en matière de police : il exerce la plupart des pouvoirs de police qu’un préfet en France exerce. Au fil du temps, ses pouvoirs ont été aménagés au profit du pouvoir central. Les forces de police sont sous l’autorité d’un officier supérieur de la police national nommé par le ministre de l’Intérieur mais, juridiquement, il a autorité sur lui. Le ministre de l’Intérieur fait très attention à qui va être le maire dans telle ou telle circonscription de police : il va proposer la nomination d’un élu à l’égard duquel il a le plus de chance de s’entendre pour l’exercice des fonctions de police. C’est cela qui a fait échouer la réforme : le Parlement a reculé devant une réforme qui paraissait avoir des conséquences un peu imprévisible sur la gestion de la fonction de police.
Néanmoins, il y a eu une autre réforme qui a modifié de manière importante le fonctionnement des autorités locales et qui est connu sous le nom de la réforme de dualisation. Cette réforme, introduite depuis 2002, comporte une différenciation plus marquée entre le collège exécutif et le conseil municipal. Ce dernier est l’organe qui prend des décisions de portée générale et qui contrôle l’exécutif et l’administration. L’administration est sous l’autorité du collège formé par le maire et les échevins. Les échevins sont toujours élus mais ils ne peuvent plus être membres du conseil municipal. Ou on est conseiller municipal ou on est membre de l’exécutif. Le but de cette réforme est censé renforcer la responsabilité managériale des échevins et de rendre plus efficace le contrôle politique exercé par le conseil sur le collège des échevins. Il est difficile de juger les résultats de cette réforme dans la mesure où certains rapportent que le système fonctionne bien, d’autres rapportent au contraire qu’il y a un affaiblissement de la démocratie.
En ce qui concerne la question de la participation des citoyens à la gestion des affaires locales, il y a un contraste très apparent entre la convergence des législations et la persistance de situations très divergentes quant aux pratiques.
Aujourd’hui, un grand nombre de législation prévoit la possibilité du référendum local et de l’initiative populaire. On doit quand même noter certains nuances : dans certains pays, le référendum ne peut qu’être consultatif (Pays-Bas, pays nordiques). Au contraire, en Suisse, en Allemagne, en Autriche, le référendum est toujours une procédure de décision et l’initiative populaire débouche habituellement sur une décision.
Mais si on compare les pratiques, les différences demeurent. La démocratie locale repose certes sur la législation mais également sur les pratiques, les cultures locales…
En Suisse, le référendum local est quelque chose d’ordinaire.
En Allemagne, il y a aussi une pratique importante.
En Italie, la loi de 1990 a introduit la possibilité pour le statut de chaque commune de prévoir le référendum local ainsi que les conditions de validité de ce référendum. La plupart des communes l’ont prévu mais il y en a fort peu en pratique.
De même en France, en 2003, on a introduit le référendum comme mode de décision. Il peut être convoqué par toutes les collectivités locales sur les affaires qui les concernent.
1° il y en a peu ; 2° s’il y en a, ils ont lieu dans des communes rurales sur des sujets mineurs ; 3° ceux qui ont fait parler d’eux ont été annulé par TA car ne relevaient pas de la compétence de la collectivité
Un procédé de démocratie directe a été très débattu : le budget participatif. Il a été inventé au Brésil dans les années 1990 d’abord à Porto Alegre et a essaimé dans d’autres localités brésiliennes sans représenter beaucoup plus que 10 à 15 % des communes brésiliennes. L’idée repose sur le fait qu’on destine à chaque partie de la ville ou de la localité une partie du budget voté par le conseil et on organise avec les habitants un débat sur l’utilisation de cette dotation.
Ce système a donné lieu à beaucoup d’études dans des pays d’Amérique Latine et d’Asie qui l’ont introduit. L’observation de ces expériences permet de tirer un certain nombre d’enseignements :
1° Il faut beaucoup de temps pour que cela marche mais ça peut fonctionner. A Porte Alegre, il a fallu 10 ans.
2° A mesure que le temps passe, la participation s’institutionnalise c’est-à-dire que le débat de professionnalise.
En outre, bien que l’on puisse recenser des milliers d’expériences, on ne sait pas toujours très bien ce que l’on met sous ces recensements. En Albanie, le budget participatif a été testé. En quoi consiste-t-elle ? Avant l’approbation du budget, on organise une réunion. Ce n’est pas un très haut niveau d’exigence en terme de participation que de présenter un projet déjà élaboré !
Dans d’autres pays, on a cherché à développer la participation sur la base de certains services publics. C’est notamment ce qu’on a essayé de faire en Suède ou au Danemark. C’est vers l’usager plutôt que vers le citoyen que l’on se tourne.
Dans toutes les hypothèses de développement de la démocratie locale, il y a un problème qui n’est jamais convenablement résolu : c’est celui de l’information. Tous les pays ont une loi sur l’accès à l’information (obligation de communiquer des documents pesant sur l’administration). Les citoyens peuvent demander communication, à condition que les documents existent.
Ce n’est pas l’information qui fait défaut mais ce qui n’est pas garanti par la loi c’est l’information pertinente sous la forme d’indicateurs précis qu’il faut établir, à partir de données statistiques qu’il faut collecter et qui permet de porter un jugement sur une gestion. Ce type de législation fait généralement défaut.
La loi le permet pour les SPIC et en particulier pour les opérateurs en DSP sont tenus de fournir une liste précise d’informations qui doivent être communiquée à une commission locale composé d’usagers formé par le Conseil municipal et qui est censé analyser ces informations. Ces dispositions ne donnent pas lieu à beaucoup de publicité vis-à-vis des citoyens.
3. Le(s) niveau(x) intermédiaire(s)
Selon les pays, on a parfois introduit des élections au suffrage direct ou parfois prévu des élections au suffrage indirect (Espagne).
La tendance est à la généralisation de l’élection au suffrage direct et à l’abandon de l’élection au suffrage indirect.
En Espagne, les députations provinciales sont élues au suffrage indirect. C’est un mode d’élection par un collège électoral composé des conseillers municipaux.
Section IV – Les compétences locales : distribution, coopération, modes d’exercice
Première remarque : l’ambiguïté de la notion de compétence.
Les compétences forment la matière-même de l’autorité locale. Le mot pose quelques problèmes car suivant les textes et les contextes, on entend tantôt des pouvoirs d’actions tantôt des domaines d’actions. La notion n’a de sens que si les deux sont liés. C’est cela qui rend difficile d’évaluer les compétences locales car la façon la plus simple de décrire est de parler des domaines d’action. Cela ne permet pas de savoir ce que l’autorité peut vraiment faire. Ce qu’on peut dire c’est qu’il n’y a pas de décentralisation sans autonomie locale et qu’il n’y a pas d’autonomie locale si elle n’a pas d’objet.
Sous cette réserve, une des choses les plus surprenantes, c’est que, au moins au niveau municipal, il y a une très grande similitude d’objet dans les compétences locales. L’importance des pouvoirs exercés varie mais il y a des matières dans lesquelles les collectivités locales interviennent peu ou prou, ont des décisions à prendre, gèrent certains moyens et cela quelque soit les pays, leur niveau de développement et leur position géographique. Il y a quand même quelques exceptions notables.
Ainsi, sur tous les continents, les communes (ou entités de base), exercent des compétences en matière de déchets, d’éclairage public, de cimetières, d’urbanisme (planification et autorisation), le développement économique, la voirie, les transports urbains, la fourniture d’eau potable, les services sociaux, le logement…
La situation est plus hétérogène pour les services de santé. Environ la moitié des pays d’Amérique latine, les pays d’Europe de l’Est ont habituellement des compétences en matière de santé. Elle est exceptionnelle en Europe de l’ouest.
Facteurs discriminants :
Concernant l’éducation, la différence la plus importante se situe entre les pays dans lesquels les administrations communales gèrent seulement les locaux et les activités péri ou parascolaire (France, Allemagne, Espagne) et les pays dans lesquels, la compétence locale s’étend à la gestion du système éducatif et à la responsabilité des établissements scolaires.
En Suède ou au Danemark, c’est l’ensemble du personnel enseignant y compris celui qui correspond à l’enseignement secondaire qui est administré par les collectivités de niveau communal. Cela représente, rien qu’en terme de salaires, une charge considérable. C’est la question de la gestion des établissements scolaires qui avaient déterminé les principales réformes des communes en Suède (cf. supra).
Au Royaume-Uni, il en est allé de même depuis fort longtemps jusqu’à la réforme scolaire de 1989. La loi permet aux familles de décider soit du maintien de l’établissement scolaire dans la compétence de l’autorité locale soit de l’en détacher pour qu’il relève uniquement du contrôle du ministère chargé de l’éducation et qu’il ait un régime d’autonomie pour sa gestion financière et du personnel.
Cette loi n’a jamais complètement été mise en œuvre et la plupart des établissements continuent de relever des autorités locales même si, du point de vue du contenu éducatif, le contrôle du ministère s’est considérablement renforcé.
Un autre facteur discriminant : services de santé et sociaux. Selon que les collectivités locales gèrent et paient le personnel ou bien qu’elles gèrent l’attribution d’allocations.
Le fait qu’il y ait des pouvoirs de gestion étendus ne signifie pas nécessairement qu’il y a une grande liberté de décision. Par exemple, ni en Angleterre ni en Suède, les conditions de recrutement et les salaires des maîtres ne sont déterminés au niveau local. Ce sont des accords collectifs nationaux qui règlent ces questions que les collectivités locales devront appliquer. Mais comme elles paient, c’est l’association des communes et des conseils de comté qui négocient avec l’union syndicale.
Néanmoins, il peut y avoir des domaines de liberté qui sont laissés aux collectivités locales pour des modes de rémunération supplémentaire, pour le développement d’activités scolaires ou périscolaires qui s’ajoutent au programme national etc. En Suède, par exemple, il y a une administration nationale chargée de l’éducation. C’est elle qui fixe les conditions du recrutement du personnel, qui l’évalue, qui fixe l’évolution du régime de rémunération mais il reste que c’est l’autorité communale qui est considéré comme responsable des établissements scolaires, de leurs résultats…
Ce ne sont pas les seules différences que l’on peut rencontrer. D’autres facteurs doivent être pris en compte.
D’abord, l’étendue et l’objet des pouvoirs peuvent varier considérablement.
En ce qui concerne l’objet, en ce qui concerne le degré de liberté et en ce qui concerne le contrôle exercée et en ce qui concerne l’utilisation des financements… Si on a des attributions propres mais que le financement est assuré par des ressources budgétaires du national, il n’y a pas beaucoup de marge de manœuvre.
Quelque fois la tutelle peut prendre des firmes plus sournoises. Au Royaume-Uni le financement repose sur une petite partie des ressources fiscales (15 %), et la redistribution d’une fiscalité national mais le reste dotation. Elle est calculée en fonction de l’estimation des besoins du montant des dépenses par habitant pour couvrir ces besoins. Le montant est ç peu près la différence entre l’estimation globale des besoins et les ressources propres. Les estimations sectorielles sont agrégées pour déterminer une sorte de multiplicateur : on va déterminer leur quote-part.
Il y a une réglementation détaillée avec des standards pour chaque secteur d’activité. C’est sur la base de ces standards que l’estimation est faite. Les citoyens surveillent aussi le fonctionnement des différents services : ils peuvent demander des explications. En réalité, la marge de manœuvre n’est pas très grande. Les dépenses facultatives ne sont pas les plus importantes.
Deux autres secteurs discriminants : la sécurité et l’énergie.
En général, elles n’exercent pas de compétence en matière de distribution d’énergie mais il en va différemment dans certains nombre de pays : Russie et pays issue de l’ex-URSS, Chine, Etats-Unis, Autriche, Hongrie, Royaume-Uni…
En matière de sécurité (police et ordre public), les situations sont très contrastées.
En Europe, dans certains pays, c’est traditionnellement une compétence locale sur laquelle le pouvoir central a étendu son contrôle : BENELUX.
Dans d’autres pays en revanche, la police est un domaine étranger aux collectivités locales : Suède, Hongrie…
Cette diversité que l’on rencontre ne peut pas s’expliquer par des facteurs rationnels. C’est habituellement des données historiques qui expliquent ce genre de situations.
De même, quand on regarde le niveau des dépenses publiques, qui est un indicateur de l’étendue des fonctions administratives, il n’y a pas de corrélation entre la part des dépenses publiques locales dans l’ensemble des dépenses publiques et des facteurs de développement du pays. Certains pays émergents affichent un niveau élevé de dépenses (44% Corée, Japon 54 %) alors que ces pays ont l’image de pays centralisé. En revanche, l’Australie qui est pourtant un Etat fédéral, les dépenses locales ne représentent que 7 % des dépenses publiques.
Concernant l’exercice des compétences, ceci comporte deux aspects :
1° Les autorités locales exercent-elles directement leurs compétences ou ont-elles recours à la coopération ?
2° Ont-elles recours à des opérateurs privés ?
Cette question amène à distinguer le titre de la compétence et la manière dont elle va être mis en œuvre.
La coopération a beaucoup moins d’importance dans les pays de grandes communes que de petits communes. Néanmoins, on ne devrait pas en conclure que la réforme territoriale suscite à résoudre les problèmes fonctionnels et on constate que quelquefois l’évolution de la démographie conduit à imaginer des formes de coopération à un autre niveau (Allemagne : région urbaine cf. supra).
Par exemple, en 1986, le gouvernement britannique a décidé de supprimer les conseils de comté (2e étage) et on a créé des sortes de syndicats qui ont repris les attributions qu’ils n’exerçaient plus.
Quand la Finlande était sollicitée par des régions (après adhésion à l’UE), on s’est inspiré de la gestion du système hospitalier et on a fait des régions sous forme de syndicats de communes.
En revanche, dans les pays qui souffrent d’émiettement communal, on cherche des palliatifs. Le développement de l’intercommunalité en France a fait école parfois comme projet, parfois comme réalisation.
Les pays qui se sont montrés les plus intéressés ont été
– l’Italie, pour combler un manque dans sa législation : les communes peuvent depuis longtemps créer des sortes de syndicats de communes. 1971 : communautés de montagne. Depuis 1990, la législation a créé des Unions de communes à vocation polyvalente créées sur une base volontaire. Le début de la réforme a été plutôt un échec car la loi prévoyait la fusion en seconde étape. En 2000, lorsqu’a été adopté le texte unique sur les collectivités locales, on a supprimé cette perspective. Depuis, le système s’est développé.
Un autre point est le recours au système privé.
Le pays où on parle le plus du service public est celui où on fait le plus appel au privé (France). Même l’éclairage public (Déville-lès-Rouen : GAJA).
En Allemagne, dès la République de Weimar, les communes ont soit des sociétés propres ou des entreprises commerciales. On parlait de « fuite devant le Droit public ».
En Italie, devant le développement des besoins des villes et pour limiter les initiatives des pouvoirs locaux dans le domaine économique, on a voté en 1903 une loi sur les services publics : elle visait à brider l’initiative des collectivités mais elle a aussi donné un cadre juridique à ces interventions. Les activités locales en Italie sont essentiellement centrées sur des entreprises publiques locales. Ce n’est que depuis 1990 que des lois sont venues ouvrir ou restreindre les services publics locaux à la concurrence. Un décret-législatif est intervenu pour obliger les collectivités locales italiennes à recourir aux secteurs privés, notamment pour les activités de réseau.
En Angleterre, avant Thatcher, administration puissante et régie (même l’habitat social). Ceci a été remis en cause au cours des années 1980 : l’obligation faite aux autorités locales de recourir aux secteurs privés s’est traduit par une obligation de mise en concurrence de leurs services propres avec des entreprises privées. Pour arriver à gérer cette mise en concurrence, ces autorités ont du organiser leurs services en unités autonomes de travail qui ne sont devenues qu’à ce moment à des entreprises internes (sorte de régie). Ce système n’a, en général, pas très bien marché. Le seul secteur où le privé a pénétré concerne le nettoyage. Le secteur public est ainsi toujours relativement important.
Au cours des dernières années, on a vu se développer des formes nouvelles d’intervention des entreprises privées à partir du private finance initiative mise en œuvre à grande échelle à partir du gouvernement Blair. Les entreprises privée hésitaient à s’engager car il n’y avait aucune disposition qui permettait aux autorités locales de s’engager dans un contrat à longue terme or règle ultra vires (les autorités ne peuvent faire que ce que la loi dit). Il y a dès lors eu un essor de l’intervention privée.
Section VI – La place de l’Etat dans l’administration territoriale
Pratiquement dans tous les pays, ce qui caractérise l’échelon intermédiaire, c’est d’avoir été historiquement un relais d’autorité du pouvoir central (cf. supra).
L’Etat moderne a développé d’autres fonctions que les Etats du passé ce qui a pu l’amener à développer une administration territoriale.
On a trop souvent tendance à opposer la France aux voisins en faisant observer que seule la France a un système développé de services étatiques au niveau local. Ce n’est pas exact. Le développement de la présence territoriale de l’Etat s’est fait par le développement ministériel au niveau territorial. En outre, cette présence est beaucoup plus visible en France avec le préfet (aucun gouvernement depuis l’an VIII ne l’a écarté).
Dans les autres pays, on a parfois des pays qui ont « hérité » du préfet : l’Espagne, l’Italie. Après la guerre les préfets italiens étaient discrédités car ils étaient relais d’autorité du pouvoir fasciste. La Constitution a ensuite privilégié la région sur la province : préfet a essentiellement des attributions en matière de sécurité publique.
En Espagne, il y avait aussi des préfets qui après la Constitution de 1978 sont devenus des délégués du gouvernement au niveau de la communauté autonome et au niveau de la province. Depuis 1992, le délégué du gouvernement de la communauté autonome (il y en a 7) est la principale autorité. Le subdélégué du gouvernement de la province (il y en a 50) n’a que des pouvoirs résiduels.
La Suède a des gouverneurs avec des attributions étendues, idem Norvège, idem Belgique
Dans beaucoup de pays, on a des autorités qui ne représentent réellement le pouvoir central mais où il y a quand même des services de l’Etat sur le plan territorial : il y a partout l’administration fiscale, les fonctions de police et de sécurité, de sécurité civile contre les catastrophes…
En outre il y a des pays où des services sont juxtaposés sans coordination entre eux. Par exemple le Pays-Bas : à la tête de la province, il y a le commissaire de la reine (représentant de l’Etat) mais il est aussi le chef du collège des échevins de la province c’est-à-dire de l’organe exécutif de la province. Cet organe exécutif a aussi des pouvoirs propres attribués par la loi dont il est très difficile de dire juridiquement si ce sont des pouvoirs de l’Etat ou de la province. Le commissaire de la reine a été « absorbé » par la province si bien que les services extérieurs des ministères ne sont pas coordonnés.
La tendance paraît être à la diffusion des représentants de l’Etat ayant un pouvoir horizontal. En 1994, on a vu apparaître au Royaume-Uni des bureaux régionaux du gouvernement. Ces bureaux ont d’abord été rattachés au ministère de l’environnement et il y avait 4 ministères dont les services étaient regroupés dans ces administrations générales. On a trouvé que ces systèmes fonctionnaient bien. A la fin 2010, il y avait 11 ministères regroupés dans ces bureaux régionaux. Désormais, ces bureaux étaient rattachés au vice premier ministre, créé entre autre pour les coordonner.
Ces bureaux négociant des programmes d’action avec les autorités locales et en partageait le financement : ce sont les local area agreements.
Aujourd’hui, ils sont condamnés par les coupures budgétaires du gouvernement Cameron. Tous les bureaux ont été supprimés et avec eux les plans et financements. Leurs attributions sont reprises par les ministères centraux ou transférés aux autorités locales.
Section VII – Les contrôles exercés par les pouvoirs supérieurs
Quant au contrôle exercé par le pouvoir central sur les collectivités locales : il n’y a pas d’autonomie sans responsabilité et pas de responsabilité sans contrôle. Initialement, les contrôles portaient sur l’ensemble des actions. Les réformes ont consisté à alléger et à limiter leur objet sur les collectivités locales.
Le système français du contrôle de la légalité a été copié en Espagne où la possibilité de déférer un acte de collectivité locale appartient aussi bien au pouvoir régional et au délégué du gouvernement mais il en est fait fort peu usage.
En Pologne, il a été aussi adopté mais c’est un contrôle a priori.
=> La tendance a été de réduire le contrôle à un contrôle de légalité (a posteriori ou a priori) et non un contrôle d’opportunité. Ceci est conforme aux prescriptions de la Charte européenne de l’autonomie locale.
Néanmoins, il y a des contrôles de manière insidieuse qui peuvent être reliés à des compétences particulières ou être des conséquences de perspective managériale.
Concernant les compétences particulières, on peut envisager l’urbanisme.
En Italie, le pouvoir régional dispose de pouvoirs très étendus. Les différentes lois régionales prévoient que les documents d’urbanisme peuvent être approuvés ou même réformés par le Conseil régional.
En Espagne, depuis 1997, les régions ont le pouvoir de légiférer en matière d’urbanisme. Elles peuvent approuver ou demander des modifications aux documents communaux. Ceci a posé des problèmes en matière d’aménagement du littoral : le contrôle a favorisé la corruption et un procureur spécial a été créé pour mettre en œuvre des poursuites.
Concernant le management : au nom de l’efficacité, on va évaluer les collectivités locales. C’est le Royaume-Uni qui a été le plus loin dans ce domaine en permettant de mesurer la performance. A la fin des années 1990, il y avait 1.200 indicateurs dont les collectivités locales devaient rendre compte. Il y avait deux sortes de sanctions : 1° allègement de la réglementation si la gestion est bonne ; 2° resserrement de la règle si mauvaise gestion. A la fin des années 1990, ces indicateurs ont été réduits à 400.
Troisième partie
Les moyens de l’Administration
Les deux premiers chapitres vont nous amener à regarder en arrière dans l’Histoire. L’organisation des finances et de la fonction publique présente des caractères qui ont une histoire très ancienne. Néanmoins, on verra la confrontation de ce modèle héritée de l’Histoire avec des préoccupations nouvelles liées aux transformations que l’économie a connues et à la référence, de plus en plus forte, aux méthodes des entreprises comme facteur d’efficacité et d’efficience.
Il y a ainsi un lien entre les trois chapitres : un certain nombre de réformes ont été implicitement motivées par la volonté que l’Etat abandonne au secteur privé un certains nombre de missions qu’il a jusque ici assumé avec ses moyens propres (son budget et son personnel).
Chapitre I – Les finances
Elles constituent le sujet sur lequel il est le plus difficile de faire des comparaisons car l’organisation financière de l’Etat n’est pas réglementée avec le même degré de détail par le Droit dans tous les pays. Dans certains, on trouve des dispositions dans la Constitution, dans d’autres elles relèvent du pouvoir exécutif.
Dans le système financier public, il n’y a pas que l’Etat au sens strict : il y a aussi les démembrements de l’Etat, les collectivités territoriales, les Etats fédéraux…
Après avoir examiné le pouvoir budgétaire de l’Etat (Section I), on examinera la répartition des ressources (Section II). On étudiera enfin le pouvoir sur les ressources et pouvoir sur les dépenses (Section III).
Section I – L’organisation budgétaire de l’Etat
Le point de départ c’est le développement des pouvoirs du Parlement. De ce point de vue, le Royaume-Uni se distingue par le fait qu’il est le premier pays dans lequel l’impôt a été soumis au vote d’une assemblée. Depuis le Moyen-Âge, la Chambre des communes a acquis ce droit. Dans tous les pays, le développement de l’organisation budgétaire a été progressivement fondé sur la question du partage du pouvoir entre l’exécutif et le législatif.
En France, les débuts du droit budgétaire moderne date de l’époque de la Restauration où ce sont imposés quelques principes simples mais essentiels tels que les principes d’annualité, d’unité, d’universalité (toutes les recettes servent à toutes les dépenses), de spécialité.
Ceci a été une conquête du parlementarisme avec en même temps des solutions qui ont parfois ralenti cette évolution ou reflétaient les conflits entre exécutif et législatif.
Deux exemples qui concernent l’empire Allemand.
Au XIXe siècle, s’est imposé le principe qu’un certain nombre de matières étaient réservées à la loi. Cependant, le budget en tant que tel n’était pas considéré comme étant une loi. Ce qui avait pour conséquence de donner un pouvoir plus étendu au roi, à l’empereur, dans la mesure où le pouvoir du Parlement était limité à la perception de l’impôt.
En outre, ces conflits peuvent apparaître sur le cadre de la gestion. Le principe d’annualité budgétaire est important : c’est seulement pour une année que le Parlement vote l’autorisation de l’impôt et l’autorisation de certaines dépenses. La question se pose de savoir comment sont estimées et décomptées les dépenses qui sont effectuées. C’est la question de la distinction entre l’exercice et la gestion. Va-t-on rattacher une dépense à l’année au cours de laquelle elle est effectuée ou bien va-t-on la rattacher au budget de l’année pour laquelle elle a été autorisée ? Il est évident que la dernière solution autorise un contrôle beaucoup plus important du Parlement : au terme de l’année fixée pour la gestion du budget, les dépenses prévues ne peuvent plus être effectuées. Si au contraire, les dépenses sont imputés dans l’année où elles ont été faite, l’autorisation ne tombe pas à la fin de l’année et cela laisse plus de liberté d’action au pouvoir exécutif.
Les règles de report d’une année sur l’autre prennent leur sens par rapport au choix de ce type d’organisation. C’est le renforcement du contrôle parlementaire qui a conduit à ce que, normalement, les dépenses qui ont été autorisées mais pas faites dans les limites temporelles fixées ne peuvent plus être réalisées : l’argent retourne dans le fond général.
A l’époque contemporaine, une grande partie de ces règles destinées à assurer un meilleur contrôle du Parlement sur le budget ont été remises en question au nom de l’efficacité de l’action publique et de la gestion publique sous l’influence de trois facteurs :
1°- Il y a très souvent des opérations dont l’exécution nécessitent plusieurs années exécutives. Il faut donc assurer la continuité ce qui va à l’encontre de l’annualité.
2°- La recherche de plus de flexibilité qui va à l’encontre du principe de spécialité. On a imaginé des procédés pour alléger ces contraintes. Depuis une dizaine d’années, plusieurs pays ont une programmation pluriannuelle voire un vote de budget portant sur deux ou trois ans.
3° La critique du principe de spécialité a conduit à des modifications dans la présentation du budget. Une première mesure qui a été prise a consisté à distinguer les engagements financiers qui ont un caractère permanent et on a défini la spécialité budgétaire sur des bases plus globales de manière à faciliter la réaffectation de crédits en cours d’exécution en fonction des besoins du gouvernement.
La tendance à la distinction entre les mesures nouvelles et les dépenses considérées comme permanentes a été remise en cause dans les pays anglo-saxons dans les années 1980avec les budgets à base zéro : chaque fois qu’on établit un nouveau budget, on considère toutes les dépenses comme étant soumises à un nouvel examen afin de voir ce qui mérite d’être retenu ou remis en cause. Cela permet un redéploiement des crédits. Ces budgets base zéro ont été plutôt un échec car toutes les études ont montré qu’il est très difficile de remettre en cause des dépenses qui ont été acquises car une continuité doit être respectée, les budgets témoignent de dépenses nécessaires. La remise en cause de crédits provoquent l’ire de ce qui en était bénéficiaire. On a pu observer que le champ du changement budgétaire est assez réduit : une base stable est toujours maintenue.
Cela a déplacé le problème vers une autre notion qui s’est développé dans les années 1970-80 : l’évaluation des programmes. Pour pouvoir déterminer les domaines où il serait possible de redéployer des moyens et de renoncer à certaines actions, cela suppose qu’on soit capables d’évaluer les programmes mis en œuvre.
Les premiers travaux remontent au milieu des années 1960 quand au ministère de la Défense aux Etats-Unis, on a cherché à se doter des moyens de comparer les coûts et avantages respectifs de différentes options possibles en matière de dépenses militaires. A cette époque, le secrétaire à la Défense Mc Camara était un homme politique qui avait voulu s’inspirer des méthodes de prévision mis en œuvre dans l’industrie et a essayé d’appliquer pour la gestion des crédits du ministère. Cette technique d’évaluation comparative a été étendue à d’autres administrations civiles et on a tenté d’en faire une application générale.
Ce mouvement a une influence importante en France sous l’appellation la rationalisation des choix budgétaires. Ce n’était rien d’autre qu’une méthode consistant à évaluer les bénéfices attendues d’une action par rapport au coût budgétaire que l’on estimait devoir attendre de cette action. De là, on en a déduit l’idée que les décideurs pouvaient voir leur choix éclairé par le bilan coût-avantages.
Aussi bien aux Etats-Unis qu’en France, le développement a été assez important mais limité. Ces techniques se sont montrées fructueuses pour opérer des choix techniques. Quand on a voulu pousser la comparaison en terme de combinaison coût-efficacité, cela ne devenait plus possible ni même démontrable (difficile de montrer qu’il est plus efficace d’investir dans les soins que dans l’éducation). Cela a décrédibilisé ces techniques d’estimation et a conduit à leur déclin.
Le déclin de ces techniques a conduit à leur remplacement par des techniques d’évaluation. L’évaluation se fait en cours de route et a posteriori. C’est en fonction de ce qui est fait qu’on évalue s’il faut continuer. L’OCDE a été un cadre d’échanges importants qui a permis de populariser les expériences d’évaluation et de développer ces pratiques dans les différents systèmes budgétaires.
Le problème qui est rapidement apparu est qu’elle se heurte à deux difficultés.
D’abord, pour que l’évaluation ait un sens, il faut qu’on puisse collecter des données : il faut qu’on est établi un appareil statistique.
En outre, pour qu’un programme soit évalué, il faut qu’on ait pu définir de manière assez précise au moment où ce programme est conçu les objectifs qui doivent être atteints. Or définir les objectifs n’est pas si simple notamment parce que, dans le fonctionnement politique, on ne dit pas toujours ce qu’on a vraiment l’intention de faire. Les objectifs sont souvent flous parce que s’ils ne l’étaient pas, ils susciteraient des oppositions. L’évaluation devient ainsi plus difficile. En outre, la mise en œuvre des politiques montre que les politiques effectivement mis en œuvre ne sont pas celles qui avaient été conçues au départ.
Néanmoins, on doit observer que tous les pays ont cherché à mettre en œuvre des techniques qui s’appuient sur la définition de programmes définissant des objectifs afin de parvenir à une évaluation de leurs résultats.
Un autre problème est celui des rapports entre les différentes administrations qui construisent et gèrent un budget. Les comparaisons faites entres des pays ont montré que ces processus budgétaires révèlent des fonctionnements et des usages très différents.
Dans son livre Budgeting : A Comparative Theory of Budgetary Processes, Aaron Widvsky constate d’abord que les processus opposent des administrations qui sont chacune chargées de faire des économies. Il y a un certain nombre de normes différentes selon les systèmes mais qui ont le même objet. Les relations entre les hauts-fonctionnaires et les politiques, et le degré de confiance qui s’établit entre eux. Deuxièmement, est-ce que dans ce processus on privilégie les relations directes ou bien des processus formels, juridiques pour poser les problèmes et résoudre les conflits ? Certains systèmes marchent au Droit, d’autres moins. Dans quelle mesure les décisions sont prises pour que tous les participants soient traités de manière qu’il les satisfasse ou bien peut-il y avoir des gagnants et des perdants ?
Il montre que de ce point de vue et par rapport à ces trois domaines, les systèmes budgétaires se différencient très fortement.
Ainsi, aux Etats-Unis, le processus budgétaire est très fragmenté en raison du très grand nombre de niveaux de décisions qui doivent participer et l’utilisation extensive des trois catégories de normes (degré de confiance, existence ou non de capacité d’arbitrage, règles de proportionnalité et il montre que les conflits qui naissent dans le processus budgétaire sont indirectement résolus soit en devenant plus confus soit en étant détourné ou simplement en étant mis à l’écart.
Au contraire, dans le système français, les conflits entre les différents segments de l’appareil d’Etat sont limités par des procédures d’arbitrage organisées aux différents niveaux de la hiérarchie administrative. D’abord, les conférences budgétaires qui ont lieu au ministère des finances. Ensuite, les réunions d’arbitrage faites par les conseillers du poremier ministre. Ou bien le problème est porté entre les ministres ou avec le Président de la République.
Au Japon, le processus budgétaire est caractérisé par un style d’évitement. Dans ce processus, ce sont certains rites qui prévalent. Personne ne peut et ne doit perdre et par conséquent, les solutions qui sont adaptées sont celles qui permettent aux différents segments d’administration d’obtenir sufisamment de satusfaction sur les dossiers défendus.
Au Royaume-Uni, c’est encore différent. Ce processus est caractérisé par l’importance des relations de confiance et des relations directe entre les hauts fonctionnaires des ministères et de ceux du ministère des finances. Le processus est très peu formalisé sur le plan juridique. Il y a peu de niveaux de décision. Witawski explique que la bonne stratégie est celle de gagner la confiance du ministère de la finance, de gagner le contrôleur financier nommé par le ministère des finances dans le ministère pour en faire un allié dans la discussion budgétaire. En définitive, c’est la qualité des relations de confiance qui est un facteur de succès dans la négociation budgétaire.
L’une des stratégies considérées comme les plus efficaces est de faire passer ces demandes de crédit par le ministère des finances en calculant que s’il est gagné à certaines décisions, il les soutiendra devant le premier ministre. Au contraire, si le premier ministre qui défend les propositions des ministères, le ministère des finances est susceptible d’invoquer la nécessité de faire des économies.
En ce qui concerne l’exécution du budget, le plus important c’est le contrôle de la dépense. Sur ce point, ce sont des règles souvent anciennes qui s’appliquent et qui sont apparues dans l’idée de garantir la régularité de la décision de dépenses publiques. Gaston Jèze relevait dès 1909 que la séparation des ordonnateurs et des payeurs se « retrouvent dans tous les pays à finance bien réglée ». Ce principe s’est imposé en France à l’époque de la Restauration : celui qui manie l’argent n’est pas celui qui décide de la dépense.
Un auteur allemand, Todd, écrivait à l’époque de la République de Weimar faisait remonter l’origine de ce principe en France au XIVe siècle sous l’influence du Tiers-Etat à l’époque où les Etats-Généraux avaient une petit influence sur la politique du royaume. Il a été plus tard repris par l’administration royale et par d’autres Etats européens. La mise en œuvre de ce principe de séparation des ordonnateurs et des payeurs : premières formes de l’unité de trésorerie (une seule caisse).
C’est cependant en France que le principe a conservé la forme la plus systématique. Dans la mesure où il est mis en vigueur en France, il n’a pas d’équivalent exact dans les autres pays. Ce que l’on trouve dans les autres pays est la séparation entre la décision et la fonction d’exécution mais sans les prolongements qu’on lui a donné en France. En France, le comptable publique n’est pas soumise à l’autorité du ministre. Il y a une séparation radicale des fonctions.
En Allemagne, il y a bien une séparation des ordonnateurs et des comptables mais on ne fait pas du paiement des dépenses publiques une fonction qui est confié à une administration spécialisée. Le ministre est l’ordonnateur principal des dépenses publiques. Seules les caisses ou services de paiement peuvent effectuer des paiements. Ils ne peuvent payer que sur la base d’un ordre écrit du ministre ou d’un service relevant de son autorité. La loi sur le budget fédéral prévoit aussi que celui qui ordonne un paiement ou qui porte la responsabilité de la décision de dépenser, ne peut pas effectuer la dépense. L’idée de séparation est donc bien inscrite mais il y a trois différences avec la conception française :
1°- en Allemagne, les caisses habilitées à payer est établi ou supprimé par chaque ministre pour son ressort de compétences selon un règlement qui est fait en accord avec le ministre fédéral des finances. Les règles sont restées inchangées depuis la République de Weimar. Il en résulte que les fonctionnaires des caisses sont subordonnés à l’ordonnateur et c’est ce dernier qui organise le contrôle. En France, c’est la Cour des comptes qui contrôle les comptables publics.
2°- le droit financier allemand ne connaît pas la responsabilité personnelle du comptable public. En France, il est tenu sur ses derniers et peut être condamné à couvrir le déficit de son compte. Cela paraît lié au fait qu’en Allemagne les Cours des comptes sont des organes indépendants de contrôle financier mais n’est pas un juge des comptes.
3°- une autre séparation a été introduite : dans chaque caisse, on sépare les fonctions de comptable et les fonctions de caissier. Un fonctionnaire tient les livres de compte, un autre effectue les paiements. En France, le comptable public tient les comptes et effectue les paiements.
Le principe de l’unité de trésorerie a connu une évolution assez semblable. La centralisation de la trésorerie sous l’autorité du ministre a été inspiré en Allemagne par le système français. Il estimait que c’était la meilleure solution du point de vue économique. Il a été mis en place de manière concrète en 1927. Ce principe n’a pas été mis en vigueur de manière aussi systématique en France. En France, il y a toujours une obligation de dépôt qui pèse sur les correspondants du Trésor : tous les organismes publics doivent avoir leurs liquidités qui sont déposés au Trésor public. Il y a certaines possibilités d’y déroger selon des conditions fixées par la LOLF.
Cette obligation n’existe pas en Allemagne ce qui réduit la portée de l’unité de trésorerie. Elle ne fonctionne qu’au sein de l’Etat au sens strict. Les autorités locales ne sont pas tenues de déposer les liquidités auprès du trésor.
D’autres pays ont introduit cette organisation fondée sur la séparation de l’ordonnateur et du comptable : Belgique, Espagne (aux niveaux des collectivités locales aussi), Italie…
Toutes ces règles sont fondées sur une idée très simple : la méfiance à l’égard de tous ceux qui manient les deniers publics car on peut craindre que le maniement de cet argent puisse donner lieu à des malversations. C’est une idée très ancienne. Par conséquent, les systèmes de contrôle sont très stricts.
Au Royaume-Uni, on a un système conforme à ce modèle. Dans chaque ministère, il y a un agent comptable accounting officer qui est chargé d’effectuer des dépenses. Lorsqu’on a introduit les agences exécutives dans les années 1980, l’idée était que le chef d’agence ait une autonomie de gestion. Comment pourrait-il en avoir alors que le maniement des fonds dépend de l’accounting officer ? Pour résoudre ce problème, une loi de 1992 est intervenue et a permis au ministre de déléguer toutes les fonctions à un fonctionnaire et de renoncer à l’approbation préalable des décisions. Cette loi a été le fondement de la délégation au directeur des agences exécutives de pouvoirs étendus en matière budgétaire. Le directeur d’agence est également devenu accoutning officer pour l’agence qu’il dirige et à ce titre est devenu responsable financier de l’agence qu’il dirige.
Cela a des conséquences : il rend compte de sa gestion directement à la commission des finances de la Chambre des communes. Selon les ministères, il partage cette responsabilité avec le permanent secretary et dans certains ministères, ce dernier est en même temps le principal accounting officer et, à ce titre, a autorité sur les opérations de dépenses.
Dans les agences exécutives on a de facto refusé à la division des responsabilités entre l’autorité qui décide et celle qui détermine l’exécution matérielle des dépenses. Dans les limites des compétences de l’agence, le directeur assure les deux fonctions.
Le accounting officer cumule des fonctions exercées en France par le contrôleur financier et par le comptable public. Il est chargé de veiller à l’utilisation la plus économe, efficace et efficiente des fonds pour la réalisation des objectifs du ministère. Il doit veiller à ce qu’il y soit un audit interne adéquat. Il tient la comptabilité du département. Enfin, il gère et conserve les fonds public.
Les deux dernières missions sont des missions du comptable public tandis que les deux premières sont des missions du contrôleur financier.
C’est sur cet aspect que le changement introduit par les agences est le plus important par rapport à l’organisation administrative qui a prévalu antérieurement. Les agences font toujours partie du ministère. Le directeur d’agence, en principe indépendant de la gestion du ministre, est subordonné à lui politiquement. L’abandon de la distinction entre l’ordonnateur et le payeur est une modification fondamentale qui rompt avec un principe bien établi en finances publiques et qui cède la place à une logique managériale. Cette logique est d’ailleurs peut être assez mal comprise : dans les entreprises, celui qui décide n’opère pas les dépenses.
En ce qui concerne le contrôle de l’exécution du budget, on rencontre dans tous les pays des corps de contrôle qui sont dotés d’une indépendance garantie soit par la Constitution soit par la loi et qui sont placées plutôt auprès de l’exécutif ou plutôt auprès du Parlement. En règle générale, les corps de contrôle sont placés auprès du pouvoir législatif.
En ce domaine, nous avons le modèle de la Cour des comptes mais il y a aussi d’autres modèles.
Dans la littérature internationale, le rôle de ces organes est normalement connu sous le nom d’audit externe. Il s’oppose au contrôle interne de la régularité, de l’efficacité, assurée par l’administration elle-même.
Aujourd’hui, on peut distinguer cinq modèles d’audit externe :
1°- Les pays qui ont un régime parlementaire dérivé du modèle anglais et les Etats-Unis : organe d’audit qui est considéré comme étant au service du Parlement et qui est dirigé par un auditeur général. L’auditeur général est chargé de contresigner l’attribution des crédits budgétaires aux différents ministères dépensiers.
C’est un contrôle a priori avant la répartition des crédits.
Aux Etats-Unis, le général accounting office a été établi en 1921. Il a été rebaptisé Governement accountability office. Il présente ces rapports exclusivement au Congrès et non pas au pouvoir exécutif.
L’Autriche a un système similaire : sa Cour des comptes n’est pas une juridiction.
2° Organe d’audit parlementaire qui ont un organe d’audit externe à leur service. On trouve ce système dans les pays nordiques dont la Constitution charge le Parlement d’élire un certain nombre d’auditeurs. Dans ces pays, les auditeurs travaillent avec un organe d’audit qui est placé sous le contrôle du Parlement.
3° Les cours indépendantes sans fonction juridictionnelle et qui sont, dans une certaine mesure, au service de l’exécutif. Au Pays-Bas et en Allemagne, ces cours n’ont aucune attribution juridictionnelle. Le nom de cours vise à montrer leur indépendance. Ce sont des organes collégiaux. Leur statut garantit leur indépendance comme les membres des juridictions.
4° Cours des comptes dotées d’une fonction juridictionnelle. Elles permettent de sanctionner les irrégularités dans les dépenses de l’Etat. On les rencontre en France en Italie, en Espagne.. Les membres sont des magistrats et ont toutes les garanties qui s’attachent à cette qualité. Ils jugent les comptes des comptables publics et ont des pouvoirs de prendre des mesures déboucahnt sur des poursuits le cas échéant.
La Cour des comptes française est au service de l’exécutif et du législatif. La révision de 2008 aurait tendance à renforcer ses liens avec le Parlement.
En Italie et ne Espagne, les Cours des comptes effectuent leur mission directement pour le compte du Parlement. Leurs chefs sont nommés non par l’exécutif comme en France. En Esopagne, le président est nommé par le roi sur recommandations de l’assembée plénière de la Cour. En Belgique, le président de la Cour est nommé par le Parlement.
5° Organes indépendants rattachés à l’exécutif (pays d’Asie)
Ces organes d’audit sont indépendants du cabinet et ne sont pas incorporés à un ministère. Jusqu’à ces dernières années, il en était de même en Suède ou en Finlande.
Y-a-til des différences dans l’efficacité ou l’activité ? Il est difficile de le dire. En outre, dans le domaine de l’organisation budgétaire de l’Etat, le poids du passé est très important. Les formules choisies s’expliquent par des moments importants dans la construction de l’Etat.
On considère comme nécessaire qu’il y a ait un organe d’audit externe (1), indépendant du gouvernement (2) du moment, et on observe un élargissement des missions (3). Autrefois, la préoccupation majeure était la régularité. Désormais, d’autres préoccupations s’imposent et visent à assurer l’économie des moyens et l’efficacité de la dépense publique. Cela trouve place clairement dans la législation lorsque sont définies les objectifs de ces organismes.
Section II – Le partage des ressources : transferts et fiscalité
C’est une question primordiale. Au fil du temps, les dépenses ont augmenté. Dès lors qu’on a distribué des pouvoirs et des compétences, il s’agit d’en assure le financement. Cependant, on constate très facilement que la décentralisation des ressources ne suit jamais complètement la décentralisation des pouvoirs. C’est même parfois l’inverse qui peut se produire. Le contrôle des ressources peut être un moyen de piloter l’ensemble même si on a opéré une décentralisation importante des pouvoirs.
En outre, dans un esprit qui se voudrait rationaliste, on penserait qu’il s’agit d’abord de connaître les compétences à exercer, ce que représente les charges, et qu’ensuite on détermine des ressources pour couvrir ces charges. En réalité, ce n’est pas comme cela que ça se passe. Les systèmes de partage des ressources sont déterminés par toute sorte de considérations qui n’ont que peu à voir avec la détermination des compétences qui sont distribuées entre les différents niveaux d’organisation.
En particulier, l’histoire du régime fiscal peut être un facteur déterminant pour expliquer certaines caractéristiques relatives à la nature des ressources budgétaires de l’Etat central et des entités infranationales.
Un problème particulier est celui des Etats fédéraux. En effet, il y a eu une évolution marquée par à la fois une certaine centralisation politique et une certaine centralisation financière. Cette évolution s’est traduite par le gonflement des missions assurées ou financées par le pouvoir central. Dans la thèse de M. Anastopoulos (Les aspects financiers du fédéralisme, 1979), on observe que la part du pouvoir fédéral a augmenté de manière considérable au cours du XXe siècle à l’exception surprenante du Canada.
Ainsi, aux Etats-Unis, les dépenses fédérales étaient de 30 % du total en 1913, 44 % en 1938 (New Deal), 52 % en 1974.
En Australie : 12 % en 1913, 28 % en 1930, 50 % en 1974.
Au Canada, en revanche, le partage n’avait pas beaucoup varié : 35 % en 1913, 36 % au début des années 1930 et 38 % en 1974.
Sans surprise, dans les Etats unitaires, la part des dépenses centrales est beaucoup plus importante. Elles sont généralement supérieures aux deux tiers. Il y a toutefois des exceptions dans les pays nordiques où la part des collectivités locales peut atteindre 40 % ou davantage.
Partons du principe posé par la Charte européenne de l’autonomie locale. L’article 9 prévoit que les collectivités locales doivent avoir des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement. Ces ressources doivent être proportionnées aux compétences prévues. La question étant de savoir ce qu’il faut entendre par « ressources propres ». Cette notion est extrêmement ambiguë.
Autre chose : correspondance entre les compétences obligatoires et les ressources. C’est le principe d’origine allemande de connexité. Sa mise en oeucre dépend de l’estimation des charges qui dépend du niveau de service que l’on croit devoir ou pouvoir assurer à la population
Il est de plus en plus fréquent que la législation prévoit que tout transfert doit s’accompagner de transfert de ressources. En France, il apparaît en 1982 et dans la Constitution depuis 2003 (article 72-2 alinéa 4).
La révision constitutionnelle de 2006 en Allemagne : inscription d’une interdiction d’opérer par la loi fédérale de l’attribution de compétence matérielle aux communes et à leurs groupements (article 88-5)
La révision a entendu mettre fin à une pratique par laquelle le législateur fédéral créait des charges nouvelles pour les collectivités locales sans en assurer le financement si bien que c’était le land qui devait soutenir les communes.
Au demeurant, à l’intérieur du land, il existe une Cour constitutionnelle qui joue un rôle important entre le gouvernement du land et les collectivités. Il fait respecter notamment le principe de connexité.
Comment s’opère ce partage des ressources ?
Dans la plupart des pays européens, les recettes fiscales des collectivités locales sont en fait, pour la plus grande part, une participation aux produits d’impôts partagés : le pouvoir fiscal est toujours entre les mains du pouvoir central.
C’est pourquoi dans les statistiques qui sont publiées par des organisations internationales (OCDE, FMI), quand on trouve les recettes fiscales, la différence n’est pas faite entre les recettes fiscales propres et celles qui font appel aux produits d’impot partagés. Si participation au produit d’impîots partagées, le taux de l’impôt est fixée par la loi. Elle fixe également le mode de calcul de la quote-part qui doit revenir à chaque collectiivté locale. La collectivité locale n’exerce dont aucune compétence fiscale.
Dans la fiscalité propre, on est en présence de ressources fiscales à l’égard desquelles il s’exerce un pouvoir fiscal soit que la collectivité puisse créer un impôt ou bien c’est le pouvoir d’agir sur des bases d’imposition ou bien c’est le pouvoir de fixer le taux de l’impôt.
Seules les recettes courantes sur lesquelles les collectivités disposent de pouvoirs suffisants constituent un ressort pour les politiques locales puisqu’en fixant sur le taux de l’impôt, les autorités locales peuvent faire varier le montant de leur ressource.
Il en est de même pour les produits d’exploitation des services publics lorsque les usagers doivent payer un prix pour avoir accès au service public.
Il est plus difficile de comparer les recettes tarifaires car elles n’apparaissent dans les statistiques sur les comptes des collectivités locales que lorsque le service est exploité en régie et, par conséquent, le produit entre dans le budget. Quand le service est exploité par une entreprise publique séparée, ou par une entreprise privée délégataire de service public, les recettes n’entrent pas dans le budget de la collectivité et il n’existe nulle part de consolidation qui permettrait d’avoir une vue d’ensemble du service public local en agrégeant le budget public et les budgets des services publics locaux.
Aujourd’hui, il y a une tendance à augmenter les tarifs publics. Cela se traduit par une diminution des subventions dans les comptes des entreprises qui exploitent ces services publics.
En raison de l’incertitude qui entourent le montant des recettes provennant des tarifs publics, c’est la fiscalité propre qui constitue la variable la plus significative en ce qui concerne la capacité des collectivités de déterminer l’évolutiond de leurs ressources.
Au contraire, la participation au produit partagé est équivalente à des transferts. Du point de vue de la collectivité, qu’elle reçoive un transfert budgfétare ou que par la loi elle reçoive un certain pourcentage de l’impôt, cela ne fait pas de différence sauf une exceptuon.
Dans les systèmes d’impôts partagés, il y a plusieurs variantes.
Une première variante : le produit national de l’impôt est redistribué selon des critères fixés par la loi entre les autorités locales et régionales. Par exemple, au Royaume-Uni, toutes les entreprises paient un impôt foncier. Cet impôt collecté par l’Etat est redistribué au prorata du nombre d’habitants.
Une deuxième variante : la part de l’impôt qui est affecté aux autorités locales est calculé par rapport au produit local de l’impôt (non par rapport au produit national). Ainsi, en Allemagne, les landers n’ont pas de pouvoir fiscal mais sont financés par des quote-part sur des impôts nationaux. Ils perçoivent ainsi 50 % du produit local de l’impôt sur le revenu sur les personnes physiques et 50 % du produit local de l’impôt sur les sociétés. Dans ce cas, la participation au produit local de l’impôt reflète les inégalités de situation économique.
Ces disparités sont importantes depuis la réunification mais sont un peu atténuées parce que ce sont des entités régionales importantes à l’échelle desquelles cette participation est organisée. Au niveau vraiment local, les disparités explosent. Pour éviter que les inégalités ne s’accroissent, la participation des communes au produit local représente 15 % mais plafonné à une certaine tranche de revenu. Pour la part des revenus les plus élevés, c’est le land qui perçoit l’impôt. Ce système a pour effet de limiter les inégalités de revenus sur l’impôt payé par les ménages entre les villes bourgeoises et les communes périphériques où les revenus sont bas.
Dans beaucoup de pays d’Europe de l’est où on a introduit un régime fiscal avec un produit local, on abouti à une très grande disparité.
En outre, un autre problème s’ajoute. Généralement, le prélèvement de l’impôt sur le revenu est généralement fait à la source. Qui est la collectivité qui va bénéficier de cette participation ? est-ce la collectivité du siège de l’entreprise ou celle où habite les personnes employées ? Dans la plupart des cas, c’est la collectivité du siège de l’entreprise. Il est évident que du point de vue économique, c’est absurde car les services à financer se trouvent dans la commune où réside le salarié.
Les systèmes européens se différencient en fonction de l’origine des ressources. Tous les pays ont des régimes de finance locale qui font appel à la fiscalité locale, à des transferts, à des impôts partagés, à des produits . Ce qui les distingue, c’est la pondération.
On peut ainsi différencier des systèmes d’abord selon que la structure des ressources est commandé par la fiscalité propre ou commande par les transferts y compris la participation aux impôts nationaux.
La comparaison de la structure des ressources fait apparaître qu’il n’y a que 8 ou 9 pays en Europe où le produit de la fiscalité propre est supérieur à la somme des participations au produit d’impôts nationaux et des transferts. Ce sont également les seuls pays dans lesquels on constate que les revenus tirés de la fiscalité locale propre représentent plus de 40 % du total des ressources des budgets locaux. Ce sont la Belgique, le Danemark, la Finlande, la France (à la date où Marcou a consulté les statistique), la Suède, la Suisse…
La France a dû sortir de ce groupe avec la suppression de la taxe professionnelle remplacé par des ressources fiscales. Mais une partie des ressources sont des recettes fiscales assignées : quote-part du produit de la TVA (« cotisation économique »), quote-part des taxes sur les entreprises de réseau par exemple.
Dans tous les autres pays européens, en dessous de 35 % des ressources. Elle n’est supérieure à 30 % que dans certains pays (Hongrie, Luxembourg, Pologne). Très bas niveau de ressources en Grèce.
Quand un niveau de fiscalité propre se trouve entre 30 et 40 %, cela signifie que la fiscalité propre est un levier pour les collectivités. Si en dessous, c’est difficilement un levier car pour obtenir un peu d’argent de la fiscalité, il faut augmenter le taux de manière importante ce qui est difficile. Au Pays-Bas, l’impôt foncier local a péri car c’est le seul impôt dont la pression est directement perceptible (impôt sur le revenu à la source).
Dans les pays d’Europe de l’Est (Russie, Ukraine), la fiscalité propre est négligeable. L’essentiel des ressources sont assurées par une participation au produit de plusieurs impôts nationaux et une dotation de péréquation qui vient plus ou moins égaliser la différence entre le coût estimé des dépenses obligatoires et le produit estimé des impôts partagées.
De quoi se compose la fiscalité locale propre ?
Dans la plupart des pays, il y a un impôt foncier (en Amérique du Nord, c’est le seul ; en Suède, en revanche, il n’y en a pas : impôt sur le revenu). C’est réputé être le mieux adapté en raison de la localisation des bases d’imposition. Le rendement de cet impôt varie considérablement selon les moyens dont on dispose pour é valuer les valeurs foncières : cela suppose un cadastre et un système d’évaluation. Il y a deux systèmes d’évaluation dont aucun n’est satisfaisant. Le plus logique est celui fondé sur la prise en compte des valeurs sur le marché. L’inconvénient est de provoquer des fluctuations importantes de l’impôt. Lorsqu’il y a une hausse des prix, il y a une hausse de la fiscalité ce qui est mal vu par les contribuables.
En France, on a choisi de la faire reposer sur des critères physiques. Il y a ainsi une stabilité. L’inconvénient est que le relevé de ces critères physiques. Aucun gouvernement n’a eu le courage de mettre en vigueur les nouvelles bases d’après les évaluations réalisées.
La plupart des pays tendent à avoir des systèmes d’évaluation qui tendent à suivre l’évolution des valeurs du marché.
La fiscalité locale des ménages repose rarement sur un impôt local sur le revenu. C’est un peu surprenant car la fiscalité locale a vocation à financer des services offerts à la population. La raison principale est que l’impôt sur le revenu est considéré comme étant une des ressources importantes de l’Etat : normalement c’est lui qui conserve les ressources les plus productives.
Les seules exceptions concernent les pays nordiques où cet impôt est la principale ressource. Cela est lié à l’histoire du système fiscal : il est lié à des batailles politiques et sociales entre la population urbaine et la population rurale. Cela a déterminé l’option de l’impôt sur le revenu attribué aux collectivités locales.
Une autre question est l’existence de la fiscalité sur les activités économiques. Il est assez fréquent que ces impôts soient utilisés comme base de participation des collectivités locales au produit de l’impôt.
En revanche, il y a assez peu de pays qui ont un impôt local spécifique sur les activités économiques. L’assiette en est variable mais en 2007, il représentait une ressource significative dans 6 pays : l’Allemagne, l’Espagne, la France, la Hongrie, l’Irlande et le Luxembourg.
Dans tous ces pays, cet impôt a subi une érosion successive pour des motifs de politique économique qui ont partout été les mêmes. On a invoqué contre cet impôt le poids qu’il faisait peser sur la compétitivité par rapport aux pays voisins (« dans l’autre pays, il n’existe pas ! » ce qui était faux). Le fond du problème est qu’il est exposé comme un instrument de politique économique.
Un autre problème se pose : c’est celui de la péréquation.
En effet, il y a d’un côté des arguments très sérieux pour défendre une fiscalité locale propre importante : il est souhaitable que celui qui a le pouvoir de programmer des dépenses ait aussi une responsabilité en matière de ressources. C’est trop facile d’avoir le pouvoir des dépenses sans celui des ressources. C’est un facteur favorable pour une bonne gestion locale.
Il y a aussi des inconvénients : elle génère inévitablement des disparités. Elle est toujours fondée sur une richesse qui est inégalement réparti dans l’espace (ménage ou activité économique). Des impôts reposent sur des flux mais sont inadéquats pour la fiscalité locale. Ce n’est pas un hasard si c’est la TVA qui a été choisi comme la principale ressource pour l’Europe.
-> Lorsqu’il y a une fiscalité locale importante, il faut aussi organiser une péréquation qui doit être aussi organisé lorsque le financement des budgets locaux est fondé sur une participation au produit d’impôts partagés calculé à partir du produit local de l’impôt.
Une autre difficulté, c’est que plus les collectivités locales sont petites, plus les disparités dans la répartition des bases d’imposition se fera sentir. C’est un problème qui s’était fait sentir avec l’instauration de la TPU pour les communautés de communes, d’agglomérations et urbaines.
La péréquation pose un autre problème d’ordre politique ou philosophique. Sachant qu’il y a des disparités, jusqu’où doit aller la péréquation ? Dans une logique égalitaire, on dira qu’elle doit corriger les inégalités de recettes fiscales mais on peut opposer que dans ce cas, cela peut dissuader d’augmenter les impôts et encourager les comportements non vertueux dans la gestion municipale en comptant davantage sur les transferts. Selon les pays, on a des systèmes de péréquation qui sont très différents par la porté de la péréquation.
Un autre aspect, également politique, c’est qu’on constate qu’elle est d’autant mieux acceptée qu’elle est moins visible. Le plus visible, c’est la péréquation horizontale : transfert direct au travers d’une caisse entre des collectivités riches vers des collectivités pauvres.
La moins visible, c’est la péréquation verticale : celle qui transite par des instruments financiers déterminés par la loi et gérés par l’Etat.
Le principal exemple de péréquation pas très forte et invisible et le système français. Il est très opaque à cause du grand nombre de collectivités locales, parce que les règles sur le principal concours de l’Etat (DGF) sont modifiées très souvent et puis il y a une addition de mécanismes de péréquation qui ne sont pas inspirés par la même logique (critères dans la DGF, critères au niveau départemental etc.).
Un système qui est en principe le plus équitable mais qui est assez opaque est le système anglais. Il fonctionne assez bien car il n’y a pas beaucoup de collectivités locales (elles sont très peuplées).
Le principe c’est que les autorités locales perçoivent un impôt sur les ménages (council tax). Ensuite, elles perçoivent une dotation globale qui provient du budget de l’Etat et aussi une quote-part sur l’impôt foncier payé par les entreprises. La dotation versée par le budget est calculée comme une différence entre une estimation des besoin de dépenses et les autres ressources provenant de la council taxe et de la business tax payée par les entreprises. Ce qui est important donc c’est le calcul des besoins de dépenses. Pour faire cette estimation, les différentes dépenses définies par la loi sont regroupées par blocs pour lesquels on a fixé des indicateurs permettant d’estimer les dépenses (ex : superficie pour l’entretien des routes, le nombre de personnes de plus de 60 ans pour les dépenses sociales etc.). Cet indicateur ne détermine pas directement la quote-part attribue à chaque autorité locale. A ce moment, il y a tous les ans une décision importante du gouvernement qui est le spending review (réexamen des dépenses) qui portent sur les budgets de l’Etat et l’ensemble des dépenses publiques. Le gouvernement se fixe un objectif global de dépenses publiques dans lequel il va y avoir un montant destiné aux budgets locaux. C’est à ce montant que l’on va appliquer les indicateurs synthétiques calculés pour les dépenses et cela va déterminer la somme que va recevoir chaque collectivité locale. Autrement dit, le montant attribué est déterminé par les options fondamentales de la politique budgétaire du gouvernement. Ainsi, le gouvernement n’a pas beaucoup de difficulté pour contrôler les dépenses locales.
Néanmoins, il s’appuie sur des indicateurs objectifs. Il est équitable. Mais il est moins équitable dans le détail : pondération et petits détails modifiés dans les indicateurs.
Un autre système de péréquation qui donne des résultats plus transparents et plus contrôlables est le système allemand. Dans ce système fédéral, les ressources des collectivités locales sont déterminées soit par la Constitution soit par la loi du land.
C’est un système de financement à deux niveaux :
– partage des ressources entre la fédération et les landers. Les landers ont des pouvoirs fiscaux très marginaux (taxe sur la bière). L’essentiel des ressources fiscales provient des impôts communs. Ils sont au nombre de trois : impôt sur le revenu des personnes physiques, impôt sur les sociétés et TVA.
L’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu des personnes physiques sont partagés à parts égales entre la fédération et les landers. Le partage s’opère sur le produit local de l’impôt sans compter que 15 % vont au commune.
En ce qui concerne la TVA, le système est différent. C’est sur le produit de la TVA que s’opère la péréquation horizontale entre les landers et une petite partie de la péréquation verticale. Une partie de la TVA au niveau fédéral est redistribuée entre les landers au prorata du nombre d’habitants. Une autre partie de la TVA, qui est assignée aux landers, est utilisée pour effectuer une péréquation horizontale entre les landers. Cette péréquation repose sur le calcul d’indicateurs de ressources des différents landers : seuil à partir duquel se déclenche le mécanisme de péréquation. Les landers uqi ont un indicateur inférieur à ce seuil, ils reçoivent une dotation supplémentaire pour compenser cet écart
Au cours des dernières années, le système a évolué sous les effets de la réunification.
Dans le système antérieur, la péréquation horitonzal était assez tolérée car les transferts n’étaient pas très lourds.
Après la réunification, les écarts étaient considérables. Soit on supprimait, soit on organisait sur d’autres bases. Le gouvernement de l’époque a décidé de maintenir la péréquation horizontale mais pour qu’elle fonctionne sans représenter une ponction importante des landers de l’ouest, on a considérablement augmenté la quote-part des landers sur le produit total de la TVA. A la fin des années 1980, la quote-part des landers dans le produit de la TVA était inférieur à 30 %. Aujourd’hui, il est de 50 %. La fraction de la quote-part des landers utilisée pour la péréquation s’appuie sur une base beaucoup plus large. La quote-part qui sert à la péréquation horizontale représente au plus 25 % du total de la part des landers. Cela représente une somme plus importante si plus de la moitié de la TVA est consacré au produit des landers.
Cela ne suffisait pas pour la réunification et d’autres mécanismes ont été mis en place de péréquation verticale. Le gouvernement fédéral a lui-même consacré une partie de sa quote-part de la TVA à des dotations destinées aux landers ayant les plus bas niveaux de ressources. Ensuite, des programmes ciblés, financés par le budget fédéral, ont été définis pour soutenir le développement des infrastructures et de l’économie dans les landers de l’est.
A l’intérieur de chaque land, il y a aussi un système de péréquation définie par la législation du land. Il repose sur l’obligation faite par la Loi fondamentale de consacrer « une partie » des recettes qu’ils perçoivent sur les impôts communs pour le redistribuer aux collectivités locales. C’est là que joue le principe de connexité (contrôle par les cours constitutionnelles). C’est la loi du land qui définit les compétences des collectivités locales. Les systèmes de péréquation varie suivant les landers et suivant l’importance des compétences attribuées aux collectivités locales.
Chapitre II – La fonction publique
C’est une notion qui est beaucoup moins claire qu’il n’y paraît si on se place sur le terrain du droit comparé. Il y a une ambiguïté : quand on parle de FP, se réfère-t-on à l’emploi ou au régime ? (Section I)
Nous aborderons ensuite les régimes classiques de FP. (Section II)
On parlera enfin des réformes de la FP. (Section III)
Section I – Fonction publique et emploi public
S’il s’agit de comparer les FP, que doit-on prendre en compte ? Les personnels employés par les administrations publiques ? Les personnels soumis à un statut caractéristique de la FP ? Ou encore, n’est-il pas plus pertinent de considérer l’ensemble de l’emploi du secteur public ?
Ces trois dimensions ne concordent pas.
La notion la plus large est le secteur public. C’est l’ensemble des administrations publiques (Etat, collectivités locales) mais c’est aussi le personnel employé par les entreprises publiques. D’un point de vue économique, on peut mesurer ce que représentent les personnes employées dans le secteur public.
Cette mesure est certainement trompeuse car dans cette vaste catégorie, on mélange des personnels qui sont rémunérés sur des budgets publics et d’autres qui ne le sont pas. Les personnels rémunérés sur les budgets publics le sont par des ressources fiscales. Au contraire, les autres procèdent des recettes liées à l’entreprise publique.
Ensuite, quant au personnel régie par un statut de FP. Ce qu’on appelle FP est aussi un régime d’emploi qui se distingue du régime d’emploi du droit commun. L’ensemble du personnel soumis à la FP représente une troisième dimension, distincte des deux autres.
En effet, d’un côté, tous les personnels rémunérés par des budgets publics ne sont pas soumis au régime de FP et d’un autre côté, en raison de réformes structurelles voulues par les pouvoirs publics, il arrive que des agents soumis au régime de fonction publique soient en fait employés par des entreprises et non rémunérés sur des budgets publics (ex : La Poste, France Télécom).
Cette situation n’est pas propre à la France : en Allemagne, les chemins de fers ont été exploités jusque dans les années 1980 sous un régime comparable à celui des postes et télécommunications en France jusque dans les années 1990. Ils étaient financés sur la base d’un budget annexe et les agents étaient fonctionnaires. Quand on a créé une société à capital public, ces agents sont restés fonctionnaires.
Du point de vue comparatif, il y a deux dimensions pertinentes :
– le nombre d’agents employés par les administrations publiques et donc rémunérés sur les budgets publics. C’est une donnée claire. En effet, l’une des données de l’administration publique est, globalement, la permanence.
Cette notion doit être assortie de quelque nuance car si on veut qu’elle soit pertinente, il faut encore neutraliser les différences d’organisation qui peuvent exister entre les différents pays en ce qui concerne le régime de la protection sociale. Le personnel employé à la gestion des prestations sociales peut être suivant les pays incorporés à l’administration publique ou soumis à un régime de droit privé. D’un point de vue économique ou politique, la sécurité sociale doit être considéré comme faisant partie de l’administration publique dans la mesure où les prestations sont issues de prélèvements fiscaux.
– le statut. Si on considère que FP suppose des règles particulières, l’un des critères de différenciation c’est d’une part de savoir quel est le degré de spécificité de régime de la FP par rapport au droit commun et ensuite d’apprécier quels sont les effectifs auxquels s’appliquent ce régime spécifique.
La hiérarchie est une notion clé. Toute administration repose sur une hiérarchie. Elle tire son importance des différences de qualification entre les agents mais surtout par le fait que c’est par elle que s’exerce le commandement.
Ces définitions étant posées, on dispose d’un certain nombre de comparaisons produites sur le plan international pour comparer les FP dans différents pays.
L’une des études les plus récentes et les plus complètes est celle publiée par l’OCDE en 2008 L’emploi public : un état des lieux. Ce rapport étudie l’évolution des effectifs, des coûts et des statuts dans les pays membres de l’OCDE. C’est déjà un ensemble assez restreint à l’échelle du Monde. L’étude porte sur seulement 21 Etats membres : nombreux pays européens, Australie, Mexique, Corée, Japon etc.
A l’échelle de ces pays, il existe déjà de très grandes différences dans l’emploi des administrations publiques. Dans les 21 pays, de 5 à 28 % de la population active. Les pays dans lesquels les effectifs sont les plus élevés sont la Norvège et la Suède (28 %) suivis par la France (22 %). Beaucoup de pays se situent entre 20 % et 13 % : Espagne, Pays-Bas (tous deux à 13 %).
Ces données elles-mêmes présentent des aléas qui proviennent de la façon dont les effectifs de la population active sont mesurés et classés. Il y a une donne très surprenante : l’Autriche et l’Allemagne se situe à 10 %. Cette donnée est en réalité faussée par le fait qu’il y a des données concernant l’emploi dans des institutions privées sans but lucratif qui sont en réalité financées par les pouvoirs publics. Il faut donc faire attention aux comparaisons globales.
Ces effectifs ont été caractérisés par une stabilité dans l’ensemble des pays.
Au cours des dernières décennies, on peut aussi relever dans quel sens se sont faites les évolutions. On peut remarquer que dans tous les pays étudiés à l’exception du Canada entre 1995 et 2000 et de la Corée sur la même période, les effectifs dans l’emploi public ont augmenté. Les augmentations les plus fortes concernent le Portugal et l’Australie. La France se situe dans la moyenne, autour de 4/6 %, comme la Belgique.
Un autre élément de comparaison, c’est la place dans l’emploi public par rapport à la population active dans un cas d’un agrégat avec le personnel des entreprises publiques. Un autre aléa intervention, c’est la notion d’entreprise publique pour laquelle il n’y a pas de définition simple. Il y a en tout cas des différences statistiques et organisationnelles. Les données font apparaître qu’une partie importante de l’emploi situé dans des entreprises publiques ou quasi-publiques caractérisent les Pays-Bas or dans les Pays-Bas, on considère qu’il n’y a pas de secteur public important en dehors des administrations publiques. Environ 1/3 des personnes seraient employés dans des entreprises publiques ou parapubliques. Cela s’explique par des réformes : on a transféré beaucoup d’attributions administratives que l’on appelle organisation administrative autonome dont un grand nombre a un statut de droit privé. Du point de vue budgétaire, leur financement provient essentiellement du budget de l’Etat or on les considère non comme emploi des administration publiques mais comme emploi d’entreprise publique ou parapublique.
Il faut ajouter un autre élément de comparaison. On peut considérer en premier lieu que les dépenses des FP correspondent à l’essentiel des dépenses de fonctionnement. Cependant, cette assimilation n’est pas correcte parce que, au cours des deux dernières décennies, l’évolution des administrations publiques a été caractérisée en outre par le fait que beaucoup de missions ont été externalisées. Par conséquent, leur coût n’apparaît pas dans les dépenses de personnel direct supportées par les budgets publics mais il apparaît dans des dépenses liées à l’achat de prestations auquel l’Etat et les collectivités ont recours pour leur fonctionnement et leurs activités. Si on regarde l’évolution de ces données, c’est entre le tiers et les deux tiers des dépenses consacrés à la production de biens et de service qui a été assuré par le secteur privé et non pas au travers de rémunération distribué dans l’administration publique.
Même pour le Royaume-Uni, malgré les discours sur les partenariats public-privé, la part de ces dépenses est de l’ordre d’un peu moins de 50 %. Elle a cependant augmenté entre 1995 et 2005.
En France, la part de ses dépenses représente environ 40 %.
Ce qu’on peut déduire de ces observations, c’est que dans l’action des administrations publiques et dans les services qu’elles produisent, la FP ne représente qu’une partie importante mais jamais supérieure à 2/3 environ de l’ensemble des dépenses publiques qui sont effectuées pour la production de biens et de services destinés à la population.
Enfin, un autre élément de comparaison concerne la distribution de l’emploi entre les différents niveaux de l’organisation administrative. Selon l’organisation administrative, la répartition de l’emploi dans les administrations publiques peut varier considérablement. De manière générale, dans les Etats fédéraux, on peut observer que la part de l’emploi public dans les institutions fédérales est relativement limitée avec des exceptions (10 % pour l’Australie et l’Allemagne ; 12 % aux Etats-Unis…). Le reste de l’emploi public se trouve au niveau de l’Etat fédéré et des collectivités locales.
Il y a des exceptions dans les deux sens. L’Autriche apparaît plus centralisé avec des institutions fédérales employant un tiers du personnel des administrations publiques. En sens inverse, en Suède, le pourcentage des agents employés par des administrations centrales est limité et ne dépasse pas 15 ou 17 %.
Dans les Etats unitaire, on a une part plus importante employé par l’Etat. En France, suite aux réformes de la décentralisation, la part de l’Etat a diminué et se situe à 48 %. Au Portugal, cette part est supérieure à 85 %. En Turquie, de plus de 90 %.
En Allemagne, la répartition est la suivante : 10 % fédéral ; 50 % landers ; 40 % collectivités locales.
Section II – Les régimes de fonction publique
Par régime, on entend un régime d’emploi qui se caractérise par des règles particulières qui le distingue du régime d’emploi de droit commun défini par la législation du travail et des accords collectifs.
Dans l’histoire de la FP, différentes conceptions se sont opposées et ont trouve des concrétisations.
La première donnée que l’on peut mentionner concerne l’individualisation de l’Etat par rapport à la Couronne. Dans la mesure où l’Etat comme institution n’est pas conçu comme séparé du monarque, le personnel employé est au fond le personnel employé par le monarque et il est par conséquent à son service et c’est cela le fondement d’un régime spécial.
Cette particularité n’a pas complètement disparu dans le cas du Royaume-Uni puisque le civil service, ce sont les personnels civils au service de la couronne que l’on distingue du military service, eux aussi au service de la couronne. Jusqu’à aujourd’hui, il n’y a pas de régime de la FP au Royaume-Uni et cependant, on n’a pas non plus l’application d’un régime de droit commun parce que ces personnels le sont comme si ils étaient au service de la reine.
Aujourd’hui, c’est le premier ministre qui exerce la prérogative royale à l’égard de ces personnels mais d’un point de vue juridique, tant qu’il n’y a pas de décision du Parlement qui déciderait de voter une loi sur la FP en fixant les règles et qui, de ce fait, ôterait cette matière de la prérogative royale, il n’y a pas de régime juridique explicite de la FP. Dans le système britannique, l’emploi du personnel du gouvernement national dépend essentiellement et exclusivement de règles qui sont internes, adoptées par le premier ministre qui n’ont pas le statut d’acte pris sur la base d’une disposition législative puisque formellement c’est l’exercice d’une prérogative royale.
En dehors de ce cas, on a vu historiquement s’affronter deux logiques.
La première consiste à considérer que le service de l’Etat n’est pas une activité professionnelle comme une autre et par conséquent, cela nécessite que les personnels, les fonctionnaires, soient soumis à un régime juridique particulier. Quels sont les arguments en faveur de cette conception ?
On peut en trouver un premier argument chez Hegel, c’est que l’Etat étant l’expression de la raison, il doit être protégé contre la pression des intérêts particuliers et privés et par conséquent, les fonctionnaires doivent être soumis à des règles qui les protègent contre la perméabilité de la société civile sur l’exécution des missions de l’Etat.
A une époque plus récente, on a fait valoir d’autres arguments se fondant sur l’idée de la neutralité et de l’impartialité que l’administration doit garantir à l’égard de tous les citoyens et donc un régime particulier est nécessaire pour que les fonctionnaires ne soient pas à la merci des aléas des décisions des gouvernants. On le trouve exprimé dans le Statut de la FP en France, comme dans la Constitution italienne, mais aussi en Espagne.
Un autre argument est que, par nature, l’administration est une organisation permanente. C’est la permanence qui peut justifier qu’elle emploi un personnel permanent.
Historiquement, il faut noter que les régimes de FP qui se sont les premiers constitués ont été influencés par ces conceptions et surtout par la première. Qu’il s’agisse de la FP allemande ou de la FP française (Consulat et Empire), c’est cette idée qui a prévalu.
L’autre conception a été défendu plus tard, à partir de vision politique et philosophique opposé. Quand la production de biens et de services commencent à l’emporter sur les fonctions d’autorité, on s’interroge sur le bien fondé d’un régime spécial et on défend l’idée que les agents n’ont pas à être soumis à un régime différent.
On la trouve aux Etats-Unis : pour être efficace, on doit prendre le modèle de l’entreprise. Cette conception s’est durablement imposée et a donné lieu à d’autres transpositions : toutes les nouvelles doctrines qui sont apparues dans l’industrie ont donné lieu à transposition dans l’administration publique.
Urwick et Gullick ont ainsi imaginé un mode d’organisation de l’administration s’inspirant du taylorisme. Dès lors qu’on s’est rendu compte des limites du taylorisme s’est développé une nouvelle doctrine : l’école des relations humaines qui prônait une prise en compte des aspirations du salarié. Cette doctrine a été, elle aussi, importée dans l’administration.
Cependant, même aux Etats-Unis, on est pas allé jusqu’au bout de cette orientation car on s’est rendu compte qu’il y avait un autre problème : c’est la relation entre le politique et le personnel administratif, surtout en haut. Un ministre n’est pas un chef d’entreprise.
Ces considérations se sont traduites du point de vue du fonctionnement du pouvoir par le système des dépouilles : la nomination des agents repose sur la commodité de l’autorité politique, sur la fidélité des agents. Cela a montré ses limites et, dans les années 1970-80, on en arrive à la conclusion qu’il faut s’écarter de ce système et organiser le recrutement pour que le mérite prévale (merit system).
Le Pendleton Act a créé le civil service commission chargée d’organiser les recrutements dans la FP fédérale de manière à garantir que pour tous les emplois à pourvoir on respecte des procédures objectives.
Dans un système fondé sur l’emploi, où on recrute poste par poste, il est relativement plus facile à l’influence de s’exercer que sur des recrutements faits en vue d’une carrière. Dans les années 1970, on a fait une nouvelle réforme qui a organisé le senior executive service, sorte de haute fonction publique, dans laquelle on a introduit un régime de carrière pour les administrations et les emplois dans lesquels on voulait limiter les influences politiques (réforme Carter).
Il y a eu une autre doctrine pour l’alignement sur le droit commun. Elles sont venues du mouvement social. Pourquoi ? Parce qu’avec le développement de l’emploi public à la fin du XIXe siècle, se sont développées des professions nombreuses qui ont débouché sur des mouvements sociaux et sur la pénétration du syndicalisme dans la FP : développement de l’enseignement public (multiplication des instituteurs), développement de La Poste et Télécom (forme d’emploi industriel), développement d’emplois auxiliaires liés à l’accomplissement de tâches techniques (introduction de la machine à écrire).
Pour les gouvernements, les fonctionnaires étant les agents du gouvernement, les dépositaires de l’autorité, il n’était pas concevable qu’ils puissent contester les décisions prises par une autorité supérieure. Dans ce mouvement-là, avec la revendication de former des syndicats, de pouvoir faire grève, est apparu aussi l’idée que il serait préférable pour ces fonctionnaires d’être soumis au même régime que les salariés ordinaires car on voyait se développer la législation qui introduisait la négociation collective, qui comportait la mission des syndicats, la grève tolérée…
Cette vision a aussi trouvé un prolongement dans la façon dont l’Etat soviétique a organisé son administration pour des raisons idéologiques qui étaient de détruire l’Etat bourgeois : on partait du principe que dans l’organisation, il fallait que tout le personnel soit des travailleurs comme les autres et non soumis à un régime particulier. Là encore, on n’a pas été jusqu’au bout de ce que l’idéologie prescrivait car le facteur politique était déterminant. Très rapidement, puisque le régime soviétique était fondé sur le rôle des dirigeants soviétiques, il fallait que les fonctions d’encadrement soient assurées par des personnes loyales au régime issu de la Révolution. Le système de recrutement prenait en compte la donnée politique. De là est venue la notion de nomenklatura qui n’est rien d’autre qu’une liste d’emploi soumis à l’approbation du PC du même niveau.
Jusqu’à aujourd’hui, il y a la trace de cette conception dans le fait qu’on ne retient que comme emploi de la FP en Russie, en Ukraine… que les personnels qui sont directement employés dans les organes des administrations. Les personnels employés dans des établissements publics ne sont pas considérés comme faisant partie de la FP : ils ne sont pas des fonctionnaires. Les chiffres publiés sont ainsi étonnamment bas.
Aujourd’hui, il y a eu d’autres évolutions inspirées par les logiques du new public management ou encore par une certaine vision sociale de la gestion des personnels et qui ont conduit à l’application du droit commun aux agents de l’administration. Deux exemples :
– Suède : elle avait un régime de FP qui avait été, à son origine, marqué par l’influence prussienne. Cette FP de carrière était d’autant plus important historiquement qu’elle était typique : responsabilité individuelle et pénale du fonctionnaire pour les décisions individuelles qu’il prend. Cependant, en 1974, on a décidé d’abandonner ce régime et de soumettre tous les fonctionnaires au régime de la législation du travail. Depuis, le personnel est soumis à un régime de droit commun avec les accords collectifs… C’est la doctrine du parti social-démocrate mais qui n’a pas été remis en cause par les gouvernements successifs (parti bourgeois). Cette orientation s’est conjuguée avec les principes du new public management qui considère que la gestion de l’administration doit gagner en flexibilité, incorporer des méthodes de gestion incitatives remettant en cause le mécanisme de gestion des carrières qui donnaient trop de garanties au détriment de l’efficacité.
– Italie : loi de 1993 a eu pour objet de mettre fin au régime de FP pour un régime de droit privé : contrat de travail régi par des accords collectifs négociés par le gouvernement avec des organisations professionnelles des agents de l’administration. La réforme de 1993 a été mis en œuvre en plusieurs étapes et a abouti à ce que tous les agents de l’Etat, y compris les plus élevés, ont un contrat de travail. N’échappent à cette généralisation que les magistrats et les professeurs d’université.
Ceci n’est pas synonyme de droits syndicaux ou sociaux plus étendus. Au contraire, en Italie, la réforme s’est même accompagnée d’un durcissement des règles.
Ces deux visions du régime de l’emploi public ont été inspirées par des idéologies contradictoires. Surtout, si on a pu théoriser ces conceptions, elles n’ont jamais été complètement appliquées dans aucun des systèmes.
La théorisation qui a été faite par un membre du Conseil d’Etat dans les années 1970 : Gazier, Les fonctions publiques dans le Monde reposait sur une distinction entre la FP ouverte et la FP fermée.
D’après lui, la FP fermée c’est celle dans laquelle on est recruté selon des règles particulières et pour y faire carrière. Normalement, dans un tel système, il n’y a pas de recrutement aux différents échelons de la hiérarchie : on entre dans la hiérarchie et on avance.
Au contraire, la FP ouverte c’est lorsque l’administration recrute sur le marché du travail.
Cela correspondait en partie à une opposition entre FP fondée sur l’emploi et FP fondée sur la carrière.
On appelle un régime d’emploi un régime dans lequel on va recruter un agent pour occuper une fonction bien déterminée qui correspond à un emploi budgétaire (un emploi c’est toujours une dépense).
Dans un régime de carrière, on définit en termes assez généraux des fonctions à exercer dans une logique de profession et on recrute des personnels qui sont destinées à occuper une succession de postes dans la carrière pour laquelle ils ont été recrutés. Ce peut être une carrière d’assistance technique, d’administrateur civil etc.
Quel est le point de distinction entre FP fermée et FP ouverte ? C’est le fait que le recrutement dans une carrière peut quelque fois être organisé dans un cadre juridique qui est fondé sur le droit privé et qu’il suppose dans chaque poste un nouveau contrat de travail. Cependant, la gestion des personnels et des règles qui s’appliquent à eux comporte l’organisation d’une carrière. Par exemple, en Italie, contrat de droit privé mais ils sont toujours recrutés sur la base de concours. Une fois recruté, ils peuvent occuper des postes qui correspondront à une carrière mais ils auront des contrats de travail successifs.
A partir de ce constat, nous allons voir que dans les systèmes de FP, on a toujours un dosage entre un régime de FP et un régime de carrière et d’un autre côté, certains secteurs régis par un régime d’emploi.
Pour comparer les régimes, on peut retenir 5 critères :
1° nature du cadre juridique et l’étendue de la FP
2° règles tendant à garantir le caractère professionnel de la FP : recrutement, carrière…
3° régime des droits et obligations des fonctionnaires
4° régime de rémunération
5° système de gestion de la FP
1° En ce qui concerne le cadre juridique et l’étendue de la FP, nous avons des pays qui ont accepté un champ étendu du régime de FP comme la France et d’autres un champ étroitement délimité comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni.
Le système français de FP est fondé sur le fait que ce sont des fonctionnaires qui doivent occuper des emplois permanents dans l’administration. Les principes essentiels du régime de FP sont de nature constitutionnelles : liberté d’accès aux fonctions publiques, liberté d’appartenir ou de ne pas appartenir à un syndicat, liberté de faire grève… Depuis 1983, il y a un statut général de la FP : FPE, FPCT, FPH laquelle n’inclut pas les médecins hospitaliers.
Ce qui est caractéristique c’est que le champ d’application est indifférent de la place dans la hiérarchie. Même les emplois d’exécution modeste sont occupés par des personnes qui ont le statut de fonctionnaires. Au total, environ 80 % de l’emploi public au sein de l’Etat est représenté par des fonctionnaires. Il est moindre dans la FPCT (75 % environ) et dans la FPH.
Enfin, quand les agents sont employés, c’est toujours sur la base d’un contrat administratif.
Le système allemand est aussi un régime de droit public. Le terme berufsbeamtentum se traduit par fonction publique professionnelle et a été constitutionnalisé. Les principes fondamentaux de la FPP se trouvent dans la loi fondamentale. L’article 33 fait un devoir constitutionnel au législateur d’organiser la FP sur la base de « ses principes traditionnels ».
La compétence est partagée entre la fédération et les landers mais une loi fixe un cadre d’ensemble pour tous les secteurs. Aujourd’hui, il s’agit d’une loi de 2008 qui fixe seulement les principes fondamentaux de la FP de l’Etat et des collectivités locales.
Avant la révision constitutionnelle, le régime de FP faisait partie des matières qui faisait l’objet d’une loi cadre au sens de l’ancien article 1995 (développé par la loi de chaque land). La révision de 2008 a fait disparaître la catégorie des lois cadres (cf. supra) et il en a résulté une modification dans la liste des compétences concurrentes entre la fédération et les landers et il résulte que le législateur fédéral est compétent pour fixer les « principes de base ». Cela va moins loin que ce que pouvait faire la loi cadre. Ainsi, la FP de chaque land pourra être organisée selon des modalités qui pourront varier d’un land à l’autre.
Toutefois, dans la conception traditionnelle de la FP en Allemagne, seuls les membres de la FPP peuvent exercer les PPP et c’est pourquoi ils doivent occuper dans l’administration une position qui correspond à la nature de cette fonction. Cela veut dire que dans le système allemand ne seront soumis au régime de la FPP que les seuls agents que leurs fonctions conduit à participer à l’exercice de la puissance publique. Les autres agents employés par les administrations publiques sont employés sur la base de contrat. C’est donc fondamentalement le droit du travail qui est la base de ce régime.
En fait, cette distinction n’est pas appliquée avec rigueur pour plusieurs raisons.
La première raison réside dans le fait que la plupart des fonctionnaires professionnels sont employés par la fédération et dans une moindre mesure par les landers. Au niveau local, la très grande majorité des fonctionnaires sont recrutés sur la base de contrat.
Le deuxième aspect est que la notion d’exercice de PPP n’est pas très clairement conçu. Ainsi, les personnels enseignants sont employés sous le régime de la FP de carrière. Pourtant, il n’est pas indiscutable qu’on puisse considérer qu’un instituteur exerce des PPP.
Il y a là une évolution qui correspond au fait qu’historiquement, la part de la FPP a globalement diminué sauf dans les fonctions supérieures, d’autorité.
Le régime des agents contractuels présente en outre une particularité qui les rapproche du régime des fonctionnaires. Quand un agent public est employé depuis plus de 15 ans, il est assuré de la stabilité de son emploi. Il se retrouve ainsi dans une situation de permanence caractéristique de la FP de carrière. De facto, sa situation se rapproche de celle d’un fonctionnaire.
En Italie, depuis 1993, la FP est organisée sur la base de la législation du travail. Les litiges relatifs à un contrat sont jugés par les tribunaux ordinaires. Mais le recrutement est basé sur le concours (1), l’égalité d’accès aux emplois publics doit être respectée (2) et les droits politiques doivent être garantis (3). La Constitution de 1948 exigent ces trois points. On a ainsi un caractère un peu mixte.
La loi prévoit un système particulier pour le recrutement des dirigeants. Il y a les dirigeants et les dirigeants généraux. Ils sont recrutés par concours et soumis à un contrat de travail et à la négociation collective, y compris en ce qui concerne leur rémunération. Ce régime des dirigeants s’applique non seulement dans l’administration de l’Etat mais aussi des régions et des collectivités locales. Il y a aussi des règles particulières concernant l’accès à l’emploi, les conditions d’exercice et les conditions dans lesquelles il est mis fin à l’emploi.
Au Royaume-Uni, le FP est le service de la couronne. Par voie de conséquence, l’administration locale ne relève pas de la FP. Ce personnel est juridiquement soumis à un contrat de travail et aux négociations collectives.
Les règles de la FP font partie de la prérogative royale et sont exprimées par des ordres en conseil qui sont des actes du souverain (en pratique, le premier ministre). Sur la base de ces ordonnances, un ministre est chargé d’adopter les règles intérieures nécessaire à la gestion du personnel.
Actuellement, le texte de base est un order in council de 1995. Il y a aussi un civil service management code qui définit des prescriptions, des directives. Il y a aussi un civil service code of conduct qui explique aux entrants des règles éthiques et pratiques.
Ces deux derniers documents n’ont pas de valeur juridique précise.
Il y a eu, ces dernières années, à la fin du gouvernement Brown, des discussions sur l’opportunité d’adopter une loi sur la FP. Le problème est que la réforme des années 1990 (agence exécutive ; cf. supra) ont eu pour conséquence un éclatement de la FP. Du point de vue juridique, les personnels employés par les agences, lesquelles font partie des ministères, sont des fonctionnaires. Mais étant donné qu’on a donné aux responsables d’agence de grande liberté pour le personnel, les régimes d’emploi sont devenus très différents d’une agence à l’autre. Ainsi, on a l’impression qu’ils ne font plus partie du même ensemble, du civil service. Un tel système est très rigide : il est difficile de passer d’un secteur à un autre. Il a ainsi été envisagé de faire une loi.
Le cas des Etats-Unis est intéressant avec un nombre d’aspects paradoxaux. Il y a des dispositions dans la Constitution qui intéresse la FP : le pouvoir de nomination du président sous réserve de l’accord du Sénat pour certains postes et le pouvoir du Congrès pour réglementer par la loi la nomination de fonctionnaires de rang inférieur.
Aujourd’hui, il y a eu une codification qui règle le droit administratif. Le Titre V du Code des lois des Etats-Unis fixe le régime de la FP fédérale selon un régime de droit public. La FP englobe tous les emplois dans lesquels on est nommé dans les branches exécutives, judiciaires, législatives du gouvernement (ce terme englobe les trois branches) des Etats-Unis.
La loi prévoit la négociation collective d’accords entre les administrations employeurs et les représentants des employés pour déterminer les conditions d’emploi des agents qui sont placés sous l’autorité des dirigeants. On a donc pour résumer à la fois un régime de droit public et un régime de conventions collectives qui s’appliquent à des agents nommés.
Au niveau des Etats et des autorités locales, c’est au contraire les autorités correspondantes qui adoptent les règles locales pour l’organisation de leurs fonctions publiques et les nominations mais à ce niveau on ne trouve pas de régime de carrière.
Dans les pays d’Europe centrale et orientale, on trouve habituellement dans les Constitutions les règles fondamentales relatives aux administrations publiques et à la FP.
Par exemple, dans la Constitution polonaise (article 153), un corps de fonctionnaires sera employé dans les organes de l’administration de manière à assurer l’exécution professionnelle, diligente, impartiale et politiquement neutre des obligations de l’Etat. La Pologne est donc passée de l’application du droit du travail (héritage soviétique), à l’organisation d’un régime de FP fondé sur les règles de droit public posé par une législation spéciale. Seulement, cette tendance générale est affectée par le fait que selon les pays on peut observer des réformes contradictoires. On peut observer aussi que ce régime de FP ne s’applique habituellement qu’aux emplois de direction et de conception. C’est donc un champ étroit. Les autres agents sont soumis à un régime du droit du travail.
La Pologne a adopté en 2008 une loi sur la FP qui définit une FP comprenant tout le personnel de l’administration d’Etat sauf quelques exceptions et sous un régime de droit public.
Dans d’autres pays en revanche, il peut y avoir un champ d’application plus étroit.
Le personnel des collectivités locales est parfois soumis à des dispositions différentes : en Hongrie, statut de droit public ; en Pologne, agent de droit privé.
La Russie a adopté des régimes de droit public et a posé les bases d’un régime de carrière. La conception de la FP est très étroite. On exclut les établissements qui gèrent des services rendus à la population (cf. supra).
2° Critère de la professionnalisation. Quelles sont les dispositions qui permettent de s’assurer du recrutement d’un personnel compétent ? Sur ce point, on a une grande diversité.
Le système français est fondé sur un système de concours.
Ce qui fait sa particularité est que les concours de recrutement sont organisés comme des procédures complexes comprenant des épreuves écrites, des entretiens alors que dans de nombreux pays, ce qu’on appelle concours est simplement un entretien d’embauche.
Un autre élément qui le distingue est qu’au niveau intermédiaire et supérieur de la FP, les lauréats entrent d’abord dans une école avant d’être nommé dans un emploi, école dans laquelle ils acquièrent un complément de formation pratique.
Une autre particularité est la distinction entre les concours externe, interne et celui pour les personnes de la société civile ayant une certaine expérience.
Le recrutement a lieu à la base de chaque corps. La permanence est associée au grade pour le fonctionnaire tandis que l’emploi est en principe à la disposition de l’autorité administrative Cette distinction entre le grade et l’emploi est typique de la FP française.
Aujourd’hui, il y a 4 niveaux de recrutement : C, B, A et A+.
Le système français réserve une place au pouvoir public dans la nomination des agents (cf. supra).
Aujourd’hui, beaucoup d’agents sont recrutés sur la base d’un contrat, souvent CDD. Néanmoins, il peut devenir CDI après plusieurs renouvellements (jurisprudence communautaire).
La FPT suit à peu près le même principe.
En Allemagne, on a un système très rigoureux établi seulement pour les fonctions comportant l’exercice de la puissance publique.
Littéralement, c’était un emploi à vie. Le fonctionnaire ne prenait pas sa retraite.
En revanche, il ne comporte pas de recrutement par concours. Le recrutement est fondé sur des stages qui vont d’une période de 6 mois à 5 ans selon le niveau de recrutement. C’est au moins 1 an pour l’accès à la FP fédérale. Ce système est très ancien et a été conservé au fil du temps. Il signifie que l’on entre à un niveau de la FP en quelque sorte dans un régime de mise à l’épreuve et qui est encadré par ce qu’on appelle l’examen d’Etat qui, au niveau le plus élevé, comporte deux examens : un premier donne accès à un emploi de mise à l’épreuve et un second vient valider la formation acquise dans les fonctions.
On distingue 4 niveaux : niveau simple (tâches d’exécution), le service moyen (spécialisation professionnelle), le service élevée (spécialisation acquise dans l’enseignement supérieur dans les établissements spécialisés) et le service supérieur (recrutement suppose un grade de Master). Pour cette dernière carrière, le recrutement est le plus complexe et le plus long. Les examens d’Etat sont seulement des examens de droit (importance des enseignements juridiques).
Il y a au sommet des fonctionnaires qualifiés explicitement de politique qui occupent certaines fonctions sur la base de rapport de loyauté politique : secrétaire d’Etat. En cas de changement politique, le fonctionnaire politique serait mis en retraite temporaire.
En Italie, le système de carrière a été maintenu à des degrés divers selon les fonctions et les modes de recrutement. Le recrutement doit être basé sur la procédure de concours. Il y a cependant une différence qui s’est établi entre les dirigeants et les autres catégories de fonctionnaires. Le recrutement par une procédure de concours est imposé seulement pour le recrutement de dirigeants. Pour les autres catégories, la règle c’est le recrutement selon une procédure compétitive mais décentralisée au niveau de l’emploi et qui repose sur la publicité des emplois à pourvoir et la mise en place d’une commission locale de sélection. Chaque administration est alors responsable de son recrutement sur la base de programmes triennaux. Cette procédure décentralisée n’offre pas les mêmes garanties que des procédures plus formelles et est très perméable aux influences locales.
Pour être dirigeant, il faut passer un concours. A l’issue du concours, on entre dans une Ecole Supérieure d’Administration Publique (sorte d’ENA italienne). Elle est très différente de l’ENA parce que les élèves ne sont pas sûrs d’être nommés dans un emploi. Du point de vue juridique, le gouvernement et les ministres ont la possibilité mais pas l’obligation de les nommer. Le résultat c’est que les nominations fondés sur le critère de loyauté continue à prévoir d’une part et d’autre part pour les gens intéressés par les carrières administratives, l’attrait de passer un concours difficile sans être sûr d’avoir un emploi à la sortie est limitée.
La loi organise la négociation collective pour la détermination des conditions d’emploi y compris la rémunération. En outre, ils règlent les questions de mutation, de détachement, les conditions dans lesquelles on peut réduire certaines administrations. En ce qui concerne les personnels « en excédant », la règle de base est qu’ils sont mis en congé pour une durée de 24 mois à un salaire de 80 % du salaire d’origine en vue d’une reconversion. Ces règles s’appliquent également pour les administrations régionales, provinciales et communales.
Au Royaume-Uni, les exigences de qualification, classification, mutation… sont régies par les différents départements ministériels sur la base de principe très généraux fixés par le civil service management code.
Tous les recrutements doivent être fondées sur des procédures compétitives ouvertes.
A côté de ces règles générales, il existe dans la FP britannique un programme dit fast stream development program. Il vise à sélectionner, former, promouvoir des personnes qui paraissent avoir un potentiel de promotion rapide et qui doivent entrer dans ce que la réglementation appelle le senior civil service. Il inclut le personnel central des ministères, le service diplomatique, les hauts fonctionnaires de l’administration parlementaire, le personnel de la coopération internationale. Il y a aussi un fast stream pour les fonctions techniques (ingénieurs).
C’est une procédure de concours ouverte. Ensuite, à la fin de la période de formation, il y a des concours séparés pour le recrutement de différentes administrations, basés sur une série de tests. Ensuite, il y a une évaluation générale des candidats par le centre d’évaluation du fast stream. C’est alors que les candidats retenus vont être effectivement nommés.
Le point d’appui de ce processus de formation c’est le National School of Government, sorte d’ENA anglais.
Aux Etats-Unis, le système ressemble à certains égards au système britannique : distinction entre fast stream et autres emplois. La distinction fondamentale dans la FP fédérale est entre les fonctionnaires de carrières et ceux qui ne le sont pas. Normalement les fonctionnaires de carrière sont membres du senior executive service. Seulement, le cercle des fonctionnaires de carrière est plus large que le cercle du senior executive service.
Ces fonctionnaires sont ceux dont la nomination à un emploi est soumise à l’approbation du bureau de la gestion du personnel qui fait partie du bureau de l’administration du président.
Ils sont ainsi désignés depuis la réforme de 1978 sur la base de critères déterminés par l’Office de gestion du personnel.
Pour la nomination des membres du senior executive service, le pouvoir de nomination peut être délégué à des échelons inférieurs. L’accord du Sénat n’est pas nécessaire par opposition avec les emplois occupés par les officers qui correspond à des hauts fonctionnaires font la nomination est soumise à l’accord du Sénat. Seuls des fonctionnaires qui sont nommés sur la base d’un critère politique peuvent être déchargés de leur fonction de manière discrétionnaire par le président ou l’autorité exécutive dont ils relèvent.
Cela dit, quelque soit la catégorie à laquelle appartiennent les agents de la FP fédéral, ils doivent être recrutés selon les règles du mérite c’est-à-dire selon une procédure qui comporte soit des épreuves de concours soit des procédures …
Mais on retrouve la logique du régime d’emploi dans le système américain par rapport au système de carrière parce que le recrutement est ouvert à des candidats externes à tous les niveaux sauf si l’administration a décidé de pourvoir l’emploi par la promotion de l’un des fonctionnaires de ses services.
Historiquement ce sont les régimes de FP qui ont connu l’apparition de retraite ou régime social.
Pendant longtemps, cela a été caractéristique du lien du fonctionnaire avec l’Etat.
Ce lien explique aussi les différences que l’on conçoit pour les droits et libertés des fonctionnaires.
Schématiquement, il y a deux conceptions qui s’opposent :
– le fonctionnaire étant au service de l’Etat, il ne peut pas avoir des activités par lesquelles il rentre en conflit avec l’Etat : il ne fait donc pas de politique, il ne peut pas appartenir ni à un syndicat ni à un parti. C’est la conception française jusqu’à la SGM, défendue par Hauriou ou Duguit.
– le fonctionnaire c’est aussi un citoyen donc il n’y a pas de raison qu’il n’ait pas les mêmes droits que les autres citoyens. Peut-être certaines fonctions pourraient justifier de restrictions mais le principe est que le fonctionnaire a les droits et libertés de n’importe quel citoyen. Le cas de la France est presque archétypique : après la SGM, on a adopté une vision opposée à celle d’avant-guerre (voir notamment le préambule de la Constitution de 1946) même si de manière contradictoire, l’idée même d’un statut législatif se rattachait à l’idée que le fonctionnaire ne peut pas être lié à l’Etat par un simple contrat. L’agent public est dans une situation légale et réglementaire : fondamentalement, c’est l’autorité administrative qui fixer unilatéralement les règles qui s’applique aux conditions d’emploi des fonctionnaires même si par la suite la loi et la jurisprudence ont concrétisé que les fonctionnaires devaient bénéficier de cette disposition du préambule de 1946 suivant laquelle les travailleurs ont droit de participer à la détermination de leurs conditions d’emploi.
En France, il n’y a pas de restriction à l’activité politique des fonctionnaires. La seule limite, c’est l’obligation de réserve. Ils peuvent appartenir à un syndicat, faire grève (agent pénitentiaire, sécurité aérienne).
Dans les autres pays, les réglementations sont en général moins favorables à l’exercice des droits politiques.
Le droit allemand est resté attaché à une conception qui rattache le fonctionnaire de carrière à l’Etat, ce qui limite son activité personnelle. Le fonctionnaire a une obligation (article 33 de la Loi Fondamentale) de défendre le régime libéral et démocratique de la RFA. Dans ce cadre, il est libre d’avoir des activités politiques mais en dehors, il se place en dehors de la loi et de ses obligations. Le fonctionnaire a le droit d’appartenir à une association professionnelle ou à un syndicat mais n’a pas le droit de faire grève. Il ne peut pas appartenir à une centrale syndicale (avec salariés du privé) car il est « séparé » de la société.
En revanche, ces restrictions ne s’appliquent pas aux employés et ouvriers des administrations (d’ailleurs, leur statut est fixé par le biais de convention collective).
En Italie, il n’y a pas de restriction comme en France. Ils peuvent s’impliquer et recourir à la grève. En 1993 avait été adoptée une loi portant statut des travailleurs. Ce statut réglait toutes les garanties juridiques et sociales de l’ensemble des travailleurs. Il était applicable aux fonctionnaires dans la mesure où son application n’entrait pas en conflit avec les règles propres à certains emplois. Cependant, l’Italie a introduit quelques uns des règles les plus rigoureuses en matière de limites quant au recours à la grève. Une fois que l’intention de faire grève est énoncée, une période court -> négociation -> échec -> recours à la grève possible. (La France connaît simplement l’imposition d’un préavis avant le déclenchement d’une grève.)
Progressivement, le champ des accords collectifs qui doivent être passés pour fixer les conditions d’emploi a été élargi. Malgré tout, si les accords collectifs règlent aujourd’hui l’essentiel (conditions d’emploi, rémunération, régime disciplinaire), une particularité subsiste car les emplois des administrations sont assez différents. Il y a toujours un ministère de la fonction publique qui établit un Code de conduite des fonctionnaires après consultation des organisations syndicales des employés des administrations publiques.
C’est au Royaume-Uni que les fonctionnaires sont soumis aux restrictions les plus sévères en ce qui concerne leur activité politique. C’est un principe qui a été acquis au milieu du XXe siècle : en présence du parlementarisme, d’une alternance de cabinet, on avait besoin de fonctionnaires neutres qui puissent servir indifféremment un gouvernement libéral ou conservateur. Cela a déterminé que les membres du civil service se voient interdire tout type d’activité politique ou même tout type d’activité publique qui pourrait être perçu comme douteuse pour servir le gouvernement de manière impartiale. Il y a quand même quelques nuances qui tiennent compte du niveau des agents dans la hiérarchie : les obligations sont plus strictes pour les haut-fonctionnaires.
La conséquence de cette interdiction signifie que les fonctionnaires ne peuvent pas appartenir à un parti et ne peuvent pas être candidat à une élection sinon ils doivent préalablement démissionner du civil service. Il y a ainsi assez peu de fonctionnaires à la Chambre des communes.
Ces restrictions ne s’appliquent que concernant le civil service or le personnel des autorités locales n’en fait pas partie et n’est pas tenu à ces restrictions. Ils relèvent plutôt de Code de comportement.
Cependant, si il y a ces restrictions très fortes à l’activité politique des fonctionnaires, il n’y a pas de restrictions quant à l’activité syndicale ou au droit de grève même si le recours à la grève est plus rare qu’en France ou en Italie.
En ce qui concerne les membres du civil service, il y a quand même un assouplissement introduit à l’époque contemporaine : un fonctionnaire qui démissionne pour être candidat à une élection et est élu peut réintégrer le civil service (c’est un usage ; pas juridique : pas de détachement).
Le système américain a suivi d’assez près le système anglais avec certaines différences.
Depuis une loi de 1939 (Hatch Act), les fonctionnaires, au sens large, ne peuvent exercer aucune activité politique. Ce qu’il faut entendre par fonctionnaires, ce sont les personnels non seulement de l’administration fédérale mais des Etats ainsi que ceux des autorités locales lorsque ces derniers sont employés dans la mise en œuvre de programmes fédéraux. Le problème est que les services ne sont pas organisés en fonction des programmes mis en œuvre : il y a donc une extension du champ d’application par rapport aux fonctionnaires effectivement visés par la loi.
En 1993, certains aménagements ont été apportés et depuis cette époque, la plupart des fonctionnaires fédéraux peuvent prendre part à des activités politiques cependant ils ne peuvent pas être candidats pour un mandat public dans une élection partisane. Cette notion est très importante car aux Etats-Unis, il y a beaucoup de postes électifs non-partisans (juges, procureurs, sheriff etc.). Pratiquement toutefois l’élection est partisane (cf. CS).
Dans les pays d’Europe centrale et orientale, c’est une question assez sensible. Dans le régime précédent, il y avait un principe de loyauté politique à l’égard du Parti. Il n’y avait pas d’obligation formelle d’appartenir au PC mais les fonctionnaires devaient quand même donner des gages de loyauté politique.
Après le changement de régime, en dehors des politiques plus ou moins rigoureuses d’épuration, la tendance de la législation est d’interdire aux fonctionnaires d’avoir une activité politique. On impose une obligation assez stricte de neutralité politique.
Ainsi la loi polonaise interdit aux membres de la FP de faire grève, de participer à des actions de contestation, d’exercer un mandat électif, de créer un parti ou de participer aux activités d’un parti politique. En revanche, l’activité syndicale n’est pas prohibée mais les fonctionnaires qui occupent le rang le plus élevé ne peuvent pas exercer de fonctions dans un syndicat.
Les obligations déontologiques des fonctionnaires
C’est l’obligation de se consacrer à sa fonction, les règles qui interdissent les cumuls d’activité, qui concernent le comportement du fonctionnaire dans la société. Il existe de telles règles dans tous les pays mais elles ne sont pas forcément exprimées par la loi. Elles le sont par exemple dans un Code de conduite (valeur de référence plutôt que d’obligation juridique même si le manquement peut être la source de mesures disciplinaires). En France, il n’y a pas de Code de déontologie mais il y a beaucoup de règles non-écrites (obligation de réserve).
Le but est de garantir une certaine identification de l’agent à l’institution qu’il sert. Cela reflète l’idée qu’au travers la vision du fonctionnaire, on aura une certaine idée de ce qu’est l’administration, l’Etat. Cela explique aussi que cela ne puisse pas être particulièrement réglementé.
Au Royaume-Uni, on a été particulièrement loin dans l’édiction de telles règles. Il existe un Code de conduite du civil service qui détermine des standards de comportement qui sont attendus de tous les membres. Cela concerne les rapports dans le service, avec le public, avec la politique etc.
Cela peut s’étendre à des règles tendant à prévenir la corruption.
En France et en Allemagne, on est en présence de règles strictes (infractions pénales, règles disciplinaire). Au Royaume-Uni, il y aussi des règles pénales et disciplinaires et une importance est donnée à des Codes d’éthique (règles pour ne pas se trouver dans une situation dans laquelle un fonctionnaire pourrait être suspecté).
Section III – Les réformes de la fonction publique
Les réformes qui ont été envisagées, tentées ont reposé sur plusieurs idées.
La première est qu’à l’époque moderne il n’y a plus de raison d’avoir un régime particulier. La réforme suédoise a soumis les agents au droit commun, comme la réforme italienne.
Dans le cas de l’Italie, il y avait une autre préoccupation, c’était de pouvoir exercer sur le personnel une pression plus forte en vue d’une plus grande efficacité du travail. On leur reprochait de se consacrer peu à leur travail, de manifester trop d’absentéisme, d’avoir des activités secondaires etc.
Ceci est lié à un autre problème de l’Italie qui a à voir avec le conflit Nord industriel et le Sud agraire, intellectuel qui fournissait de gros bataillons de fonctionnaires. Cette situation a entretenu une certaine vision de la fonction publique qui se superposait à une vision négative du Sud. La réforme de 1993 a été une réponse à cette situation.
Un autre aspect inspiré par le new public management était d’avoir des procédures de recrutements plus ciblés sur des emplois et d’avoir un système de rémunération permettant de récompenser ou de sanctionner les performances. Ces deux considérations ont inspiré toute sorte de réformes.
D’abord elles ont orienté des réformes administratives. Même si on a un régime de carrière, on essaie de faire en sorte que les personnes recrutées soient affectées en fonction d’aptitudes qu’on a pu discerner : meilleur adéquation entre le poste et l’agent et pas seulement entre un niveau de formation et un rang général dans la hiérarchie.
Ceci a été développé en s’inspirant de techniques de description des emplois (job description). Aujourd’hui, dans la plupart des pays, quand on doit pourvoir un emploi en interne (mutations), on attache une importance particulière à la description du poste.
Cette technique peut aussi avoir des effets pervers quand on déterminé des procédures de recrutement d’entrée dans la fonction publique : cela révèle être une source de rigidité. Quand on pousse jusqu’au bout la logique de l’emploi et de l’agent nommé à partir des caractéristiques reconnues à cet agent, cela a deux conséquences : 1° cet agent a été recruté pour une tâche bien spécifique et il risque de l’opposer et 2° en terme de gestion des personnels, on se heurte à davantage de difficulté car il est à l’oppose de la polyvalence dont on a souvent besoin dans l’administration.
En France, elle est utilisée en interne mais pas ou peu pour le recrutement.
Un deuxième aspect est l’introduction de la rémunération au mérite. Exemple du secteur privé. Dans l’administration, on ne peut pas valoriser ceux qui travaillent et sanctionner ceux qui font peu. On a ainsi introduit des systèmes de rémunération fondée sur la performance. On superpose un régime de prime à une rémunération fixe liée à l’emploi, au niveau de qualification. Ce type de rémunération soulève plusieurs difficultés.
Le premier problème est de déterminer ce que l’on mesure. Quand il y a une activité de production, cela ne pose pas beaucoup de problèmes. En France, dans l’ancien ministère de l’équipement (DDE), il y avait un système de rémunération fondée sur la productivité des ingénieurs et des techniciens. C’est beaucoup plus difficile dans des fonctions de conception, de contrôle, des fonctions qui sont à la limite du politique où ce qui est produit n’est pas mesurable et est soumis à de forts aléas de la commande politique. Quand ils sont mis en place, on peut douter que cela repose sur un système de rémunération à la performance. Par exemple, on l’a mis en place pour les directeurs d’administration centrale en fonction d’objectifs déterminés par le ministre. En outre, la performance est évaluée par un comité composé de pairs. La seule chose que l’on peut vraiment évaluer, c’est le niveau de responsabilités et les contraintes qui en découlent.
De telles modalités ont été mises en œuvre dans de nombreux pays et ont été évaluées.
En particulier, en Angleterre, on a constaté que si on arrive à récompenser ceux qui sont estimés les plus performants, le système ne fonctionne pas dans le sens de la sanction.
En outre, l’introduction de ce système ont un effet très modeste sur la motivation des agents soit parce que le bonus n’est pas suffisamment attrayant, soit parce que les agents considèrent qu’ils font déjà leur travail comme il doit être fait.
Enfin, il y a une difficulté pour en assurer la transparence. En effet, mettre en place un système de mesure de la performance suppose de définir des critères une procédure d’évaluation. Or les critères sont assez généraux et se portent rarement à une mesure qualitative indiscutable. L’appréciation portée est donc souvent susceptible d’être discutée. Cela affaiblit la légitimité des différences faites entre les agents.
En réalité, la rémunération à la performance suppose une individualisation des tâches et de la rémunération qui n’est possible qu’à la condition de pouvoir imputer à un agent des résultats précis dans l’activité du service auquel il appartient.
Peut-on individualiser à ce point ? Il y a un exemple paradoxal en France : c’est le cas du Conseil d’Etat. Les conseillers d’Etat sont payés à la performance. En particulier, au contentieux, ils sont rémunérés en fonction du nombre de dossiers qu’ils traitent. Il est tout à fait possible de classer les dossiers en fonction du degré de difficulté.
Enfin, on a constaté aussi que ce qui est la principale motivation des agents est le contenu et les conditions de leur travail. L’amélioration de ces éléments est plus motivante pour les agents que de promettre une rétribution supplémentaire fondée sur une évaluation aléatoire de leurs performances.
Chapitre III – Les entreprises publiques et le recours au secteur privé
Depuis longtemps, les entreprises publiques sont un moyen d’action de l’Etat et des collectivités locales. Depuis trois décennies, on peut observer une réduction de la place du secteur public à la suite de privatisation et, en contrepartie, la recherche de nouveaux instruments juridiques pour recourir au secteur privé dans l’exécution de missions de l’administration. Cette tendance a cependant été déclinée de manière différente selon les pays et selon le type d’organisation administrative.
Nous allons voir que la diminution du rôle du secteur public n’est pas homogène, que les politiques d’externalisation ont quelque fois trouvé des limites dans les instruments mêmes utilisés, et que le secteur public n’est pas toujours le plus important là où on l’attend et que les enjeux n’ont pas toujours été les mêmes suivant les pays.
Section I – Les entreprises publiques elles-mêmes
Section II – Les politiques de privatisation
Section III – Les politiques d’externalisation
Section IV – Les politiques de coopération
Aujourd’hui, on ne trouve plus guère de données statistiques globales qui nous renseignent. Il y en avait dans les années 1980.
En 1993, dans les Etats membres de l’UE, l’entreprise publique représentant 8,9 % de la main d’œuvre utilisée dans le secteur industriel et commercial avec des inégalités importantes (4,9 % au Royaume-Uni et 13 % en France ou en Italie). La participation était importante en France, en Italie ; moyenne en Allemagne, en Espagne ; faible au Royaume-Uni ou au Luxembourg.
Un rapport publié en 2006 étudie la place dans l’économie des SIG or les SIG ce n’est pas du tout ce qu’était les entreprises publiques. Ce qu’on range dans les SIG ne faisaient pas partie des entreprises publiques : hôpitaux, organismes sociaux etc. Le rapport compte toutefois des secteurs où on trouvait les principales entreprises publiques (transports, électricités). On mélange secteur marchand et secteur non marchand. Cela dit, ce rapport n’est pas sans intérêt dans la mesure où les SIEG représentent des secteurs d’activité dans lesquels la responsabilité de la puissance publique est forte que ce soit par la réglementation, par les modes de financement ou par la propriété publique.
Il montre que dans l’UE à 27, les SIG emploie plus de 64 millions de personnes ce qui représente 30,1 % de la population active. Sans surprise, les secteurs dominants sont la santé, les services sociaux (presque 10 %), l’éducation (7 %), les infrastructures de réseaux considérés comme le noyau des SIEG (3,4 %).
On remarque une dispersion suivant les pays. On relève ainsi qu’il y a un seul pays membre de l’Union européenne où le total de personnel est inférieur à , c’est la Roumanie. En général, les nouveaux entrants ont des taux d’occupation dans les SIG qui sont en dessous de la moyenne de 30 %. En revanche, dans les anciens membres de l’UE, on a des pourcentages beaucoup plus élevés que la moyenne : 37,4 % en France, 40 % en Belgique etc. Cela traduit l’importance des fonctions sociales dans ces pays.
Il y a un autre type de différenciation, c’est celle qui concerne le secteur public local et le secteur public national. Lorsqu’il y a un secteur public national, historiquement, il a employé une proportion de la population active plus importante que dans les entreprises locales. Néanmoins, on ne doit pas sous estimer l’importance du secteur public local car il traduit une certaine forme de décentralisation, une vision différente de ce qu’est une collectivité locale.
On sait peut qu’en Allemagne si le secteur public national a toujours été assez limité, au niveau local, il y a un secteur public assez important (Volkswagen en Basse Saxe par exemple) pour deux raisons.
1° D’abord, tous les landers ont une banque d’Etat qui joue un rôle dans la collecte de l’épargne, dans la production de crédits et donc de monnaie. En outre, les caisses d’épargne sont traditionnellement des organismes publics dépendant des communes. L’Allemagne a dû modifier le régime des caisses d’épargne pour que leur fonctionnement soit aligné sur le régime bancaire concurrentiel et qu’elles ne soient plus en position de faire une concurrence déloyale à l’égard des banques commerciales.
L’évolution ne s’est pas faite dans un sens uniquement favorable. Ainsi, placement douteux -> crise.
2°Au niveau communal, il y a toujours un secteur public local. Ceci remonte au développement des villes depuis la fin de l’Empire allemand. A cette époque, il n’y avait pas de restriction quant à l’initiative économique. Le premier texte qui est venue limiter ces initiatives dans un but de protection du secteur privé date de 1935. Jusqu’à ce moment, les communes ont créé de nombreuses entreprises locales pour gérer des services économiques (transports, eau, gaz, électricité => réseaux et monopoles locaux qui associaient la production, l’établissement de réseaux et la commercialisation de l’énergie). En outre, la pratique allemande qui s’est systématisée après la SGM consistait à organiser les entreprises locales sous la forme de holding. On compensait les résultats économiques à l’échelle de cette holding. Ce système était connu sous le terme de stadtwerke. C’est une évolution récente.
Historiquement, régie industrielle et commerciale, comme en France.
Par la suite, on a développé des entreprises publiques autonomes dotées de la personnalité morale à statut public. Dans les années 1960, la préférence qui s’est manifestée en faveur de la holding s’est généralisée car elle permettait d’opérer une mutualisation des résultats économiques. C’est ce système qui a provoqué les critiques de l’UE et a obligé l’Allemagne à le modifier. Cela rendait difficile l’ouverture à la concurrence.
Il a eu deux sortes d’adversaires : la Commission européenne et les grandes entreprises allemandes ou européennes qui imputaient à ce système de faire payer trop cher l’énergie.
Ce système n’a pas complètement disparu mais a du s’adapter avec des règles de transparence comptable.
Dans les années 1990, une autre évolution s’est produite sous l’influence de la pression financière (diminution des ressources des collectivités locales) et du new public management. On a cherché à faire d’avantage appel au secteur privé. On a vu apparaître des systèmes de concession pour la gestion de certains SP ou bien on a ouvert le capital d’une entreprise locale au secteur privé. Il y a eu une tendance à la privatisation dans les années 1990 : recours à des contrats de type concession, contrats de partenariat…
Cependant, depuis 2005, on observe une tendance en sens inverse : beaucoup de villes reviennent sous les montages mis en place avec des entreprises privées. Les villes allemandes ont trouvé que dans un certain nombre de cas le recours au secteur privé est coûteux à cause des frais financiers et que cela fait naître des asymétries d’information. Il est difficile de contrôler le partenaire privé.
Le cas du Royaume-Uni a été caractérisé après la SGM avec un très important secteur public, peut-être plus que le secteur public français. Il a été remis en question par le premier gouvernement Thatcher issu des élections de 1979. Les nationalisations avaient touché l’ensemble du secteur énergétique : l’eau, les transports, les lignes d’autocars interrégionales etc.
Au niveau local, il y a toujours eu un secteur public important pour deux raisons : grandes autorités locales (120.000 habitants) qui ont des moyens importants et il n’y a pas de limite très précise à ce que peuvent faire ou non du point de vue économique une autorité locale. La limite tient à la question de savoir si cela peut se ramener à une de ses compétences prévues par la loi : système ultra vires. Ce n’est pas la nature économique qui constitue le problème : il ne s’est jamais posé par rapport aux activités privées.
. Quand il n’y a pas de pouvoirs, il y a la procédure des lois privées : toute personne peut adresser une pétition au Parlement pour demander une loi du Parlement lui attribuant le pouvoir de faire telle activité qu’elle ne peut pas réaliser en l’état actuel du droit applicable. A partir du XIXe siècle, la part des lois privées est devenue résiduelle quand la législation générale s’est développée.
A l’époque moderne, il y a surtout des lois locales : c’est un loi faite par le Parlement à la demande d’une autorité locale. C’est une habilitation. Par exemple, le métro léger de Sheffield a été réalisé par ce biais.
Pendant très longtemps, exploitation en régie. Jusqu’aux années 1980, le droit anglais ne comprenait pas des modalités d’organisation interne qui permettait une gestion autonome d’un service. Par exemple, les logements sociaux étaient gérés par un service de la ville (pas d’OPHLM).
Le gouvernement conservateur est parti en guerre contre ce système. Deux faiblesses :
– toutes dirigées par le parti travailliste
– grosses administrations sectorisées considérées comme incontrôlables et irresponsables
Ils ont ainsi fait voter des lois pour imposer aux autorités locales de privatiser une partie de leurs activités et de mettre en concurrence leurs propres services. C’est le compulsory competitive tendering : mise en concurrence obligatoire.
Selon cette législation, chaque fois qu’une autorité locale entend commander un travail à un service municipal, il doit en même temps organiser une procédure qui permet de mettre ce service en concurrence avec le secteur privé. Par exemple, assurer le nettoyage des bureaux administratifs. Ensuite, on compare les coûts
.
Cette réforme a mis les administrations locales sous pression et a déterminé une évolution interne. Elle a imposé aux collectivités locales d’organiser leur service en interne sur une base économique : c’est le direct labour organisation. C’est une entreprise interne pour laquelle on peut calculer le coût des tâches réalisées.
C’est surtout pour des tâches annexes d’administration municipale que ce système a fonctionné et a conduit à substituer un contractant privé à l’intervention d’un service municipal.
Après la loi de 1992, pratiquement toutes les activités municipales ont été soumises à ce type de procédure. Dans la pratique, le résultat a été mitigé car les entreprises ne se sont pas ruées sur ces appels d’offre et les autorités municipales n’étaient pas désireuses de se défaire de leurs services et d’affronter les problèmes sociaux que cela aurait pu provoquer.
La part du secteur public local est toujours important et s’il a reculé c’est en raison d’autres réformes.
Une autre procédure a été introduite à la fin des années 1990 beaucoup plus ambitieuse et avait vocation à s’appliquer aux collectivités locales et à l’Etat.
C’est le PFI : Private Finance Initiative. Sachant qu’il y a des dépenses publiques trop élevées, que l’administration ne parvient pas à maîtriser ses coûts, à contrôler ses cocontractants dans les marchés publics… on va se tourner vers le secteur privé pour lui sous-traiter la réalisation, l’exploitation d’ouvrage ou de service qu’on va lui louer. De cette manière, on va réaliser des économies.
Ainsi, par exemple, si l’on construit une nouvelle école, l’entreprise assure la conception, la construction selon un cahier des charges. Elle se charge de trouver des financements. Elle est chargée de l’entretien complet. L’établissement est loué à l’autorité locale qui y fait fonctionner l’école.
Ce système a été présenté comme alternative aux marchés publics traditionnels, aux services administratifs.
Cela n’a pas très bien fonctionné dans les années 1990. En 1997, les travaillistes ont gagné : gouvernement Blair. Un rapport d’enquête a été commandé pour comprendre les défauts du PFI, pourquoi les entreprises ne s’y intéressaient pas. La raison est que un contrat de PFI était un contrat conclu sur une assez longue durée. Seulement, dans la législation, il n’y avait aucune disposition qui permettait de manière claire à une autorité locale de passer un contrat de longue durée. Il y avait un doute sur la capacité des collectivités locales à passer de tels contrats. De plus elles sont tenues ultra vires. Risque de perte au contentieux et méfiance des entreprises. Et il y avait eu deux arrêts retentissants en 1988 de la Chambre des Lords.
A la fin 1997, une loi a été votée pour permettre aux autorités locales sans qu’on puisse leur opposer la durée du contrat. Le PFI a alors commencé à se développer.
En réalité, c’est à partir des années 2000 que les techniques de PFI se sont développées. Cela représente aujourd’hui une proportion importante des travaux réalisés par les autorités locales, par le service national de santé et par l’Etat (même pour les prisons !).
Cependant, ces dernières années, il y a eu plusieurs rapports de l’Audit Office (équivalent de la Cour des Comptes) et par la Commission des comptes publics de la Chambre des communes notamment pour la rénovation du métro de Londres qui a mal tourné. L’entreprise qui a passé le contrat s’est montrée défaillante. Le rapport (2008) a permis de faire le point sur les contrats de PFI de manière générale.
Le premier problème qui a été soulevé est que l’estimation préalable du coût est assez aléatoire soit que les études n’ont pas été suffisamment poussées ou encore parce que dans l’incitation politique de faire des PFI, on a cherché à recourir à ce procédé même dans des cas où il n’était pas approprié.
Deuxièmement : l’opérateur privé a été généralement assez mal contrôlé. Il y a eu souvent des dépassements de coût, ce que l’on reprochait aux procédures classiques de marché public.
Troisièmement : importance des frais financiers. La plus grande efficacité du privé devait permettre de compenser les coûts financiers.
=> Le bilan est assez mitigé. Sur l’ensemble des opérations, l’économie réalisée n’est pas démontrée.
On arrive dans une autre période. Le gouvernement Cameron qui est confronté à la nécessité de faire des économies budgétaires importantes a avancé un nouveau programme dont le but est de sortir des budgets publics un certain nombre de services et de dépenses. C’est le sens du projet de Big Society décrit dans un discours du 20 février 2011 : il s’agit de « reconstruire la responsabilité et de donner aux gens plus de contrôle de leur vie. Il ne s’agit pas de développer les activités bénévoles. Il s’agit d’en venir au service public et à la décentralisation du pouvoir. Notre plan est de transférer le pouvoir de White Hall et de moderniser les services publics. Ce sont les aspects les plus significatifs de l’agenda de la Big Society. Il s’agit de dépasser le modèle du haut vers le bas, de donner ce qu’on vous donne. Le principe clé : c’est le choix. ».
L’ambiguïté de ce projet tient au fait que l’origine de la proposition est la diminution des moyens budgétaires. « Nous avons travaillé avec l’hypothèse qu’il faut donner davantage aux gens le droit de contrôler le budget du service qu’ils reçoivent. » Autrement dit, ce qui est envisagé c’est de remettre à des entités locales le soin d’organiser un service, de lui trouver des financements et de l’administrer. Le plus probable, ce devrait être de reporter le coût des services sur les usagers.
Marcou : « Big Society = On n’a plus d’argent alors débrouillez-vous ! »
L’Italie est un pays où l’organisation des services publics locaux a ressemblé à l’Allemagne : des entreprises publiques locales et des systèmes de mutualisation. Depuis 2000, il y a eu une série de réformes concernant la base légale de ces services quant au degré de liberté des collectivités locales pour recourir au secteur privé ou au secteur public (à leurs propres entreprises).
En dernier lieu, une loi votée en 2010 comportait l’obligation pour les communes italiennes de confier à des entreprises privées l’exploitation des services en réseau. Cette loi n’a pas eu le temps de s’appliquer car elle a fait l’objet d’un référendum abrogatif en 2011. La situation est toujours indécise.
La majorité des services publics sont gérés par des entreprises publiques. Jusqu’à nouvel ordre, les collectivités locales italiennes disposent de la possibilité de choisir le mode de gestion pour les services à caractère économique.
Du point de vue du droit européen et de la Charte de l’autonomie locale, on devrait considérer que les collectivités ont le choix du mode de gestion à condition qu’elles ne conduisent pas à des conduites discriminatoires.
Le droit communautaire a consacré la liberté de choix des collectivités locales à partir de l’arrêt Teckal de 1999, c’est à dire un organisme qui ne fait pas partie de l’organisme mais sur lequel l’autorité administrative exerce un contrôle analogue à celui qu’elle exercerait sur ses propres services. Cela conduit une exception licite à la mise en concurrence. Cette procédure a été consacrée dans un règlement de 2007 sur les transports.
Par contraste, la France est toujours considéré comme un pays où le secteur privé a eu une place importante voire prépondérante. Cela explique depuis longtemps le développement du droit des concessions (affermage, régie intéressée) que l’on appelle aujourd’hui CDSP.
Si l’on compare la France et l’Allemagne aujourd’hui, les situations sont comparables : les communes des deux pays ont la liberté d’organiser leur SP. Elles peuvent avoir recours à une entreprise publique (établissement public, société commerciale) ou bien faire appel au marché. Mais en Allemagne, la plupart du temps, elles ont mis en place des sociétés de droit public. En France, on a fait appel à des entreprises privées.
On constate un moindre recours à la forme de l’entreprise publique locale. La forme de la société est pratiquée : SEML, SPL. Dans l’administration locale française, le secteur de la distribution d’eau est dominé par des organismes privés (3/4), comme le domaine de l’assainissement (50 %), des transports publics…
Ceci explique que le droit français est plus riche de modalités juridiques de recours au secteur privé que le droit anglais ou allemand. Dans ces deux derniers, les modalités apparaissent un peu archaïques. Les solutions modernes (contrats de prestation, de concession) se présentent juridiquement comme des emprunts au droit français ou aux modèles élaborés par la Banque Mondiale.
Une autre conséquence de l’importance du secteur privé est le développement international d’entreprises française puissantes dans le domaine de l’eau, l’assainissement et, dans une moindre mesure, des transports : Veolia (concessionnaire de chemins de fer en Suède) etc.
En Europe de l’est, secteur public important mais privatisation et pénétration d’entreprises étrangères.
Il y a eu une obligation pour les autorités locales de reprendre la gestion de services rattachés auparavant au fonctionnement d’entreprises : écoles, logements etc. (connu en France avec les Houillères). Leur rôle était auparavant limité.
Les solutions ont été soit la reprise d’équipements venant des entreprises privés ou la création de services nouveaux ou encore le rachat des entreprises locales par des entreprises privées étrangères. Cela s’est produit surtout dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, de l’assainissement et des transports.
Cependant, il y a une grande inégalité entre les grandes villes, marchés intéressants, et les petites villes où l’investissement du privé est resté limité. C’est dans ces villes moyennes ou petites que le secteur public reste fort.
Quatrième partie –
L’encadrement juridique de l’action administrative
Chapitre I – Le droit de l’administration
Pour l’essentiel, la procédure administrative a pour but l’édiction d’acte administratif mais cela ne s’entend pas de la même manière dans tous les systèmes juridiques.
Actes administratifs = actes unilatéraux dans l’exercice dans la puissance publique en application de prérogatives accordés par la loi et certaines autorités
C’est au delà de cette définition que les divergences commencent. La notion d’acte administratif varie en fonction des recours ouverts. Ils dépendent eux-mêmes de la conception de la loi et de la représentation des rapports entre l’administration et les individus qui s’expriment dans le système du droit administratif.
En comparant les grands systèmes, on peut constater qu’il existe trois conceptions de l’acte administratif :
1°- acte d’application de la loi à une situation concrète
2°- tout acte subordonné à la loi quelle qu’en soit la nature ou la forme
3°- hybridation 1° et 2°
1° Acte administratif comme application de la loi à une situation concrète
C’est la conception la plus répandue en Europe. Elle est issue de la conception autrichienne et de la compétence reconnue en 1975 au Tribunal administratif d’Autriche lorsque celui-ci a été créé.
Elle est lié à l’ancienne conception matérielle de la loi : était loi toute norme générale même si elle émanait du monarque (pouvoir exécutif).
Avec les progrès du constitutionnalisme, s’est imposée l’idée que cependant les questions relatives aux droits fondamentaux ne pouvaient être réglées que par une loi du Parlement. C’est ce qu’on a appelé la théorie de la réserve de la loi. Cela dit la limite entre ce qui relevait de la loi et ce qui relevait du règlement est resté pendant assez longtemps assez indéterminée.
Ce n’est qu’en 1920 en Autriche et en Allemagne avec l’article 49 de que le pouvoir normatif du pouvoir exécutif a été véritablement limité. L’autorité administrative ne peut faire des règlements que sur la base des lois et dans les limites de sa compétence. En Allemagne, on ne peut faire des règlements que sur la base d’une habilitation précise et limitée du pouvoir législatif.
Les règlements, parce qu’il prolonge la loi, participe de sa nature et le régime du règlement tend à les rapprocher du contrôle de la loi. La contestation d’un règlement est ainsi une question constitutionnelle. En effet, le recours direct contre un règlement en Autriche et en Allemagne relève en principe du juge constitutionnel. Il y a une exception admise en Allemagne pour les règlements des autorités administratives locales ou des landers pour lequel le recours est dirigé vers le tribunal administratif supérieur.
A l’inverse, l’acte administratif (qui ne comprend pas le règlement) se définit comme une application de la loi à une situation concrète. Des auteurs (Merkl, W. Jellinek, Otto Mayer) ont cherché à élaborer un type de relation entre l’administration et les administrés sous la forme d’un rapport juridique donnant naissance à une situation juridique subjective. A ce titre, l’administré doit avoir des garanties comparables à celles du droit privé.
C’est à cet instant que les conceptions ont divergé.
En Autriche, l’acte administratif est strictement individuel.
En Allemagne, c’est aussi l’application de la loi à une situation concrète qui permet de rendre applicable à un ensemble indéterminée de destinataires (en droit français, ce serait un acte règlementaire et non un acte administratif).
=> conception allemande plus large que celle autrichienne.
Un règlement de l’administration publique est un acte fait par le pouvoir exécutif et doit être soumis à la loi au contrôle du juge (CE, 1907, Chemin de fer).
2° Acte administratif comme acte subordonné à la loi
Cette notion rapproche deux pays : la France qui a fondé le principe de la subordination de l’administration à un droit spécial et le Royaume-Uni qui a rejeté cette idée au nom du rule of law (Dicey). La traduction la plus correcte du rule of law est le règne du Droit.
La conception française a posé deux principes qui sont à la base de la notion française d’AA :
– prescription de l’intervention des tribunaux dans les affaires de l’administration
– dogme de la puissance de la loi : toute puissance de la volonté générale
=> cela explique que les actes de l’exécutif ne peuvent être que des actes subordonnés.
Evidemment, il y a eu la parenthèse de l’Empire, de la Restauration, où le pouvoir monarchique était important. La IIIe République a renoué avec cet héritage.
Le droit anglais n’emploie pas la notion d’acte administratif. Sur le plan juridique, elle n’aurait pas de sens. Mais la réalité du droit positif n’est pas très différente de la France. En tout cas depuis que la souveraineté du Parlement s’est imposée depuis la fin du XVIIe siècle.
A partir de cette période, les actes du Parlement s’imposent à toutes les autorités administratives ou judiciaires. Seules les domaines n’ayant pas fait l’objet d’une loi peuvent demeurer régie par la prérogative royale. Aujourd’hui, ils sont résiduels. C’est bien pratique car si le gouvernement veut bénéficier de la prérogative royale, il n’a pas intérêt à faire légiférer dans les domaines réservés à cette prérogative royale. C’est périodiquement un enjeu au Royaume-Uni d’annoncer qu’on va réduire le domaine de cette prérogative royale.
Les juges anglais ont développé un contrôle des actes sur les bases de la doctrine ultra vires qui peut se traduire par excès de pouvoir. Le juge, à l’égard d’acte fait par l’autorité administrative, vérifie qu’il a été pris dans les limites de la compétence que cette autorité tient de la loi. Si elle a agi au-delà de cette compétence, elle est ultra vires et son acte est illégal. Le début du contrôle de la légalité était associé et limité au contrôle du respect de leurs compétences par les autorités administratives : contrôle externe de légalité.
Ce qui rapproche l’Angleterre et la France c’est que dans les deux systèmes « l’acte administratif » ce n’est pas le rapport juridique que cet acte établi mais la nature du pouvoir exercé pour l’édicter. La notion de l’acte administratif est donc très large et peu formaliste.
De nombreux pays adhèrent à cette conception : Belgique, Pays-Bas mais aussi la Russie.
En Russie, à partir d’une idée de la suprématie de la loi qui s’identifiait au décret du Tsar sous l’Empire. Au début du XXe, révolution, premier département impérial chargé d’examiner les recours administratifs avait admis sa compétence pour juger au fond de tous les actes qu’il considérait administratif aussi bien les règlements faits par les ministres que les décisions individuelles. Cette conception s’est maintenue au travers de la période soviétique et jusqu’à nos jours même si la justice administrative n’a jamais été qu’embryonnaire et ne connaît une certaine réalité que depuis la fin des années 1990.
3° Acte administratif considéré comme hybride/duale 1° et 2°
On la retrouve dans des pays soumis à influence concurrente de la doctrine et de la législation des pays voisins où elles ont parfois prévalu alternativement pouvant ainsi inspirer des réformes en sens contraire.
Italie, Espagne, Portugal sont représentatifs de ce type de situation.
Dans ces pays, si on a admis la notion d’acte administratif comme application de la loi à une situation concrète, la compétence du juge administratif a été étendue au recours contre les actes réglementaires faits par les autorités administratives dépendantes du pouvoir exécutif ou investies par la loi de faire de tels actes.
En Italie, la doctrine allemande et autrichienne était prédominante à la fin du XIXe siècle. Les écrits d’Orlando marque la naissance d’un droit administratif distinct du droit civil et du droit constitutionnel en Italie. Pour Orlando, l’objet de la science du droit public est l’organisation du pouvoir souverain dont l’Etat est le titulaire. Il s’agit pour le droit public de fonder le rapport de droit entre l’Etat et les sujets de droit. Cependant, il rejetait la notion de droit public subjectif qu’il estimait incompatible avec la théorie de la souveraineté.
Dès cette époque, le droit administratif italien a admis la conception d’acte administratif comme acte d’autorité faisant application de la loi à une situation concrète (pensée allemande et autrichienne). Le rapport d’autorité demeure même si la source de souveraineté change.
Cependant le problème fondamental est d’organiser l’Etat souverain sur la base d’un Etat juridique : il faut donc parvenir à établir des garanties individuelles opposables à l’Etat au bénéfice du sujet. L’intérêt légitime protégé par la loi est ce qui fonde le droit pour un individu de contester un acte de l’administration. Cette notion d’intérêt légitime a été une notion centrale pour déterminer la compétence et ses limites du juge administratif par rapport au juge judiciaire. La notion d’intérêt légitime (JA) s’oppose aux droits subjectifs (JJ).
Il faut attendre l’après-guerre pour qu’il y ait une conceptualisation de l’acte administratif dans le droit italien. Cela doit beaucoup à Giannimi. Il a introduit la notion italienne d’acte administratif (provvedimento).
C’est dans ces années que s’est formalisé l’idée de séparation entre acte réglementaire et acte administratif avec la définition de provvedimento comme « un acte de volonté de l’administration dans l’exercice de la puissance publique » mais toutefois sous une forme différente de celle qui s’exprime par l’établissement de normes dans l’exercice du pouvoir réglementaire. On distingue ainsi l’acte administratif et l’acte réglementaire (prolongement doctrine allemande et autrichienne). L’auteur qui a le plus systématisé cette dualité est Zanobini.
Le droit italien s’est peu à peu éloigné de cet héritage pour une raison liée à la façon dont le système des recours s’est développé. La contestation de l’acte illégal s’est fondé sur la protection de l’intérêt légitime considéré comme solidaire d’un intérêt public parce que solidaire du respect de la loi tandis que la protection des droits subjectifs relève du juge civil. C’est pourquoi, on en est devenu à la notion de provvedimento un sens large, qui inclut les actes réglementaires comme les autres manifestations de la puissance publique. Dans le cas comme dans l’autre, c’est la protection de l’intérêt légitime qui est le fondement du recours au juge. De ce point de vue, la différence entre l’acte réglementaire et l’acte individuel perd de son importance.
La compétence de la cour constitutionnelle établie par la Constitution de 1947 se limite aux contrôles des lois et des actes ayant force de loi tandis que tous les actes du pouvoir exécutif peuvent faire l’objet d’un recours au Conseil d’Etat. Cela a contribué à soutenir cette évolution vers une définition large de l’acte administratif.
Chapitre II – La procédure administrative
Pour étudier les questions de procédure, il y a deux domaines :
– les procédures administratives qui ont pour objet l’élaboration et l’édiction d’actes réglementaires c’est-à-dire d’actes faits par le pouvoir exécutif mais de portée générale.
– les procédures administratives qui ont pour objet l’élaboration d’actes concrets voire d’acte individuels. C’est surtout à l’égard de ces actes que le développement de la procédure administrative a été particulièrement important. C’est dans ce domaine que la procédure est liée à la protection des droits.
Si on regarde l’évolution historique quant aux actes non réglementaires, on s’aperçoit que le droit de la procédure administrative est d’origine jurisprudentielle mais que son développement s’opère aujourd’hui principalement par la loi. On peut distinguer la question des sources du droit de la question du champ d’application du droit des procédures.
On laissera de côté les procédures spéciales et les procédures qui régissent la communication de documents administratifs. On s’en tiendra aux règles de procédure qui conduisent à l’édiction d’actes ayant des effets sur la situation juridique des sujets de droit.
Sources
On a coutume d’opposer les pays qui ont développé la codification de la procédure administrative et ceux où c’est la jurisprudence qui a dégage les principes et en a imposé le respect à l’administration. Cette opposition n’est pas très juste. En effet, la jurisprudence a précédé la codification dans les pays qui se sont engagés dans la voie de la codification.
Le texte qui a exercé la plus grande influence est une loi autrichienne du 22 octobre 1875 établissant un tribunal administratif pour annuler les décisions prises « en méconnaissance des normes essentielles de la procédure administrative ». Seulement, il n’y avait aucun texte qui définissait ces « normes essentielles ». Le Tribunal administratif a développé ces normes essentielles pour jeter les bases juridiques de l’Etat de droit sur des points aussi essentiels que les droits des parties en cause, que la motivation des décisions etc. La codification en Autriche est née de cette jurisprudence qui s’est enrichie. La codification a été entreprise en 1911 puis s’est interrompu pendant la guerre. Après-guerre : 5 lois de 1925 lesquelles ont été reprises après la guerre dans ce qu’on appelle aujourd’hui la loi générale de procédure administrative adoptée en 1950 et reprise aujourd’hui dans une loi de 1991.
La codification autrichienne a exercé une influence déterminante notamment sur les Etats de l’ex-Empire des Habsbourg. Les juges qui venaient des anciennes régions se sont retrouvés dans des fonctions élevées et ont été artisans d’une législation qui a créé dans les années 1920 un tribunal administrative en Pologne, Yougoslavie et Tchécoslovaquie. Ils ont aussi adopté un Code de procédure administrative. Après la SGM, la codification autrichienne a servi de base à la loi allemande sur la procédure administrative de 1976.
On ne saurait renier l’influence de la jurisprudence dans l’élaboration de la procédure administrative en France et au Royaume-Uni. CE a élaboré les PGD (non rétroactivité des actes administratifs, droit à un recours hiérarchique, possibilité du REP même sans texte contre un acte administratif. Il n’empêche que la loi a introduit d’autres principes que le CE n’estimait pas dans les limites de ses pouvoirs d’imposer aux autorités administratives comme l’accès aux documents administratifs, la motivation des décisions administratives défavorables… Le CE a toujours été hostile à la codification de la procédure administrative.
La jurisprudence anglaise a développé les principes de la natural justice, ensemble de principes généraux de procédure que les juges ont déduit par analogie de la procédure judiciaire de common law et qu’ils ont repris. Wade : « La justice naturelle est une notion bien définie qui comprend deux règles fondamentales de procédure loyale : celle qu’on ne peut pas être juge dans sa propre cause et celle que celui qui se défend doit toujours être entendu loyalement. »
La question qui s’est posée et qui a dominé la jurisprudence anglaise était de savoir jusqu’à quel point le pouvoir judiciaire et le pouvoir administratif pouvait être soumis aux mêmes principes dans leur processus de décision. Au cours de la période de l’après-guerre, les juges ont été conduits à distinguer ce qui était purement administratif (décisions qui relevaient de la mise en œuvre d’une politique, ou policy) pour lesquels les juges ne pouvaient être tenus que par la procédure par la loi.
Cette position a été abandonnée par la Chambre des Lords dans un arrêt de 1963 Ridge c/ Baldwin jugeant que l’autorité administrative qui se prononce en application de la loi à une personne remplit une fonction qui doit respecter les principes de natural justice au même titre qu’un juge y compris dans le cadre d’une procédure prévue par la loi. Cet arrêt a permis de dégager la procédure administrative des limites que pouvait impliquer le concept de natural justice puisque la distinction se traduisait par un affaiblissement des garanties dans les domaines de policy. Désormais, toute autorité administrative a l’obligation de se comporter de manière loyale quelle que soit l’objet des décisions qu’elle prend. Cette obligation duty to act fairly a été sans cessé été interprété extensivement avec une attention plus grande donnée au contexte de l’action administrative.
Au Royaume-Uni, il y a eu peu d’intervention législative :
1- loi de 1958 (judiciarisation de la procédure devant les tribunals)
2- Human Rights Act de 1998 par laquelle le Royaume-Uni a incorporé en droit interne la CEDH. (En raison du régime dualiste propre à l’Angleterre, on ne pouvait pas invoquer les dispositions d’une convention internationale.)
3°- loi sur l’accès à l’information de 2000. Le principe général est que l’administration n’est pas tenu de communiquer les motifs des décisions bien que la jurisprudence ait multiplié les exceptions pour la soumettre à une obligation de transparence.
Cela dit le régime de Common Law n’est pas en lui même opposé à l’intervention du législateur. Exemple des Etats-Unis. Très tôt il y a eu des politiques de codification sous l’influence de la pensée utilitariste et de la France et par opposition à l’Angleterre. L’un des grands codes de procédure contemporaine est l’administrative procedure act. Il ne concernait que l’administration fédérale mais a été repris par les législateurs des différents Etats.
Parfois, la codification a pu être préparé par l’élaboration de règles internes portant sur l’organisation de la procédure. L’exemple le plus ancien est espagnol : une loi du 17 octobre 1899 avait établi un texte court comportant les principes fondamentaux (enregistrement obligatoire des demandes, obligation de transmettre la demande à l’administration compétente si incompétence, délais de procédure etc.) sur la base desquels chaque ministère devait adopter son règlement. Ce système a perduré jusqu’à l’adoption d’une loi en 1958 dont l’essentiel a été conservé après le rétablissement de la démocratie dans la loi du 26 novembre 1992 sur le régime commun des administrations publiques et de la procédure administrative.
C’est une voie qui a été suivi par la Russie. Réforme engagée en 2004 tandis qu’une loi du 27 juillet 2010 est venue fixer une série de principes généraux que doivent suivre les règlements par les différentes administrations fédérales. Sur cette base, des règlements administratifs de procédure ont été adoptés.
Ces 20 dernières années, l’un des principes du libéralisme est que, lorsqu’il s’agit de prononcer des sanctions, c’est au juge que cela revient et la procédure pénale et les droits de la défense doivent donner les garanties suffisantes. Cependant, cette substitution progressive du juge à l’autorité administrative pour prononcer des sanctions n’a jamais été complète. Dans tous les pays, il y a au moins deux administrations qui sont restées du domaine d’élection de l’administration : administration fiscale et douanes.
Certains pays ont cependant maintenu de leur histoire des procédures de sanctions administratives ayant un champ d’application plus général mais qui a été davantage encadré par la loi.
Par exemple, en Espagne, la loi sur le régime juridique des administrations publiques et de la procédure administrative commune comporte un titre consacré au pouvoir de sanction.
De même, au Pays-Bas, dans la loi générale sur le droit administratif qui codifie la procédure et les principes du droit administratif, le chapitre V règle la procédure pour prononcer des sanctions administratives. Elle déterminé la nature des sanctions mais cette partie de la loi ne définit pas les infractions.
En Allemagne, une loi de 1968 sur les contraventions donne une définition étroite de l’infraction pour faire l’objet d’une sanction administrative : acte illicite et intentionnel sanctionné par la loi par une amende qui peut être prononcée par une autorité administrative ou par un tribunal. Falsification de document
En France, les contraventions sont des infractions pénales. Les sanctions sont prononcées par le Tribunal de police. Il existe aussi différentes contraventions prévues dans des lois spéciales pour autant que ne sont pas prévus privatives de liberté. Cependant, le développement de sanctions administratives a connu un nouveau développement notamment dans le domaine économique, un recours juridictionnel étant cependant toujours ouvert contre les décisions de sanction.
Dans différents pays, on a vu se développer des politiques tendant à dépénaliser certaines infractions, conduisant ainsi à substituer des sanctions administratives à des sanctions pénales (ex : Italie : dépénalisation d’un certain nombre d’infractions économiques ; débat en France sur la dépénalisation du droit des affaires ; en Angleterre, rapport de 2009 de Macrory qui préconise le remplacement d’un grand nombre d’infractions pénales par des infractions administratives donnant lieu à des sanctions administratives pour un motif d’efficacité (les sanctions administratives sont prononcés plus vite et consiste en une sanction pécuniaire -> plus dissuasif : efficacité économique de la sanction)).
Les politiques de libéralisation qui ont conduit à la mise en place d’autorités de régulation, compétentes pour prononcer des sanctions administratives. Résurgence des sanctions administratives pourtant autrefois condamné par les progrès du libéralisme (cf. supra).
En Russie, il y a un Code des infractions administratives apparu à l’époque soviétique. Il occupe toujours une place importante. Son champ d’application a considérablement augmenté au cours des dernières années. Ce code classes les infractions et prévoit différentes sanctions prononcées par des autorités administratives. En URSS, éventuellement peines privatives de liberté prononcé par la police. Déclaré contraire à la Constitution dans les années 1990.
C’est dans les garanties dans le prononcé des sanctions que s’est déclenché le débat.
Chapitre III – Les juges de l’administration
Il y a une extraordinaire diversité qui prend racine dans l’histoire de chaque Etat et de ses institutions qui véhiculent des représentations des valeurs de ce qu’est l’Etat etc.
On présente souvent les différents systèmes en opposant système dualiste et système moniste. Les systèmes monistes sont ceux où il y a un seul juge pour les litiges privés et administratifs.
Cette opposition n’est pas pertinente et est assez simpliste. A l’observation, le dualisme est la règle. Ce qui chance c’est la façon dont il se traduit dans les institutions et dans les procédures.
Le dualisme repose sur le fait que quelque soit le système qui s’est développé, les autorités administratives ne sont jamais tout à fait des justiciables comme les autres. L’assimilation, même si elle est proclamée, se trouve contredite par le droit applicable.
Le dualisme est la règle mais il ne faut pas perdre de vue que dans tous les pays, les juges ne traitent qu’une partie du contentieux de l’administration : modes alternatifs de règlement des conflits. Les garanties procédurales ont été régulièrement renforcées.
Le dualisme peut se traduire dans des ordres juridiques distincts. Dans d’autre pays, le dualisme peut apparaître dans les voies de recours, les procédures et le droit applicable au fond.
Concernant l’organisation juridictionnelle, on oppose souvent la France et le Royaume-Uni. On oublie que le Royaume-Uni a été caractérisé dans un passé récent par une forme originale de dualisme résultant du développement de l’equity qui a donné naissance à une juridiction distincte, la chancelor Court, qui n’a pris fin qu’avec la réforme de 1895.
A partir du XVe siècle, crise du droit, les cours de common law sont contestés. On en appelle au roi qui est à cette époque la source de toute justice. Le roi, par le biais du chancelier, de acceptant ses plaintes, commence à développer un système de justice distinct : système de l’equity fondé sur des principes généraux et non plus sur la règle du précédent. A partir du XVIè siècle, dualisme de plus en plus prononcé.
Cela a fonctionné jusqu’en 1975 où fusion en cours uniques. A ce moment, on a intégré dans la Haute Cour, la Cour du Chancelier. Au sein de cette juridiction unique, les juges pouvaient utiliser l’equity ou la common law en fonction des circonstances. Cependant la réforme prévoyait de supprimer la Chambre des Lords. Seulement, avant qu’on ait pu mettre en œuvre cette suppression, les conservateurs sont revenus et l’ont maintenu. Il y avait donc deux degrés d’appel : Chambre des Lords ou Cour d’appel. Le président de la Chambre des lords était : président de la plus haute Cour, président de la Commission d’appel de la chambre des lords et garde des sceaux
La réforme de 2005 a supprimé ce système et a transformé la Commission d’appel de la chambre des lords en Cour Suprême.
=> Le dualisme juridictionnel a existé pendant longtemps au Royaume-Uni.
Néanmoins, ce système a eu une influence considérable au XIXe siècle dans la mesure où il était le seul pays où on pouvait soumettre l’administration à un juge. Le Conseil d’Etat en France était inclus dans un système de justice retenue. Il a inspiré la Belgique, l’Italie (1865 : système où le juge ordinaire est aussi le juge de l’administration), l’Espagne (évolution entre système juridictionnel attaché à l’administration (Conseil d’Etat français) ou détaché (depuis 1904, juridiction ordinaire : chambres spécialisés -> dualisme au sein de la juridiction ordinaire) ; article 117§5 proclame ce principe). La spécialisation de la juridiction ordinaire a inspiré plusieurs pays.
On a intégré différents tribunaux administratifs spéciaux au sein des tribunaux d’arrondissement au Pays-Bas (équivalent TGI). En leur sein, on trouve des chambres administratives. En appel, les recours sont adressés au Conseil d’Etat qui lui est une juridiction administrative. Il y a des exceptions car il y a deux juridictions administratives spéciales compétentes sur le plan nationale (affaires sociales et affaires économiques). Ce sont des juridictions d’appel (au premier niveau : Tribunaux d’arrondissement). Ce système a été repris dans des pays de l’est comme la République Tchèque (Cour administrative suprême) ou l’Ukraine.
A la suite de l’unification de l’Italie, la loi de 1865 avait aboli les tribunaux spéciaux investis de la juridiction administrative. Il y avait un Conseil d’Etat en Piémont-Sardaigne qui exerçait la justice selon les modalités de la justice retenue. En 1865, au contraire, on affirme al compétence de principe pour protéger les droits civils et politiques comme pour apprécier les actes administratifs. En 1889, le conseil d’Etat est compétent si intérêt légitime. Il devient alors un juge à part entière. La juridiction administrative a été consolidée par la Constitution de 1947 qui a prévu l’institution des tribunaux administratifs régionaux qui constitue le 1er degré de la juridiction administrative.
La Belgique a connu une évolution assez semblable. Compétence de principe pour les litiges relatifs aux droits quelles que soient les personnes en cause et les contestations relatives aux droits politiques ne pouvaient leur être soustraites que par la loi. Les tribunaux pouvaient également apprécier la légalité des arrêtés et règlements régionaux, provinciaux et locaux.
Le Conseil d’Etat a été créé par la loi de 1946 et n’a été consacré que lors de la révision constitutionnelle de 1993. En outre, cette révision autorise la création d’autres juridictions administratives par la loi.
Pourquoi changement d’orientation ? Au début du XXe siècle, il y a eu quelques affaires qui ont fait scandale car la compétence du juge judicaire a abouti à un certain déni de justice. En 1920, la Cour de cassation a fait preuve d’audace en redonnant vigueur au partisan de l’unité de juridiction ce qui a permis d’enterrer les projets élaborés. En 1946, on créée un Conseil d’Etat, conseil du gouvernement et du Parlement, et juridiction administrative à compétence générale chargée du contrôle de la légalité des actes administratifs. C’est bien l’insuffisance du contrôle du juge ordinaire qui existe qu’on en soit venu à créer un Conseil d’Etat.
L’insuffisance du contrôle avait aussi déterminé la création de nombreuses juridictions administratives spéciales. On retrouve ce phénomène à grande échelle au Royaume-Uni. Jusqu’à la loi de 2007, il existait environ 80 administrative tribunals. Ils étaient devenus la colonne vertébrale de la justice administrative. A mesure qu’on créait des lois nouvelles, on créait une instance auprès des ministères chargée d’examiner les recours des différends. Avec le temps, ils ont pris beaucoup d’importance puisqu’ils traitaient un million d’affaires par an. Ils sont particulièrement nombreux dans le domaine fiscal, social, sanitaire ou éducatif. Ils sont d’importance très inégales : une vingtaine seulement produisant plus de 500 décisions par an.
Ils se sont beaucoup développés après la SGM quand s’est développée la législation économique et la législation sociale.
Pourquoi ? « Parce que nous ne voulons pas que les juges vident de son contenu la législation sociale » (peur du conservatisme)
En 1958 est adoptée une nouvelle loi, qui faisant le bilan de leurs activités, décide de les soumettre en toute hypothèse au contrôle des cours de common law.
A partir de là, il y a eu une certaine judiciarisation de leur activité même si leurs membres n’ont jamais été des magistrats statutairement.
Un rapport de 2001 est à l’origine de la réforme de 2007 qui a eu pour objet de regrouper les tribunals en un seul système de justice administrative organisé à deux degrés mais sans écarter cependant le contrôle en dernier ressort des cours de common law. La loi regroupe tous les tribunals avec deux degrés de juridictions : tribunal et upper tribunal (second degré de juridiction). Cette organisation maintient en son sein une spécialisation fonctionnelle (asile, santé etc.). Les membres de ce tribunal deviennent maintenant des juges dotés des garanties d’indépendance alors que jusqu’alors c’étaient des fonctionnaires. La loi prévoit que le Garde des sceaux peut décider de transférer au upper tribunal certains recours du judicial review qui est la procédure de contrôle juridictionnel des tribunaux de common law sur les actes administratifs.
Dans le système anglais, à l’intérieur des cours du common law, une spécialisation s’est insinuée. C’est la conséquence de la réforme de 1978 et de 1981. Jusqu’alors existaient déjà des recours au juge contre des actes de l’administration. Ces voies de recours ont été élaborées au Moyen-Age pour des recours contre des décisions de justice mais pendant plusieurs siècles, on ne faisait pas très bien la distinction entre décision administrative et décision de justice. Habeas Corpus womenies ???
Tout le contentieux juridictionnel suivait ces voies de recours. En 1976, un rapport recommande d’unifier ces procédures, les délais de recours et les conditions de recevabilité. C’est ce qui est fait avec la réforme du règlement de la Cour Suprême en 1978 puis en 1981. Désormais, il n’y a plus qu’un seul recours qui permet de doubler la judicial review. Elle peut aboutir à une annulation, à une injonction ou à une interdiction selon la nature de la demande. En même temps, on a unifié la procédure de présentation des recours et les délais dans lesquels ils sont admis.
On a ainsi fait une distinction entre les womenies et les droits processuels ordinaires. Lorsque la Chambre des Lords a été saisi d’un litige demandant à juger si on pouvait utiliser alternativement les voies de recours judicial review ou les voies de recours ordinaire au nom de l’unité de juridiction, elle a décidé que quand on était en présence d’un recours de droit public, on devait respecter la procédure du judicial review et par conséquent, les demandes
O Reilly v/ Mackman : hors délai -> voies de recours ordinaire (auparavant, c’était permis). Chambre des Lords : non sous peine de vider de son contenu la réforme. (« l’arrêt Blanco du droit anglais »)
Crown officies sur laquelle sont inscrits les juges spécialisés en matière administrative ce qui signifie que pour les affaires mettant en cause l’administration, on doit nécessairement former cette formation de jugement spécialisée en matière administrative. C’était une manière d’introduire une spécialisation au sein de la High Court et de la Cour d’Appel. La réforme a si bien pris que l’on parle de l’Administrative Court pour désigner un type de formation de jugement.
Dans une affaire Batafin de 1996, était en question un litige relatif à la libéralisation du marché financier. On laissait les professionnels organisaient eux-mêmes la discipline professionnel. Pb : organisme professionnel décide d’empêcher une concentration. High Court a décidé de juger ce recours selon la procédure du judicial review. C’était très étonnant car cet organisme ne tenait aucun pouvoir de la loi. La loi avait juste laissé le champ libre aux autorités professionnelles. Car mêmes effets sur les droits du demandeur qu’une décision administrative -> extension du domaine du droit administratif par contraste avec la vision intuitive des effets des politiques de privatisation
Avant, ultra vires
Avec cet arrêt, ce n’est plus le fait qu’une autorité ait agi ultra vires puisque la loi ne donnait rien. Il se base sur les effets.
Aujourd’hui, retour de règlement extérieur des contentieux :
– voies alternatives : conciliation, transaction ou arbitrage
– pour alléger la charge des tribunaux, on a cherché à redonner vie aux procédures de recours administratifs préalables ce que le CE a valorisé dans son rapport de 2009