Introduction au droit commercial

Introduction au droit commercial

Le droit commercial, une branche du droit privé, régit les activités commerciales. Il repose sur deux conceptions principales, subjective et objective. Historiquement limité, son champ d’application s’est élargi, intégrant le droit public et économique. La codification napoléonienne et les réformes ultérieures ont façonné ce domaine évolutif, dont les règles visent à répondre aux impératifs de rapidité et de sécurité dans les échanges commerciaux.

I) La définition du droit commercial

Le droit commercial est un domaine du droit privé qui régit le commerce. Deux conceptions principales s’opposent :

  1. La conception subjective ou personnaliste : Elle définit le droit commercial comme celui qui s’applique aux commerçants. Cette approche, issue du droit allemand, se concentre sur les personnes effectuant des actes commerciaux.
  2. La conception objective : Selon cette approche, le droit commercial régit les activités commerciales, indépendamment de la personne qui les réalise.

Une solution de compromis est observée, bien que la seconde conception semble dominer. En effet, le code du commerce met en avant la notion d’acte de commerce, ce qui fait du droit commercial une branche du droit privé. Il s’applique à la fois aux commerçants et à certains actes juridiques qu’ils accomplissent, que ce soit entre eux ou avec leurs clients, c’est-à-dire les actes de commerce.

La notion de commerce

Définitions extrêmes et intermédiaire

Définir le commerce n’est pas simple, car deux conceptions se sont opposées historiquement :

  • Dans un sens général, issu de la conception romaine, le commerce englobe tout échange, quels que soient son objet et ses modalités, ainsi que tous les rapports juridiques entre les individus, y compris ceux liés à l’utilisation de leurs biens.
  • Dans un sens plus restreint, le terme « commerce » désigne uniquement les activités de circulation des richesses, à l’exclusion des activités industrielles et de consommation.

Ces deux définitions se sont révélées insuffisantes. Par conséquent, une conception intermédiaire a été adoptée, qui englobe non seulement les activités de circulation des richesses, mais aussi les activités industrielles, de production, ainsi que des secteurs connexes comme la banque, le transport et les assurances.

Limites du domaine commercial

Bien que le commerce couvre une grande partie des activités économiques, certains secteurs échappent encore à son champ d’application pour des raisons sociologiques et historiques. C’est notamment le cas des activités agricoles, artisanales, immobilières et libérales, qui relèvent souvent du droit civil lorsqu’elles ne s’inscrivent pas dans le cadre de sociétés commerciales.

Les mutations du droit commercial

L’élargissement du domaine

Le droit commercial classique, initialement centré sur les opérations juridiques des commerçants, a évolué en intégrant des éléments de droit public et de droit privé. Le droit public économique, le droit fiscal et le droit social ont ainsi contribué à enrichir cette branche du droit.

Apparition de nouvelles notions

Face à cette évolution, de nouveaux concepts plus larges ont été développés pour englober l’ensemble des règles applicables à l’entreprise. Des termes comme droit des affaires, droit économique ou droit de l’entreprise sont apparus et tendent aujourd’hui à remplacer l’expression « droit commercial ». Bien que ce dernier terme soit encore utilisé dans certains ouvrages et cours, il est de plus en plus perçu comme trop étroit pour décrire la réalité actuelle du monde des affaires.

II) Histoire du droit commercial

La codification napoléonienne

La codification du droit commercial sous Napoléon a pris forme avec la loi de 1807, qui a instauré le code du commerce, entré en vigueur le 1er janvier 1808. Ce code, bien que novateur par son existence, ne l’était pas dans son contenu. En effet, il se contentait en grande partie de reprendre des normes antérieures, notamment l’ordonnance de Colbert de 1673 et des usages judiciaires déjà appliqués. Toutefois, ce code présentait plusieurs faiblesses dues à une mauvaise préparation, accentuées par la méfiance de Napoléon envers les commerçants.

Multiplication des réformes en dehors du code

Au fil du temps, le droit commercial a évolué en dehors du code de 1807, avec l’apparition de textes spéciaux dans des domaines aussi divers que le droit des sociétés, le chèque, le fonds de commerce et les faillites. Cette situation a conduit à un morcellement du droit commercial, qui n’était plus contenu uniquement dans le code de commerce.

Création d’un nouveau code de commerce

Face à cette situation, le Gouvernement a décidé d’abroger le code de 1807 pour en créer un nouveau. L’ordonnance du 18 septembre 2000, édictée sur la base des lois d’habilitation, a instauré un nouveau code de commerce. Ce nouveau code s’inscrit dans une démarche de codification à droit constant, c’est-à-dire qu’il a repris les anciennes dispositions en les intégrant sans modifications majeures, sauf celles nécessaires pour assurer la hiérarchie des normes, la cohérence rédactionnelle et l’harmonisation des textes.

Extension du champ de la codification

En parallèle, une autre ordonnance du 14 décembre 2000, toujours basée sur la loi d’habilitation du 16 décembre, a créé un code monétaire et financier. Ce code rassemble toutes les dispositions législatives relatives à la monnaie et aux activités bancaires et financières, consolidant ainsi un cadre juridique plus cohérent pour ces domaines.

Désormais, le droit commercial est principalement réuni au sein du code de commerce, assurant une meilleure accessibilité et une meilleure organisation des règles applicables dans ce domaine.

III) Les principaux caractères et les raisons d’être du droit commercial

Le droit commercial se distingue par son caractère évolutif et par la nécessité d’adapter ses règles aux spécificités du monde des affaires. Il est à la fois soumis à une multiplication des textes spéciaux, régissant divers secteurs d’activités, et à un besoin croissant d’unification. Toutefois, la principale caractéristique du droit commercial est sa capacité à répondre à des impératifs de rapidité et de sécurité, indispensables aux échanges commerciaux.

Les impératifs de rapidité

Différences avec le droit civil

Le droit civil et le droit commercial répondent à des préoccupations différentes. Le droit civil privilégie la conservation des biens et la sécurité des transactions importantes, souvent rares, qui nécessitent du temps, des formalités et des vérifications minutieuses. À l’inverse, le droit commercial, centré sur la distribution, moteur du commerce, doit favoriser la rapidité et la souplesse dans les opérations quotidiennes.

Adaptations du droit commercial

Pour répondre à cet impératif de rapidité, le droit commercial a mis en place des règles spécifiques, supprimant une grande partie des formalismes présents en droit civil. Ces adaptations comprennent :

  • Liberté de la preuve : contrairement au droit civil, où la preuve est strictement encadrée, le droit commercial permet une plus grande souplesse en matière de preuve.
  • Théorie de l’apparence : elle joue un rôle central en droit commercial, permettant de protéger les tiers qui agissent de bonne foi en se basant sur une apparence de légalité.
  • Réduction des délais de prescription : en matière commerciale, les délais pour intenter une action en justice sont souvent raccourcis, favorisant la résolution rapide des litiges.
  • Simplicité des techniques de transmission des créances : les créances peuvent être transmises rapidement et sans formalités complexes.
  • Simplicité des techniques particulières : certaines techniques juridiques spécifiques au commerce, comme l’escompte, sont conçues pour être rapides et efficaces.
  • Simplicité des modes de règlement des litiges : les litiges commerciaux sont souvent réglés par des procédures rapides, comme l’arbitrage ou la conciliation, plutôt que par des procédures judiciaires longues.

Les impératifs de sécurité

Le droit commercial ne se limite pas à la rapidité ; il doit également garantir la sécurité des transactions. Cette sécurité s’exprime principalement à travers deux aspects : les procédés particuliers de crédit et les garanties de paiement.

1. Les procédés particuliers de crédit

Historiquement, le crédit a été un outil central pour les commerçants afin de financer leurs activités. Le droit commercial a donc développé des techniques spécifiques pour sécuriser ces opérations. Parmi ces procédés, on trouve :

  • La lettre de change (ou traite) : c’est l’un des plus anciens procédés de mobilisation des créances. Le principe est simple : par le biais de l’escompte, un banquier avance au porteur de la lettre de change le montant de celle-ci, déduction faite d’un montant appelé escompte. Ce procédé permet au commerçant de disposer de liquidités avant l’échéance.
  • L’affacturage : ici, un commerçant (l’adhérent) cède ses créances à une société spécialisée (le factor). Le factor sélectionne les créances qu’il souhaite acheter, en échange du versement immédiat d’une somme. Cela permet au commerçant de sécuriser ses recettes et de transférer le risque d’insolvabilité.
  • Le crédit-bail : il s’agit d’un contrat par lequel une entreprise loue un bien avec la possibilité de l’acheter à la fin du contrat. Cela permet de financer des équipements coûteux sans mobiliser immédiatement de capital.
  • L’ouverture de crédit : un banquier s’engage à mettre à disposition de son client une somme d’argent, utilisable en une ou plusieurs fois, ce qui offre une grande flexibilité à l’entreprise.
  • Les bordereaux de créances professionnelles : créés par une loi de 1881, ces bordereaux permettent à une entreprise de céder à une banque plusieurs créances regroupées. Ce procédé permet une cession rapide et sans formalités complexes.

2. Les garanties particulières de paiement

Le crédit étant essentiel au commerce, il est crucial de protéger les créanciers. Plusieurs mécanismes de sécurité ont été mis en place à cet effet :

  • La présomption de solidarité passive : en matière commerciale, lorsque plusieurs débiteurs sont responsables d’une même dette, le créancier peut demander le paiement intégral à l’un des débiteurs, même si celui-ci n’a pas contracté seul la dette. Cette règle assure une plus grande sécurité au créancier.
  • La rigueur du droit cambiaire : la lettre de change impose des responsabilités solides aux signataires. Tous ceux qui signent une traite sont solidairement responsables de son paiement, sans possibilité d’opposer des exceptions aux porteurs de bonne foi. De plus, les délais de grâce sont supprimés en matière de paiement, et des sanctions strictes sont prévues, comme celles liées à l’émission de chèques sans provision, pénalisée par la loi depuis 1991.
  • Les procédures collectives : en cas de défaillance d’un commerçant, des procédures collectives (comme le redressement ou la liquidation judiciaire) sont mises en place pour désintéresser les créanciers. Toutefois, la protection des entreprises défaillantes est devenue prioritaire, notamment pour éviter les faillites.
  • Les sûretés : en droit commercial, plusieurs sûretés ont été adaptées ou créées pour offrir plus de flexibilité aux commerçants :
    • Le gage : en droit civil, le gage implique la remise d’un bien meuble au créancier, ce qui peut être contraignant pour le débiteur. En droit commercial, le nantissement a été introduit, permettant de garantir une dette sans déposséder le débiteur de son bien, comme c’est le cas pour le nantissement du fonds de commerce.
    • Le cautionnement : il s’agit d’une sûreté personnelle par laquelle un tiers s’engage à payer à la place du débiteur principal en cas de défaut. En droit commercial, le cautionnement autonome (ou garantie à première demande) a été introduit. Contrairement au cautionnement classique, cette garantie permet au créancier d’exiger le paiement du garant sans que celui-ci puisse invoquer les exceptions du débiteur principal.

Ces mécanismes garantissent une certaine stabilité et sécurité dans les relations commerciales, indispensables pour encourager l’utilisation du crédit et protéger les intérêts des créanciers.

IV) Les sources du droit commercial

A. Les sources textuelles

1. La constitution

La constitution de 1958, dans son préambule, reprend les dispositions du préambule de la constitution de 1946 et de la Déclaration des droits de l’homme en ce qui concerne les libertés publiques. L’une des libertés fondamentales pour le droit commercial est la liberté du commerce et de l’industrie, qui occupe une place centrale dans ce domaine juridique.

2. Les traités et accords internationaux

Avec l’internationalisation du commerce, la diversité des législations nationales a souvent été perçue comme un obstacle. Pour éviter la complexité qui pourrait en résulter, des conventions et accords internationaux ont été conclus. Selon l’article 55 de la Constitution, ces traités ou accords, une fois ratifiés et publiés, ont une autorité supérieure à celle des lois nationales.

Exemples d’accords commerciaux internationaux

De nombreux traités commerciaux internationaux visent à harmoniser certaines règles tout en respectant les législations nationales. Parmi ces accords, certains abordent des questions de droit privé comme les conflits de lois, sans modifier directement les législations locales mais en y ajoutant une réglementation pour les relations internationales. Un exemple important est la Convention de Vienne sur la vente internationale des marchandises.

Les traités européens

Parmi les traités les plus influents pour le droit commercial français, on trouve le traité de Rome, qui a institué la Communauté économique européenne. Ce traité a apporté plusieurs éléments majeurs au droit commercial, notamment :

  • Liberté d’établissement et libre circulation des marchandises et capitaux, facilitant les relations commerciales au sein de l’Union européenne.
  • Interdiction des pratiques anticoncurrentielles, assurant un marché équitable.
  • Contrôle des concentrations, limitant les abus de position dominante.
  • Création du Groupement européen d’intérêt économique (GEIE), facilitant les collaborations transfrontalières.
  • Marque communautaire, offrant une protection unique sur tout le territoire de l’Union.
  • Société européenne, permettant aux entreprises de fonctionner au niveau européen avec un cadre juridique unifié.

Par ailleurs, des textes comme la convention de Rome du 19 janvier 1980 ont unifié au niveau communautaire les règlements des conflits de lois en matière contractuelle.

L’euro et son impact

L’avènement de l’euro a également eu un impact significatif sur le droit commercial, en simplifiant les transactions financières au sein de la zone euro.

3. Les lois et règlements nationaux

Le droit commercial repose en grande partie sur des lois votées par le Parlement. Cependant, ces lois sont souvent complétées par des règlements, tels que des décrets ou des textes édités par des autorités administratives indépendantes, comme l’Autorité des marchés financiers (AMF).

La codification du droit commercial

Le code de commerce, dont la partie réglementaire a été mise à jour par le décret du 25 mars 2007, regroupe une grande partie du droit commercial français. Outre les textes législatifs, des circulaires et des réponses ministérielles apportent des précisions sur certaines questions juridiques soulevées par les parlementaires ou les praticiens.

4. Autres sources

Certaines recommandations et codes de bonne conduite sont élaborés par des organismes professionnels et visent à guider les pratiques commerciales. Bien que leur valeur juridique soit parfois contestée, ces documents constituent une référence importante pour les acteurs du monde des affaires.

B. Les usages commerciaux

Les usages commerciaux jouent un rôle essentiel en droit commercial car ils permettent une adaptation rapide des règles aux besoins du monde des affaires, un secteur en constante évolution. Contrairement aux textes législatifs, qui sont soumis à des procédures longues et parfois retardées, les usages commerciaux se développent naturellement à travers des relations régulières entre professionnels, générant des habitudes et des comportements spécifiques.

L’usage commercial est défini comme une pratique habituelle, considérée comme normale dans un milieu donné. Il repose sur deux éléments :

  • Un élément matériel : la répétition d’une pratique commerciale.
  • Un élément psychologique ou moral : le sentiment des commerçants d’un secteur donné que ce comportement est obligatoire.

1. Les usages conventionnels ou usages de fait

Les usages conventionnels sont des pratiques régulièrement suivies pour la conclusion ou l’exécution de certains contrats. Ils constituent une présomption de la volonté des parties. Autrefois, ces clauses étaient explicitement stipulées, mais elles sont désormais tacites dans certains cas.

Caractéristiques des usages conventionnels

  • Opposabilité limitée : Un usage commercial n’est opposable qu’aux personnes du même milieu professionnel ou géographique où il a été créé.
  • Possibilité d’écartement : Les parties peuvent décider de ne pas appliquer un usage conventionnel, si elles le souhaitent.
  • Preuve par tout moyen : La preuve de l’existence d’un usage peut être établie par tout moyen, souvent à l’aide de certificats écrits émis par des professionnels reconnus ou des organismes compétents (comme les chambres de commerce ou les syndicats).
  • Complément ou dérogation à la loi : Un usage peut compléter la loi ou même y déroger s’il s’agit d’une loi supplétive (loi qui ne s’applique que si les parties ne conviennent pas d’autre chose).
  • Rôle des juridictions : La reconnaissance et l’application d’un usage conventionnel relèvent du pouvoir souverain des juridictions de fond. La Cour de cassation n’intervient que si l’usage a été manifestement mal interprété.

2. Les usages de droit ou coutumes

Les usages de droit, ou coutumes, fonctionnent de manière similaire aux usages conventionnels, mais avec une portée plus large. Ils peuvent être classés en trois catégories :

  • Usages secundum legem : Ces usages sont ceux auxquels la loi renvoie explicitement. Ils viennent en complément de la loi.
  • Usages praeter legem : Ils s’appliquent en cas de lacunes ou de silence de la loi. Ils interviennent pour combler un vide juridique.
  • Usages contra legem : Ces usages sont contraires à la loi. Ils viennent contredire des dispositions légales. Ils sont très rares et souvent controversés, car leur validité dépend de la situation et du contexte.

C. La jurisprudence

La jurisprudence joue un rôle de premier plan en droit commercial. En raison de la nature dynamique du monde des affaires, les tribunaux de commerce sont fréquemment sollicités pour résoudre des litiges, notamment ceux qui nécessitent des réponses rapides et adaptées aux besoins changeants des commerçants. Les décisions de justice contribuent ainsi à préciser et à compléter les règles applicables.

D. La doctrine

La doctrine constitue une source indirecte du droit commercial. Elle permet de systématiser et de rapprocher les solutions apportées par la jurisprudence. Par ses analyses critiques et ses suggestions, la doctrine aide à clarifier et à développer le droit commercial, influençant parfois les réformes législatives.