Qu’est-ce que le droit et le droit constitutionnel ?

INTRODUCTION AU DROIT CONSTITUTIONNEL

Le droit constitue un élément fondamental de la vie sociale, structurant les relations entre les individus et les institutions. Il intervient dans les actions les plus courantes, qu’il s’agisse de signer un contrat, de rédiger un procès-verbal ou même d’effectuer un achat qui repose sur un contrat tacite. Le droit du quotidien encadre les comportements, identifie les responsabilités et sanctionne les manquements, ce qui illustre l’adage bien connu : « Nul n’est censé ignorer la loi ».

Le droit comme cadre de la vie en société : L’être humain, en tant qu’animal social, est amené à respecter des règles. Ces règles ne sont pas simplement des suggestions ; leur non-respect expose à des sanctions visant à corriger les comportements déviants. En ce sens, le droit organise les rapports humains au sein de la société, ce qui implique :

  • La création de règles de droit, adaptées aux besoins de la société.
  • L’ordonnancement des règles existantes, pour garantir leur cohérence.
  • L’organisation d’un système juridique, en France notamment à travers la distinction fondamentale entre droit public (régissant les relations entre l’État et les citoyens) et droit privé (structurant les relations entre individus).


I – L’existence des règles de droit

Les origines des règles de droit

Le droit apparaît dès qu’une société humaine se constitue, car il devient nécessaire d’organiser les relations entre ses membres. Cette nécessité se manifeste à différents niveaux :

  • International, par la régulation des relations entre États.
  • National, pour encadrer la vie dans l’État.
  • Économique, pour réguler les relations commerciales.
  • Familial, pour structurer les relations au sein de ce cadre privé.

Dès que des individus interagissent, le droit naît pour encadrer ces interactions.

Le caractère coercitif du droit

La règle de droit se distingue par son caractère contraignant. Selon Jean Carbonnier :
« La règle de droit, c’est une règle de conduite humaine à l’observation de laquelle la société peut nous contraindre par une pression extérieure plus ou moins intense. »

Cette contrainte s’exerce principalement par l’intermédiaire de sanctions, appliquées en cas de non-respect de la règle. Ces sanctions varient selon la nature de la règle enfreinte et peuvent inclure le recours à la force publique, sous l’autorité de l’État.

Droit et morale : une distinction essentielle

Le droit et la morale diffèrent par leurs sources, leur finalité et leurs sanctions, bien qu’ils soient liés par leur objectif commun de réguler les comportements humains :

  • Sources : Le droit trouve ses origines dans les textes juridiques (lois, règlements), tandis que la morale s’appuie sur des écrits philosophiques ou religieux.
  • Finalité : Le droit vise à organiser la vie en société, tandis que la morale cherche à perfectionner l’individu.
  • Sanctions : Les sanctions juridiques sont imposées par la société (via des tribunaux), tandis que les sanctions morales relèvent de la conscience individuelle.

Cependant, une grande partie des règles de droit repose sur des fondements moraux, qui évoluent avec le temps. Par exemple, le débat sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG) a montré comment les normes juridiques peuvent intégrer des principes éthiques tout en s’adaptant aux mutations sociétales.

Les autres caractéristiques des règles de droit

Une règle de droit se distingue par deux caractéristiques principales :

  1. Son caractère obligatoire : Elle impose un comportement précis, sous peine de sanctions.
  2. Sa généralité et son impersonnalité : Elle s’applique à tous sans désigner une personne en particulier. Par exemple, le permis de conduire délivré après un examen repose sur des règles impersonnelles issues du Code de la route, mais l’inspecteur prend une décision juridique spécifique lors de l’évaluation.

Le droit n’est pas une fin en soi, mais un outil au service d’un projet politique ou social, permettant de réaliser des valeurs et des idéaux partagés. À chaque société correspond un système juridique spécifique, reposant sur un ensemble de règles fondées sur une philosophie ou une idéologie donnée. Cela explique la diversité des systèmes juridiques à travers le monde.

La mission fondamentale du droit

Face à la multitude de règles et de systèmes juridiques, le droit assume une mission essentielle pour éviter le chaos et assurer la cohérence :

  • Mise en ordre des normes juridiques.
  • Construction de cadres réglementaires adaptés.
  • Ordonnancement des règles pour structurer les relations sociales.
  • Harmonisation des normes selon une hiérarchie clairement définie.

Le cours de droit constitutionnel est divisé en plusieurs fiches



II – La mise en cohérence des règles de droit existantes

L’ordonnancement juridique, fondé sur des principes cohérents et hiérarchisés, englobe les ordres étatique, international, et communautaire. La hiérarchie des normes, théorisée par Hans Kelsen, place la Constitution au sommet, suivie des traités, lois, et actes réglementaires. La distinction droit public/privé, clé du droit français, repose sur la nature des personnes impliquées et entraîne une dualité de juridictions.

A) L’ordonnancement des règles de droit (notion d’ordre juridique)

L’ordonnancement des règles de droit repose sur la notion d’ordre juridique, qui organise les normes juridiques selon des principes cohérents et hiérarchisés. Cet agencement permet d’assurer l’harmonie et la cohérence du droit au sein de différents systèmes juridiques. Chaque ordre juridique se distingue par ses auteurs, ses sources, ses formes, ses caractéristiques, et ses effets. En France, trois ordres juridiques principaux sont identifiables : l’ordre juridique étatique, l’ordre juridique international, et l’ordre juridique communautaire.

1) L’ordre juridique étatique

Définition et sources

L’ordre juridique étatique regroupe l’ensemble des règles de droit créées au sein d’un État souverain et destinées à être appliquées sur son territoire. En France, cet ordre se structure autour de deux grandes sources :

  1. Les acteurs de l’écriture des règles :
    • Le pouvoir constituant, qui établit la Constitution, sommet de l’ordre juridique national.
    • Les législateurs (Assemblée nationale et Sénat), responsables de l’élaboration des lois.
    • L’administration, chargée de l’application et de la mise en œuvre des lois à travers des actes réglementaires (arrêtés ministériels, préfectoraux, décrets, etc.).
  2. Les acteurs de l’interprétation des règles :
    • Les juges, qui, par leurs décisions, façonnent la jurisprudence, une source complémentaire et évolutive du droit.

La souveraineté de l’État

L’État exerce une double souveraineté :

  • Interne : Il détient l’autorité exclusive pour définir et appliquer les règles de droit sur son territoire et pour sa population.
  • Externe : Il possède la capacité d’élaborer ses normes sans ingérence extérieure, sauf accord ou traité international. Par exemple, lors des interventions américaines en Irak, les questions liées à la souveraineté externe ont été soulevées.

Cependant, cette souveraineté est souvent confrontée à celle d’autres États dans un cadre international.

2) L’ordre juridique international

Définition et caractéristiques

L’ordre juridique international englobe les règles de droit régissant les relations entre États souverains. Il se distingue par plusieurs caractéristiques spécifiques :

  • Absence d’organes centralisés pour la production normative, contrairement aux ordres juridiques nationaux.
  • Consensualisme : Les normes internationales reposent sur l’accord mutuel des États concernés.
  • Rapports de force : Les équilibres politiques et économiques influencent fortement la création et l’application des normes.
  • Sanctions limitées : En l’absence d’une force coercitive internationale, les violations des traités ou accords entraînent des sanctions souvent politiques ou économiques plutôt que juridiques.

Les sources principales

Les normes de cet ordre proviennent de traités, conventions, pactes et accords internationaux, qui sont négociés par les États et adoptés sur une base volontaire. Par exemple, les violations de ces traités, comme le non-respect de certains protocoles environnementaux, illustrent les limites du droit international.

3) L’ordre juridique de l’Union européenne

Une construction plus avancée

Issu des traités fondateurs, notamment le traité de Rome de 1957, l’ordre juridique communautaire est plus élaboré que l’ordre international. Il régit les relations entre les États membres de l’Union européenne (aujourd’hui 27 membres) et impose un cadre juridique commun qui prime sur les droits nationaux.

Les sources du droit de l’Union Européenne

Les normes communautaires se déclinent en plusieurs catégories selon leur nature et leur portée :

  • Les traités fondateurs (Rome, Maastricht, Nice, Lisbonne, etc.), qui établissent les bases institutionnelles et juridiques de l’Union.
  • Les règlements européens, applicables directement et uniformément dans tous les États membres.
  • Les directives européennes, qui fixent des objectifs à atteindre tout en laissant une marge de manœuvre aux États quant aux moyens de leur mise en œuvre.

Les institutions productrices du droit

Le droit communautaire est élaboré par des institutions spécialisées, telles que :

  • Le Parlement européen, représentant les citoyens.
  • La Commission européenne, organe exécutif chargé de proposer des lois et de veiller à leur application.
  • Le Conseil de l’Union européenne, où siègent les ministres des États membres.

La primauté du droit de l’UE

Le droit communautaire prévaut sur les normes nationales des États membres. Si un État enfreint une règle communautaire, il peut être sanctionné par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Par exemple, la CJUE a condamné des États pour non-transposition de directives ou pour des pratiques contraires aux règlements communautaires.


B)    La hiérarchisation des règles de droit (principe de la hiérarchie des normes)

La hiérarchisation des règles de droit repose sur le principe fondamental de la hiérarchie des normes, une théorie juridique élaborée notamment par Hans Kelsen dans sa « Théorie pure du droit ». Selon ce principe, chaque règle juridique tire sa validité d’une norme supérieure, formant une pyramide où les normes de rang inférieur doivent respecter celles situées au-dessus.

Les différents niveaux de la hiérarchie des normes

1. La Constitution et le bloc de constitutionnalité

La Constitution de 1958, sommet de la pyramide des normes, définit les principes fondamentaux de l’organisation de l’État. Elle est complétée par le bloc de constitutionnalité, qui inclut :

  • La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ;
  • Le Préambule de la Constitution de 1946 ;
  • La Charte de l’environnement de 2004 ;
  • Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR).

Le Conseil constitutionnel veille à la conformité des lois à ces textes. Par exemple, il peut censurer une loi portant atteinte à la dignité de la personne humaine, principe à valeur constitutionnelle.

2. Les traités internationaux et le droit de l’Union européenne

Selon l’article 55 de la Constitution, les traités internationaux ratifiés et publiés ont une valeur supérieure aux lois nationales, à condition que la réciprocité soit respectée. Toutefois, la Constitution reste la norme suprême. Si une disposition d’un traité est incompatible avec la Constitution, une révision constitutionnelle peut être nécessaire, comme cela a été le cas pour le traité de Maastricht en 1992.

En matière de droit communautaire, le droit dérivé (règlements, directives) découle des traités européens et s’intègre dans l’ordre juridique interne. Le juge administratif et le juge judiciaire assurent leur application et leur primauté sur les lois nationales.

3. Les lois

Les lois se divisent en plusieurs catégories :

  • Les lois organiques : prévues par la Constitution, elles complètent ou précisent son application (par exemple, l’organisation des pouvoirs publics).
  • Les lois ordinaires : adoptées par le Parlement, elles interviennent dans les domaines définis par l’article 34 de la Constitution. Les matières qui ne relèvent pas de cet article appartiennent au domaine réglementaire (article 37).

Les lois référendaires, issues d’un référendum, possèdent une autorité équivalente à celle des lois votées par le Parlement.

4. Les actes réglementaires

Les actes réglementaires émanent du pouvoir exécutif et se situent en dessous des lois dans la hiérarchie des normes. On distingue plusieurs types de décrets :

  • Décrets simples : pris par le Premier ministre ou le Président de la République sans délibération en Conseil des ministres.
  • Décrets en Conseil des ministres : adoptés après délibération en Conseil des ministres et signés par le Président et le Premier ministre.

Les arrêtés ministériels ou interministériels sont des décisions émanant des ministres, tandis que les arrêtés municipaux relèvent des autorités locales.

Un acte réglementaire contraire à une norme supérieure peut être contesté devant le juge administratif, via un recours pour excès de pouvoir.

5. Les ordonnances

Les ordonnances, prévues par l’article 38 de la Constitution, permettent au Gouvernement de légiférer dans le domaine de la loi avec l’autorisation du Parlement. Une fois ratifiées, elles acquièrent une valeur législative.

L’articulation avec les normes internationales et européennes

Le respect des normes supérieures s’étend également aux règles internationales et européennes. Par exemple, un arrêté municipal en contradiction avec une directive européenne pourrait être annulé par le juge administratif. De même, une loi contraire à un traité international pourrait être censurée ou écartée par les juges.

En cas de conflit entre une loi et un traité, les juridictions françaises appliquent le traité, en conformité avec l’article 55. Cependant, la Constitution demeure une norme de référence, et une modification peut être exigée avant la ratification d’un traité, comme pour l’adoption du traité de Lisbonne en 2008.

Exemple de mise en œuvre : le contrôle de la légalité

Un décret pris sans respect des procédures légales, comme l’absence de délibération en Conseil des ministres alors qu’elle est requise, peut être annulé par le Conseil d’État pour vice de procédure. Ainsi, le Premier ministre ou le Président de la République ne peut adopter un décret qu’en conformité avec les normes supérieures.

Ce principe de hiérarchisation garantit la cohérence de l’ordre juridique et protège les droits fondamentaux des citoyens, tout en s’adaptant aux évolutions du droit international et européen.


III – La distinction droit public / droit privé

Les systèmes juridiques français reposent sur une distinction fondamentale entre le droit public et le droit privé, héritée de la tradition romano-germanique. Cette distinction est l’un des piliers du droit français depuis la Révolution. Contrairement à ce modèle, d’autres systèmes juridiques comme la Common Law (en vigueur en Angleterre, aux États-Unis et au Canada) ou le droit socialiste (ex. : Chine, Corée du Nord) adoptent des approches différentes. La Common Law, par exemple, structure ses règles entre le droit des biens et le droit des personnes, tandis que le droit socialiste met en avant un principe d’égalité absolue.

Les approches analytiques varient également selon les systèmes :

  • En France, les textes de loi prévalent : le juge interprète les lois pour résoudre des cas spécifiques.
  • En Angleterre, l’analyse des précédents juridiques est primordiale : on élabore une règle applicable à des problèmes similaires.



A)    Le fondement de la distinction

La distinction entre droit public et droit privé repose sur la nature des personnes impliquées.

  • Le droit privé régit les relations entre particuliers.
  • Le droit public intervient dès qu’une entité publique est concernée.

1. La distinction entre personnes publiques et privées

a) Les personnes privées

Les personnes privées sont les sujets de droit, capables d’exercer des droits et obligations. Elles se divisent en deux catégories :

  • Personnes physiques : Ce sont les individus, avec leurs droits et intérêts personnels.
    Exemple : Vous et moi.

  • Personnes morales : Ces entités juridiques regroupent des intérêts collectifs.
    Exemple : Associations régies par la loi de 1901 ou sociétés commerciales.
    Ces entités fonctionnent indépendamment des personnes physiques qui les composent.

b) Les personnes publiques

Les personnes publiques regroupent l’État et les entités créées par lui :

  • L’État lui-même.
  • Les collectivités territoriales (communes, départements, régions).
  • Les établissements publics (universités, hôpitaux, etc.).

2. La notion juridique de « personne »

En France, le système juridique est marqué par une dualité de juridictions :

  • Les juridictions administratives tranchent les litiges relevant du droit public.
  • Les juridictions judiciaires statuent sur les affaires de droit privé.

Cette distinction reflète une séparation nette des compétences judiciaires.



B)    La dualité de juridiction, comme conséquence de la distinction

La répartition des compétences entre juge administratif et juge judiciaire est une conséquence directe de la distinction entre droit public et droit privé. Ce principe découle de la Révolution française et vise à empêcher les dérives du système des parlements de l’Ancien Régime, où les juges cumulaient plusieurs fonctions :

  • Judiciaire, pour régler les litiges.
  • Législative, en interprétant ou adaptant les lois.
  • Exécutive, en administrant directement.

La séparation des pouvoirs, théorisée par Montesquieu, interdit désormais de tels mélanges. Chaque pouvoir doit respecter son champ d’action.

Exemples de juridictions en droit privé :

  • Civil : Résolution de conflits entre particuliers (préjudice individuel, demande d’indemnisation).
  • Pénal : Sanction des infractions prévues par le Code pénal (protection de la société).

Les juridictions pénales se divisent en :

  • Tribunal de police pour les contraventions.
  • Tribunal correctionnel pour les délits.
  • Cour d’assises pour les crimes.

Le Tribunal des conflits

Lorsque la frontière entre droit public et droit privé est floue, le Tribunal des conflits intervient pour déterminer la juridiction compétente. Ce mécanisme est essentiel pour garantir la cohérence du système judiciaire.



C)    Le droit constitutionnel, base du droit public

Le droit constitutionnel est le socle du droit public, aux côtés du droit administratif. Il encadre l’exercice de la puissance publique et fixe les règles fondamentales des institutions politiques.

Principes fondamentaux en droit constitutionnel :

  1. Hiérarchie des normes : Les lois doivent respecter la Constitution, qui occupe le sommet de l’ordre juridique.
  2. Représentativité : Les institutions reflètent la volonté des citoyens.
  3. Limitation des pouvoirs : Le pouvoir est encadré pour prévenir les abus.
  4. Constitutionnalité : Toute loi doit être conforme à la Constitution.
  5. Séparation des pouvoirs : Les fonctions législative, exécutive et judiciaire sont exercées par des organes distincts.

Le rôle de la Constitution dans les démocraties occidentales

La Constitution repose sur des principes fondamentaux :

  • La définition des missions et compétences des organes de l’État.
  • La garantie des droits fondamentaux des citoyens.
  • L’encadrement des activités administratives par des règles de droit.

Depuis 1791, la France a connu plusieurs Constitutions. L’actuelle, adoptée en 1958, s’appuie sur des valeurs démocratiques et des principes comme :

  • Le pouvoir du peuple : « Gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple. »
  • L’État de droit : Les autorités publiques sont limitées par le droit.

 

En résumé, la distinction entre droit public et droit privé est une pierre angulaire du système juridique français. Elle s’exprime non seulement par la dualité des juridictions mais aussi par des principes constitutionnels fondamentaux qui garantissent la justice et l’équilibre institutionnel.

Isa Germain

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