Le Juge de l’exécution (JEX) : désignation, compétence, procédure

Le juge de l’exécution

Pour regrouper entre les mains d’un juge spécialisé un contentieux dispersé, un nouveau juge a été institué: le juge de l’exécution (JEX). Le juge de l’exécution tranche les difficultés survenues à l’occasion de l’exécution d’une décision de justice ou d’une saisie en matière civile.
Cette fonction incombe au président du Tribunal de Grande Instance ou à un juge délégué du tribunal.

  1. A) Désignation du JEX

Le JEX a été créé en 1972 mais aucun texte n’étant intervenu pour la mise en œuvre des dispositions l’instituant, il est véritablement né avec la loi de 1991.

«Les fonctions de juge de l’exécution sont exercées par le Président du TGI. [al.2] Lorsqu’il délègue ces fonctions à un ou plusieurs juges [du TI ou TGI], le Président du TGI fixe la durée et l’étendue territoriale de cette délégation. » (COJ Article L213-5). L’ordonnance de délégation du Président du TGI fait l’objet d’une large publicité destinée à informer les justiciables et les auxiliaires de justice: elle est adressée au bâtonnier de l’ordre des avocats et au président de la chambre départementale des huissiers de justice et affichée aux greffes des juridictions comprises dans le ressort du TGI et dans les mairies de ce ressort.

  1. B) La compétence du JEX

1) La compétence d’attribution du JEX

Le JEX a une compétence exclusive dans 3 domaines (COJ Article L213-6), les autres juges doivent relever d’office leur incompétence lorsqu’ils sont saisis:

Les difficultés et contestations relatives à l’exécution forcée: de manière générale, le JEX dispose d’une compétence de principe pour les difficultés relatives aux titres exécutoires juridictionnels ou non et aux contestations qui peuvent s’élever en cas de mise en œuvre d’une mesure d’exécution. Depuis le 1er jan. 2007, cette compétence vaut également en matière de saisie immobilière.

Le JEX peut trancher toutes les difficultés nées de la procédure engagée (respect des délais, des formes imposées par les textes, il peut aussi statuer sur le caractère exécutoire du titre invoqué etc.).

  • La compétence du JEX recouvre les questions d’interprétation: le justiciable n’a pas à saisir la juridiction qui a rendu la décision lorsqu’un problème d’interprétation se pose à l’occasion d’une saisie.

  • Le JEX peut être saisi de contestation portant sur le fond du droit i.e. sur l’existence de la créance justifiant la saisie.

Limite: cette compétence a donné lieu à des dérives car certains plaideurs saisissaient le JEX pour trancher un litige relatif à un contrat alors même que ce litige n’avait pas pour origine un incident relatif à l’exécution. La Cour de cassation a rappelé dans un avis que le JEX ne peut intervenir qu’à partir du moment ou une mesure d’exécution ou conservatoire est en cours.

Limite: le JEX ne peut pas modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites et ne peut en suspendre l’exécution.

Exceptions:

  • le JEX n’est pas compétent lorsque les contestations échappent à la compétence des juridictions judiciaires. Il s’agit d’une application du principe de la séparation des pouvoirs. Ainsi, le juge de l’expropriation est le seul compétent pour statuer sur les éventuelles difficultés liées à ses ordonnances.

  • le juge d’instance est compétent pour la saisie des rémunérations du travail, pour les procédures de paiement direct des pensions alimentaires et pour les mesures conservatoires prises en matière d’infractions douanières (dispositions non abrogées lors de la réforme).

Les autorisations et les contestations relatives aux mesures conservatoires: le créancier qui n’est pas muni d’un titre exécutoire doit obtenir une autorisation du JEX pour procéder à une mesure conservatoire et le JEX est également compétent pour connaître des contestations relatives à de telles mesures.

Exception: si la mesure conservatoire tend à la conservation d’une créance relevant de la juridiction commerciale ET est demandée avant tout procès, le Président du Tribunal de Commerce est compétent, le Président du Tribunal de Commerce a donc une compétence concurrente avec le JEX.

Les demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageable d’une mesure conservatoire ou d’exécution forcée: différentes actions en responsabilité peuvent être liées à la mise en œuvre d’une saisie: la nature de la mesure en cause importe peu (conservatoire ou d’exécution).

  • actions en responsabilité contre le créancier notamment pour saisie abusive

  • actions en réparation consécutives à la résistance abusive du débiteur

  • actions en responsabilité exercées contre un tiers qui refuse de concourir à la mise en œuvre d’une mesure d’exécution

  • actions en responsabilité contre un agent de l’exécution (ex: contre le huissier de justice)

Conformément au principe de la séparation des pouvoirs, les juridictions administratives sont compétentes pour connaître des actions en responsabilité dirigées contre l’Etat notamment lorsqu’il refuse son concours (CE 30 nov. 1923 « Couitéas »).

2) La compétence territoriale du JEX

En droit commun, le tribunal territorialement compétent est celui du domicile du défendeur. En matière d’exécution, des possibilités supplémentaires sont ouvertes.

Si le débiteur demeure en France, le créancier dispose d’une option entre:

  • le JEX du lieu où demeure le débiteur (règle de droit commun)

  • le JEX du lieu d’exécution de la mesure.

Si le créancier présente sa demande devant l’un de ces juges, il ne peut plus ensuite la présenter devant l’autre (electa una via non datur regressus ad alteram).

Si le débiteur demeure à l’étranger ou dans un endroit en un lieu inconnu: seul le JEX du lieu d’exécution de la mesure est compétent.

vEn matière de saisie immobilière: est seul compétent le JEX du TGI dans le ressort duquel est situé l’immeuble saisi.

Exception: si la saisie immobilière porte sur plusieurs immeubles se situant dans des ressorts différents, le JEX dans le ressort duquel est situé l’immeuble saisi où demeure le débiteur est compétent et à défaut, le JEX du ressort dans lequel est situé l’un quelconque des immeubles.

  1. C) La procédure devant le JEX

En droit commun, existent la procédure contentieuse et la procédure gracieuse. En procédure civile d’exécution, la procédure contentieuse a vocation à s’appliquer pour régler un litige relatif à l’exécution (1) tandis que la procédure gracieuse est utilisée généralement pour prévenir un dommage (2).

1) La procédure contentieuse

Outre la procédure contentieuse de droit commun (a) existe une procédure contentieuse spécifique réservée à l’huissier de justice rencontrant des difficultés d’exécution (b).

  1. a) La procédure ordinaire

Les règles régissant la procédure ordinaire (instance, décision, voies de recours contre les décisions rendues par le JEX) ont été modifiées par le décret du 18 déc. 1996.

a.1) L’instance

vIntroduction: la demande est présentée par assignation i.e. par un acte adressé par le demandeur qui invite, par l’intermédiaire d’un huissier de justice, le défendeur à comparaître devant le JEX.

La demande comprend à peine de nullité la reproduction des textes relatifs aux modalités de la défense devant le JEX (D92 Article 11 à 14 et 19).

En matière d’expulsion, la peut demande peut, à titre dérogatoire et facultatif, être présentée par lettre recommandée au greffe.

En cas d’urgence, le JEX peut autoriser une assignation à heure fixe voire même d’heure à heure y compris les jours fériés ou chômés, mais le juge doit laisser un délai suffisant entre la convocation et l’audience pour que la partie assignée ait le temps de préparer sa défense.

vJuge unique: en principe le JEX statue à juge unique mais

  • le renvoi à la juridiction collégiale est de droit si les parties le demande dans les 15 jours de la réception de l’avis qui leur est adressé par LRAR attribuant l’affaire à un juge unique.

  • le renvoi peut être décidé à tout moment par le Président du TGI ou son délégué soit sur demande du JEX (affaire compliquée) soit d’office.

vMinistère d’avocat non obligatoire: en principe le ministère d’avocat n’est pas obligatoire devant le JEX mais les parties peuvent toujours se faire assister ou représenter.

Exception: la représentation est obligatoire pour la saisie immobilière.

Les personnes pouvant représenter les parties sont limitativement énumérées (D92 Article 12): l’avocat, le conjoint, les parents ou alliés, des personnes appartenant à l’entreprise. Si le représentant n’est pas un avocat, il doit justifier d’un pouvoir spécial.

vProcédure orale: en principe, la procédure devant le JEX est une procédure orale mais les prétentions des parties peuvent être formulées par écrit notamment par une lettre adressée au JEX si l’adversaire en a eu connaissance avant l’audience (respect du contradictoire). Dans le cas d’une prétention par écrit, la partie n’est pas obligée de se présenter à l’audience, le juge rendu sera contradictoire. Toutefois, le JEX peut toujours ordonner que la partie se présente devant lui.

a.2) La décision du JEX

Notification: la décision rendue par le JEX est notifiée aux parties par le greffe par LRAR avec copie par lettre simple le même jour aux parties et à l’huissier.

Les parties peuvent toujours décider de faire signifier la décision.

Si les parties renoncent à ce que la décision leur soit notifiée, elle est alors réputée notifiée à la date de son prononcé.

Effets: la décision a force exécutoire dès sa notification. S’il s’agit d’une décision ordonnant la mainlevée (i.e. la fin) d’une saisie, elle entraîne dès son prononcé suspension des poursuites et suppression de l’indisponibilité mais le JEX n’est pas dessaisi du litige tant que l’exécution n’est pas terminée, il peut donc toujours se réserver la possibilité de vérifier l’exécution de sa décision en fixant une nouvelle audience où les parties lui rendront compte de l’exécution.

a.3) Les voies de recours

L’opposition est exclue car la décision du JEX est toujours susceptible d’appel dans un délai de 15 jours à compter de sa notification.

Exception: les décisions rendues par défaut peuvent faire l’objet d’une opposition puisque le décret du 18 déc. 1996 a abrogé D92 Article 27 excluant cette voie.

L’appel est formé dans les 15 jours de la notification, il est instruit et jugé selon la procédure avec représentation obligatoire devant la Cour d’appel.

Par dérogation au droit commun, l’appel n’a pas d’effet suspensif en matière de voie d’exécution.

Dérogation: un sursis à l’exécution peut être demandé au 1er Président de la CA s’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision rendue par le JEX. Toute demande abusive (dilatoire) peut être sanctionnée par des dommages et intérêts et une amende de 3.000 euros (depuis le 1er mars 2006). La Cour de cassation avait précisé que le 1er Président avait un pouvoir discrétionnaire qui ne l’obligeait pas à motiver sa décision lorsqu’il était saisi d’une telle demande, mais selon le décret de 1996 le 1er Président doit statuer non en s’attachant aux conséquences de la mesure mais au caractère sérieux du moyen et doit donc motiver en conséquence sa décision.

  1. b) La procédure spécifique de règlement des difficultés d’exécution

Une procédure spécifique est réservée exclusivement à l’huissier de justice se heurtant à une difficulté ou à un obstacle matériel qui vient entraver les opérations d’exécution. Les règles de la procédure ordinaire (cf. a) sont applicables sous réserve des dispositions spécifiques (D92 Article 34 à 37).

Le JEX est saisi par le dépôt d’une déclaration écrite de l’huissier accompagnée du titre exécutoire et d’un exposé de la difficulté qui a entravé l’exécution.

L’huissier doit mettre en cause les parties intéressées en les informant de la difficulté rencontrée ainsi que des lieu, jour et heure de l’audience au cours de laquelle la difficulté sera examinée par le JEX. Ces déclarations sont données soit verbalement avec consignation dans un PV soit par LRAR.

Les principes généraux applicables à la procédure sont rappelés aux parties (notamment s’agissant de la représentation), les parties sont aussi informées que la décision du juge pourra dans ce cas être rendue même en leur absence.

La décision du JEX relative à une difficulté d’exécution n’a pas autorité de la chose jugée au principal.

2) La procédure gracieuse

  1. a) Les cas d’ouverture de la procédure gracieuse

«Le JEX statue par ordonnance sur requête dans les cas spécifiés par la loi ou lorsque les circonstances exigent qu’une mesure urgente ne soit pas prise contradictoirement» (D92 Article 32 al.1) différentes situations:

  • pour autoriser le créancier qui n’a pas de titre exécutoire à pratiquer une mesure conservatoire sur les biens du débiteur

  • pour autoriser le créancier à pratiquer une saisie-vente lorsqu’il entend obtenir le recouvrement d’une créance non alimentaire inférieure à 535 euros dont le recouvrement s’avère impossible sur un compte bancaire.

  • pour autoriser l’huissier à pratiquer une saisie dans un local ne servant pas à l’habitation un dimanche ou un jour férié ou avant 6 heures du matin ou après 21 heures le soir.

  • en cas d’urgence

  • pour autoriser un huissier à accomplir un acte déterminé (ex: saisir les biens du débiteur entreposés dans le local d’habitation d’un tiers).

  1. b) La procédure

La procédure de droit commun des ordonnances sur requête s’applique devant le JEX: la requête est remise ou adressée au greffe par le requérant ou, s’il y a représentation, par son mandataire, elle peut donc émaner d’un avocat ou du requérant lui-même car la représentation n’est pas en principe obligatoire devant le JEX.

La requête doit être présentée en double exemplaire et motivée.

L’ordonnance rendue est provisoire et non contradictoire, elle doit être motivée. L’ordonnance est exécutoire à la seule vue de la minute (original de la décision).

  1. c) Les voies de recours

Le régime dépend de l’issue de la décision du JEX: 2 cas

En cas de rejet de la requête: seul l’appel de l’ordonnance de rejet est possible pour le requérant, dans les 15 jours de son prononcé sauf s’il est démontré que la minute de l’ordonnance n’a pas été remise au requérant ce jour là. L’appel est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse i.e. il doit être formé auprès du greffe du JEX qui a rendu l’ordonnance, l’appel formé directement devant la CA est irrecevable.

En cas d’accueil de la requête: l’ordonnance est portée à la connaissance du défendeur (qui n’était pas informé avant) et toute personne intéressée peut demander au JEX par déclaration au greffe ou LRAR de rétracter ou de modifier son ordonnance. Dès lors, le débat contradictoire est instauré (a posteriori) et au terme de cette procédure devenue contentieuse, le JEX peut rétracter ou confirmer son ordonnance. L’ordonnance pourra faire l’objet d’un appel puisque la procédure est redevenue contentieuse.

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