Les justifications de la violation du secret professionnel

La justification de la violation du secret professionnel

Le secret professionnel concerne une information de nature confidentielle, recueillie dans le cadre de la profession et qui ne doit pas être divulguée à un tiers.

Toute personne qui se rend coupable des faits énoncés à l’article 226-13 du Code pénal, c’est-à-dire d’une violation du secret professionnel, encourt une peine d’un an d’emprisonnement et une peine d’amende de 15 000 €.

L’infraction est réalisée dès la révélation de l’information et indépendamment de tout dommage pour l’intéressé. Le tribunal compétent pour connaître de ce délit est le tribunal correctionnel. Les poursuites peuvent avoir lieu dans le délai de trois ans à compter de la divulgation de l’information à un tiers.

Il existe néanmoins des dérogations au principe de non révélation de cette information.

Paragraphe 1 : L’ordre ou l’autorisation de la loi

Il existe de nombreuses obligations de déclaration spécialement depuis que notre droit positif s’est doté d’un arsenal de luttes contre la criminalité organisée et le blanchiment. Un certain nombre de professionnels se sont vus contraints de déclarer certaines informations et notamment des mouvements financiers anormaux à un organisme. L’article L 561-15 du code monétaire et financier prévoit cette obligation à l’égard de certains professionnels, les professionnels ne seront pas soumis dans le cadre de cette déclaration a l’obligation au secret, c’est ce que dit le texte. En revanche, dans d’autres hypothèses, un conflit va naître entre une obligation au secret d’un côté et des obligations de parler d’un autre côté, sans que le législateur n’ait donné une hiérarchie, sans qu’il ait tranché le conflit, le juge se retrouve face à des obligations contradictoires qu’il faut concilier. Trois hypothèses.

  • 1) La dénonciation, l’obligation de dénoncer confrontée à l’obligation au secret

La dénonciation c’est une question qui est difficile en France depuis la seconde guerre, cette idée est souvent associée à la collaboration, question sensible d’un point de vue politique. D’un point de vue technique, la question peut se poser au moins dans deux endroits. L’article 226-14 du Code pénal dispose que le secret professionnel n’est pas applicable dans trois cas. Le premier cas c’est la privation, les sévices, les atteintes ou des mutilations sexuelles de personne vulnérable, la révélation de ces faits n’est pas punissable. Il y a un deuxième cas, les violences physiques, sexuelles ou psychiques sur un majeur ou mineur. Et ensuite, les personnes dangereuses détenant une arme. Ce qui pose question c’est la formule employée par le législateur, il indique « le secret n’est pas applicable », cela veut dire que la poursuite est neutralisée mais cela n’indique pas concrètement quelle doit être l’attitude du professionnel, doit il révéler ou peut-il révéler. Si on lit le texte, il donne une liberté de dénoncer ou de ne pas dénoncer. C’est en ce sens que l’on interprété le texte de cet article, il donne une liberté de conscience au professionnel, s’il révèle, il n’est pas punissable, s’il ne révèle pas, l’article 226-14 n’étant pas un texte d’incrimination, il n’y a pas à priori à discuter ce choix de conscience du professionnel (cela sera nuancer plus bas). Cette idée que l’article 226-14 ne serait qu’un texte de permission de la loi est confirmée lorsque l’on examine d’autres obligations de dénoncer prévues par la loi pénale.

En effet, dans le livre 4 et aux articles 434-1 et 434-3 existent des obligations de dénonciation mais elles pénalement sanctionnées. Par exemple, l’article 434-1 dispose que le fait pour quiconque ayant connaissance d’un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, le fait de ne pas en informer les autorités judiciaires et administratives est punie. Sont exemptés des dispositions, les personnes qui sont tenues au secret professionnel. Une obligation de dénoncer un crime pèse sur les particuliers sauf les personnes tenues au secret. Il y a une obligation de dénoncer du professionnel que l’on pourrait fonder sur un texte général, lorsqu’un médecin constate des mutilations, des sévices, des atteintes corporelles, et qu’il s’abstient d’en informer les autorités, cette personne s’abstient de porter secours, la règle générale c’est la non-assistance à personne en danger, article 223-6. Ce texte lui ne prévoit pas l’exception des personnes tenues au secret professionnel. Si on admet que la poursuite est possible pour un médecin qui n’a pas révéler ce secret, cela permet de dire qu’il y a une obligation.

  • 2) Le témoignage d’une personne tenue au secret professionnel

C’est à la fois une question de procédure et une question de droit pénal spécial. En procédure, le témoin est une personne qui est citée pour être entendue dans une procédure, ce témoin selon l’article 109 du Code de procédure pénale est tenu à une triple obligation, il doit comparaître, prêter serment, et déposer. La question est de savoir si cette triple obligation s’applique à une personne tenue au secret. Lorsque l’on examine la jurisprudence, il apparaît qu’une distinction s’impose entre des personnes tenues au secret dit absolu et d’autres qui seraient tenues à un secret relatif. Pour le secret absolu, on trouverait le médecin, l’avocat, le notaire, voire le fonctionnaire de police. Ces personnes ne pourraient être contraintes de témoigner, ces personnes doivent comparaître, le secret n’exempte pas de l’obligation de comparaître, elles doivent prêter serment, en revanche, elles n’auraient pas l’obligation de déposer dès lors que les questions portent sur le secret. Cela ne serait pas le cas des personnes tenues à un secret relatif, les banquiers, les experts comptables, les agents de change, les éducateurs. On peut retrouver l’idée dans la loi, pour les banquiers, le code financier prévoit que les banquiers ne peuvent opposer le secret professionnel dans le cadre d’une procédure pénale, ils doivent fournir toute pièce et document qui seraient demandés par le juge pénal. Une catégorie est à part, c’est celle des journalistes, les journalistes ne sont pas tenus à un secret professionnel, ils ne sont pas concernés par l’article 226-13, mais le droit positif a consacré en plusieurs étapes le secret des sources, la 1ère étape fut d’introduire cela dans l’article 109 du Code de procédure pénale, tout journaliste entendu comme témoin est libre de ne pas révéler l’origine des informations. C’est une autorisation de la loi par rapport aux obligations du témoin, le journaliste n’est pas soumis à l’obligation de déposer quand la question porte sur l’identité des informateurs, loi de 2010, le secret des sources est à nouveau consacré.

  • 3) L’injonction judiciaire de produire une pièce qui est couverte par le secret professionnel

C’est important en pratique. On peut distinguer une injonction qui est pénale et une injonction civile.

  • L’injonction pénale

Un juge pénal (instruction ou jugement), la question peut être résolue par le législateur, le secret bancaire ne peut être opposé à l’autorité judiciaire agissant dans le cadre d’une procédure pénale, code monétaire. Dans les cas où le législateur n’a pas prévu, question des perquisitions, saisies qui seraient réalisées dans le cadre d’une enquête ou d’une instruction, saisies qui visent des documents soumis au secret professionnel : Crim., 8 juin 1966, la chambre criminelle affirme que le secret professionnel ne fait pas obstacle à ce qu’un juge d’instruction fasse procéder à la saisie de toutes les pièces dans lesquelles il est susceptible de trouver tous les éléments indispensables à la conduite de son information. Les prérogatives que ce magistrat tient de l’article 81 du Code de procédure pénale ne souffrant d’aucune restriction. Un juge d’instruction peut saisir les pièces échangées entre un avocat et son client lorsqu’elles sont de nature à établir la participation de l’avocat à une infraction.

Cette règle doit être conciliée avec le respect des droits de la défense, la saisie d’une pièce couverte par le secret souffre de tempéraments. Les articles 56 et 96 du Code de procédure pénale disposent que l’OPJ ou le juge d’instruction ont l’obligation de provoquer préalablement à la perquisition toute mesure utile pour que soit assurer le respect du secret professionnel et le respect des droits de la défense. Lorsqu’une perquisition est effectuée dans un cabinet médical, le médecin ne peut pas s’opposer à la perquisition, mais le tempérament, c’est que l’OPJ ou le juge d’instruction doit motiver l’utilité de la pièce au regard de l’enquête et il doit prendre des mesures permettant d’assurer la confidentialité de l’information notamment par la technique du scellé et en limitant l’accès des personnes à ces informations. Pour les avocats, il existe une disposition spécifique s’agissant des avocats, la perquisition ne peut être effectuée qu’en présence du bâtonnier qui va alors garantir que les éléments saisis sont nécessaires à l’enquête diligentée par le juge d’instruction.

  • L’injonction civile

Lorsque l’on raisonne sur l’injonction civile, c’est plus difficile, cette question est celle du juge civil qui va enjoindre soit la partie adverse, soit un tiers de produire une pièce couverte par le secret professionnel. Ce pouvoir d’injonction est un pouvoir que le juge tire du code de procédure civile et notamment de l’article 11 du Code de procédure civil. Cet article prévoit que le pouvoir d’injonction trouve sa limite dans l’existence d’un empêchement légitime. Parallèlement à cette règle, on a une règle supérieure, article 10 du code civil qui dit que chacun doit apporter son concours à la manifestation de la vérité sauf motif légitime. C’est la même logique. Le secret professionnel n’est-il pas cet empêchement légitime ou ce motif légitime, peut-il être opposé en tant que motif légitime à une injonction judiciaire ? Il faut distinguer suivant que l’on envisage la production forcée d’une pièce détenue par un tiers ou une partie.

  • Demande de production forcée d’une pièce secrète détenue par un tiers à la procédure : le pouvoir d’injonction judiciaire est neutralisé par cet empêchement légitime que constitue le secret professionnel. Cette position a été affirmée par la Cour de cassation à propos de trois types de secrets, le 1er secret c’est le secret de la confession : Civ., 2ème 19 mars 1989 : il est affirmé nul ne pouvant être contraint de produire en justice des documents relatifs à des faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et touchant à l’intimité des personnes, il ne sera être enjoint à une autorité religieuse de dévoiler des faits parvenus à sa connaissance en raison de la confiance qui lui avait été accordée. La même idée se retrouve lorsqu’on évoque le secret bancaire, article L. 511-33 du code monétaire et financier. Enfin, à propos du secret médical, le juge civil ne peut contraindre un établissement médical (arrêt du 7 décembre 2004) qui est tenu au secret professionnel à transmettre des informations tenues au secret sans l’accord de la personne ou de ses ayants droits. Lorsque la demande vise un tiers, les choses sont assez claires.
  • La demande de production forcée d’une pièce détenue par une partie : La question est moins clairement réglée. Lorsque la demande vise une partie, le secret bancaire ne peut être opposé à une demande de communication de document car cette demande est dirigée contre la banque non en sa qualité de confident mais en sa qualité de partie à un procès et que la demande émane des bénéficiaires du secret. Cette référence ne semble pas signifier qu’une partie ne puisse jamais invoquer un empêchement légitime. La véritable explication de cette décision c’est que le professionnel ne peut jamais opposer au bénéficiaire du secret un refus de divulgation, cette règle vaut que l’on soit dans un contexte procédural ou pas. En revanche, la jurisprudence ne dit pas que le banquier serait tenu de divulguer des informations couvertes par le secret et concernant d’autres clients.

Paragraphe 2 : Les causes de justification

Elles existent dans de nombreuses infractions. Au regard du secret professionnel, on peut distinguer selon que la révélation est effectuée par un professionnel pour se défendre ou selon que la révélation es effectuée par un non-professionnel pour se défendre.

  • 1) La révélation d’une information couverte par le secret par un professionnel pour sa défense

  • Le principe

Ce principe de défense se retrouve dès le XIXe siècle dans la jurisprudence de la Cour de Cassation, mais on le retrouve avec parcimonie car la Cour de Cassation dans une affaire qui concernait un médecin qui était accusé par des rumeurs d’avoir mal soigné un patient, ce médecin avait voulu se disculper en donnant des informations sur la manière dont il avait donné ce patient. Arrêt 15 décembre 1885: le seul intérêt du dépositaire du secret ne pouvait justifier une révélation. La chambre criminelle est d’abord réticente. Mais une distinction s’opère lorsque le dépositaire du secret est mis en cause dans une procédure civile ou pénale. Dans ce cas, on constate tout au long du XXe siècle un certain nombre de décisions qui admettent que le délit de violation du secret professionnel peut être justifié par un fait justificatif : les droits de la défense. Le fondement de cette défense est le droit au procès équitable. Le professionnel doit être mis en cause dans une procédure. Les droits de la défense peuvent justifier une révélation que l’on se situe en tant que demandeur ou défendeur à une action. Le terme de droits de la défense est alors ici ambigu. Un avocat est autorisé à dévoiler une partie de sa correspondance avec son client pour se disculper, que ce soit dans le cadre d’une action en responsabilité civile ou de l’action publique. On trouve aussi la possibilité pour un avocat de produire des pièces échangées avec un client pour justifier une demande d’honoraires.

  • Les conditions techniques de la défense justificative

On retrouve cette formule que la défense justificative est admise dès lors que la révélation est limitée à la stricte nécessité de la défense ; la révélation doit être limitée aux strictes exigences. On retrouve un principe de nécessité et de proportionnalité. L’office du juge sera de vérifier que la production de la pièce couverte par le secret est une mesure nécessaire et proportionnée à la protection des droits du demandeur ou défendeur, formule que l’on retrouve dans un arrêt du 24 avril 2007. Cet office du juge appartient aux juges du fond qui décident souverainement, mais la Cour de Cassation contrôle la motivation de ces juges du fond, donc la cassation est toujours possible. Il a été jugé que la violation du secret professionnel n’est pas rendue nécessaire par les droits de la défense dans le cas où un avocat qui réclame des honoraires à un client, cet avocat produit diverses lettres et attestations pour prouver ces honoraires qui n’étaient pas nécessaires. Avocat qui pour se défendre, entendait produire des pièces remises par son client et couvertes par le secret médical. Il y avait un double secret. 1ère Civ., 28 juin 2012: l’avocat ne peut pas produire de documents couverts par le secret médical sans l’accord de la personne concernée. On ne peut pas produire de pièces couvertes par le secret qui concerne un autre professionnel.

  • 2) La révélation par un non-professionnel

Pour être tenu au secret pro, il faut être un professionnel. Si l’on est face à un non-pro il manque un élément personnel à l’infraction, l’existence d’une personne dépositaire d’un secret. Quand un non pro produit une pièce couverte par un secret pro, il manque un élément constitutif. Imaginons dans le cadre d’un contentieux familial, certains membres de la famille disposent de documents médicaux qui permettraient d’attester l’altération des facultés mentales du défunt lors de la rédaction du testament. La production par ces membres de la famille n’est pas constitutive d’une violation du secret pro, car ces membres ne sont pas dépositaires d’un secret. On peut se demander si cette production de pièce est licite. D’un point de vue pénal, oui, mais existe-t-il d’autres règles pouvant faire obstacle à cette production ? La vie privée : on se retrouve à une confrontation entre les droits des membres de la famille de produire des pièces utiles à la démonstration de leur allégation, utiles à la preuve dont on pourrait trouver le fondement de l’article 6 de la CESDH et le droit au respect de la vie privée car il s’agit d’une information intime. Les chambres civiles et commerciales ont admis qu’une atteinte à la vie privée peut être justifiée par l’exigence de la protection d’autres intérêts et notamment les droits de la défense si elle reste proportionnée au regard des intérêts antinomiques. Chambre commerciale, 15 mai 2007, Civ. 1ère, 3 avril 2012. C’est le même critère employé : la nécessité et la proportionnalité de l’atteinte.