Kant et Smith, deux philosophes s’interrogent sur l’État : sa définition, son rôle…
- Smith
Adam Smith est un philosophe et économiste. A l’époque l’économie est une partie des investigations de la philosophie politique, les grands fondateurs de la philosophie politique ont toujours envisagé une économie globale liée à la politique. C’est pourquoi ce terme d’économie politique va devenir très important, puisqu’à partir de Montchrestien il y aura une tendance nouvelle, qui sera celle d’envisager le pouvoir dans une perspective économique. Adam Smith s’inscrit dans cette tradition. Pour de nombreux libéraux aujourd’hui il est le père du libéralisme. Smith a été un homme d’affaire, il n’a jamais pratiqué une activité lucrative, il a la grande chance d’être le témoin de la révolution industrielle d’Angleterre. Lorsqu’il va envisager la politique, la morale de son temps, il aura toujours à l’esprit ce mutations profondes qui impactent son temps.
Pour Smith, contrairement à ce que l’on pourrait penser aujourd’hui, l’activité de politiste et d’économiste sont intimement liés. Il sera l’auteur en 1759 de la Théorie des sentiments moraux, cet ouvrage va annoncer, préparer les bases de son évolution économique, puis en 1776 Recherche sur la nature et les cause de la richesse des nations.
Ce livre est une formidable synthèse des idées d’autres auteurs qui étaient présents avant. Smith va proposer une relecture économique des rapports entre Etat et société. Cette relecture n’est pas périphérique, elle est centrale. Pour Smith l’Etat doit prendre en compte des lois d’organisation naturelle du marché. Smith à l’origine est un passionné d’astronomie, et il avait aussi une forte admiration pour Newton, son premier ouvrage sera d’ailleurs un ouvrage d’astronomie. Smith aura comme projet d’adapter la gravitation newtonienne à la question sociale. Smith va concrétiser cette formule à travers une expression symbolique ; la « gravitation sociale ». Cette notion concerne les liens de sympathie, d’attirance et de répulsion qui anime les individus dans une société. C’est cette étude qui va donner naissance à la pensée libérale.
Son projet sera mis en place dans son premier ouvrage dans La Théorie des sentiments moraux, dans cet ouvrage Smith essaye d’élaborer un système politique, social et économique qui articulerait toutes les dimensions de la vie sociale. Ce principe commun est le principe de la sympathie. L’un des traits les plus importants pour Smith est de prendre en compte la recherche de satisfaction des intérêts qui existe en chaque Homme, et pour comprendre ces liens de sympathie dans la société, il faut observer. Le principe de sympathie devient dans son ouvrage, l’équivalent du lien de gravitation universelle pour Newton, et comme pour chez Newton il existe chez Smith des lois de gravitation naturelle et susceptible d’être universelle. La société fonctionnerait comme un grand organisme naturel. A partir de cette constatation il va se lancer dans une analyse plus économique que philosophique. Comment l’articulation des intérêts personnels peut-elle conduire à une société.
- Histoire et droit des États
- La liberté des mers face au droit maritime
- La naissance des frontières de l’État
- La Construction de l’État de droit Moderne
- La naissance de la notion d’État dans la Rome antique
- Les origines de la notion d’État
- Les pensées de Habermas et Hayek sur l’Etat
Il répond à cette question dans son deuxième ouvrage. Les intérêts personnels, l’appétit des égoïsmes particuliers et pour Smith ce jeu des égoïsmes serait borné par le jeu de la concurrence. Et la satisfaction de l’égoïsme ne serait pas complètement incompatible avec le bien de la société toute entière. Smith va considérer qu’il existe dans ces lois naturelles, une espèce de loi de la concurrence qu’il appelle « loi du marché » qui oriente toujours les intérêts dans la direction la plus favorable aux intérêts de la société toute entière. L’Etat ne doit pas intervenir « n’importe comment » sinon il va dérégler cet équilibre naturel. Du point de vue des échanges il existe une autre instance, qui serait le Marché. Le marché pourrait être à la fois le lieu de rencontre des intérêts particuliers et le gardien de la liberté de tous. Cette économie libérale fait écho à une autre pensée, c’est la pensée physiocratique. Les physiocrates sont des penseurs qui vont essayer de trouver des lois naturelles qui permettraient d’organiser la politique, parmi eux Mirabeau père, etc. Ces physiocrates s’inscrivent dans une démarche d’opposition par rapport aux thèses économiques des tenants de la liberté absolue, cette pensée apparait au XVIIIe siècle.
La place de l’Etat chez Smith est celle de l’Etat gendarme. Le premier devoir d’un souverain est de protéger la société contre la violence et l’invasion d’autres sociétés indépendantes. Livre 5 chapitre 1 et Livre 2 chapitre 1 également. Par ailleurs, le deuxième devoir qu’il assigne à l’Etat est celui de d’établir une administration et une justice. Le troisième devoir est que l’Etat doit jouer un rôle d’impulsion et d’investissement public, notamment en matière de transport. C’est un Etat qui va tenter de piloter la société en prenant pour références ces lois naturelles d’organisation sociale et économique et en assurant un certain nombre de fonctions minimales (défense, sécurité, justice et impulsion et investissement public). Cet Etat libéral va donner le modèle de beaucoup d’Etat au 19e siècle. De son temps, proposer ce genre de chose était proposer davantage d’Etat par rapport aux sociétés féodales, sortant de la féodalité, etc.
- Kant
La philosophie politique de Kant est difficile à situer, il y a trois grandes critiques chez Kant. Il va écrire que par « république » on entend un Etat en général. Kant reprend aussi les postulats et les bases de pensées de Hobbes, sur l’Etat de nature.
Chez Kant l’idée d’insociable sociabilité est au cœur de sa pensée. Pour Kant, ce sont les ravages des égoïsmes qui ont obligé les hommes à entrer en association, l’être humain a besoin d’être discipliné, c’est dans ce sens-là que Kant va réfléchir et il va reprendre l’idée de contrat social. Le contrat social est l’acte par lequel un peuple se constitue lui-même en Etat, c’est l’acte en vertu duquel tous les membres du peuple déposent leur liberté extérieur, pour la reprendre aussi tôt comme membre de la république.
Le thème de l’Histoire sera très présent chez Kant, avec la thématique récurrente de la perfectibilité, inspiré des Lumières. Kant va considérer que les progrès doivent conduire à la liberté et qu’il existerait sans doute une dynamique qu’il faut analyser du point de vue de la raison. Kant va introduire autour de l’Etat le thème de la paix.
Si les Etats vivent dans la paix, ils devraient être conduits à un processus qui doit les entrainer à s’associer. Kant va reprendre la théorie de Hobbes en transposant l’Etat de nature des individus aux Etats, Kant va parler d’un projet lointain qu’il veut réalisable, il veut transformer l’Etat de nature des Etats en Etat de paix en juridicialisant les rapports entre Etats. Dans ce thème on aura le thème du droit, c’est le droit qui doit permettre le passage à l’Etat de nature à l’Etat d’une société. Ce thème sera traité par Kant, autour d’une fédération des Etats. Cette pensée va associer l’idée que l’Etat ne peut exister sans le droit et que le droit doit conduire à la liberté. Comment penser une harmonie de tous les Etats ?
Kant propose des modalités juridiques d’association, de partenariats, qui permettent une vie pacifique des Etats. Quels sont les étapes ? Il faut que chaque Etat puisse se doter d’une constitution civique, ensuite il considère que le droit entre les Etats doit se construire sur la base d’Etats libres, ce droit cosmopolite doit se restreindre aux éléments les plus importants, les plus cruciaux pour garantir la paix. Kant va considérer qu’il sera nécessaire de reprendre certains idéaux des Lumières, cette étape va passer par la mise en pratique de la séparation des pouvoirs, etc.
Pour Kant si le peuple est associé au pouvoir ou s’il vit dans une forme réglé de pouvoir, le peuple ne voudra pas la guerre. Pour lui, c’est le régime despotique des rois qui a permis la prolifération des conflits entre les Etats. La républicanisation des Etats doit garantir la fin des souverains qui n’envisagent que leur propres intérêts et non pas l’intérêt de leur peuple. Lorsque cet Etat de paix sera arrivé, on pourra lors envisager des alliances entre les Etats. Kant va parler même de coexistence par le commerce et non plus par la guerre. Idée qu’il reprend de Montesquieu « le doux commerce entre les Etats », l’Etat dans cette optique, devient le garant du placement du droit au cœur.