L’accession mobilière et l’accession immobilière

L’accession mobilière et immobilière

Il ne faut pas confondre cela avec l’accessoire étudié en section 1. L’accession est la forme extrême de la combinaison des biens en ce que les liens qui s’établissent entre eux sont si forts qu’ils peuvent entraîner la disparition de l’individualité de certains de ces biens. A la lecture du Code civil, l’article 546 dispose que « La propriété d’une chose soit mobilière, soit immobilière, donne droit […] sur ce qui s’y unit accessoirement soit naturellement, soit artificiellement. Ce droit s’appelle « droit d’accession » ».

Deux ou plusieurs meubles vont se trouver, soit par la force de la nature soit par la main de l’homme, incorporés dans un autre meuble ou dans un immeuble. Dans le second cas on parlera d’accession immobilière, dans l’autre d’accession mobilière.

I- L’accession mobilière

L’accession est la réunion si étroite de plusieurs biens qu’ils fusionnent. Toute fabrication d’un bien complexe mobilier requiert la réunion par incorporation de plusieurs biens. Tantôt ces biens appartiennent au même propriétaire, tantôt ce n’est pas le cas.

Ce qui est commun à ces deux hypothèses est qu’il y aura toujours un seul bien issu de l’incorporation, ce qui entrainera la disparition de nombres de biens sinon de tous.

Dans certains cas, l’un des meubles est considéré comme le principal, les autres comme accessoires.

A- Un rapport de principal à accessoire

Le rassemblement de plusieurs meubles se fait dans un ordre matériel. Il y a un phénomène matériel, économique, fonctionnel. Des biens se trouvent en position seconde par rapport à un autre meuble (clou dans une planche par exemple). Dans ce cas là, la loi décide :

  • Le bien principal, en valeur ou en fonction, demeure. Il n’est pas éteint par l’opération et conserve son individualité ; son propriétaire en conserve donc sa propriété.
  • Le ou les meubles accessoires disparaissent comme biens autonomes, ils perdent leur individualité (le clou n’est plus un bien clou, mais fait partie d’un bien planche, planche cloutée). Cela entraîne donc nécessairement la disparition du droit de propriété dont ces biens étaient l’objet. Ces biens font partie du bien principal, ils rentrent dans l’assiette du droit de propriété du bien principal.

Le droit de propriété sur la chose principale s’enrichit d’un élément complémentaire, accessoire. Lorsque l’ensemble de ces biens rassemblés appartient au même propriétaire, cela ne pose pas de problème.

Dans le cas d’un menuisier qui veut acheter des clous pour réparer une armoire, imaginons que le vendeur de clou émet une clause de réserve de propriété et que le menuisier fasse faillite. La personne va vouloir récupérer ses clous. Mais par le mécanisme d’incorporation du meuble d’autrui dans un bien principal, la propriété initiale sur ce meuble disparaît et le propriétaire ne pourra plus faire valoir ses droits.

L’incorporation de la chose d’autrui emporte une expropriation par l’extinction de la propriété.

En droit romain on retenait l’inverse : action ad exhibiendum.

Que reste-t-il au propriétaire de la chose accessoire incorporée dans la chose principale d’autrui? Des dommages et intérêts. Il est des cas où la réunion de deux ou plusieurs meubles crée une chose nouvelle. Il s’agit d’un processus de création.

B- La création d’un bien nouveau

Lorsqu’on utilise une ou plusieurs choses mobilières pour en faire une nouvelle espèce, se pose le problème de la propriété de cette chose nouvelle.

La chose nouvelle va nécessairement faire l’objet d’un droit nouveau. Ce droit nouveau appartiendra en principe au propriétaire de la chose principale ou de la seule chose transformée (article 570 du Code civil)

Par exception, en vertu de l’article 571 du Code civil, une chose nouvelle sera attribuée non pas à celui qui a fourni la matière, mais à celui qui a fourni son travail ou son industrie : l’ouvrier (celui qui fait l’ouvrage : la chose nouvelle issue du travail). Cela se fera quand la valeur du travail, par rapport à la matière, sera considérablement supérieure à celle de la matière.

Les cas dans lesquels où les ouvriers font une chose nouvelle sont presque toujours créés par contrat, cela ne s’appliquera pas. Pratiquement ces textes n’ont donc pas réellement d’utilité.

Malgré tout, théoriquement, l’article 571 du Code civil est fondamental puisqu’il constitue l’un des seuls textes qui reconnaît au travail la qualité de source de propriété. [=> cf. articles 565 et suivants du code civil]

II- L’accession immobilière

Il y a accession immobilière chaque fois qu’un bien meuble ou plusieurs sont incorporés dans un immeuble. Plantation d’un arbre. Edification d’un bâtiment (cf. article 532 du code civil).

L’accession immobilière ne peut pas jouer entre deux immeubles. Quand on bouge la terre, il y a trois étapes : immeuble, mobilisation et immeuble. Quand une partie massive de terre va sur un autre terrain, la loi permet de reprendre cette partie pendant un an.

A- La propriété

Lorsqu’une personne plante ou construit sur un terrain, la loi pose un certains nombres de règles.

1- Principes

La loi pose une double présomption. Article 553 du code civil : «Toutes constructions, plantations et ouvrages sur un terrain ou dans l’intérieur sont présumés faits par le propriétaire à ses frais et lui appartenir». C’est à celui qui prétend renverser la présomption d’en apporter la preuve.

Il y a une règle traditionnelle selon laquelle face à un meuble, l’immeuble est toujours la partie principale. Le propriétaire du sol est propriétaire des constructions et des plantations sur ce sol.

En vertu de la présomption, et si elle n’est pas renversée, le propriétaire de l’immeuble s’enrichit de tous les éléments mobiliers incorporés. Il n’aura qu’à indemniser.

2- Exceptions

Si l’on démontre que ce n’est pas par le propriétaire ou que ce n’est pas par son travail ou par ses éléments matériaux qu’il a incorporés, le renversement de cette présomption ne suffit pas à empêcher l’expropriation. Il n’a qu’une conséquence sur une indemnité. On ne peut reprendre l’action romaine ab exhibiendum.

En revanche, il est possible de tenir en échec la deuxième présomption. Quand le propriétaire du terrain n’est pas propriétaire des constructions et des plantations ? Il ne l’est pas lorsqu’un tiers avait la maîtrise (un droit) des utilités de ce terrain, grâce auxquelles on incorpore ou on plante. Les titulaires d’un droit réel sur les utilités incorporantes vont être propriétaires des constructions et des plantations.

  • C’est le cas de l’usufruitier ou du superficiaire, ou de certains locataires qui disposent d’un droit réel (celui qui conclut, par exemple, un bail à construction, un bail à réhabilitation ou encore emphytéotique).
  • C’est aussi le cas de certains propriétaires d’un droit personnel. La jurisprudence estime en principe que le bail d’immeuble ne confère qu’un droit personnel. Lorsque le locataire d’un bail ordinaire a été autorisé à construire ou à planter, soit qu’il l’ait été expressément soit qu’il l’ait été tacitement, il est propriétaire de la construction ou de la plantation. Civ. 1re, 1er décembre 1964.

Ce n’est donc plus le propriétaire du sol qui est propriétaire des constructions ou des plantations, mais un tiers titulaire d’un droit sur le sol.

Cette propriété est spéciale puisqu’elle est temporaire, alors que la propriété est en principe perpétuelle (elle dure autant que dure la chose). Le terme de cette propriété est la fin du droit réel ou personnel sur le sol (autant que le bail en gros).

La Cour de cassation a considéré que dans la phase terminale il n’est plus possible de détruire l’objet de la propriété temporaire (genre : plantation d’un sapin. Destruction ensuite).

La cause de cette propriété est le droit de jouissance du sol. En droit français, la figure juridique de la propriété divisée est prohibée. Dans le droit féodal il existait une chose, plusieurs personnes possédaient des parties d’une chose.

L’accession est différée à la fin du droit réel ou du droit personnel.

B- L’indemnité

On a déjà vu la solution en matière d’accession mobilière (indemnités pour le clou).

  • L’existence d’un titre juridique pour le tiers constructeur : Il arrive le plus souvent que ce titre juridique prévoit qu’à la fin du temps de propriété temporaire, les constructions et les plantations reviendront au propriétaire du sol, sans indemnités (cf. par exemple l’article 599 al.2 du Code civil). Principe = Pas d’indemnités. Cette règle s’explique par l’idée que ces droits (réels ou personnels) ont une assez longue durée, et que pendant cette longue durée, soit aucune augmentation de loyer n’a été réclamée, soit le droit de propriété du tiers a pu l’amortir (il a pu louer le bien construit), soit le bien cédé en usufruit est donné en usufruit sans contrepartie monétaire (l’usufruit est « gratuit »), le manque à gagner est donc balancé. Dans certains régimes spéciaux, au contraire, la loi prévoit une indemnisation (toutes les constructions et plantations faites par un locataire agricole par exemple).
  • L’absence de titre juridique du constructeur :

o Celui dont le titre de propriétaire a été résolu ou annulé. Achat d’un immeuble. Jugement passé en force de chose jugée qui résout cette vente (par exemple le cas de la vente émanant d’une personne qui n’était pas propriétaire, ou vice du consentement) alors que le propriétaire avait initialement construit. L’annulation est rétroactive. Par conséquent le constructeur est réputé n’avoir jamais été propriétaire.

o Création d’un bien sans être propriétaire du terrain sur lequel on construit. On est ensuite évincé de ce droit de propriété (construction chez un voisin). Cela marche que l’on soit de bonne ou de mauvaise foi.

Se pose la question de l’indemnisation. L’article 555 du Code civil opère une distinction principale selon que le possesseur évincé (aussi bien celui qui a toujours possédé sans être propriétaire) ait été de bonne foi quand il possédait comme propriétaire en vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignorait les vices.

Il devra être indemnisé soit en fonction de la plus-value, soit en fonction des dépenses : Indemnité automatique en cas de bonne foi.

Dans le cas où il était de mauvaise foi (occupant sans droits ni titres, conscient de cela ; ou occupant en vertu d’un titre dont on connaît le vice) : ou bien le propriétaire du sol veut supprimer les constructions ou les plantations, et dans ce cas le possesseur de mauvaise foi n’aura droit à aucune indemnité et devra d’autre part régler le coût de la remise en état, ou bien le propriétaire dont le terrain a été enrichi ou agrémenté de constructions faites par un possesseur de mauvaise foi décide de les conserver. Dès lors, cette décision va permettre, au titre de l’indemnité d’assimiler le possesseur de mauvaise foi à un possesseur de bonne foi, il pourra donc prétendre aux mêmes indemnités que s’il avait été possesseur de bonne foi. On a alors recourt à l’augmentation objective de valeur, et non plus à la bonne ou à la mauvaise foi.